Chapitre 20 : Jamais seul
— Hey.
Lentement, les paupières de Lucretia s’ouvrirent sur le monde. Un goût amer amplissait sa bouche, et ses poumons la brûlèrent. C’était comme se réveiller après une trop longue sieste. Son corps était engourdi, son esprit brouillé ; elle était incapable de réfléchir.
Quelque chose toucha ses lèvres, et l’eau coula jusqu’au fond de sa gorge. Avide de plus, sa main toucha le verre et le pencha plus en avant.
— Oh, doucement.
On lui retira le liquide frais. Après plusieurs minutes d’essais, elle parvint enfin à discerner ce qui l’entourait. Sa chambre. Lucius.
Celui-ci lui souriait tendrement, assis à côté d’elle.
— Salut sœurette.
— Il s’est passé quoi là ? paniqua-t-elle.
La dernière chose dont elle se souvenait, c’était Victoire remettant la pierre au Seigneur des Ténèbres. Il avait parlé de récompense, d’élever sa famille dans la hiérarchie puis... puis plus rien. Le vide cosmique.
— Tu t’es évanouie.
— Quoi ?
Lucretia ne s’était jamais évanouie de sa vie. Jusque là, elle avait pensé qu’elle était assez forte pour tenir le coup. Pour elle, les gens qui tombaient dans les pommes étaient des êtres faibles. Ou peut-être qu’au final, c’étaient ceux qui restaient forts trop longtemps.
— Avec Evan, on était dans le couloir juste à côté. On a réussi à maintenir Bellatrix, afin que le Seigneur des Ténèbres te croit en possession de la pierre. On t’as entendue dire tes devinettes, puis Victoire est arrivée avec la copie de la pierre. Le Seigneur des Ténèbres a alors commencé son discours, puis il s’est arrêté net. Quand on a entendu Victoire crier ton nom, on a compris.
— Et après ?
— Père est arrivé, il t’a porté jusqu’à ta chambre.
— Et combien de temps j’ai... je suis restée endormie ?
— Toute la journée. Il est vingt-trois heures. Evan est resté à tes côtés tout le long, mais je l’ai forcé à partir il y a une heure.
Elle soupira. Toute une journée. À présent, ses yeux étaient grands ouverts ; elle n’était pas sûre de pouvoir dormir cette nuit.
— Ah, et il y a autre chose, fut Lucius d’une voix hésitante.
Un sourcil se releva.
— Le Seigneur des Ténèbres veut te voir. Il est dans le petit salon.
— Maintenant, là tout de suite ?
Son frère hocha la tête.
— Il est venu après le dîner en demandant si tu avais repris conscience, et il a dit qu’il attendrait.
Par Merlin. Soit elle allait se faire tuer, soit... soit elle n’en savait rien. Cet homme regorgeait de surprises.
Elle voulut se relever, mais Lucius l’en empêcha en posant une main sur son épaule.
— C’est trop tôt, tu viens de te réveiller.
— Et alors ? Le Seigneur des Ténèbres m’attends, je te signale.
Son visage se tordit en une grimace.
— Quoi ? C’est quoi le problème ?
— Rien.
Il se leva et sortit de la chambre en silence. Une explication n’aurait pas été de trop. Parfois, il agissait tellement bizarrement qu’elle ne savait plus quoi faire ou quoi dire. Autant lui devinait beaucoup de choses par intuition, autant elle avait besoin qu’on lui explique pour comprendre. Elle leva les yeux au ciel et se leva pour s’habiller. S’il devait lui dire quelque chose, il finirait pas aller la voir.
Dans le salon, toute sa famille était présente. Son père se dirigea dans sa direction et posa une main sur son épaule.
— Je suis fier de toi. Sache-le.
Elle eut besoin d’un peu de temps avant de digérer l’information. C’était tellement rare de l’entendre dire ça. Ses doigts ses tordirent devant elle, mais elle sourit et répondit :
— Merci, Père.
Il ne devrait pas. La pierre n’était pas la vraie. Elle ne méritait pas ces mots.
Peu importait.
Lucius la regarda passer avec une lueur singulière dans ses iris. On aurait dit qu’il était... jaloux. Serait-ce possible ? Elle activa la poignée de la porte et s’engouffra dans le petit salon. Un feu brûlait férocement dans l’âtre. L’obscurité posée dans la pièce se réfugiait dans les recoins, peureuse de cette source de lumière trop vive. Une figure était debout, juste devant. Sa voix ressemblait avait un arrière son de sifflement, comme si un serpent logeait dans sa poitrine.
— Je pensais que la jeunesse d’aujourd'hui allait s’opposer à mon ambition. Que des jeunes esprits allaient vouloir faire leurs propres choix, et non obéir aux exigences familiales.
Il laissa passer un silence.
— Mais j’ai eu tort. Toi et ton petit groupe m’avez montré le contraire. Vous m’avez donné la pierre pour donner une chance aux sang purs de gagner cette guerre.
S’il savait.
— C’est ce à quoi nous aspirons tous, répondit-elle. Nous devons reprendre ce qui nous revient : le pouvoir. Sans vous, tout est perdu.
Lucretia ne voyait pas entièrement son visage, mais elle aurait parié un sourire.
— Je n’ai jamais vu une sorcière aussi coriace que toi. Enfin si, il en existe bien une, mais c’est un cas particulier.
Bellatrix. Rien ni personne ne pourrait l’égaler, et surtout pas aux yeux du Seigneur des Ténèbres. Il se tourna dans sa direction, et Lucretia maintint son regard. Ses pupilles, dans l’obscurité, avaient pris la forme de deux fentes verticales. Un frisson parcourut son échine.
— Tu es douée. Et forte, cela va sans dire. Ton petit jeu en attendant l’arrivée de la pierre m’a impressionné. À ce que j’ai entendu dire, Bellatrix t’avais infligé deux Doloris juste avant.
Elle hocha la tête, la gorge nouée.
Il passa derrière le canapé et posa ses longs doigts anguleux dessus.
— Personne ne s’attendra à une aussi jeune combattante dans nos rangs.
Quelques minutes de silence lui furent nécessaire pour que l’information prenne sens. Sa peau devint aussi blanche qu’un mort. Il n’était pas sérieux.
— M... maître, je ne suis qu’en sixième année, et je ne suis pas sûre de...
— Justement. Dumbledore ne s’attendra pas à ce qu’un des miens infiltre si facilement le château.
— Et que voulez-vous que je fasse une fois là bas ?
— Soustraire des informations. Des missions simples ; avec un peu de discrétion, personne ne remarquera rien.
Elle ne voulait pas. Poudlard était pour elle un lieu hors de la guerre, hors de toutes ces querelles incessantes, un lieu de paix. Elle voulait encore profiter de ça. S’engager lui faisait peur. Elle ne pourrait plus se soustraire à rien, elle deviendrait prisonnière de son propre choix, à seulement seize ans. Que se passerait-il si elle échouait ? Que deviendrait-elle ?
— Je suis désolée, articula-t-elle, mais je pense refuser.
Il ne se mit pas en colère, comme elle s’y était attendue. C’était comme si, quelque part, il le savait.
— Je ne peux t’y obliger. Néanmoins, sache que cette proposition tiendra debout tout le temps que tu voudras. Une sorcière comme toi dans mes rangs me sera précieux.
— C’est un honneur, Maître. Soyez sûr que, après Poudlard, vous m’aurez à vos côtés.
Elle réalisa une courte révérence, ne sachant quoi faire d’autres, et prit congé. Toute la pression de cette entrevue s’échappa dans un soupir. Assis sur un fauteil, Lucius la fixait avec un regard plein de questions. Elle secoua la tête.
— J’ai refusé.
— Pourquoi ?
Sa voix était tranchante. Lucretia s’étonna d’une telle froideur. Ça ne lui ressemblait pas.
— Parce que j’ai seize ans, Lucius. J’aimerais profiter de la fin de mes études avant de m’engager dans quoi que ce soit.
— Ce n’est pas à tout le monde qu’il propose une telle chose, j’espère que tu le sais.
— Oui je le sais, mais c’est ma vie, j’aimerais prendre des choix sans être critiquée après.
— Je ne te critique pas.
— Si tu le fais. Alors, si tu es jaloux, va le voir et supplie le de te poser la marque, qu’on en finisse !
Il détourna la tête.
— J’espère qu’Evan ne me fera pas la même scène, parce que je vais mal le supporter.
Ses talons résonnèrent jusqu'à sa chambre. Là bas, elle s’assit sur son lit et enfouit son visage dans ses mains. Aurait-elle du accepter ? Non, c’était idiot. Elle était bien trop jeune. Elle aurait fait des erreurs, et l’aurait déçu. Dans un an et demi, elle serait prête.
Quelqu’un frappa à sa porte. Celle-ci était ouverte, aussi Lucretia releva-t-elle la tête. Abraxas se tenait dans l’encadrement de la porte, attendant sa réponse.
— Désolée. J’ai préféré attendre la fin des études.
Il hocha calmement la tête, tentant de cacher la déception sur son visage.
— Je comprends. Bonne nuit, Lucretia.
— Bonne nuit.
Son père referma la porte. La jeune fille s’allongea puis fixa le plafond. Elle ne douta plus de son choix. Elle avait fait ce qu’elle avait jugé bon de faire, sans se préoccuper de l’avis des autres. Pour son bien. Mieux valait ne pas précipiter les choses.
La porte se rouvrit sur Lucius. Il ne s’était même pas dérangé pour prévenir son entrée.
— Ferme la porte derrière toi, maugréa-t-elle.
Il obéit, puis s’avança vers son lit.
— Je suis désolé. J’ai mal réagis.
Auparavant, entendre Lucius s’excuser était chose improbable. Elle ne savait pas ce qui avait changé depuis, mais elle le préférait ainsi. Avec une grimace, elle se releva et se positionna à sa hauteur, les yeux plongés dans les siens.
— Je ne veux plus que tu sois jaloux.
— Tu sais pourquoi je le suis ? Parce que tu es meilleure que moi. Tu l’as toujours été.
— Arrête...
— C’est vrai.
Sans prévenir, il l’embrassa. Les mains de Lucretia s’emmélèrent dans ses cheveux, et ses yeux se fermèrent. Ses baisers étaient différents de ceux d’Evan. Plus puissants, plus désireux. Il la poussa en direction du mur et la plaqua contre. Lucretia laissa échapper un gémissement. Contre elle, elle sentit son membre durcir.
— On devrait arrêter là, murmura-t-elle.
— J’en ai aucune envie.
Elle non plus, pour dire la vérité.
Ses doigts défirent sa ceinture, et elle releva elle-même sa jupe. Lentement, il pénétra en elle, lui coupant le souffle. L’univers entier lui hurla que ce n’était pas normal, qu’ils devraient arrêter, maintenant tout de suite, mais elle emmerda l’univers. Personne ne le saurait. Ses hanches suivirent le mouvement. Elle enfouit son visage dans son épaule, comme leur acte s’apparentait plus à un câlin qu’autre chose. Son corps était coincé entre le mur et son frère, mais elle ne ressentait aucune envie de se libérer.
En fait, c’était comme s’il n’était pas son frère. Il était un garçon comme les autres, qu’elle aimait suffisamment pour se confondre en lui. Peut-être étaient-ils des désespérés de la vie qui s’identifiaient à l’autre par cet acte. Cette pensée la fit rire. Oui, c’était ça. Ils étaient des désespérés de la vie. Des désespérés incapables de se tenir à leur place, ayant toujours la nécessité de détruire les limites. Jusqu’où cela les conduiraient-ils ?
***
Le quai 9 3/4 grouillait de sorciers surexcités. Rabastan en poussa quelques uns de mauvaise humeur, grognant pour se frayer un chemin. Il s’engouffra dans le wagon des Serpentards et entra dans un compartiment vide. Une fois sa valise posée au-dessus de sa tête, il s’assit dans un soupir. La fenêtre lui renvoya son reflet ; il détourna la tête. Il n’aimait pas voir tous ces bleus qui maculaient sa peau. Il entendait de nouveau la voix grave de son père lui dire qu’il n’était pas digne d’être un Lestrange, il revoyait la déception dans les yeux de son frère. Mais surtout, les coups. Pas avec le poing, bien évidemment. Les sorts étaient bien pires. La force était plus grande, et personne n’avait à se fatiguer.
— Qu’est-ce que tu fais ?
Il n’eut pas besoin de tourner la tête pour savoir de qui il s’agissait. Victoire tenait sa valise dans une main, l’autre posée contre la porte coulissante.
— Je suppose que vous ne voulez plus me voir après ce que j’ai fait.
— Tu supposes mal. Certes, tu nous as trahis, mais tu t’es rangé de notre côté après.
Ça oui. Les bleus sur son visage et son dos en témoignaient.
— Viens.
— Non.
— Comment ça non ? Et tu peux me regarder quand je te parle ? Ça fait une semaine qu’on s’est pas vu.
Elle ne comprenait pas. Elle ne pouvait pas comprendre de toute manière. Tandis que la famille de Victoire avait du passer la semaine à la féliciter, la sienne l’avait passé en le frappant. Il ne voulait pas qu’elle le voit ainsi. C’était comme vouloir garder le peu de dignité qui lui restait.
— Rabastan, l’appela-t-elle d’une voix dure.
— Va rejoindre les autres, siffla-t-il. Laisse-moi.
Elle n’insista pas. Il aurait aimé, quelque part. Mais Victoire n’était pas aussi obstinée que Lucretia ou Avadys. Victoire faisait ce qu’on lui disait. Peu importe si son coeur s’en trouvait blessé.
Cinq minutes plus tard, Lucius frappa la porte toujours ouverte avec le plat de sa main, afin de manifester sa présence.
— Arrête tes conneries maintenant. On est pas des idiots de rancuniers, il est hors de question que tu passes le trajet seul.
— Dégage.
— Non.
Lucius était un autre cas. Il s’engouffra dans le compartiment et s’empara de sa valise, sans attendre l’autorisation du jeune homme. Énervé, il se leva pour lui faire face. De par la surprise, Lucius lâcha le bagage qui cogna le sol.
— Par Merlin, tu...
— Remets cette valise à sa place.
Ses yeux se posèrent sur tous ses hématomes, et Rabastan se sentit mourir de honte. Tout ce qu’il voulait, c’était être seul. Pourquoi avec des abrutis comme eux ne pouvait-il pas obtenir quelque chose d’aussi simple ? Lucius sembla lire dans ses pensées.
— Tu n’as pas à en avoir honte.
— C’est facile de dire ça quand on l’a jamais vécu.
— Mon père ne me frappait peut être pas, mais il m’infligeait d’autres punitions. Je sais ce qu’on peut ressentir dans ces moments là. Laisse-nous te changer les idées. Je te connais, seul, tu vas passer ton temps à remuer du noir.
— Fous moi la paix.
Il se rassit et tourna de nouveau la tête vers la fenêtre. Il n’y avait rien à voir, du moins rien d’intéressant, mais c’était mieux que de voir la pitié dans les yeux de ses amis.
Lucius replaça la valise à sa place et repartit. Si seulement il s’était contenté de ça. Aussitôt, Narcissa entra, suivie de Lucretia, Evan et tout le reste de la compagnie. Comment ne pas les haïr ?
Victoire fut celle qui s’assit à côté de lui. Quand il sentit sa jambe se coller à la sienne, un frisson le parcourut.
— Narcissa, tu as ta pommade ?
— Oui, attends.
— Pourquoi tu as une pommade ? demanda Lucius.
— Ce n’est pas pour moi, c’est pour Sirius. Mon cousin a beau être un insupportable, ça me faisait mal au cœur chaque fois que je le voyais embarquer avec des bleus sur le visage. Depuis, il sait que j’en ai, et il vient me voir quand il en a besoin.
— C’est mignon, railla Avadys.
Tout en tendant le produit à Victoire, elle dit à Rabastan :
— Pour beaucoup que tu te sentes seul, tu ne l’es pas.
— Tu veux qu’on aille dans un compartiment vide ? demanda Victoire à voix basse.
Il hocha la tête. Le contour de ses yeux le piquait ; il ne manquait plus que ça. Pleurer était pour les enfants. C’était ce que lui répétait Bellatrix pendant les repas, alors qu’il laissait couler les larmes. Elle avait été la plus gentille. Celle qui lui préparait les plats qu’il aimait, qui l’empêchait de craquer. Elle avait même arrêté Rodolphus quand il était allé trop loin. Cela pouvait bien surprendre, surtout connaissant la jeune femme, mais les gens gardaient souvent des surprises en eux.
Victoire attrapa sa main et l’entraîna dans un autre compartiment. Quand elle toucha sa peau pour appliquer la pommade, il sursauta et grimaça. Cependant, une fois appliquée, elle atténua la douleur lancinante de ses blessures. Puis elle posa sa tête sur son épaule et s’endormit.
Aucun mot n’avait été prononcé ; le silence avait parlé pour eux.
OK, dites moi ce que vous pensez de la relation Lucius-Lucretia, j’ai peur d’aller un peu trop loin (et à la fois je kiffe cette scène), j’ai besoin de votre avis T-T
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