Périple - Partie 4

Le caporal-chef plissa légèrement les paupières, l'asiatique posa ses doigts sur ses lames en jetant un œil à Eren, les autres guerriers les dégainèrent, et Marion prit d'une main tremblante l'une de ses manettes de commandement.

Son cœur battit furieusement sous la panique qui l'assaillait déjà. Des ennemis. Son souffle s'accéléra de lui-même ; elle tenta de le calmer, et n'y parvint qu'à moitié. En face. Le visage encadré de noir de Rebecca, et ses ongles vernis, ne cessaient de lui venir en tête.

Non. Elle a dû se faire tuer quand ils sont venus nous chercher. Elle déglutit avec peine. Isaac est mort. Et elle... Elle se souvenait avec précision des nombreuses fois où elle avait aidé la scientifique dans les laboratoires. Son regard était vicieux, et ses dents éclatantes ne cessaient de mordiller avec délectation les pourtours de sa fine bouche écarlate.

La jeune scientifique la détestait. Son aura sombre ne traduisait aucune force physique, mais sa fermeté et sa cruauté compensaient largement. Elle ne s'était toutefois pas gênée pour la fusiller du regard. Qu'est-ce qu'elle aurait eu à perdre ?

On ne voulait pas la tuer, et si le semi-titan était leur souffre-douleur, leurs menaces ne la limitaient que dans ses paroles et ses actes. De plus, l'albinos n'aurait jamais accepté qu'on lève la main sur elle ; tant qu'il était vivant, elle était immunisée contre les américains.

« Marion », l'interpella Hansi d'un ton grave. « Recule. Eren aussi. » Ce dernier serra les dents, et se fit violence pour rejoindre la jeune femme derrière la barrière de combattants qui les séparait du danger. « Je déteste ça », souffla-t-il. Elle se contenta de hocher la tête.

Ici, elle se sentait plus en sécurité. Son rythme cardiaque baissait déjà, lui permettant de retrouver une certaine contenance. Ce fut donc avec une concentration crispée qu'elle observa les autres. Historia et Armin au dernier rang, Ymir et Sasha à droite, Rico et la chef d'escouade à gauche, et pour finir, les deux soldats les plus forts de l'humanité au front.

Basique. Ils n'ont pas le temps de penser à une stratégie de génie. Si l'adversaire passe au travers... Elle crispa les mâchoires. Je vais devoir me défendre. Elle ne maîtrisait que superficiellement les techniques de combat qu'on lui avait apprises, et ce qui allait suivre ne lui disait rien qui vaille.

« Ymir, Eren », lâcha le petit homme. « Ne vous transformez pas. » L'intéressée claqua la langue d'un air irrité, mais acquiesça tout de même. Des bruits de lutte se firent brusquement entendre de la route de laquelle venait le groupe. Sortant des fourrés, les traits crispés par la colère, Marlowe venait de plaquer la face d'une femme à terre et de lui briser le bras dans un craquement sec.

Un hurlement de douleur s'en suivit ; il l'ignora superbement, dégaina sa lame et la balança avec force vers une autre cible, qui s'écroula à terre dans une mare de sang, inerte. Bordel. Il est costaud. Il se tourna ensuite vers eux, ses petits yeux gris enragés. « Ils arrivent par le haut ! »

Sur ces paroles, un Jean aux dents serrées roula des buissons, du sang gouttant de son menton. Un homme d'une quarantaine d'année plaqua le canon d'un fusil court contre son front ; il le balança du revers de son épée, évita de justesse le poignard tranchant de son ennemi, et ne put que reculer face à ses assauts.

Il se retrouva ainsi totalement sur la défensive face au nombre d'adversaires, qui sortaient de tous les côtés. « On y va ! » ordonna Hansi. Livaï s'élança sans attendre en manœuvre tridimensionnelle, prit au dépourvu deux opposants et leur trancha le torse sans ménagement.

Mikasa ne tarda pas à foncer à son tour vers des individus qui chargeaient, et dégaina ses lames d'un bruit cinglant ; là, elle bondit de sa selle. Ses armes luisirent au soleil alors qu'elle égorgeait froidement l'un d'un mouvement circulaire, assénait un violent coup dans le ventre de l'autre pour mieux lui perforer l'estomac, et envoyait valser de son poing le dernier, qui avait tenté une attaque par derrière.

Elle s'approcha ensuite de lui en un éclair. Un jet écarlate rejoignit la mare poisseuse qui s'étalait au sol. Le souffle de la chercheuse se coupa, et elle fut incapable de détacher son regard des mouvements précis de la guerrière. Ce fut lorsque celle-ci encaissa une droite bien placée et chancela qu'elle se réveilla.

Tous étaient désormais à pied, et les animaux s'éparpillaient dans tous les sens. Rico luttait contre ce qu'elle supposa être un américain deux fois plus grand qu'elle. L'autre chef d'escouade s'occupait, avec l'aide de Sasha, d'un grand baraqué. Armin restait en retrait, cherchant manifestement un moyen pour eux de ne pas se faire massacrer, et Historia et Ymir se démenaient avec une rousse à l'agilité surprenante.

Cette dernière venait de mettre une violente béquille à la plus grande, dont la jambe flancha. Elle s'en prit donc à l'autre ; alors que la blessée se relevait, elle eut le temps d'asséner à sa nouvelle victime une droite à la tempe, et de la pousser d'un haut coup de pied dans le torse.

« Historia ! » cria la brune. Elle écarquilla les yeux alors que l'intéressée volait en arrière, et commençait à disparaître derrière la falaise. Marlowe choisit ce moment pour assaillir l'ennemie, laissant sa camarade se jeter en avant vers son amie.

Elle sauta et se réceptionna sur un rocher bancal ; Marion la regarda avec effroi attraper le poignet de la plus petite, la jeter dans l'herbe au-dessus de sa tête, perdre l'équilibre et tomber dans le vide, les lèvres entrouvertes par le choc.

« Putain de merde ! » s'exclama la jeune scientifique. Elle descendit précipitamment de Bartholo pout s'agenouiller tout près du précipice. La soldate, dans un grand bruit et de nombreuses éclaboussures, disparut dans l'eau du lac, à vingt mètres sous eux. En voyant qu'elle ne remontait pas, la panique l'assaillit.

Tout le monde se battait derrière elle. « Eren, est-ce que tu sais nager ? » Dans son mutisme horrifié, il ne put que secouer négativement la tête. Historia n'était pas plus disponible, tremblante et l'air lugubre. « Est-ce que quelqu'un sait putain de nager ici ?! »

Naturellement, aucune réponse ne lui vint. Je n'ai pas le choix. Elle se leva, chancelante.

« Marion, tu ne vas pas...

— La laisser se noyer ? coupa-t-elle. Non, en effet.

— Ce n'est pas ce que je veux dire ! Tu dois rester en vie !

— Rester en vie, mon cul ! cria-t-elle en jetant sa cape verte et sa veste, et en retirant ses bottes. Cette fille est un foutu titan !

— Marion, qu'est-ce que tu fais ? s'étrangla Hansi. »

L'intéressée se contenta de faire craquer ses doigts, ignorant son cœur qui se retournait dans sa poitrine.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? continua sa supérieure.

— Ymir est tombée.

— Tu ne peux... commença-t-elle. »

Un cri de douleur la coupa, causé par un coup mal esquivé. Sa subalterne en profita pour se placer à la limite de la terre. Il faut que j'y aille. Seulement, le monde commençait à tourner autour d'elle alors que la peur prenait place. Allez, elle est en train de se noyer, putain ! Elle avança un pied, et le mit dans le vide. Personne ne sait nager, ici ! Mais moi... Qui sait...

Elle fléchit les genoux, crispa les mâchoires, et tendit les jambes. Lorsqu'elle crut avoir entamé son plongeon, un bras fort lui entoura rapidement la taille et la projeta dans l'herbe. « Tu ne bouges pas », articula Livaï, qui venait de débarquer, encore tâché de sang. Son regard était si lourd qu'il la cloua à terre.

Elle ouvrit la bouche, la referma, et ne put finalement que scruter, irritée, les traits menaçants du caporal-chef, qui ne paraissait pas ravi du tout. Elle trouva alors les mots pour protester, mais ceux-ci ne sortirent jamais de sa bouche. Le choc la frappa de plein fouet ; Armin courut vers le lac, et s'y jeta tête la première.

L'asiatique et le semi-titan crièrent son nom au même moment, et la première entama sa course vers lui. Toutefois, avant d'avoir pu s'élancer, il était déjà sous l'eau, indiscernable.

« Ackerman, retourne affronter les ennemis, jeta le petit homme en voyant leur nombre croître.

— Je ne vais pas le laisser !

— Tu ne sais pas nager. Retournes-y, répéta-t-il sèchement.

— On n'abandonnera pas notre ami ! protesta le brun avec véhémence. Mikasa ! Tu vas y aller, hein ?

— Bande de gamins. »

Il leur barra fermement la route.

« On n'a pas que ça à foutre. Il remontera, lâcha-t-il. Maintenant...

— Livaï ! cria la chef d'escouade. Il y en a d'autres !

— Fait chier. »

Il reprit ses lames. « Mikasa, bouge-toi le cul ! » La bataille se fit de plus en plus brouillonne ; la lycéenne pouvait au moins l'entendre, de là où elle se trouvait. Toutefois, ses yeux verts ne quittaient pas les ondes qui se propageaient à la surface de l'eau.

A défaut de faire confiance à Livaï, il reste Mikasa, pensa-t-elle en constatant que ses arrières étaient couverts par l'un des deux élites. Elle se mit à taper du pied, à peine distraite par les exclamations enragées de la petite blonde et celles, plus discrètes, de la sœur adoptive du brun.

Les secondes s'écoulèrent, interminables, et chacune d'entre elle lui creva un peu plus l'estomac. Le bruit s'étouffa autour d'elle ; toute son attention était concentrée là où la supposée noyée et son supposé sauveur étaient censés se montrer.

Rien. Toujours rien. Il lui semblait bien qu'une minute était passée. Ou deux, elle ne savait plus. La crainte la rongeait vicieusement, envahissait chacun de ses membres. Bientôt, il lui parut presque que le sol se dérobait sous ses genoux écorchés. Ils ne revenaient pas.

Les larmes lui brouillèrent la vue. Ce n'est pas possible. Il ne sait pas nager. Pourquoi est-ce que ce connard m'a arrêtée ?! Ses ongles griffèrent nerveusement la mousse, et ses dents mordirent sa joue. Armin et Ymir. Disparus. Pourquoi... Un sanglot la secoua. Putain de merde, pourquoi ?!

Subitement, quelque chose bougea derrière le filtre flou qui lui faisait office d'yeux. Elle les essuya ; ses doigts agrippèrent immédiatement la jambe d'Eren, debout à côté de lui. Ils venaient de revenir, le blond à bout de souffle, et l'autre inconsciente.

Il toussa, crachant de l'eau au passage, puis nagea avec une difficulté immense vers la minuscule berge. Là, il étala la jeune fille sur le dos, posa ses paumes au milieu de son thorax et commença un vigoureux massage cardiaque.

Après quelques pulsions, il dut se résoudre à entrouvrir les lèvres de la combattante et à y plaquer les siennes pour lui insuffler de l'air. Il recommença alors l'opération. La chercheuse était incapable de voir son expression ; seuls se présentaient à elle ses cheveux blonds, dégoulinants, qui remuaient au rythme de ses mouvements.

Un soulagement immense l'envahit lorsque l'adolescente écarquilla brusquement les paupières, se mit sur le côté et vomit ce qu'il lui restait de liquide. Elle s'appuya ensuite contre la pierre. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait avec amplitude alors qu'elle tentait de reprendre son souffle, à bout de forces.

« On se retire ! Eren, transforme-toi en bas ! » s'écria Rico. L'intéressé sauta à son tour ; en plein vol, il mordit sauvagement sa main, et un éclair le foudroya. Sa forme titanesque s'éleva alors sous eux, entourée de vapeur, et les explorateurs le harponnèrent pour se lancer vers ses larges épaules et son torse immense.

« Marion, suis-les », ordonna le petit homme. Elle attrapa rapidement les habits qu'elle avait enlevés, les enfila à toute vitesse et se fit violence pour les imiter. L'air siffla dans ses oreilles ; elle eut tout juste le temps de planter son axe dans la taille du géant, et d'entamer un virage plus que maladroit vers son dos. Heureusement, Sasha la réceptionna avant qu'elle ne s'écrase. Elle lui murmura un remerciement.

« Cours vers l'autre berge ! » Sous l'ordre de la femme, le monstre obtempéra. La chercheuse se retourna vers la falaise haute, qui s'éloignait à grande vitesse ; ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'une silhouette bien familière surgit des buissons, derrière les assaillants déboussolés.

Elle retira ses lunettes rouges, cligna plusieurs fois des paupières, puis les remit. Son cœur rata un battement. Je ne rêve pas. Bien identifiable grâce à sa chevelure claire, Isaac était en train de trucider le groupe ennemi à l'aide d'un poignard militaire.

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