Chapitre 17 : Faux espoirs
Narcissa et Avadys retournèrent voir les autres une demi-heure plus tard. Ils étaient tous en train de se goinfrer de chocolats. C’était comme s’il ne s’était rien passé, à part que Victoire était assise sur les genoux de Rabastan, les mains de celui-ci posées sur sa taille. Ok, ils étaient encore plus barges qu’elle ne se l’était imaginé.
— Est-ce qu’on vit dans le même univers au moins ? demanda-t-elle en reprenant sa place.
Victoire leva les yeux au ciel.
— Exagérée va.
— C’est toi qui es cinglée.
Lucius fixait avec insistance Narcissa, la mine grave. Avadys ne s’en était pas rendue compte avec l’obscurité de la chambre, mais à la lumière des lustres, ses yeux rougis en disaient long sur ce qu’elle avait pensé du délire.
— Beauté, tu veux pas parler deux minutes ?
Narcissa secoua la tête.
— Non, c’est bon.
— Désolée si on t’a choquée, rit Victoire.
— Arrête de te moquer, intervint Lucretia, plus sérieuse que jamais. Je te rappelle qu’elle a perdu sa virginité bien avant toi.
Lucius, borné comme il était, se leva et lui prit la main, l’enjoignant à le suivre. Elle céda et se laissa entraîner dans le couloir, loin des autres.
— Ça va ?
— Oui, oui, j’ai juste eu un petit moment de... enfin voilà quoi.
Il ne semblait en rien convaincu.
— C’est le baiser avec Lucretia qui t’a dérangé ou la scène de ces deux abrutis ?
— Tu as regardé, et avec plaisir, la scène de ces deux abrutis. Et pour Lucretia... je sais qu’il ne se passera rien entre vous. C’est ta sœur quand même.
Puis elle se souvint des romans qu’elle avait lu, ou des frères et sœurs entretenaient des rapports sexuels, et ses mots n’eurent plus aucun sens. Lucius remarqua son trouble. Lucius remarquait beaucoup de choses chez les gens, souvent des choses qu’ils tentaient de dissimuler.
— Je suis désolé. Je n’aurais pas du le faire.
Elle le savait sincère. Ses mots la rassurèrent. Toutefois, il restait quelque chose. Quelque chose dont elle voulait parler, pour être vraiment sûre.
— Est-ce que tu me trouves trop... trop ennuyante ?
— Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
Elle baissa la tête, honteuse de sa question. Touché, il lui releva le menton avec son index. Ses yeux gris plongèrent dans les siens, noirs comme les ailes du corbeau.
— Je t’aime pour ce que tu es. Si ce n’étais pas le cas, je n’aurais pas essayé de t’offrir trois fois des fleurs pour me faire pardonner.
Elle sourit à ce souvenirs. Le début de leur relation avait quelque peu été chaotique.
— Je t’aime moi aussi, murmura-t-elle. Tellement fort.
Dans l’obscurité du couloir, Lucius lui vola un baiser.
Quand ils revinrent parmi les autres, Narcissa eut le plaisir de voir Avadys avaler quelques sucreries. Leurs regards se croisèrent, et les deux sourirent.
— C’est l’heure des cadeaux ! s’exclama brusquement Lucretia.
Lucius remarqua avec horreur qu’elle avait bu à elle toute seule une bouteille et demi de champagne. Il s’étonnait de la voir encore debout. Toutefois, elle n’avait pas tort. Ils avaient même une demi heure de retard.
La salle à manger fut laissée à l’abandon, et tous s’installèrent sur les canapés, tout autour du sapin. Plusieurs cadeaux étaient disposés autour, mélangeant ceux que leurs parents leur avait donné avant le départ, et ceux entre amis. Chacun s’empara des siens. Bientôt, le papier cadeau recouvrait le sol entier, et tout le monde se mit à parler en meme temps.
— Le jour où ma tante arrêtera de m’offrir des livres sur la magie noire sera certainement le jour où on l’enterrera, soupira Narcissa.
— La pauvre, elle a de si bonnes attentions, commenta Lucretia en pouffant à moitié.
Lucius commença à le feuilleter, puis déclara qu’il le trouvait génial ; Narcissa lui en fit cadeau.
— J’en ai quinze des comme ça.
Avadys ne trouva aucun cadeau de son père, mais elle s’y attendait. Pour remplacer ce manque, Evan lui en avait offert trois. Un sourire brisa la tristesse de son expression. Sans lui, elle ne savait pas ce qu’elle serait devenue.
Elle eut également la surprise d’en trouver un de Luisa. Elle lui avait envoyé le sien par hibou plusieurs jours auparavant, un livre sur l’histoire de la Maison Serdaigle, mais elle ne s’était pas attendue à en recevoir un elle aussi. Elle découvrit, à l’intérieur d’une petite boîte, un pendentif avec une rose en argent. Un petit mot l’accompagnait : "Pour ma Serpentard préférée ; une petite rose, pour un énorme coeur". Elle faillit pleurer de joie. La rose faisait aussi référence à son nom de famille, elle le savait, et cela la touchait plus encore.
— Oh, Avadys ! l’appela Victoire.
— Oui ?
— Tiens, c’est pour Gros Con.
Elle lui tendit un petit paquet que Avadys ouvrit immédiatement. Il s’agissait d’un collier pour chat, avec le nom "Gros con" gravé en lettre argentée. Avadys éclata de rire.
— Qu’est-ce qu’à dit le bijoutier quand tu as dis le nom ?
— Il a cru que c’était une blague, mais j’ai su me montrer convaincante.
Ce chat marquerait peut être plus les esprits que quiconque dans leur vie.
Tous étaient très fatigués. Tous excepté Lucretia, bien entendu, qui avait l’air de vouloir faire trois fois le tour du domaine en maillot de bain. Evan la traîna de force jusqu’à leur chambre en ignorant ses cris de protestations. Lucius et Narcissa s’enfermèrent dans la leur, puis Rabastan s’engouffra dans la sienne, qu’il ne partageait avec personne. Il laissa Victoire le suivre puis ferma la porte derrière elle.
— Dis, fit-il sans préambule, qu’est-ce que voulait dire Lucretia tout à l’heure ?
— À propos de quoi ?
— Comme quoi Narcissa a perdu sa virginité bien avant toi.
Victoire garda le silence. Rabastan mit du temps, mais Rabastan comprit. Ses yeux s’écarquillèrent légèrement.
— Ne me dis pas que tu étais vierge ?
— Ça change quoi ?
— Mais ça change tout, merde !
— Je ne vois pas en quoi.
Il la regarda avec un air d’incompréhension.
— Ne me dis pas que c’était une manière de coucher pour la première fois avec un garçon.
— J’ai dis action, et tu m’as dit "couche avec moi". C’est ce que j’ai fait.
— Mais putain, Victoire, tu aurais pu dire que tu étais vierge !
— Devant tout le monde ?
— Oui, devant tout le monde ! On est peut-être des mecs, mais on sait que toutes les filles n’ont pas eu des rapports à 14 ans ! Et surtout pas chez des sang-purs !
— Peu importe, c’est fait, non ?
— S’il te plaît, je... va te coucher.
Il rouvrit la porte et lui indiqua la sortie. Victoire en eut les larmes aux yeux.
— Tu ne me proposes pas de dormir avec toi ?
— Non. Désolé.
Elle en prenait un coup. Un très gros coup. Et elle qui avait pensé que cela changerait les choses entre eux. À quoi c’était-elle attendue ? À ce qu’il lui déclare sa flamme juste après ? Quelle naïve.
— Tu sais, déclara-t-elle en passant devant lui, quand Lucretia m’a demandé de qui j’étais amoureuse... c’était toi. C’est toujours toi de toute manière.
La douleur se reflétait clairement dans ses iris sombres. Il secoua la tête.
— Trouve quelqu'un d’autres. Quelqu'un qui te mérite. Je te donnerai jamais ce que tu attendras de moi, j’en suis incapable. T’es vraiment une fille merveilleuse. Tu devrais pas souffrir autant.
Avant qu’elle n’ait pu répondre que c’était lui qu’elle voulait, il lui claqua la porte au nez.
***
Une pensée avait commencé à obséder Lucretia cette nuit là. Le lendemain matin, alors qu’elle se réveillait tranquillement contre Evan, dans leur lit double, cette pensée la terrifia. Elle essaya d’y faire abstraction, de se concentrer sur le contact de sa peau contre celle de son petit ami, du plaisir de passer les premières secondes de sa journée avec lui, mais cette pensée cognait toujours la porte de son cerveau, comme si elle se vexait d’être abandonnée.
Elle continua d’y songer lorsqu’ils descendirent pour déjeuner. Narcissa était déjà en train de manger une tarte à la mélasse, Rabastan buvait tranquillement son jus de citrouille et Victoire, à l’autre bout de la table, faisait tourner mollement sa cuillère dans son bol de céréales. Avadys devait encore dormir.
— Pas trop mal à la tête ? s’enquit la cadette Black en la voyant arriver.
— Non. Pourquoi, je devrais ?
Elle haussa les épaules.
— Avec tout le champagne que tu t’es bu hier, je suis étonnée de te voir de si bonne humeur.
— Ouais, mais je suis une fille qui tient le coup moi.
Elle lui adressa un clin d’œil puis demanda :
— Où est Lucius ?
— Dehors.
— Dehors ? Mais il gèle !
— Ça n’a pas l’air de le déranger.
Peut-être pensait-il à la même chose qu’elle. Dans ce cas là, elle devrait lui partager sa pensée. Cela lui permettrait de se libérer. Et de le libérer lui aussi.
Elle sortit par derrière et le découvrit assis sur les marches d’escaliers, l’air pensif. Au début, elle pensait que la fumée qui s’élevait de sa bouche était dû au froid, mais elle se rendit compte rapidement qu’il fumait. Une cigarette tenait entre ses doigts, lentement consumée par le feu.
— Hey.
Il tourna la tête.
— Hey.
Elle s’assit à côté de lui. Il faisait un froid de canard, mais des deux, elle était la seule à trembler. Bête comme elle était, elle avait oublié de prendre un manteau avant de sortir.
Lucius poussa un soupir et ôta sa veste pour la poser sur ses épaules. Lucretia murmura un faible "merci", puis fixa le vide face à elle. Tout le courage qu’elle avait eu quelques secondes auparavant s’envola. Il fallait le faire. Il fallait le dire. Elle en était capable.
— Est-ce que toi aussi tu penses à ce qui s’est passé hier soir ?
Silence. Son cœur était prêt à bondir hors de sa poitrine à tout moment.
— Je fais que ça, souffla-t-il finalement.
Le soulagement qu’elle ressentit fut le plus agréable qu’elle n'ait jamais senti. Par Merlin, lui aussi. Elle n’était pas la seule.
— On aurait pas dû, dit-elle. On... on a fait comme si on pouvait le faire alors que... alors que c’est contre nature. Tu es mon frère, merde.
— Ouais, lâcha-t-il en posant la cigarette entre ses lèvres.
Il inspira, puis expira calmement. Une fumée grise s’éleva au-dessus d’eux.
— Mais en attendant, on l’a fait. Et on y a pris du plaisir. Tous les deux.
La vérité était là. Ils devaient l’accepter. Accepter et tourner la page, oublier.
— C’est pas normal. On est pas normaux.
Il tourna la tête dans sa direction et la regarda avec tristesse. Des mèches blondes tombaient négligemment sur son front.
— On a jamais été normaux.
Elle soupira.
— J’aime Evan. De tout mon cœur. Et je...
— Eh, j’aime Narcissa aussi plus que tout au monde. On va tout oub...
— Non, ce n’est pas ce que je voulais dire.
Elle plongea son regard dans le sien. Il avait le même que le sien. Gris acier, dur comme de la pierre et à la fois doux comme du velours.
— Ça reste entre nous. Peu importe si on décide d’arrêter là, ou si on continue. Je sais que mon amour pour Evan ne changera pas. Ce n’est pas le même que j'ai pour toi.
Elle posa une main sur sa joue glacée.
— Peut-être que ce baiser était juste là pour nous dire qu’on ne peut pas vivre l’un sans l’autre.
Peut-être, oui. Et ce fut peut-être la raison pour laquelle Lucius recommença. Il approcha son visage du sien et confondit leurs lèvres. Le coeur de Lucretia chavira. Elle lui répondit par la même volonté, la même force. C’était idiot. Quelqu'un pourrait très bien les voir. Leur secret serait dévoilé à tout le monde.
Mais personne ne les vit. Et leur secret resta caché dans leur cœur.
— Je t’aime.
— Je t’aime aussi grand frère.
Elle le laissa finir sa cigarette et rentra dans la demeure. Peut-être qu’ils devaient être internés dans un hôpital psychiatrique pour cela. Certainement, même. Mais Lucretia jugeait inutile de se retenir. Elle aimait son frère, plus qu’elle ne devrait. Lutter contre ce sentiment deviendrait douloureux. Et puis, ils n’avaient rien fait de mal, non ?
Ils passèrent le reste de la journée à jouer à des jeux, manger des sucreries (encore, oui) et à raconter des anecdotes des professeurs de Poudlard, ou de leurs parents. Narcissa en avait des tonnes sur ses sœurs, et ses cousins. Sa famille était certainement celle sur qui ils avaient le plus rigolé.
Victoire interactuait avec tout le monde mais restait froide envers Rabastan. Elle ne lui adressait la parole que quand elle était obligée, osait à peine le regarder. Quand il s’en rendit compte, la tristesse l’emplit tout entier. Alors qu’ils étaient trois dans le salon (Avadys faisait sa sieste sur le fauteil), Victoire lisant tranquillement un livre, Rabastan s’assit à côté d’elle.
— Je ne veux pas que les choses changent entre nous.
Elle l’ignora. Ses yeux parcouraient toujours les lignes, et il se demanda un instant si elle lisait vraiment ou si elle faisait semblant. Agacé, il lui prit l’objet des mains et la força à le regarder en face.
— Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ?
— Que les choses restent comme elles étaient.
Elle eut un petit rire nerveux.
— On a couché devant tout le monde, je t’ai avoué mes sentiments, et toi, tout ce que tu veux, c’est que rien ne change.
— Je veux juste qu’on continue à se parler, à rigoler comme on le faisait ensemble, sans nécessairement mettre un mot sur notre relation.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Il passa une main dans ses cheveux.
— Écoute, je... je sais pas ce que je ressens, ok ? J’ai juste l’impression de ne rien ressentir, mais chaque fois que tu es hors de ma vue, je me demande si tu vas bien ou si tu as besoin de quelque chose. Tout ce que je veux, c’est passer du temps avec toi, sans devoir me dire "fais gaffe, ne fais pas ça parce que c’est juste une amie" ou "fais ça parce que c’est ta petite-amie". Tu comptes pour moi, c’est tout ce qui importe.
Un soupir s’échappa de sa bouche.
— Ok. Comme tu veux.
Elle lui reprit le livre des mains et se remit à lire. Il ne savait pas si son discours émotionnel avait été utile ou non. Sa réponse avait été très abstraite. Pour une fois qu’il parlait de sentiment, et bien. Il la laissa seule. En passant devant la salle à manger, il aperçut Evan en train d’essayer d’enfouir une fraise dans la bouche de Lucretia. La jeune fille était couchée sur la table et riait aux éclat. Il soupira. Chaque fois qu’il essayait d’être juste et rationnel, le monde lui crachait à la figure le contraire de ses décisions. Il s’imagina être à la place d’Evan, et Victoire à la place de Lucretia ; son cœur se serra. Et s’il avait fait le mauvais choix ?
Non, son père et son frère avaient été clairs. Son avenir était déjà tout tracé. Et il était hors de question que Victoire soit entraînée là dedans. Bellatrix était peut-être le genre de fille qui recherchait justement ça, mais pas Victoire. Il lui ferait du mal, par pur égoïsme. Tout cela parce qu’il avait trop peur de passer sa vie seul.
Et puis, il fallait se rendre à l’évidence. Rabastan n’était pas Evan, ni Lucius. L’amour ne le frappait pas de la même manière, en fait, rien ne le frappait. Un jour, il pensait quelque chose, puis le lendemain, il songeait que ce n’étaient que des conneries. Victoire n’échappait pas à la règle. Il avait peur que, si un jour il lui dévoilait ses sentiments, le lendemain, il se mette à regretter.
Et, de toutes les choses existantes dans ce monde, les regrets étaient les pires.
— Rabastan ?
Il fit volte-face. Victoire se tenait au milieu du couloir, les larmes débordantes.
— Je crois que j’ai besoin d’un câlin. Mais d’un énorme câlin, tu vois, celui où tu arrives presque plus à respirer.
Un sourire retroussa ses lèvres. Tant qu’il serait la personne vers laquelle Victoire se dirigerait en cas de besoin, il n’aurait pas à s’inquiéter.
— Ouais, bien sûr. Viens là.
La jeune fille enfouit son visage dans son épaule, étant plus petite que lui. Rabastan la serra contre lui le plus fort possible, comme elle le lui avait ordonné. Il entendit son sanglot s’étouffer contre son tee-shirt. Ses mains s’agrippèrent au tissu avec force.
Il songea à lui dire "je t’aime", puis il se ravisa. Au final, il y avait bien quelque chose de pire que les regrets. C’étaient les faux espoirs.
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