Rebonjour... Ah, non - Partie 1

Stohess, Mur Sina, 17 juillet 850

« Et hop, une en moins ! » s'exclama Hansi en arrachant sans ménagement l'incisive d'un homme châtain, ligoté à une chaise. Il poussa un hurlement poignant ; du sang éclaboussa le tablier de la chef d'escouade. Son regard empli de haine lui perça le front.

Cela faisait trois heures qu'elle torturait l'individu, mais tout ce qu'elle en avait tiré jusque-là était des insultes. Il évitait chacune de ses questions pour l'accuser de tous les maux ; malgré cela, elle s'était jurée de ne pas arrêter sans avoir récupérer au moins une information.

« Quoi ? Tu veux toujours pas répondre ? Tu vas bientôt finir édenté ! » Un cri résonna dans la pièce voisine. « Et ton pote aussi, on dirait... Bon, il va falloir changer de méthode, hein ? » Elle attrapa une pince coupante avec enthousiasme et lui sectionna un doigt.

Il s'époumona de douleur. Toujours plus de larmes coulèrent sur ses joues. « Je répète, au cas où tu aies oublié : tu connais Marion Rovoff, hein ? Avec des lunettes rouges ? » Il serra les dents, et elle commença lentement à couper son auriculaire.

« Oui ! cria-t-il, à bout. Oui, je la connais !

— Ah oui ? s'empressa-t-elle de répondre d'un air très intéressé. D'où ?

— Pour ça, vous pouvez aller vous faire brosser !

— Nous faire brosser... »

Elle acheva son petit doigt et s'occupa du majeur, lui laissant trois petits moignons sanguinolents d'où dépassaient quelques lambeaux de chair et de muscle.

« Nous avions une mission ! pleura-t-il. Nous devions...

— Vous deviez ?

— L'enlever, lâcha-t-il difficilement.

— Pour l'emmener ?

— Bande d'enfoirés ! gueula-t-il brusquement. Vous ne saurez rien de plus !

— C'est pas moi, l'enfoirée, ici ! fulmina-t-elle. »

Elle trancha son index. L'autre beugla encore, et elle approcha dangereusement l'instrument de son œil.

« J'aimerais savoir, murmura-t-elle d'une voix sourde. Tu vois, c'était la seule avec qui j'ai pu discuter, Marion. Tu sais ce que ça coûte, de causer de titans de bouts de caillou sortis de nulle-part ? Même moi, j'en ai conscience, au fond. Alors, je lui en dois une belle. Mais pour ça... J'ai besoin de savoir où elle est, tu comprends, hein ?

— Elle n'est certainement pas récupérable à l'heure qu'il est... articula-t-il. »

Bouillonnante de rage, la femme lui planta violemment un couteau dans l'avant-bras. Il se tordit de douleur, les yeux presque exorbités. Elle ignora complètement sa réaction et sortit de la salle sombre, qu'elle ferma à double-tour.

Elle se retrouva dans un couloir souterrain éclairé de quelques torches. De la porte d'à côté lui parvinrent des cris déchirants, fruits des techniques de torture minutieuses de Livaï.

La veille, les chefs d'escouade du Bataillon et Erwin, accompagnés d'officiers des Brigades Spéciales, avaient mené une descente musclée dans la cité afin de récupérer les bonhommes. Il s'était avéré que la disparition de la jeune fille était en lien avec ces individus. Six s'étaient suicidés en les voyant arriver, et ces deux là n'en avaient pas eu le temps, ou le courage.

Est-ce que Mike devrait prendre la relève ? Elle était loin d'être fatiguée, mais un changement de personne devait pouvoir perturber leur otage. Et puis, ce type avait réussi, à sa grande surprise, à lui taper sur les nerfs.

« Pas récupérable », hein ? C'est quelque chose que je devrais signaler, ça. Au moment où elle partait vers les escaliers, le petit homme sortit de la pièce d'à côté, essuyant ses mains sur un chiffon. Il la remarqua alors ; son visage prit cette même expression faussement ennuyée dont il la gratifiait toujours.

« Qu'est-ce qu'il t'a dit ? demanda-t-elle.

— Il a babillé des conneries toutes plus débiles les unes que les autres, lâcha-t-il. J'ai quand même pu apprendre qu'elle se trouve quelque part dans le Centre. Si les Brigades avaient fait leur boulot, on en aurait eu la confirmation plus tôt, mais je suppose que c'est trop demander à ces gros tas.

— Dans le Centre... Elle n'est pas à Stohess, en tout cas. Des soldats fouillent Ehrmich, on le saura bientôt, je présume... »

Ils se dirigèrent vers une salle située dans le rez-de-chaussée du quartier général de la police militaire. Là discutaient Erwin et le chef d'escouade au grand nez. « Mike, ça te dérange de prendre la relève ? » Il partit en hochant la tête, impassible.

« Alors ? demanda le major.

— Elle serait dans Sina.

— C'était prévisible, je suppose.

— Le mien a dit qu'elle est dans un sale état, compléta Hansi en déglutissant. »

Il y eut un silence.

« Pas étonnant que ça soit arrivé, au vu de l'énergumène qui la gardait, lança Livaï, acerbe.

— Ce n'est pas n'importe-quel énergumène : c'est Naile Dork.

— Vous avez peut-être fait ami-ami lors de votre service militaire, mais ça ne change rien au fait qu'il a tout fait foirer. Elle aurait presque été plus en sécurité en plein milieu de Shiganshina.

— Ils se sont déjà fait blâmer. Les enfoncer un peu plus ne nous avancera à rien. Ce qu'il faut faire, c'est récupérer le plus d'informations possibles pour la retrouver avant qu'ils ne l'exploitent à leur propre fin.

— S'ils ne le font pas déjà. Qu'est-ce qu'il entend, pas « sale état », l'autre chien ? »

Elle haussa les épaules.

« Ils l'ont peut-être formatée, et forcée à travailler pour eux.

— Ou torturée, conjectura-t-il.

— Ça m'étonnerait, objecta Erwin. Ils doivent déjà avoir des espions au sein du Bataillon pour avoir envoyé un assassin au QG. Ils n'ont pas besoin de lui en soustraire.

— Donc elle est juste morte ? jeta-t-il sèchement.

— Ils n'auraient eu aucun intérêt à l'enlever, s'ils voulaient la tuer, fit remarquer Hansi. Quelque chose ne tourne pas rond. Ils en avaient besoin pour quelque chose. Pas nous demander une rançon, puisqu'on ne veut rien nous dire ; pas la tuer, ou alors après. La torturer serait inutile, comme l'a dit Erwin... Je ne vois pas d'autre chose que de la faire travailler. Ou de faire chanter ceux qui l'ont envoyée au sein de l'armée, puisqu'elle semble être convoitée des deux côtés... »

Ils se turent un instant, plongés dans leurs pensées. « Et puis, ce n'est pas étonnant qu'ils veulent nous l'ôter, au vu des découvertes qu'elle fait », ajouta-t-elle.

Dans les notes qu'elle avait laissées sous son oreiller, la jeune fille avait indiqué que le cristal d'Annie était un solide ionique appelé fluorine. Même Hansi n'avait jamais entendu parler de ces deux termes. Elle avait également mentionné de l'eau, et autre chose qu'ils n'avaient pas réussi à déchiffrer.

Ceci, ajouté au fait qu'elle ait trouvé leur position géographique en moins d'une semaine, démontrait qu'elle leur était précieuse. Il faut absolument la retrouver.

La soldate s'étira et se dirigea vers la porte. « Je vais faire un petit coucou à mon ami de la brigade anti-personnelle », annonça-t-elle. Elle descendit les marches et ouvrit la porte de la petite salle sombre.

Mike s'apprêtait à en sortir, les mains ensanglantées. « Suis-moi », lui dit-il alors qu'il retournait à l'étage d'au-dessus. Elle obtempéra, surprise, et ils retournèrent vers le major et le caporal-chef.

« Il m'a dit qu'elle était dans la cité de nulle-part où on tranchait les gorges », leur apprit-il. Ils le dévisagèrent, interdits.

« C'est quoi, une devinette ? lâcha le plus petit.

— La cité de nulle-part... murmura-t-elle, plongée dans ses pensées. Qu'est-ce que ça peut bien être... ?

— Tu as essayé de lui en faire dire plus ? questionna le blond.

— Il s'est évanoui. »

La cité de nulle-part... Ça me dit quelque chose... Les voix de ses collègues s'éloignèrent, emportées par un tourbillon de réflexions. Où on tranche les gorges... ? Ça doit être un lieu mal famé, alors. Dans Sina, un lieu mal famé...Au bout de quelques secondes, ses yeux s'écarquillèrent.

« Eh, la binoclarde. Tu trouves quelque chose ?

— Les Bas-fonds, souffla-t-elle. « Là où on tranche les gorges ». Dans Sina, il n'y a que les Bas-fonds.

— Donc elle est à Mitras ? »

Le visage de la chef d'escouade s'éclaira. « Nous n'avons pas une seconde à perdre », dit Erwin en se levant. « Hansi et Mike, je vous laisse vous occuper du mur Maria et de Reiner et Bertolt. Livaï, rassemble des soldats et organise une petite escapade pour la capitale. Je m'occupe de joindre les Brigades. » Ils prirent tous congé, laissant l'homme blond seul, plongé dans ses réflexions.

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