Chapitre 2

La brise fraiche caressant longuement ses joues et ses cheveux qui se ramenaient vers l'arrière à cause du vent; c'était sûrement l'une des sensations qu'Atsushi préférait. Un sourire discret élargissait ses lèvres depuis qu'il était sorti dehors et rien que de songer au fait que son avenir pouvait être ravissant le rendait heureux. Même s'il était déprimé, le blanc restait un être humain comme les autres et était capable de se sentir bien, lui aussi. Néanmoins, son air mélancolique habituel ne s'effaçait pas et son visage restait encore un peu assombri. Une aura  misérable se dégageait de lui.

La rivière qu'il avait aperçut la veille n'avait pas bougé, toujours aussi calme et reposante. Le garçon l'aurait admiré toute la nuit s'il le pouvait, mais malheureusement, le temps lui était compté. Après tout, six heures approchait à grand pas. "Déjà ?" pensa t'il tristement. Il se décida alors à passer ses dernières minutes à contempler le paysage magnifique que lui offrait Yokohama. Il passa sa mèche la plus longue derrière son oreille, comme pour dire au revoir, et s'apprêta à tourner le dos à cette remarquable vue emplie de noblesse et d'harmonie.

__ Oui, oui, je sais. Son anniversaire est après demain et je dois me dépêcher de terminer le tableau.

Une voix étonnamment grave vint perturber Atsushi, qui se retourna par conséquent. Ses yeux s'ouvrirent en grand : il fut plus que surprit de voir le garçon qu'il avait rencontré il y a peu marcher à quelques mètres de lui seulement. Il était habillé de la même manière, toujours enveloppé de cette atmosphère froide mais classe; et ses cheveux noirs aux bouts blancs mis-longs venaient se tortiller dans son cou langoureusement. Atsushi se sentait tout d'un coup très confus. Ses joues se tintèrent en rouge, pour une raison qu'il ignorait. L'homme ne semblait pas l'avoir remarqué et continuait son chemin tout aussi calmement, continuant la conversation avec la personne à l'autre bout du fil. Le téléphone coincé entre l'oreille et l'épaule, il essayait de mettre des gants noirs, sans vraiment y parvenir. Atsushi se demanda pourquoi, mais n'intervint pas, ne voulant pas prendre le risque de déranger cet individu si mystérieux qui ne le laissait pas indifférent.

__ Écoutez monsieur Mori, j'ai bien compris que vous êtes encore attaché à Dazai, mais cela fait quatre ans qu'il est décédé. Je ne pourrais pas faire ça indéfiniment. Il serait temps de passer à autre chose. Dit-il cordialement, tout en reprenant l'appareil en main après avoir gagné la lutte effroyable contre son ennemi non-vivant.

La phrase que le noiraud prononça figea Atsushi sur place. Les deux pieds encrés au sol, comme collés entre eux, il restait droit comme un piquet à dévisager le garçon par toutes formes d'expressions faciales. Il tendit la main vers lui, mais son vis à vis ne lui prêta pas la moindre attention et sa marche reposé n'eut pas l'once d'un changement. Les lèvres du blanc tremblaient et tentaient en vain de prononcer quelque chose, mais sa peur de communication lui clouait la bouche. D'un air affolé, Atsushi gigotait dans tout les sens, regardant derrière lui et à côté, comme si une solution miracle s'y présenterait. Il ravala sa salive et prit son courage à deux mains, noyant -avec difficulté tout de même- ses craintes dans la rivière qui jonchait les bordures du quartier.

Ses jambes se décidèrent à sortir de leur transe et il le rattrapa bien vite, lui criant de s'arrêter une fois qu'il fut assez prêt de lui. Le garçon aux cheveux bicolores se retourna, la figure toujours aussi impassible. Il éteignit son portable en soupirant et se mit complétement face au jeune homme qui l'avait interpelé sans plus de réflexion.

__ Oui ?

__ La personne dont tu parlais là, c'est bien de Dazai Osamu qu'il s'agit ? Demanda Atsushi d'une voix faiblarde, mais les yeux inondés d'espoir.

__ Ce sont des informations confidentielles. Puis savoir qui vous êtes ?

__ Je m'appelle Atsushi Nakajima... je suis un ami proche de Dazai, ou plutôt j'étais... se reprit-il amèrement.

__ Votre nom ne me dit rien, et puis je ne peux rien faire pour inconnu. Sur ce, au revoir.

Alors qu'il allait couper court à la conversation et partir, le blanc lui saisit le bras, cette fois des larmes berçant ses prunelles colorées. Il ne pouvait pas le laisser partir. Dazai était encore tout pour lui. Il devait savoir, au moins pour se débarrasser de ce lourd chagrin qui l'enlaçait depuis si longtemps maintenant. Son locuteur leva les yeux au ciel, et alors qu'il s'apprêtait à le repousser froidement Atsushi prit la parole, cette fois d'un ton bien plus assuré.

__ Vous avez parler à monsieur Mori n'est-ce-pas ? On se connait. Laissez moi lui parler, qu'on mette les choses au clair.

Il y eut un silence, puis le garçon sorti de sa poche son cellulaire. Il composa ce qui ressemblait à un numéro de téléphone, toujours sans un mot. La sonnerie retentit. L'homme tendit l'objet à Atsushi qui l'attrapa vivement et le porta à son oreille. Un certaine appréhension avait commencé à submerger son cœur, il appuya sur la touche "haut parleur".

__ Akutagawa ! Bon sang pourquoi tu m'as raccroché au nez ?

Alors son nom était Akutagawa... il leva un regard discret vers celui du concerné, le dévisagea, et pensa qu'il le portait plutôt bien. Il se racla la gorge rapidement et raconta d'un ton fluet la situation au quadragénaire au bout du fil.

__ Donc, pour résumer, tu es en train de me dire que tu étais un ami proche de Dazai et qu'à l'évocation de son nom dans ma discussion avec Akutagawa tu l'as interpelé pour me parler. C'est ça ?

__ Oui, c'est monsieur Odasaku qui vous a mentionné dans une conversation avant de mourir, lui aussi... Atsushi ferma les yeux, comme pour ne pas voir la réalité en face. Donc je vous connais de nom. Je ne sais pas s'il vous a aussi parlé de moi.

__ Ah mais si ! S'exclama t'il. Tu dois être ce petit gars maigrichon au cheveux blanc ! Donc tu es Atsushi...

Le blanc ne savait pas où il allait, mais il avançait. Désormais il était dans son objectif d'aller de l'avant : il refuserait de rester en retrait. Surtout après une telle opportunité pour changer les choses, pour le changer lui, pour soigner sa dépression en fin de compte. 

Lorsque son attention dévia sur le brun, qui devait attendre patiemment depuis dix bonnes minutes, il fut surprit de trouver l'une de sept merveilles du monde devant ses prunelles ébahies. Rien que sa présence en elle même était une œuvre d'art, mais la vision qu'il avait actuellement était tout bonnement sublime : l'Aphrodite moderne en personne. Des cheveux de jais qui s'emmêlent au vent, une main fine sur sa nuque tout aussi fragile, des yeux au longs cils noirs fixant subtilement le sol et un corps parfait. Grand, musclé mais sans dérapages, une taille assez fine pour qu'on puisse y enrouler ses bras et pour finir des jambes assez sensuelles pour en faire frémir plus d'un. Il était émerveillé et complétement décroché de sa discussion, quelque peu malheureuse, avec l'adulte.

__ Bref, je pense que ce n'est pas le bon endroit et surtout le bon moment pour parler. Que dirais-tu de nous rencontrer dans un endroit plus propice à la place ? Proposa t'il convivialement.

Mori le fit revenir à la réalité brutalement, mais sans plus de mauvaises intentions. Atsushi acquiesça et prit note du rendez vous mentalement. Après cela, il rendit l'appareil à Akutagawa qui le prit sans broncher et partit d'un air tout aussi impénétrable.

Voyant la beauté qu'il était s'éloigner de lui, Atsushi ne fit qu'une seule chose : espérer le rencontrer à nouveau.

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