A N H É D O N I E

Cet écrit était destiné à à un concours ou l'on rencontrait notre propre double.

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Je me réveillai, lentement, si lentement, comme à mon habitude, et me dirigeai vers la salle de bain attenante à la chambre.
L'ordeur âcre du brûlé s'engouffrait dans mes poumons au fur et à mesure que ma cage thoracique s'emplissait et se vidait d'air, mais je ne pouvais m'en prendre qu'à moi même. Quelle sale habitude que de brûler du papier quand ennuyée.
Je pris la robe de chambre brodées aux initiales de l'hôtel avant de l'inspecter d'un œil fatigué. Elle me paraît bien chaude, cette robe de chambre. Je l'enfile rapidement, me regarde dans la glace et décide, convaincue, de ne pas l'attacher. Elle me grossirait.

D'un pas las, même si assuré, je déambule dans la suite qui m'est attitrée. Le soleil traversait timidement les lourds rideaux opaques qui n'étaient faits qu'à le masquer.
Je n'aurai pas dû choisir cette destination. Gourmandise, gourmandise, tu me perdras.
Quand mes parents m'avaient dit, non sans un peu de mensonge, qu'ils m'offriraient un séjour où je voudrais dès l'obtention de mon diplôme, j'avais voulu partir le plus moins possible. Bien sur. Quelle aubaine ! À quoi bon l'assurance d'une chose certaine si l'ont n'en profite pas au maximum ? C' était bien ce que je m'étais dit. Malheureusement, je n'avais obtenu guère plus qu'un aller retour et la suite d'un quelconque hôtel, même si étoilé. À peine de quoi acheter quelques bricoles.

Je marche près des baies vitrées, près du divan, ci et là mais sans savoir que faire. M'habiller et sortir ? J'étais seule, je n'avais nulle part où aller et dieu que l'envie n'était qu'à paraisser sous le soleil écrasant de l'archipel. Cet été était bien chaud. Mettre un maillot un aller sur la plage artificielle qu'offrait l'hôtel me semblait être la meilleure option. J'aurai pu me balader dans les sinueuses montagnes, les plages de sable fin et aux eaux turquoises, les rues tout en bleu et blanc, mais je n'étais en aucun cas décidée à bouger. Comme d'habitude.
Rester allongée de longues heures au soleil et siroter un jus de fruit était tout ce dont j'avais besoin. Rien de plus, rien de moins. De toute façon, en déambulant de la ville, j'aurai été tentée d'acheter des babioles sans importance avec l'argent que je n'ai pas. Tout est si ennuyeux.

Le médecin dit que ça s'appelle de l'anhédonie.
Il est idiot, ce médecin. Je vais très bien.

Je réfléchis tout en me changeant. Je pourrai faire tellement de choses, maintenant que je suis ici. Un short plutôt blanc ou bleu clair ? Les gens avaient bien raison, j'avais cette sorte de somnolence depuis toujours et elle me collait à la peau. Cheveux attachés ? Détachés ? Je ne savais pas comment m'en débarrasser. Ou plutôt, je n'avais pas envie de m'en débarrasser. C'était moi et c'est tout, voilà ce que je disais aux gens. En réalité, j'avais la flemme de changer. Encore une fois. Elle m'allait mieux quand j'étais plus jeune, cette léthargie. Elle était uniquement due à un plaisir que je n'éprouvais plus. Ô jeunesse, si belle jeunesse. Je l'étais toujours, jeune, pourtant, je suis moins insouciante. Elle me porte préjudice, cette insouciance, plus qu'elle ne le faisait.
J'hésite entre un t-shirt brodé et une longue chemise transparente, sans boutons, sans poches, sans ruban. Arrivant au niveau de mes genoux, et transparente. Enfin, elle était noire, laissant transpparaître un maillot ivoire en une pièce coupée dans le dos.
Je l'enfile rapidement, puis, ma tête tourne ? Pourquoi elle tourne comme ça ? J'ai peut-être faim. Le trop-plein de soleil d'hier me rend malade ? J'essaye de me retenir à quelque chose, j'essaie comme je peux, je le jure. Je vais tomber. Je vais tomber ? Je pourrais me faire mal, il ne faut pas que je tombe. Je pourrai  faire une de ces tâches difformes, bleutées sous ma peau laiteuse. Ou abîmer mon joli visage en me cognant. J'aggripe un buffet. Très joli buffet en bois sombre, avec une très jolie assiette peinte retenue par de fines tiges en métal. Une assiette donc ? Je crois bien que je vais tomber et me la prendre, cette assiette.

Oh. Ça y est. Mon équilibre me quitte. N'a-t-il seulement jamais été là ? Ah, me voilà bien ! Je m'effondre sur le buffet. Je ne sais pas si mon visage a heurté la porcelaine. Ma vision se teinte de rouge, je dois m'être blessée à l'arcade. Tout va bien, c'est beaucoup de saignement pour rien, la peau y est si fine. Je crois que je me suis cognée contre l'arrête du buffet aussi. Je le sens. Comme je sens que je ne me suis pas blessé à l'arcade mais directement à l'œil, qui ne me transmet plus l'image si belle de la suite.

Je crois que je me suis évanouie.
Je ne sais pas trop. Je suis là, je suis bien là, allongée sur le sol. J'ai du mal à respirer à cause de l'odeur âcre, mais j'y arrive. Mes deux yeux sont fonctionnels. Mes deux yeux ? Je porte une hésitante main à mon œil, pour ne trouver rien que mes cils et ma paupière, sains. Je n'ai rien au front non plus. Je n'ai rien nulle part. Je me redresse subitement. J'ai bien vu quelqu'un ? Si, du coin de l'œil, une silhouette. A peine plus petite que moi, plus fine. Je me lève dans ce qui s'apparente être une... Une chambre ? Tiens ? Je panique. Qui ne paniquerait pas. Personne. Si moi je panique, alors tout le monde le ferait à ma place. Je ne sais pas où je suis.
Oh.
Je sais.
C'est ma chambre.
La chambre de mes jeunes années

La chambre de mes jeunes années ? Je me précipite vers la porte, ou la silhouette était.
❝ ━ Il y a quelqu'un ? ❞Je lance sans hésitation.

J'entends des tiroirs qui s'ouvrent. J'entends une respiration. Je m'avance, je fais si peu de bruit que moi même je ne m'entends pas.
Je vois une jeune fille. D'une quinzaine d'années.
Je...
Je...
Non, bien sûr que non. Je dois halluciner. J'hallucine !

Je m'avance doucement, les mains devant moi, comme pour lui montrer que je n'ai rien de dangereux. Ou pour me protéger.

Je lance timidement un bonjour. Pas de réponse.
Quelle insolence.
Je me répète, avec un ton plus ferme.
Elle se retourne.

Ma mâchoire se décroche. Réellement, j'ai mal à la mâchoire, mais passons.

Je pointe un doigt vers elle et fait deux ou trois aller retours vers moi même, incapable de sortir un son.
J'avance
Elle recule.
J'avance encore, qu'elle n'ait pas peur !
Elle recule.

❝ ━ Leila ? ❞

Elle prend peur et se réfugie sous l'îlot de cuisine. Je ne la vois plus. J'avance doucement, tout doucement. Elle surgit, un couteau de cuisine à la main.

❝ ━ Ne fais pas ça ! Je peux t'expliquer ! Je-je suis toi ! ❞

Elle a les larmes aux yeux de peur. J'étais vraiment si peureuse ?

Elle se rue sur moi. ELLE SE RUE SUR MOI ? Je dois agir avant qu'elle ne m'atteingne. J'attrape son poignet tenant l'arme blanche puis le lui tord. Mon double me mord jusqu'au sang.
De bons réflexes.
Je hurle que je suis elle, je lui hurle de lâcher son couteau.
Elle, elle hurle que non, que je n'ai pas le droit. D'être moi même ? Tiens. Elle hurle qu'elle est la seule elle.
Elle hurle que c'est impossible et qu'elle ne peut être que l'unique. Quel narcissisme. Je n'ai pas changé.
Elle se débat. Je la pousse contre l'îlot et essaye d'immobiliser ses jambes avec les miennes et de la bloquer contre le plan de travail.
Je me prend un sale coup de coude dans les côtes avant de la gifler violemment. Qu'elle m'écoute bon sang !
Elle pleure tout en se répétant à elle même, visiblement, que personne n'est elle et qu'elle est meilleure que moi, tout en se tenant la joue, toujours la lame à la main. Puis, elle me saute dessus. Je crois qu'à ce moment là, nos têtes se sont heurtées.

Je ne m'étais jamais battue. Ou alors quand j'étais petite, époque où je me battais avec les garçons. J'avais vite perdu cette habitude car grondée par les adultes. Ça me faisait rire. Alors je recommençais. Parce que ça m'amusait. Mais aussi parce qu'ils n'avaient aucun droit à me dire comment me tenir et ce que j'avais le droit ou non de faire. Mais je devais préserver mon corps des sales mains des autres. Et de leurs coups, accessoirement.
Les réflexes sont bien restés.

Je vois flou, je ne sais pas si c'est parce que ma tête a heurté d'elle même le carrelage ou que l'autre m'y a 'obligée'.
Elle s'assoit sur moi, et je vois avec soulagement qu'elle a lâché son couteau.

Je saigne du nez. Et de l'arcade.

Je l'ai bien amochée. Ce n'était pas le but, pourtant. Vraiment pas. Ce n'est pas moi. Elle n'est pas moi. J'hallucine juste. Je me suis pris un meuble et une assiette, il y a de quoi.

Ses fines mains se posent délicatement sur mon cou. Ou alors violemment. Je ne sens plus vraiment mon corps à cause du choc avec le sol.
Je vois de plus en plus flou quand je sens finalement ses ongles me lacérer le cou.

J'essaye tant bien que mal de serrer ses mains, d'agiter mes poings pour la déstabiliser en vain. C'est comme si tous mes gestes étaient adoucis, tellement qu'elle n'était pas le moins du monde ébranlée.

Puis...
Je ne sais pas. Dieux, Ô dieux, qu'avez vous fait ? Qu'avez vous causé ?

Réveillez moi, réveillez moi ! Ciel, faites quelque chose !

Ma joue touche désormais le carrelage, le si froid carrelage. Mon sang s'est écoulé dans ma gorge et sûrement plus loin encore. Quelle âpre sensation.
Je ne comprends pas. Je ne comprends plus rien. Comment s'est elle mise à me battre ainsi, comme si elle avait attendu ce moment toute sa vie.
Je ne sais pas si je rêve.
Je rêve ?
Quels étranges songes je produis, parfois.
Comme cette fois où je me faisais battre. Jusqu'à mort je présume ? Je n'ai jamais su, je me suis réveillée avec l'image imprimée de mon corps battu, immobile dans la neige.
On dit que le cerveau nous réveille à la mort parce qu'incapable de produire ce qu'il ne connaît pas.

Pourtant, je me sens bien partir. Pourtant, j'étais dans l'hôtel il y a cinq minutes de cela. Pourtant, jamais il n'a été possible de sauter ainsi dans le temps.

Pourtant je suis moi.

Je suis moi.

Je suis moi.

Je suis moi.

Je suis moi.

Je me rabâche cette phrase comme si elle me sauverait. Comme si elle me réveillerait.

J'aperçois mon alter ego ouvrir une porte à la volée et s'y engouffrer. La porte d'entrée si je me souviens bien. Elle va me laisser ici ? Très bien, je n'ai pas besoin d'elle.

Pourtant.

Je gis lamentablement. Quel échec de terminer comme ça. De ne pas savoir sû me battre contre moi même. Non, contre une gamine je veux dire. J'aurai mérité une meilleure fin. Un meilleur rêve. Un meilleur tout.

Je pourrais me lever. Non, je ne peux pas finalement. Je n'en ai pas la force. Je n'en ai pas l'envie.

Je suis bien ici, juste ici.
Dans cette mare coagulante.

Ma peau me brûle. Je brûle.
Mais je suis si bien, confortée dans l'idée de rester immobile. De ne plus rien faire qui m'ennuie. Rien faire du tout.

Léthargique.

Anhédonique







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