Chapitre 1 : Le troisième tiroir

Deux semaines plus tard.

Abraxas aimait ses enfants. Sincèrement. Certes, il ne le montrait pas souvent. Jamais même, mais cela n'enlevait rien au fait que la manifestation de leur présence dans ce manoir n'était pas désagréable.

Pourtant, aujourd'hui, il regrettait profondément avoir contribué à leur naissance. Mais très, très profondément.

- ECHEC ET MAT ! hurla Lucius en sautant presque de son fauteuil.

Pris d'un énième sursaut, Abraxas replia sèchement son journal et jeta un regard meurtrier sur les adolescents. Ceux-ci, trop absorbés par leur jeu d'échec version sorcier ne firent pas attention à lui.

- Quoi ? s'étrangla sa sœur. Attends, comment... ma dame a du bouger.

- Mais oui c'est ça, comme ça, toute seule.

- Oui, parce que... parce qu'elle veut le divorce avec le roi.

- Avoue-le, je t'ai gagné !

- PERSONNE ne me gagne aux échec. Personne.

- Avoue.

- Non.

- Avoue.

- Non.

- Av...

- Bon, ça suffit, trancha le père de famille d'un ton agacé.

Lucius et Lucretia semblèrent s'apercevoir de son existence pour la première fois. Ils relevèrent tous deux la tête, surpris d'être interrompus dans leur énième bataille de "oui non" répétitifs. Tout ce que voulait Abraxas était lire tranquillement dans son salon. La veille, il les avait déjà laissé se battre pour une place dans le fauteuil de leur mère, celle ci ayant voulu bien faire en leur concédant ce siège si prisé, mais aujourd'hui, c'était de trop. Être interrompu dans sa lecture tous les cinq secondes et faire des sursauts monumentaux quand il parvenait à être concentré plus de trente était une situation qu'il n'arrivait plus à supporter. De sa baguette, il fit donc léviter le plateau et l'envoya se ranger par lui même dans le petit salon, à quelques portes de là. Grâce à un "Accio" bien formulé, deux balais fusèrent dans l'air et atterrirent dans leur main, un pour chacun.

- Bien, maintenant, vous allez me faire le plaisir d'aller faire une partie de Quidditch dehors et de ne. Plus. Me. Déranger.

- Un Quidditch à deux ? demanda Lucretia d'un air suspicieux, en relevant un sourcil comme elle savait si bien le faire.

- Tu es attrapeuse de l'équipe de Serpentard, non ? Lucius est capitaine de l'équipe cette année, donc allez vous entraîner.

Un "et fichez moi la paix" avait failli franchir ses lèvres.
Lucretia soupira bruyamment mais ravala son mécontentement sous le regard sévère de son père. Même si la jeune fille était une râleuse professionnelle et une championne du cynisme, devant son père, elle faisait mine basse. Il était d'ailleurs le seul homme devant lequel elle se pliait. Son frère, Lucius, avait beau être son aîné d'un an, chaque occasion pour le provoquer était saisie.
Ce-dernier arborait un sourire victorieux, encore sur sa performance des échecs. C'était si bon de la gagner. Il devait avouer que sa sœur était très bonne à ce jeu. Il ne fallait quand même pas nier la vérité. Mais il adorait aussi la voir bouder quand elle foirait la partie. Et surtout ses excuses, ah ses excuses... de pures délices à entendre. Aussi, il se plia à la demande de son père et sortit dans le jardin, de bonne humeur.

Lucretia s'était déjà envolée sur son Nimbus 1970 la mine sombre, ne dégageant aucune envie de vivre après cette défaite honteuse. Un mouvement, il avait suffit d'un mouvement pour tout perdre. Lucius avait profité de sa seule et unique faille pour la renverser. Elle aurait bien voulu une revanche, mais son père en avait décidé autrement. Et à présent il les envoyait paître dans les jardins comme des enfants punis. Sa journée n'était décidément pas la sienne.

- Tu vas faire quoi ? lui hurla Lucius d'en bas.

- Me jeter de mon balais, lui répondit-elle sur un ton des plus sérieux possibles.

- Pas trop haut alors, hein !

Elle ne répondit rien, trop désespérée mentalement pour trouver la réplique parfaite. Pour ne pas ressasser sans cesse ses idées noires, elle décida de songer à la rentrée du lendemain, à l'école qui reprendrait et la routine ennuyante de Poudlard qui la saoulerait au bout de deux semaines. Pourtant, elle voulait profiter de cette dernière année avec son frère. Lucius était sur sa dernière ligne droite et allait devoir passer les Aspics. Elle avait toujours connu l'école des sorciers avec lui. Elle était restée à ses côtés lors de ses tous débuts, trop timide pour adresser la parole à quelqu'un de son âge. Ses parents n'étaient pas très "réceptions", "bals" et tout le tralalala que se farcissaient les autres sang pur, ce qui avait fait d'elle un être antisocial et inconnue de tous. Lucius était plus charismatique et confiant envers lui même ce qui l'avait conduit très vite à se faire des amis. Elle... on avait du la jeter dans son dortoir par la force pour qu'elle porte enfin son regard sur les filles qui occupaient sa chambre, et qui y demeuraient encore aujourd'hui. Depuis ce temps là, elle avait beaucoup changé bien sûr. Son frère aussi d'ailleurs. Il était devenu un abruti de première classe se pavanant fièrement avec son insigne de préfet en chef comme si cela faisait de lui le roi du monde. Lucretia suspectait Rosier de déteindre sur lui, ce Serpentard certes très beau - pourquoi nier la vérité - mais justement se sachant beau. Et quelqu'un de ce genre ne pouvait être qu'insupportable. Heureusement que sa sœur n'avait pas le même caractère. Enfin si un peu, mais leur cohabitation l'avait forcé à baisser la dose. Avadys Rosier restait la coquette balayant ses longs cheveux soyeux en arrière qui remplissait la moitié de sa valise de maquillage et soins de beauté. Evan devait certainement faire la même chose, mais il le dissimulait. Dommage qu'elle ne dormait pas dans la même chambre que lui, elle n'avait jamais su faire parler Lucius à ce propos.

Pour en revenir au fait, certes son frère était devenu un idiot, mais imaginer Poudlard sans lui lui faisait bizarre. D'autant plus que si elle avait sa place dans l'équipe de Quidditch, c'était grâce à lui. Dès qu'il avait été nommé capitaine deux années auparavant, il lui avait assuré une place au poste d'attrapeur. Il ne lui avait jamais montré réellement son amour fraternel, mais c'était dans ces genres d'attentions qu'elle voyait à quel point il était fier d'elle.

Faire des tours autour des arbres l'ennuya très vite. Lucius était affairé à cirer le manche de son balais, assis sur une des grandes marches d'escaliers. Elle descendit à terre et se dirigea dans sa direction d'un air blasé.

- Tu sais où est le vif d'or de Père ?

- Dans son bureau sûrement, répondit-t-il distraitement tout en observant la qualité de son travail.

- Tu crois que je peux le prendre ?

- Si t'as pas le droit tu le sauras vite, se contenta-t-il de répondre.

- Super, merci, grommela-t-elle.

En passant devant le salon, elle vit le concerné absorbé dans sa lecture, coupé entièrement du reste du monde par une simple couche de papier. Sa mère était partie prendre un thé avec des amies, aussi elle avait champ libre. Discrètement, elle monta à l'étage, traversa les longs couloirs sombres du Manoir et se glissa dans le bureau de son père, aussi furtivement qu'un voleur en pleine nuit. Et sans y mettre de l'humour, elle se sentait vraiment comme un voleur en pleine nuit. L'adrénaline fit battre son cœur à une vitesse folle. Quand le plancher grinça son son pied, une grimace affreuse lui tordit le visage. Puis elle se souvint de la distance séparant le bureau du salon et reprit une expression normale. Elle pourrait bien hurler que personne ne l'entendrait. L'avantage de vivre dans une grande demeure comme celle ci.

Tranquillisée sur ce point, elle se remit à marcher normalement et arriva à la hauteur du bureau. Ici commençait le problème.

Dans quel tiroir gardait-il le vif d'or ?

Le premier qu'elle tira fut le mauvais. Des plumes de différentes tailles s'alignaient les unes après les autres, rangées par hauteur et couleur. Elle qui représentait le bordel même, ces genre de choses lui faisait lever les yeux au ciel. Le deuxième tiroir non plus n'était pas le bon. Un gros tas de parchemins était déposé dedans : pas une feuille ne dépassait. Décidément, si on voulait connaître une personne, il fallait voir comment étaient organisés les tiroirs.

Vint le troisième. Celui ci se démarqua des autres par le rangement. Différentes pièces de velours étaient enfouies en boule là dedans, comme rapidement glissées sous une quelconque précipitation. Ou alors... ou alors c'était pour cacher quelque chose. Eh oui. À cette pensée, l'excitation lui fit imaginer des tas de choses. Une clef servant à ouvrir une chambre cachée ? Et si son père dissimulait un trésor, ou des reliques dangereuses de magie noire ? Lucretia adorait la magie noire. Après tout, qui chez les sang pur n'était pas intéressé pas cette branche de la Magie. À part Narcissa, mais Narcissa avait toujours été l'exception partout, jusqu'à se demander ce qu'elle faisait à Serpentard. Étudier cette magie ne faisait pas d'eux des gens mauvais comme s'accordaient à le croire ces stupides sang mêlés et les nés moldus. La Magie Noire n'était pas que mort, souffrance et torture. Elle englobait tellement de choses, allant de l'étude des esprits aux plantes hallucinatoires, parfois utiles pour soigner quelques dépressions mentales. En effet, il y avait aussi une partie beaucoup plus sombre, mais rares étaient ceux qui se plongeaient là dedans, et Lucretia n'avait aucune envie de tenter l'expérience.

Le désir de savoir ce que cachait son père la tiraillait. C'était mal. Très mal même. Elle aurait dû fermer ce tiroir depuis longtemps et être ressortie avec le vif d'or dans la main. Pourtant, si elle n'allait pas plus loin, elle allait le regretter. Peut être que si elle allait plus loin, elle allait aussi le regretter, mais cela restait encore à voir.

Alors elle ôta les morceaux de velours délicatement et découvrit alors avec émerveillement le trésor qu'il cachait.

Heureusement qu'elle avait lu un mois auparavant Les secrets de l'Alchimie Moderne. Le dessin qu'elle avait vu était si semblable, comme une copie parfaite.

Lucretia n'arrivait pas à y croire.

La pierre philosophale.

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