𝐗 | 𝐀𝐧𝐠𝐞𝐫

(Juste pour que vous sachiez que ce sont eux, comme les Onze Gardes n'utilisent que leurs véritables prénoms et puisqu'ils ne sortent pas à la surface.)

𝐄𝐯𝐚𝐧𝐠𝐞𝐥𝐨𝐬 𝐄̂ 𝐓𝐞𝐦𝐩𝐞́𝐥𝐞̂𝐳, 𝐩𝐫𝐞̂𝐜𝐡𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐏𝐚𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞 :



𝐋𝐞𝐯𝐢, 𝐩𝐫𝐞̂𝐜𝐡𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐥'𝐄𝐧𝐯𝐢𝐞
(Non, ce n'est pas Levi Ackerman, mais juste Levi, un prénom hébreu)






𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬, 𝐬𝐮𝐢𝐭𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐌𝐞̀𝐫𝐞
𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟏𝟒 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟏 𝐡𝐞𝐮𝐫𝐞𝐬

Splendide ne suffirait jamais à la décrire. Aucun qualificatif n'existait pour cet être parfait. Elle avait cette prestance des grandes dames d'autrefois. Cette peau blanche qu'elles arboraient fièrement, révélant leur sang noble.

Mais aucune d'elle n'aurait pu ne serait-ce que lui arriver à la cheville.

Il faudrait concevoir un corps voluptueux tout droit sorti des rêves de Michel-Ange, dont la beauté ferait pâlir Aphrodite de jalousie.

Imaginer une chevelure merveilleuse, couleur cuivrée chatoyante, comme celle des sirènes qui passaient le jour et la nuit à les brosser, les rendant plus brillantes que l'éclat solaire.

Deviner des yeux aux prises avec les ardeurs sauvages d'un volcan, où se renverraient tout le courage et l'assouvissement d'un règne total.

Et imaginer encore, jusqu'à atteindre la création la plus parfaite, la plus somptueuse.

Mais cette création serait bien fade en comparaison de ce qui se tenait devant elle. Il n'y avait pas assez d'adjectifs dans la langue des hommes pour la décrire.

Peut-être était-ce voulu.

Rien ni personne sur Terre ne pouvait égaler la Mère des Vampires.

Et rien ni personne ne l'équivaudrait.

Le Quatrième Garde, Evangelos Ê Tempélêz, était confortablement assis dans un vieux fauteuil en velours, tout près de la cheminée du grand salon de la suite de la Mère. Cette dernière s'agitait, ses traits divins – cet adjectif semblait désuet – étaient chiffonnés de mécontentement.

Quelques secondes plus tôt, elle venait de pousser un rugissement effroyable et beau, ayant ébranlé tous les souterrains.

« As-tu entendu ? », carillonna-t-elle.

Même la colère conférait à sa voix une mélodie agréable.

« Est-il sujet des propos de Krv ? demanda-t-il.

— Évidemment ! Ce petit impertinent ! Je vais lui faire passer le goût de m'insulter ! »

Sa voix, aussi douce que celle d'une jeune enfant tira un sourire à son garde personnel. Le contraste était comique. Visiblement, elle ne semblait pas partager ses pensées, car elle lui lança un regard noir – autant que pouvait se faire avec des yeux si merveilleux.

« Voyons, Mère, vous connaissez Krv. Il a aussi mauvais caractère que Bijes.

— Ce n'est absolument pas une raison ! Et prends garde à ce que tu dis ! Dois-je te rappeler que ton frère se promène au dehors toute la journée ? »

Evangelos fronça les sourcils. Avait-il un frère ? De très anciens souvenirs remontèrent, lui racontant une époque où un jeune garçon partageant la plupart de ses traits faciaux le suivait partout.

Ah oui, ce Vampire-là. Jan... Jung... Quelque chose. C'était donc son frère. Il l'avait presque oublié, diantre !

« Voudriez-vous que je l'exhorte dans notre ville, Mère ? », proposa-t-il, bien qu'il n'en ait pas la moindre envie.

Aucun désir de bouger de sa place.

Elle se figea, statue parfaite dans sa longue méridienne dans laquelle elle se tenait allongée. Son regard à la fois rouge sanglant et transcendant se tourna vers lui, fouillant dans ses prunelles onyx.

« N'émets pas de bêtises, Quatrième. Cela ne peut guère nous être bénéfique et tu en es instruit. »

Evangelos retint de justesse un énième soupir. Vraiment, pourquoi sa Mère s'inquiéterait-elle ? Elle n'avait aucun souci. Ce qui la gênait, ce qui la dérangeait, elle l'éliminait, tout simplement.

Si son « frère » n'entrait plus dans les règles, elle le tuerait, tout comme elle buvait le sang d'un humain. Et cela, même s'il était son Favori. Du moins, lorsqu'il était présent.

En bâillant, Evangelos laissa tomber sa tête sur l'accoudoir et jeta un regard à la jeune femme qui dormait paisiblement dans une méridienne semblable à celle de la Mère. Abigaïl l'Acedia avait succombé au « sommeil » quelques heures plus tôt.

En effet, les Vampires ne connaissaient pas la cataplexie, n'en ayant guère besoin. Leur énergie était infinie et ils n'éprouvaient pas la nécessité du « repos réparateur », mais il arrivait que certains se plongent dans un état de profonde réflexion. Ils se « réveillaient » par contact ou par envie.

Visiblement, Abigaïl ne désirait pas revenir. Il se demandait à quoi pouvait-elle bien réfléchir, lorsque la porte s'ouvrit brusquement.

Un homme.

Ou une montagne.

Taillé dans le roc, une peau pâle où ressortaient des veines bleutées, des yeux d'un bleu profonds et des cheveux blonds en bataille. Voilà ce qui caractérisait le maître de la glace et prêcheur de la Jalousie.


𝐋𝐞 𝐇𝐮𝐢𝐭𝐢𝐞̀𝐦𝐞 𝐆𝐚𝐫𝐝𝐞, 𝐇𝐢𝐬𝐚𝐞́ 𝐥'𝐇𝐚𝐧𝐧𝐲𝐚*

Ce fut d'un pas décidé qu'il entra dans la pièce pour s'emparer d'un fauteuil et le coller contre celui d'Evangelos. Il s'y assit et cessa de faire du bruit et de bouger.

« Que t'arrive-t-il, Huitième ? »

Hisaé leva ses yeux océan vers leur Mère et grimaça.

« Je n'aime guère que l'on s'approprie sa présence », déclara-t-il de sa voix rauque et basse, jaloux.

Bien évidemment, il parlait d'Evangelos. Celui-ci leva les yeux au ciel et s'apprêtait à se boucher les oreilles pour ne pas entendre le hurlement de rage de sa Mère, lorsque celle-ci éclata plutôt de rire, surprenant ses Gardes.

Une explosion de couleurs et de carillons. Un sourire béat étira leurs lèvres à ce son enchanteur, ballet fantastique aux airs de paradis. Ils n'étaient plus qu'émotion sur cette vague de bonheur et sentaient leurs cœurs renaître sous la mélopée magique de son rire.

Pour une obscure raison, elle n'était plus en colère.

« Tu as pourtant toute l'éternité pour profiter de sa présence, Huitième, carillonna-t-elle.

— Et vous vivrez toute votre immortalité aussi, Mère. Vous aurez tout le loisir de me l'occuper. »

De nouveau, ce rire fabuleux.

« Le Quatrième Garde, Evangelos Ê Tempélêz, occupé ? Il est l'incarnation même de l'oisiveté.

— Il y a quand même des activités auxquelles il se plie... », susurra le géant d'une voix de velours.

Evangelos sourit au sous-entendu de Hisaé, même s'il n'aimait pas que l'on entretienne une conversation sur sa personne alors qu'il était sous leur nez. Faisant fi de la Mère, il leur tourna le dos et se cala davantage dans son fauteuil.

Très peu élégant pour un Vampire, encore moins pour un Garde. Néanmoins, l'intervention du Huitième semblait avoir déridé leur Mère. Ainsi, elle éclata de rire, enchantant de nouveau leurs oreilles.

Ce fut à cet instant qu'Abigaïl l'Acedia sortit de son « sommeil ». Elle papillonna des yeux avant que son regard tombe sur Hisaé. Elle fonça les sourcils. Elle la sentait mal, cette affaire.

« Tiens, puisque la Dixième daigne enfin revenir parmi nous, commença la Mère. Je propose qu'elle aille me chercher le Premier. Je ne voudrais pas séparer mon Quatrième de mon Huitième », carillonna-t-elle, le ton plaisantin.

La Vampire bondit mollement et gracieusement sur ses pieds, juchée sur ses talons hauts et quitta la pièce. En passant devant Hisaé, elle découvrit les crocs en silence, l'accusant d'être celui qui la forçait à se lever. Il ne serait pas venu, Evangelos serait parti chercher le Premier et elle aurait pu paresser en toute quiétude.

Il ne fallut pas attendre longtemps pour qu'un visage aussi beau que celui d'un ange fasse irruption dans le grand salon de la suite de la Mère. Cheveux blonds et yeux bleus, sourire magnifique, lèvres vermillon pulpeuses, beauté séraphique, corps délié. 


𝐓𝐞𝐥 𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐥𝐞 𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫 𝐆𝐚𝐫𝐝𝐞, 𝐋𝐞𝐯𝐢 𝐥'𝐈𝐧𝐯𝐢𝐝𝐢𝐚, 𝐩𝐫𝐞̂𝐜𝐡𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐥'𝐄𝐧𝐯𝐢𝐞.

« M'avez-vous fait appeler, ma précieuse Mère ? », demanda-t-il de sa voix grave, témoin de son pays d'origine.

Elle lui offrit un sourire enchanteur, éblouissant son Premier Garde qui ne put s'empêcher de la contempler, émerveillé. Après quatre siècles à ses côtés, jamais il ne parvenait à s'habituer à la majesté aussi somptueuse qu'unique de sa souveraine.

« Je voudrais que tu ailles attester que notre précieuse jeune Vampire s'accoutume à sa nouvelle condition. Elle se trouve dans la salle d'entraînement, avec son compagnon.

— Oui, Mère, sourit Levi. Ils y sont effectivement, cela fait quelques heures que nous entendons toutes les fondations gémir. Elle a un coup de poing qui confond l'entendement. Mais bien entendu, j'irai vérifier de mes yeux.

— Bien. Ensuite, assure-toi que mon Élite est prête à partir et qu'ils ont bien saisi mes ordres. Instruis-toi de la date à laquelle ils pensent rentrer.

— Tout de suite, Mère. »

En une seule et unique enjambée, Levi avait quitté le grand salon et courait déjà dans les souterrains. La salle d'entraînement se trouvait à l'opposé de la suite de la Mère. Elle n'aimait pas le bruit, surtout celui purement inutile.

En y parvenant, il prit aussitôt connaissance de l'ampleur des dégâts. Les murs de l'alcôve ne semblaient tenir que par l'action du Saint-Esprit et le sol ne paraissait pas en meilleur état.

Dans un coin de la salle, une forme encapuchonnée était tapie, fouillant l'espace vide du regard. Même à cette distance, surtout parce qu'il était un Garde, Levi vit les yeux verts fantastiques posés sur lui, semblant délibérer sur le fait de l'attaquer ou non.

Il leva les mains en signe de résistance et la Vampire tapie bondit dans sa direction. Elle était dotée d'une vitesse surprenante, même s'il doutait qu'elle surpasse un jour le Vampire détenteur d'un corps électrique, le Favori.

La Vampire huma brièvement l'air afin de s'imprégner de son odeur et l'identifier. Elle ôta sa capuche avant de se redresser pleinement et de planter ses émeraudes dans les saphirs enchanteurs.

« Premier Garde. Je ne vous avais pas reconnu, dit-elle en s'inclinant.

Cela ne fait rien, jeune Vampire. Où est donc votre compagnon ? Je sens sa présence, mais je ne parviens guère à le voir.

Il se cache bien, vous ne trouvez pas ? », sourit-elle.

Une silhouette se détacha d'une tache d'ombre et vint les rejoindre. Hoseok passa un bras protecteur autour de la taille de Hazel avant de déposer un baiser aérien contre sa tempe, lui faisant lâcher un rire merveilleux qui fit s'exalter sa moitié.

« Y a-t-il un souci, Premier Garde ? demanda-t-il en se tournant vers lui, après avoir délicatement humé les cheveux lilas.

Pas le moins du monde, mon ami ! Je venais simplement prendre des nouvelles de notre nouveau-née.

Elle apprend très vite, avoua-t-il, fier.

Je n'en doute pas, vous avez un coup de poing fabuleux ! s'exclama-t-il envers Hazel.

Oui, paraît-il, rit-elle, ravie.

Bien ! Que diriez-vous si je vous raccompagne jusqu'à vos quartiers ? J'ai pour ordre de rencontrer l'Élite, j'ai un message de Mère à leur transmettre. »

Hazel voulut décliner, elle n'aspirait qu'à reprendre le combat où ils l'avaient laissé, mais la main de Hoseok se crispant doucement contre sa taille l'en dissuada. Et il eut bien raison.

Lorsque le Premier Garde, Levi l'Invidia désirait quelque chose, il valait mieux lui obéir sans discuter. Tel était le prêcheur de l'Envie.

Ils le suivirent en silence, pressés de rentrer dans leurs appartements. Évitant toute pensée compromettante, Hoseok passa devant eux pour laisser Hazel et Levi échanger un instant, à la demande de ce dernier.

Ce fut alors qu'au détour d'un corridor, un battement de cœur lui parvint.

Il pila net. 


Il connaissait ce son...




𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬, 𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐮𝐥𝐨𝐢𝐫
𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟏𝟒 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟏 𝐡 𝟓𝟎

Las. Épuisé. Son travail n'avait jamais été aussi éreintant. On n'avait pas idée de le faire courir dans tout Incheon pour rattraper des Vampires fugitifs.

Pourquoi l'Élite ne s'en était-elle pas occupée ? Trop simple pour elle, certainement.

Deux Vampires étrangers avaient débarqué à Incheon et avaient fait quatre victimes dans les quartiers Nord. Autant dire que Mère était de fort méchante humeur. « Ils étaient passés sans me saluer et extorquaient dans mon garde-manger », pour la citer.

Ainsi, Jackson* avait été dépêché sur le coup, étant né à Incheon malgré ses origines chinoises et habitué à cette ville, il connaissait ses habitants comme sa poche. S'approcher des deux intrus ne devrait pas poser problème.

Mais c'était des Vampires ! Pas de mignons petits chats !

Il grommela en se disant que cette fois, ce n'était pas passé loin. Tout cela parce qu'il était un Hybride ; mi-humain, mi-Vampire.

Sa Mère avait beaucoup de considération pour lui. Pourquoi son père ne l'avait-il pas laissé là où il était ? Il aurait encore préféré rester avec sa mère, dans leur petite ferme de province.

Fatalité, fatalité...

Il avait plus hérité du mort que de la vivante. Résultat : son père l'avait emmené à cette vieille folle et il exécutait tous ces petits boulots.

Facile ! Il avait une ombre ; il était en mesure de donc se mêler aux humains ! Mais par le Saint-Esprit, ce qu'il pouvait avoir soif lorsqu'il posait un pied au dehors !

Il tourna à l'angle d'un couloir, direction ses appartements. D'une oreille distraite, il constata que la nouvelle Vampire cessait enfin ses exercices. Un sourire cruel étira ses lèvres parfaites. Il espérait que sa Mère n'apprécierait pas de s'être rendue dans la salle d'entraînement ; elle y verrait un énorme tribut.

C'était épuisé par la réussite de sa mission – à savoir tuer deux intrus – et à la fois repu de son repas – une jeune vierge qu'il avait laissée se rendormir dans sa chambre – qu'il s'apprêtait à ouvrir sa porte.

Un battement de cœur, déficient, trop faible, lui parvint soudain.


Il bondit.




𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬, 𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐮𝐥𝐨𝐢𝐫
𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟏𝟒 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝐦𝐢𝐝𝐢

Jungkook détestait cela. Non, c'était plus profond. Ce qu'il était en train de faire était tellement abominable qu'il aurait préféré se percer les yeux plutôt que de supporter cette image.

La seule chose qui le retenait d'accomplir son geste était cette petite créature dans le creux de son bras. Il devait scruter chaque couloir s'il voulait qu'il survive.

Il ne pouvait pas tendre l'oreille davantage au risque d'amplifier la perception de ce son aussi chétif que le souffle d'un mourant, alors il utilisait ses yeux.

« Nous sommes bientôt arrivés ? murmura Taehyung d'une voix faible.

— Oui », murmura-t-il, au bord de l'effroi.

Si Jungkook n'avait pas été Vampire, il n'aurait jamais pu supporter cela. Il avait l'impression que ses jambes se dérobaient sous lui. Que ses dents claquaient en un bruit sinistre de peur, de froid, de culpabilité. Que des larmes bouillantes se battaient pour passer les limites de son inhumanité.

Où était donc son amie, cette Vampire blonde ? Qu'elle vienne soulager son mal ! Qu'elle aspire cette douleur insupportable et tant pis si elle en suffoquait, pourvu qu'il guérisse !

Jungkook n'en pouvait plus... Il s'opposait au fait de tendre l'oreille, refusait de baisser son regard sur cet être délicat et souffreteux qu'il aimait. Il répudiait de voir ce visage creux et ces cernes bleus qui ne feraient que le blesser davantage.

Tout était de sa faute ! Il avait bu son sang à deux reprises ! Il avait aggravé sa maladie et le tuait à petit feu !

Un rire douloureusement nerveux s'arracha de sa gorge sèche. Quel piètre menteur, il faisait... Il lui avait promis qu'il ne remplacerait jamais sa Mort ! Mensonge !

« Jungkook, ça ne va pas... ? murmura Taehyung, soudain inquiet par son agitation palpable.

— Si... Si, ça va », souffla-t-il de sa voix enchanteresse.

Non, ça n'allait pas ! Comment Taehyung était-il à même de rester si impassible devant sa propre Mort ? Et lui ! Comment avait-il pu accepter de l'emmener dans les souterrains ?

Il lui avait demandé de réaliser un vœu : son dernier souhait. Il aurait exaucé n'importe quel autre ! Pourquoi celui-ci ? Pourquoi ?

Enfin, ses appartements. Taehyung serait en sécurité, chez lui. Loin des oreilles indiscrètes.

Du moins, il l'espérait.

Il posa sa main sur la poignée. À cet instant, une masse s'abattit dans leur dos. Ils firent volte-face, tombant nez à nez avec son pire cauchemar.





𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬, 𝐝𝐞𝐯𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐩𝐩𝐚𝐫𝐭𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬 « 𝐊𝐚𝐮𝐬𝐞 »
𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟏𝟒 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟐 𝐡 𝟏𝟑

Taehyung avait supplié Jungkook pour qu'il l'emmène faire un tour dans Elveszett Vàros. Le noiraud s'était récrié maintes fois que ce n'était pas une promenade de santé ou un parc d'attractions, qu'il y avait de vrais Vampires, avec d'authentiques envies de siroter un petit cocktail de sang.

Ce à quoi Taehyung avait répliqué qu'il en réalisait sa dernière faveur, avant de mourir.

Aurait-il pu refuser ? Certainement pas. Il avait attaqué là où ça faisait mal.

Mais face au Vampire devant eux, Jungkook se sentit fléchir. Il faisait à présent front à sa propre race et il ne pouvait pas se défendre s'il devait protéger Taehyung. De plus, si sa Mère lui avait ordonné de tuer l'humain, il exécuterait son ordre sans discuter. Jungkook ne ferait pas le poids contre ses Soldats, aussi extraordinairement puissant qu'il fût.

Et plus personne ne protégera Taehyung.

Taehyung dont la respiration était saccadée et qui serrait sa chemise de toutes ses maigres forces, dans son dos.

L'homme face à eux ne ressemblait pas à un Vampire. Il avait le teint hâlé, des cheveux noirs ébouriffés dans une coiffure pas vraiment soignée, mais qui lui convenait parfaitement. Il était doté d'une carrure musclée, comme s'il avait passé toute son enfance dans les champs.

Néanmoins, aux plis soucieux de sa bouche, à son froncement de nez et à ses yeux d'un noir obscur, Taehyung devinait ce qu'il était. Et au vu des crocs pointus qui dépassaient légèrement ses lèvres lorsqu'il les ouvrit pour parler, il n'y avait plus aucun doute.

« Ce n'est pas un endroit pour une si petite créature, murmura-t-il d'une voix chantante.

— Dégage, gronda Jungkook en s'interposant, crocs à découvert.

— Je ne cherche pas la bagarre, se renfrogna l'inconnu. J'avais simplement entendu un bruit étrange et suis venu en attester la provenance.

— N'as-tu pas d'oreilles ? siffla Jungkook.

— Si. Et les Gardes aussi. Ils peuvent l'entendre à n'importe quel moment. Il ne devrait pas traîner ici.

— Fiche le camp, Jackon !

Jackson, gronda l'inconnu. Je m'appelle Jackson.

— C'est du pareil au même ! Je t'interdis de l'approcher !

— Tu serais tenu de baisser d'un ton », contra l'Hybride, la mine passant au flegme palpable à une froideur ambiante.

Jungkook feula si sourdement que Taehyung dut bander tous ses muscles pour ne pas pivoter et chercher le lion qui aurait pu émettre un tel son. Son lié ne semblait pas du tout content.

« Je vais me changer... commença Jackson.

— Qu'est-ce que j'en ai à faire ? gronda Jungkook.

— ... Avant de me rendre aux appartements de Mère », poursuivit-il.

Jungkook blêmit et recula d'un pas, entraînant avec lui Taehyung, le collant presque contre la porte de ses appartements.

Il allait rencontrer Mère ! Mais son esprit était d'ores et déjà truffé des images de Taehyung, elle allait les voir ! Il allait les condamner !

« Je te préviens, Jackason, susurra gravement Jungkook. Si tu oses ne serait-ce qu'effleurer l'idée de te perdre dans tes réflexions en pensant à lui devant Mère, tu succomberas de la Mort plus atroce que tu n'aies pu imaginer et que l'on n'ait jamais inventée !

— Il faudrait déjà que tu y survives, marmonna-t-il en faisant demi-tour après avoir grimacé au énième écorchage de son prénom. Et je m'appelle Jackson, bon sang. »

L'Hybride se fondit dans les ombres et devint rapidement invisible. Jungkook se redressa, huma l'air, puis se tourna vers Taehyung. Ses yeux d'un noir si profond brillaient encore de toute l'horreur qui y avait défilé.

« Vous ne vous êtes pas parlé par la pensée ? », s'étonna Taehyung.

Jungkook voulut hurler à se damner. Il venait de rencontrer un Vampire et c'était tout ce qu'il trouvait à dire ? Taehyung est totalement inconscient !

« Jackison est un Hybride. Il ne comprend pas quand on lui parle, à mon avis. Il doit y avoir un trou si profond dans son cerveau, qu'il n'est même pas tenu de s'y risquer lui-même, grogna-t-il.

— Il t'a dit qu'il s'appelle Jackson, contra Taehyung en se retenant de rire. Et comment ça, un Hybride ?

— Mi-humain, mi-Vampire. Il a une ombre, se comporte comme un humain, mais se nourrit de sang. Il est l'un des Favoris de Mère, quand bien même si elle le missionne toujours sur le terrain.

— Demi-Vampire ? souffla Taehyung, impressionné. Et votre Mère n'a rien fait contre ça ?

— Ce n'était pas à Incheon. Il vient d'un autre pays, je ne sais plus lequel. Et je m'en moque. Néanmoins, Mère n'aura aucun problème pour lire en lui et à apparaître ici, s'il pense à toi. Il a grand intérêt à ne pas s'y risquer ! Et à se taire, surtout ! »

Taehyung se renfrogna, étudiant amèrement qu'il avait bien perdu de sa vergogne. Et dire que quatre jours plus tôt, il envoyait carrément Jungkook sur les roses ! Il n'appréciait toujours pas que Jungkook s'interpose entre lui et le danger.

Néanmoins, il devait bien admettre qu'il n'avait plus de force physique. Il était devenu une vraie larve.

Et alors ? Il lui restait encore une semaine – au bas mot – à vivre ; il ne baisserait pas les bras maintenant. Il avait toujours une langue et elle était plutôt bien pendue. Il pouvait encore s'en servir.

Il aperçut Jungkook attraper la poignée de la porte lorsqu'un mouvement dans le couloir lui fit détourner le regard. Un Vampire approchait ! Il allait prévenir Jungkook quand la forme se matérialisa devant lui.

Taehyung se figea, son cœur se glaçant et son âme semblant s'échapper de son corps.

Impossible... Ce n'était pas... Non... Il...

« Hoseok !

– Taehyung ! »

Aussitôt, Jungkook bondit instinctivement devant son humain, le protégeant de son corps, mais il ne put rien faire pour Taehyung, car il se contorsionna si bien qu'il lui échappa et se dirigea à grands pas vers le nouveau venu. Il le retint juste à temps avec délicatesse, d'une main sur son épaule.

L'humain était toujours muet de stupeur. Ce n'était pas possible !

« Tu es... Tu es un Vampire... », souffla Taehyung, effaré.

L'ancien compagnon de sa meilleure amie acquiesça, l'air plus effrayé que surpris. Il connaissait Taehyung et il était renseigné sur son rapport avec les secrets et les mensonges. Il connaissait aussi sa manie de se protéger et de remettre la faute sur les autres. Il allait parler lorsque la voix cassante de Taehyung s'éleva.

« Comment as-tu pu faire ça à Hazel ? Sale monstre ! Tu as osé la toucher ! Comment as-tu été en mesure de le faire ! Vous l'avez souillée, toi et tes crocs infâmes ! C'est à cause de toi qu'elle est morte ! Sale monstre ! Tu as tué Hazel ! »

Hoseok, pétrifié, avait la désagréable impression que son cœur renaissait pour se jeter violemment contre son torse. Jamais les yeux bleus de Taehyung ne lui avaient été adressés avec autant de haine, de peur, de douleur.

Ses traits étaient crispés par la rage, il serrait les poings de toutes ses maigres forces, comme s'il s'empêchait de lui sauter dessus. Pourtant, Hoseok savait à quel point ce geste n'était plus à sa portée.

En à peine un mois, Taehyung était devenu rachitique. Si faible. Comme si la Mort de Hazel l'avait précipité vers la sienne.

« Tu passais tous les jours à la maison ! Et chaque fois, c'était pour voir comment j'allais ! Sale monstre ! Tu t'es bien foutu de ma gueule ! Tu as tué Hazel et après tu venais te rire de moi ! Je te hais ! Tu m'as trahi ! Je te jure que si je n'avais pas aussi mal, je te réduirais en poussière, tout Vampire que tu es !

— Taehyung... », murmura Jungkook, tentant de l'apaiser, malgré la blessure des mots qu'il lui avait indirectement adressés, tous aussi dégradants les uns que les autres.

Et réels...

« Toi, ne la ramène pas ! hurla Taehyung en se tournant vers lui. Tu étais au courant ! Tu savais que Hoseok était là et tu ne m'as rien dit !

— Je ne pouvais pas le savoir, Taehyung, tu ne me l'as jamais conté ! », rétorqua-t-il, sentant une injustice planer dans l'air.

Cela ne calma pas Taehyung pour autant. Ce sale menteur... Ce monstre ! Il avait tué sa Hazel ! Il n'aurait pas été là, à aucun moment elle aurait été percutée par ce taxi ! Ils seraient encore tous les deux à arpenter les rues de Busan, heureux à jamais...

Il ne serait pas tombé aussi malade. Il n'aurait aucunement rencontré Jungkook et... ce dernier ne risquerait jamais de se faire tuer par sa propre Mère...

Non ! Tout était la faute de ce type ! Il avait souillé Hazel !

« Écoute, Taehyung, commença Hoseok, la mine autant peinée qu'affolée.

— Je ne veux pas t'écouter ! Va-t'en ! Dégage !

— Taehyung, baisse d'un ton. Ils vont t'entendre », reprit Jungkook, agacé et blessé.

Surtout effrayé.

« Je n'en ai rien à faire ! Je veux qu'il s'en aille ! Qu'il aille se faire cramer, ce monstre !

— Elle était au courant », continua Hoseok, la mine meurtrie par les propos injustes de son meilleur ami.

Il savait que c'était sa peine qui éclatait enfin au grand jour, l'ayant réfrénée pendant plusieurs semaines. Puis l'action de se retrouver à Elveszett Vàros devait le bouleverser au point où il en perdait l'esprit, sans parler du fait que son ami se révélait à lui en tant qu'être surnaturel. Instinctivement, sa conscience lui dicta de leur vociférer des infamies non méritées afin de faire vivre et s'échapper cette douloureuse colère en lui qui pourrait le tuer s'il la réfrénait.

Et il n'allait pas se faire prier.

Prêt à répliquer, Taehyung hoqueta fiévreusement, les mots bloqués au fond de sa gorge. Au courant ? Comment ça... ? Et elle ne lui aurait rien dit ?

« Elle me l'aurait partagé, ne me mens pas !

— Je le lui ai interdit », murmura-t-il, le ton ferme, mais profondément peiné.

Sa voix mourut. Il avait... ce monstre avait sali sa Hazel. Il l'avait corrompue. Il avait changé sa meilleure amie, sa confidente ! Son âme sœur ! Il se prit la tête dans les mains en grognant sa frustration et même Jungkook ne put rien faire, hormis le contempler dans sa détresse quand bien même il désirait le porter et rentrer dans ses appartements afin de le blottir contre lui et apaiser sa souffrance.

En revanche, il savait que s'il faisait une telle chose, la colère de Taehyung redoublerait d'ardeur. Et il pourrait en mourir. Alors, il restait là, impuissant et l'âme déchirée de le voir embrasser sa peine de manière si brusque et si inattendue.

Des larmes dévalèrent les joues hâlées, les battements agonisants de son cœur se perdant dans la noirceur de sa peine...

Il se recroquevilla sur lui-même et se laissa glisser au sol, ses genoux heurtant le marbre immaculé luisant. Jungkook fit un bond afin de le soutenir, s'agenouillant à ses côtés, profondément tourmenté. Silencieusement et les yeux accusateurs teintés de chagrin plongés dans ceux de Hoseok saturés de remords, Taehyung pleurait. Il n'avait plus envie de crier, de hurler sa colère.

Il n'en avait plus la force.

Chaque goutte d'eau s'échappant de ses céruléennes le ramenait immanquablement à ce jour funeste. Ils l'avaient abandonné, laissé seul sur le seuil de la ville. Lui, cet homme qu'il avait cru son ami, avait osé se moquer de ce qu'il ressentait en venant lui rendre visite de manière régulière, agissant de façon tout à fait normale, sans éveiller les soupçons. Jouant un rôle.

« Pourquoi... ? », souffla Taehyung à l'adresse de son ami, la voix brisée.

Jungkook ne le quittait guère des yeux, les lèvres carmin serrées et les prunelles abyssales fébriles, scrutant chaque parcelle de peau de son humain.

Dieu, qu'il haïssait cette vue... Il sentait presque son cœur franchir les limites de son inhumanité et battre frénétiquement, se serrer de la pire des manières, compressé par la douleur qui flagellait actuellement son âme.

Il abominait son impuissance.

Il haïssait le fait que Taehyung soit aussi faible qu'une mésange en fin de vie et qu'il ne supportera aucune brusquerie.

Soudain, Hoseok bondit jusqu'à ce que Taehyung ressente ses doigts glacés sur ses joues humides. Il sursauta, surpris avant de sentir deux bras puissants le presser contre lui, sous les yeux plissés et attentifs de Jungkook qui serra la mâchoire, prenant sur lui.

Mais c'était sans compter sur la langue pendue de Taehyung qui, même s'il fut heureux de cette étreinte, sa colère et son chagrin occultaient son esprit. Il avait encore besoin de verbaliser ces terribles émotions qui avaient violemment ressurgi dès l'apparition de Hoseok dans sa véritable forme.

« Pourquoi ? Pourquoi tu m'as mis de côté, Hoseok ? Pourquoi tu m'as laissé dépérir, alors que... »

Une série de tremblements secoua le corps fragilisé de l'humain, se répercutant sur le corps de marbre de Hoseok qui sentit ses remords dévorer son âme sans répit.

« Tu crois que me serrer dans tes bras me rendra ma Hazel ? Lâche-moi... Ne me touche plus jamais... », grogna-t-il, sentant ses forces le quitter peu à peu, les larmes sillonnant ses joues creuses comme un fleuve, sans cesse.

Sur ses mots, Hoseok obtempéra avec regret, l'expression affligée. Il avait tenu à lui tendre une main, lui montrer qu'il s'en voulait et qu'il n'avait pas eu le choix de réaliser ce qu'il avait fait.

S'il avait su que Taehyung était accompagné de Jungkook, il aurait fini par lui révéler ce qu'il lui avait caché depuis tant d'années. Il lui aurait montré que leur moitié était bel et bien vivante.

Il ne l'aurait pas laissé dépérir dans son chagrin, inutilement.

Et le voilà déficient, si faible qu'il craignait qu'il se brise d'un instant à l'autre.

« Taehyung... », l'appela son Vampire.

Lentement, il se tourna vers Jungkook, plongeant ses prunelles inondées de tant d'émotions que c'en fut quasi indéchiffrable pour le Vampire dont l'éther se mit subitement à s'agiter sous l'agonie.

Les yeux verrouillés dans ceux de Jungkook, il se sentit partir dans les méandres de son âme.

Dans une semi-conscience, il perçut deux bras puissants l'entourer aussi rapidement que délicatement, lui évitant de heurter le sol.

Étrangement, le parfum enchanteur de son Vampire l'apaisa.

Blotti contre lui, il s'abandonna dans le labyrinthe qu'était devenu le jardin secret de sa conscience.




𝐸𝑡 𝑙𝑎 𝑑𝑒𝑟𝑛𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑐𝘩𝑜𝑠𝑒 𝑞𝑢'𝑖𝑙 𝑣𝑖𝑡 𝑓𝑢𝑡 𝑢𝑛 𝑡𝑎𝑡𝑜𝑢𝑎𝑔𝑒 𝑑'𝑢𝑛 𝑡𝑖𝑔𝑟𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑢𝑛𝑒 
 𝘩𝑎𝑛𝑐𝘩𝑒 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒́𝑒...


𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...




Relu par Ostaraa_

* Hannya : dans les légendes fantastiques du Japon, l'Hannya est le fantôme d'une femme revenue sur terre pour assouvir sa vengeance (Wiki).

J'ai choisi la personnification de la jalousie de la mythologie japonaise, plutôt que grecque. Et ce n'est pas une femme ^^

Pour l'Hybride, Jackson, c'est bien notre international Jackson Wang.

Alors, ce chapitre ? 🌝

𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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