Chapitre 8 - Niall
Je pénètre seul dans la chambre, la boule au ventre et la gorge serrée. Le lit n'est pas assez grand pour instaurer une bonne distance de sécurité entre elle et moi.
J'aurais dû refuser de boire de l'alcool, ça va pas m'aider à me contenir.
J'ôte fébrilement mes affaires et les délaisse sur une chaise près d'une armoire imposante en bois, conservant mon t-shirt et mon boxer.
Si Nessie peut me porter chance et m'éviter de craquer...
Un cliché vieilli montre Ciara plus jeune, les cheveux bruns au carré, entourée de deux femmes. La joie émane de la photo. L'espièglerie transparaît chez sa grand-mère, qui n'en a rien perdu avec l'âge. Sa mère, très belle, les regarde avec tendresse. Le photographe a su saisir un instant magique qui me remue. La Ciara adolescente en pull large, baggy et Vans me trouble. J'adore son style de l'époque, cette facette d'elle qui ressort à travers l'image figée.
Cette fille, ce qu'elle dégage, me plaît beaucoup trop. Ça va au-delà du physique. Elle m'attire comme un aimant. Je suis grave dans la panade.
J'enlève les coussins décoratifs pour me glisser sous la couette. Pourquoi ai-je accepté de dormir ici ? Bagnole de merde... ou karma qui me donne un coup de pouce ? Skye n'arrête pas de me pousser à reprendre une vie normale au lieu de me planquer derrière de fausses excuses, tout ça parce que j'ai peur. Peur des autres, de leurs réflexions, de leur mépris, de leur propre peur face à moi. Peur de moi-même aussi, alors que je sais que je ne suis pas un danger pour mes partenaires. Que je ne mettrais pas Ciara en danger. Mais sa probable réaction m'effraie...
Les tableaux de paysages écossais sur les murs beiges accaparent mon attention et m'empêchent de dériver. Jusqu'à ce qu'elle débarque, vêtue d'un t-shirt ample Bambi et d'une culotte. Son haut lui recouvre à peine les hanches, dévoilant des jambes magnifiques. A dhia, je vais avoir du mal à calmer mes ardeurs.
J'aurais dû passer en revue les compagnies de taxi.
— Bambi, vraiment ? me moqué-je.
— Eh ben quoi ? Tu le trouves pas mignon ? En plus, son crâne est tout doux, tu veux toucher ?
Sa tête se penche, accompagnée d'une moue ravissante. Ses doigts pointent vers le dessin et son corps opère une pirouette. À quel moment a-t-elle décidé de troquer ses baskets pour les cuissardes et ses pulls larges pour des trucs aussi près du corps ?
Ce n'est pas Bambi que je trouve mignon, là, tout de suite... Et non, je ne le toucherai pas, vu l'emplacement de l'animal...
Elle se glisse sous le drap, un demi-sourire aux lèvres, puis s'assied en remontant les genoux contre son buste. Ses bras les entourent, son menton s'y pose, les carreaux de la housse de couette deviennent très intéressants.
— Désolée, je n'avais jamais vu ma grand-mère se comporter de la sorte. Elle désespère tellement de me voir seule qu'elle veut absolument me caser avec le premier venu.
— Je suis le premier venu, c'est ça ? rigolé-je.
— Dans cette maison, oui.
Ma salive stagne dans ma gorge et je peine à déglutir.
Respire, contrôle. Ne te jette pas sur elle, par pitié.
— T'as raté ta soirée par ma faute...
Ses dents mordant sa lèvre attisent la chaleur en moi.
Finalement, je vais peut-être mourir ce soir.
— Je n'ai rien raté qui vaille le coup de me lamenter. Juste une soirée de picole avec pour prétexte cette fête que les Irlandais nous ont volés.
— Mais n'importe quoi, pouffe-t-elle.
— Si, c'est vrai ! La Saint-Patrick appartient aux Écossais.
— T'es à peine chauvin, toi. Tu n'allais donc pas retrouver une quelconque petite amie ?
Sa question me laisse bouche bée. La voilà qui se renseigne comme si de rien n'était. Son air mutin la rend adorable, même avec ce haut ridicule qui lui va si bien.
Que tu meurs d'envie d'enlever. Tourne la tête et arrête de la mater, ça va mal finir.
— J'ai dit quelque chose qui fallait pas ? s'enquiert-elle.
— Non, non. J'ai personne dans ma vie, et c'est très bien ainsi.
Voilà, c'est bien ça.
— Déception amoureuse ?
— On va dire ça.
— Je t'imaginais pas pouvoir être peiné à cause d'une fille.
J'en reste pantois. Depuis quand les femmes ont le monopole de la tristesse ? Je m'attendais à mieux de la part de Ciara après avoir découvert sa lecture en cours. Serait-elle féministe et misandre ? Quoique, si c'était le cas, je ne me trouverais pas à quelques centimètres de son corps presque nu.
— Tu penses que tous les hommes sont des coureurs qui n'en ont rien à faire des sentiments que leurs conquêtes éprouvent ?
— Pardon, c'est pas ce que je voulais dire. Mais c'est cool de discuter avec toi, t'as un métier qui te fait côtoyer du monde et, on va pas le nier, t'es loin d'être moche. Tu plais même à ma grand-mère !
Eh ben non. Je fuis les relations.
Maintenant qu'elle me confirme que je suis à son goût, je dois tout faire pour ne pas craquer. Le coussin que j'attrape finit sa course sur elle. Détourner la conversation me semble urgent.
— Hé !
Un oreiller m'atterrit dessus. C'est mérité. Seulement, le second que je reçois déclare la guerre. Ce jeu dure quelques secondes qui s'étirent. Pourquoi faut-il que je me sente si bien à ses côtés ?
Comment je vais faire pour que ça ne dégénère pas ? Parce que là, clairement, le contrôle m'échappe.
Elle abandonne son arme pour changer d'angle d'attaque et me chatouiller le flanc. Avec cette bataille puérile et improvisée, je finis par me retrouver allongé sur elle pour l'empêcher de poursuivre sa torture. J'emprisonne d'une main ses poignets au-dessus de sa tête et me retiens de l'écraser en me maintenant sur mon avant-bras. Mes jambes le long des siennes l'immobilisent.
Nous nous jaugeons en silence. Mon cœur menace de sortir de sa cage tant il cogne fort, des tremblements intérieurs me secouent. Mon sexe se tend malgré les protestations de mon cerveau, mon corps transpire, mon souffle se tarit. Elle doit forcément sentir mon érection grandissante contre sa cuisse.
Sa respiration brûlante glisse sur ma bouche, je me fais violence pour ne pas m'emparer de la sienne. Une puissante décharge me traverse de part en part lorsqu'elle se mord de nouveau la lèvre, abattant un peu plus mes barrières.
Fais ou dis quelque chose, bon sang !
— Il serait temps de dormir, articulé-je avec difficulté. On a une voiture à faire redémarrer demain.
Je la libère avec cette excuse bidon et m'éloigne d'elle autant que l'espace dans ce lit me le permet. Les poutres au plafond m'apparaissent soudain captivantes.
— Niall, ça va ?
Elle se tourne vers moi, mutine, les lèvres légèrement étirées.
— Pourquoi ça n'irait pas ? marmonné-je.
— Je sais pas. Quelque chose te perturbe ?
Toi, mais je suis sûr que tu le sais...
— Je suis pas un homme facile.
Des claques se perdent. Si ma répartie est vraiment nulle, elle a le mérite de la faire rire. Son visage rayonne. La boule de chaleur qui s'est formée dans mon bas-ventre à la suite de ce contact rapproché explose.
A dhia ! Va dormir dans ce fichu canapé...
— Arrête de te foutre de moi. En plus, ta grand-mère va nous entendre.
— Sûrement. Je la soupçonne même de tendre l'oreille à l'affût d'un autre genre de bruit.
Imaginer l'aïeule nous espionner est totalement délirant. Mon trop-plein de salive a du mal à passer.
— Je te présente mes excuses d'avance, mais je ne lui ferai pas ce plaisir. Hors de question qu'elle m'écoute faire grimper sa petite-fille au septième ciel.
— Tu es bien présomptueux.
Tu veux une preuve ?
— J'y peux rien si elles crient toutes mon nom quand je les fais jouir.
Abruti.
Le Scotch me tourne la tête, mes âneries sortent bien trop vite. Son visage s'approche du mien, beaucoup trop près pour que je garde mon self-control. Ses lèvres ne sont plus qu'à quelques centimètres des miennes et son souffle, qui m'électrise, s'y échoue de nouveau. Son regard ardent pénètre au plus profond de moi, des flammes viennent consumer ma résistance.
En même temps, je l'ai cherchée. C'était quoi, cette sortie de merde ?
— Et si tu me montrais ça ? susurre-t-elle près de ma bouche.
Du sang-froid, Niall. Trouve un truc à rétorquer. Dis que tu as... mauvaise haleine.
Mon pouls pulse à un rythme effréné, résonnant dans mes tympans comme un batteur acharné sur sa grosse caisse. Mon cerveau ayant définitivement perdu le combat, je me laisse emporter par mon envie d'elle et l'embrasse. Des décharges grillent les quelques neurones de lucidité qu'il me restait. Mes bras s'emparent d'elle, nos jambes se mêlent, nos corps s'enlacent. Si elle avait encore un doute sur l'effet qu'elle me procure, il devrait s'envoler. Elle gémit dans mon étreinte. Je deviens fou, mes résolutions se sont fait la malle.
Trois ans que je ne me suis pas permis de toucher une femme ainsi. Mon esprit part en roue libre dans ce baiser et ce contact charnel, avec cette femme qui perturbe mes blocages. Près d'elle, je me sens plus vivant que jamais.
Nos bouches se découvrent et je me délecte de la douceur de ses lèvres. Ma langue rencontre la sienne. Notre ballet fiévreux s'amplifie quand ses mains effleurent mon torse. Sa paume descend vers mon sexe gorgé de tout le désir que j'ai pour elle. Une tempête se déclenche en moi, je vrille totalement. Mes doigts s'aventurent sous son t-shirt. Mes caresses sur sa peau veloutée et frémissante remontent avec une lenteur exquise vers ses seins. Lorsqu'elle frôle mon érection à travers mon boxer, ma respiration se bloque. Ma matière grise, pourtant privée d'oxygène, décide de refonctionner, au grand dam de ma queue qui s'affole.
Alerte rouge ! En plus, t'as rien pour la protéger.
À regret et au prix d'un énorme effort, j'attrape sa main qui s'enroule autour de mon pénis et m'écarte légèrement.
— Ciara... je... haleté-je.
J'inspire profondément pour reprendre d'une traite avant de changer d'avis.
— Ça me tue de te dire ça, mais je préfère ne pas aller plus loin.
— C'est une blague ?!
Mon corps en ébullition hurle au scandale, sa mine stupéfaite me déroute.
— J'aimerais bien, mais non.
— Pourquoi ? Un coup, on dirait que t'as envie de me sauter dessus, et après, tu fais marche arrière. Si je te plais pas, dis-le, se renfrogne-t-elle en reculant.
Dis-lui ! Ou balance n'importe quoi. Tu es gay, tu as fait vœu de chasteté – ce qui est presque vrai –, tu es attiré par les vieilles, c'est à cause d'Aïdan...
— Je suis pas prêt pour une relation sérieuse. Et tu n'es pas un coup d'un soir que j'ai envie de jeter le lendemain. Tu vaux beaucoup mieux que ça.
Pas mal. Et sincère.
— Donc, je te plais ? minaude-t-elle.
— Tu n'imagines pas à quel point.
— J'ai eu un léger aperçu.
— Aye... ahem... C'est compliqué. Pour moi. Pour le moment, je suis pas prêt.
— Je comprends, je crois. Bambi va être déçu, me taquine-t-elle.
Heureusement qu'elle le prend bien et qu'elle ne cherche pas à creuser. Avec un peu de chance, elle va même arrêter de m'aguicher.
Ou alors, elle va se faire un malin plaisir de me rendre chèvre.
— Dormons, ça vaut mieux, affirmé-je, sans conviction.
— Je ne sais pas si je vais réussir à m'endormir, j'ai une belle envie de toi, monsieur l'ours grognon. Tu pourrais au moins m'aider à l'assouvir, en guise de cadeau d'anniversaire.
Gagné, elle va chercher à me provoquer. Ne relève pas.
— Mais si tu vas dormir. Il suffit de fermer les yeux et le marchand de sable va passer.
— C'est pas de lui que j'ai besoin. Dommage, j'aurais aimé voir si tu allais me faire crier ton nom.
Respire, ça va aller.
Elle se tourne dos à moi et éteint la lumière.
— Tu veux bien me prends dans tes bras quand même ? demande-t-elle doucement.
Refuse ! Dis-lui une bonne fois pour toutes que t'es une PvVIH*. Ça va la refroidir direct, comme tous les gens qui l'apprennent et partent en courant.
Je me colle néanmoins à elle, ne pouvant résister. Ma main se pose sur son ventre, la sienne par-dessus. Mon cœur bat à tout rompre, j'éprouve des difficultés à contrôler ma respiration. À faire redescendre mon érection, aussi.
— Bonne nuit, Niall, murmure-t-elle en remuant.
— Il va falloir te tenir tranquille.
— Ou bien quoi ?
— Bonne nuit, Ciara.
Sa fragrance sucrée emplit mes poumons de son odeur caramel. C'est plus fort que moi, mes doigts tracent des cercles autour de son nombril. Son contact m'apaise autant qu'il malmène mes sens.
Espérons que je vais vite sombrer...
-
*PvVIH : personne vivant avec le VIH. Niall aurait pu dire « que tu es séropo », mais il aurait fallu ajouter « au VIH ». Être séropositif signifie avoir une sérologie positive à une maladie, donc on est séropositif quand on est malade de quelque chose, pas seulement quand on est infecté par le rétrovirus du VIH.
Merci à Nicolas du compte supersero_ pour les informations qu'il m'a données.
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