Ce jour-là, je me trouvais installée sur une table, seule, à la cafétéria de mon université. J'étais extrêmement investi dans mes cours cette année, plus que je ne l'avais jamais été auparavant. Cela pouvait être parce qu'il s'agissait de la dernière ligne droite avant d'obtenir le diplôme. 

Mais cela pouvait aussi être lié à un autre facteur. Le fait qu'en dehors de mes études, je ne faisais pas grand-chose de ma vie. C'était un fait que j'avais décidé d'accepter. Alors le seul moyen pour moi de voir le temps passer était soit de sortir avec mes amis, soit de bosser. Même si ces derniers temps, j'optais souvent pour la dernière option. Ce qui déplaisait fortement à mes proches. 

"- Tu as une petite place pour moi ? Fit-une voix féminine aigüe que je pouvais reconnaître à des kilomètres."

Laura. 

Elle se tenait debout devant moi, habillée d'une manière un peu trop simpliste à mon goût. Elle qui avait l'habitude de mettre des petites robes couleurs pastel, elle avait laissé place à un simple jean accompagné d'un haut de survêtement. Quelque chose n'allait pas, c'était le cas de le dire. 

"- Salut Laura, bien sûr, installe-toi ! Dis-je en enlevant le sac à dos qui se trouvait sur le siège en face de moi."

Je sais ce que vous devez vous dire, il fallait être une sacrée garce pour mettre ses affaires autour de soi afin d'éviter que des gens ne s'asseyent. Mais c'était juste un réflexe de personne non sociable. 

"- Tu fais quoi toute seule ici ? Demanda Laura. 

- Je bosse sur quelques travaux personnels. La routine, quoi ! J'essaye de prendre le plus d'avance possible avant que l'on ne soit surbooké. C'est toujours comme ça. 

- Ouais..."

Il y avait eu un silence alors que je pouvais sentir la mauvaise humeur de Laura envahir la pièce. 

"- Bon, vas y, dit-moi. 

- Quoi ? 

- Qu'est-ce que t'as ? 

- J'ai rien.

- Ok."

Sur cette note, j'avais poursuivi mon travail comme si de rien était. Après tout, si elle ne désirait pas parler de ses soucis personnels, je n'allais pas insister plus que cela. Certaines fois, sans m'en rendre compte, j'avais la fâcheuse manie de trop vouloir m'immiscer dans la vie des gens pour ne pas qu'ils imaginent que je me fichais de leur existence. Et ça ne finissait pas toujours bien, alors avec le temps, j'avais décidé de laisser les gens être privés s'ils souhaitaient l'être. 

"- J'ai rompu avec mon copain. 

Peut-être que finalement, Laura ne voulait pas être si privée que ça. 

- Quoi ? 

- On a rompu hier soir. Lors d'une soirée chez une amie. 

- Il t'a trompé ? 

- Quoi ? Demanda Laura surprise. Non, pourquoi est-ce que tu dis ça ?

- Je ne sais pas, j'ai l'impression que les femmes se font toujours tromper.

- C'est stupide. 

- Ouais...

Il était clair qu'elle était de mauvaise humeur.

- On a rompu parce que nos modes de vie ne matchaient plus. 

- Pourtant, c'est un étudiant lui aussi. 

- Oui, en droit. Autrement dit la personne la plus snob que je connaisse."

Je trouvais ça marrant que Laura dise ça de lui alors que, pas plus tard que la semaine dernière, elle faisait des soirées films avec lui. 

"- Si ce n'est pas trop personnel, est-ce que tu peux développer, s'il te plaît ? Demandais-je en déposant mon stylet pour tablette, me concentrant pleinement sur la conversation. 

- Et bien, comme tu le sais, lui et moi étions tous les deux étudiants. D'autant plus qu'on a tous les deux un emploi du temps extrêmement chargé vu notre niveau d'étude. Le truc, c'est que, à cause de ça, j'avais l'impression qu'on était plus sur la même longueur d'onde."

Ce n'était pas la première fois que j'entendais ce type d'histoire concernant les ruptures. Alexa s'était déjà retrouvée à rompre à cause de ce genre de problème. Soit ils n'étaient plus sur la même longueur d'onde, soit il y avait eu une tromperie. C'était généralement l'un de ces deux schémas, alors j'étais loin d'être surprise. 

Ce qui me surprendrait toujours, en revanche, c'était la manière dont les deux personnes agissaient après une rupture. Il y avait 50 % de chance que ce soit d'une manière assez mature, et 50 % de chance qu'ils s'envoient des insultes à longueur de journée. 

"- Et comment tu te sens par rapport à ça ? 

- Soulagée. Isa Tu n'as pas idée du connard que mon ex est devenu. Il n'arrête pas de me critiquer depuis qu'on a rompu. Tous mes amis m'ont tourné le dos comme si c'était moi la méchante, alors que c'est juste une rupture. Il n'y a pas de méchant dans une rupture, sauf s'il y a eu une trahison, et là, en l'occurrence, ce n'est pas le cas.

Qu'est-ce que je vous disais ? C'était du 50 50. 

- Désolé pour... Ça ! Dis-je sans réellement savoir comment la consoler. 

- Ne t'excuses pas, ce n'est pas de ta faute s'il y a des connards sur terre. Disons que c'est la vie. J'espère que tu n'auras jamais ce genre de problème. 

- Oh, j'en doute. Je n'ai jamais été en couple. 

- Quoi ? Demanda Laura comme si je venais de lui balancer le scoop de l'année."

J'avais regretté immédiatement de lui avoir dit ça, redoutant le fait que cela ne se termine comme la soirée de la dernière fois. Les gens pouvaient devenir de véritables connards lorsqu'il s'agissait de discussions amoureuses. Et ça, sans même s'en rendre compte. 

"- Je ne vois pas en quoi c'est un problème. 

- Oh oui, bien sûr. Disons juste que je suis un peu surprise, c'est vrai après tout... Enfin, non, en fait, je ne suis pas si surprise que ça. 

C'était de pire en pire.

- Je te demande pardon ? 

- Ce que je veux dire, c'est que... on a tellement normalisé le fait d'être en couple qu'on est surpris de voir qu'à notre âge certaines personnes ne l'ont jamais été. Mais ça ne devrait pas être surprenant. C'est plutôt normal, en fait. Tu es déjà tombée amoureuse ? 

- Non, jamais.

- C'est bien, ne tombe jamais amoureuse. C'est un poison cette merde."

Elle semblait s'être mise à réfléchir, comme si je n'étais qu'une simple étude psychologique. Mais je ne pouvais pas lui en vouloir, car moi aussi, je m'étais mise à l'étudier profondément concernant sa rupture avec son ex dont j'ignorais le nom.

"- Beaucoup de personnes se mettent en couple juste pour se mettre en couple. Y compris moi d'ailleurs. Mais toi, ça n'a jamais été ton cas.

- Non. Je ne comprendrais jamais pourquoi certaines personnes feraient ça. Si les gens ne s'aiment pas, pourquoi se mettre ensemble ? 

- Je ne sais pas si c'est la bonne réponse, mais selon moi, je pense que c'est juste un moyen pour nous de trouver un peu de réconfort. 

- Un peu de réconfort ?"

J'avais déjà du réconfort auprès d'Alexa et de Ruby. Et certaines fois, même auprès de Joshua. J'avais du réconfort auprès de mes amis, de tous les proches qui m'entouraient. Je n'avais pas besoin de trouver un copain pour en avoir, alors, selon moi, cette réponse ne tenait pas la route. 

Peut-être que Laura se sentait seule pour sentir le besoin d'avoir un copain, juste pour avoir du réconfort. 

"- Ouais, du genre, avoir l'impression d'être la priorité numéro une auprès d'une personne.

- J'ai déjà Alexa et Ruby pour ça. 

- Ouais, mais un partenaire, c'est différent. C'est plus... Romantique, si tu vois ce que je veux dire.

Je ne voyais absolument pas. 

- Tu sais, le sex et tout ça.

Désormais, je comprenais mieux. 

- Mais il y a les sexfriends pour ça, non ? Demandais-je confuse. 

- Tu en as un ? Demanda Laura surprise. 

- Oh mon Dieu, non ! 

Il y avait eu un long silence alors que l'atmosphère devenait gênante. 

- Et si on se mettait à bosser ? Demandais-je soudainement. 

- Ouais, bonne idée."