IV. Régulus

-Je vais le tuer.



-Contrôle-toi.



Régulus et Avery avançaient sur le terrain de Quidditch, les yeux à moitié fermés par le sommeil. Mais la vue de Rosier et de ses acolytes le réveilla pleinement. La fraîcheur matinale aussi, car le jeune Black avait en horreur le froid.



-Les gars, vous foutez quoi ? hurla le capitaine en voyant ses deux plus jeunes joueurs marcher à une lenteur surprenante.



-On est pas en retard Warrington, alors ferme-la, lâcha Régulus en passant devant lui.



-Un peu plus de respect, Black. On est dans une équipe ici, alors garde ton dédain pour toi.



Avery le poussa dans les vestiaires avant qu'il n'ait pu répliquer. Quelques minutes plus tard, ils ressortirent avec leur balai dans la main. Toute l'équipe les attendait déjà, discutant au centre du terrain.



-Maintenant que vous êtes tous là, commença Warrington en lançant un regard noir aux deux retardataires, on va pouvoir commencer l'entraînement. Dans deux semaines nous nous confronterons aux Serdaigles qui ont un nouveau capitaine, et j'ai déjà eu l'occasion de le voir jouer. C'est un joueur très rusé, alors on va devoir être plus rusé que lui. Après tout, on est des Serpentard, alors faisons honneur à notre maison.



-Et qui est ce capitaine ? demanda Mulciber.



-Longway. Il joue dans une des équipes nationales d'Angleterre, il ne faut donc pas le sous-estimer. Bien. Mettez vous en position, je vous explique tout de suite le premier exercice. Rosier, Black, par ici.



Avery jeta un regard d'excuse à Régulus avant de s'envoler dans les airs.



-J'ai eu vent de vos désaccords, menaça le capitaine une fois seul avec son attrapeur et son batteur, mais sur le terrain, je ne veux rien voir de tout ça, c'est compris ? Plus notre équipe sera soudée et plus on aura de chances de gagner. Alors mettez vos différences de côté et agissez comme de vrais Serpentards.



Mais c'était à croire que Rosier avait les oreilles bouchées. Durant le premier exercice, il n'arrêta pas de lui sourire mauvaisement, ne cessant de lui lancer des piques toutes les cinq secondes. Malgré les efforts de Warrington pour l'arrêter, il était trop discret pour réellement l'accuser de quelque chose. Jusqu'à ce qu'il simulent un match en séparant leur équipe en deux et que tout dérape. Régulus volait en vitesse derrière le vif d'or, travaillant sa rapidité et se désintéressant totalement du jeu principal, tel qu'il aimait le faire. Tout était paisible pour lui. Il était si concentré qu'il n'entendit pas Avery hurler son nom, ni le Cognard se diriger droit sur lui.


Parce que justement, le Cognard n'était pas censé se diriger droit sur lui.


Mais avant qu'il ne s'en rende compte, une immense douleur se diffusa dans son crâne et les ténèbres l'engloutirent.



***

Mort. Douleur.


Ce furent les seuls mots qui lui vinrent à l'esprit à son réveil. Un goût amer se répandit dans sa bouche. Il voulut grimacer, mais même cela lui fit mal.


Puis lorsqu'il se mit à réfléchir sur comment il était passé de son balai à un état si misérable, tout lui revint en mémoire.


Il allait le tuer. Il allait tuer Rosier, lui écorcher la peau et entendre ses cris de souffrance en souriant. Il voulut se relever mais immédiatement, sa tête lui lança des signaux de douleur terribles. Rosier attendra, même si ses jours étaient comptés. Il ouvrit les yeux doucement, s'habituant peu à peu à la lumière du jour. Cela lui faisait mal et il n'en avait aucune envie, mais c'était ce qu'il fallait faire, ou jamais il n'allait vouloir se réveiller.



-Régulus ?



Tout à coup, il eut envie de fermer les yeux pour faire croire qu'il dormait et que c'était inutile de lui parler parce qu'il n'entendrait pas, mais ce fut trop tard. Il voulut se relever pour la deuxième fois mais l'emprise puissante de Sirius l'en empêcha.



-Qu'est-ce qu'il fout ici ?



-Vote frère nécessite du repos, Monsieur Black, allez le voir plus tard, fit la voix autoritaire de Madame Pomfresh.



-Mais pourquoi est-il ici ?



-Un accident de Quidditch. Maintenant, si vous ne retournez pas voir Monsieur Lupin, je vous invite à sortir.



-Non... murmura Régulus dont le mal de tête affectait déjà son état mental.



Sa vue se flouta et son esprit s'égara. Instinctivement, il s'agrippa à la main de son frère mais n'eut pas le temps de l'entendre dire un mot de plus qu'il sombra de nouveau dans les ténèbres.



***



Le second réveil fut plus doux, même si la douleur n'était pas absente. Régulus eut besoin de quelques minutes pour rassembler sa volonté d'ouvrir les yeux. Et la première chose qu'il vit fut le visage fermé de Sirius qui le regardait attentivement, l'inquiétude se lisant clairement sur ses traits. Dès qu'il s'aperçut qu'il s'était réveillé, il changea de position pour être prêt à l'aider s'il en avait besoin.



-Tu fais quoi ici ? marmonna Régulus d'une voix cassée.



-Je n'ai pas le droit de m'inquiéter pour toi peut-être ? rétorqua-t-il froidement.



-Plus maintenant, non.



Les yeux de l'aîné s'assombrirent. Tout ce qu'il avait envie tout de suite maintenant était renvoyer Sirius bouler et dormir jusqu'à l'été prochain.



-Je ne bougerai pas, trancha-t-il.



Évidemment.



-Je n'ai pas besoin de toi.



-Rien à foutre.



-Pars. Tu l'as déjà fait une fois, alors je ne vois pas où est le problème de recommencer.



-Ferme-la. Surtout, ferme-la.



Il obéit, trop fatigué pour lui lancer une nouvelle méchanceté. Le plafond retint soudainement toute son attention et son intérêt. Il remarqua même quelques fissures sur la droite, la peinture qui se décrochait par endroit...



-Comment c'est arrivé ? reprit Sirius encore plus sèchement.



Qu'est-ce qu'il en avait à faire au juste ?



-Pomfresh te l'a dit. Un accident de Quidditch.



-Merci mais j'aimerais avoir un peu plus de précisions.



-Pourquoi faire ?



-Ça ne te regarde pas.



-Bien sûr que ça me regarde ! s'énerva-t-il en tournant brusquement sa tête vers lui, lui arrachant une grimace de douleur.



-Fais gaffe, marmonna Sirius. Tu es tombé de plusieurs mètres de haut, alors attends-toi à avoir mal quelques temps.



Le visage de Régulus pâlit brusquement.



-Comment ça je suis tombé ? Personne ne m'a rattrapé ?



-Pomfresh m'a dit que des joueurs avaient essayé, mais tout s'est passé tellement vite qu'ils n'ont pas eu le temps.



Rien que s'imaginer la scène dans sa tête lui donnait la nausée.



-Je vais le tuer, souffla Régulus sans se rendre compte qu'il venait de penser à voix haute.



Un éclair de colère traversa le visage de Sirius qui se redressa, alarmé.



-Tu te réfères à qui ?



-Laisse tomber.



-Putain Reg, laisse ta fierté de côté et dis-moi qui t'a balancé un Cognard en plein gueule.



-Langage.



-Rien à foutre, répond.



Il n'allait pas abandonner l'affaire, le connaissant. C'était un obstiné idiot, prêt à tout pour obtenir ses réponses. Régulus voulut se redresser sur son lit d'infirmerie pour lui faire face, mais tout ce qu'il réussit à faire fut voir son monde tanguer dangereusement.



-Attends je t'aide.



Sirius le maintint par le bras tandis qu'avec l'autre il replaçait d'épais coussins dans son dos. Il détestait paraître aussi faible devant lui, mais il était trop fatigué pour protester. Finalement, il fut installé beaucoup plus confortablement. Son frère s'assit sur le bord du lit, les coudes appuyés sur les genoux et le fixait avec insistance.



-Rosier, avoua-t-il en soupirant.



Rien que son nom le dégoûtait. Sirius lâcha un juron.



-Ne me dit pas que tu te fais rabaisser par ce petit con ?



-Et la faute à qui d'après toi ?



-Tu vas arrêter de tout ramener à ça ! s'écria-t-il, une veine ressortant sur son front. Qu'est-ce que j'ai à faire là-dedans ?



-Tu veux que je te dise ce que tu as à faire là-dedans ? Rosier n'arrête pas de se foutre de ma gueule juste parce que je suis ton frère ! Il a déjà retourné toute la maison Serpentard contre moi et maintenant il s'amuse à me lancer des Cognards par pur plaisir ! Si tu n'avais pas été un traître, peut-être que je n'aurais pas eu tout ces problèmes !



Le regard de Sirius se troubla. Ses derniers mots lui restèrent en travers de la gorge. Pensait-il ce qu'il disait ? Oui. Se convaincre que oui. C'était tout ce qui lui restait à faire.


Oui oui oui oui oui oui oui oui.



-Alors c'est vraiment comme ça que tu me vois maintenant ?



Oui oui oui oui oui oui oui oui.


Non.


Ta gueule conscience.



-Et comment veux-tu que je te vois, comme mon héros ?



-Après tout ce que j'ai fait pour toi ?



Un silence prit place. Silence qui donna lui donna envie de se planter un couteau dans le cœur, juste pour ne pas à endurer le regard de son frère. Silence qui lui rappela combien il ne valait rien, combien il était lâche et combien il ne méritait pas de vivre.



-Je suis désolé, Sirius, mais tu as mis une croix sur tout ça le jour où tu as claqué la porte de la maison.



Ses propres mots lui firent l'effet d'une gifle.



-On t'a bien lavé le cerveau à ce que je vois, rit-il jaune.



Pas le cerveau, la langue, s'apprêta-t-il à répondre.



-Je me rappelle de tout, crois-moi, mais...



Ses yeux s'emplirent de larmes. Combien de temps allait-il encore devoir jouer les hypocrites ? Il allait craquer. D'un moment à l'autre, il allait craquer.



-Mais quoi ?



Il craqua.



-Que crois-tu, que je te suis reconnaissant de t'être sacrifié pour moi ? Que tu m'as fait une faveur en endurant les sortilèges et les coups à ma place ? Est-ce que tu as pensé ne serait-ce qu'un peu à ce que je ressentais quand tu hurlais de douleur ? J'ai vécu toute mon enfance en me sentant coupable, et même maintenant j'ai l'impression d'être un poids et de ne pas mériter de vivre ! C'est pas la douleur physique qui m'a rongé, mais la culpabilité ! Et tu sais quoi ? J'aurais largement préféré être à ta place.



-Non... Non, tu ne penses pas ce que tu dis.



Et pourtant, c'était bien les seuls mots qu'ils pensait vraiment.


Les larmes s'échappèrent. Ils se mordit la joue pour ne pas en laisser s'échapper d'autres, en vain. Tu es un faible, Régulus Black. N'essaie pas de paraître fort parce que tu ne l'es pas. Tu es pathétique. Tu ne vaux rien. Tout est ta faute. Tout est à faute, tout est ta faute, tout est ta faute.


Il attira ses genoux contre son torse et enfuit son visage dans ses bras. Il eut alors envie de crier, hurler sa douleur, défaire ce nœud qui obstruait sa gorge et l'empêchait de lui dire qu'il l'aimait. Qu'il l'avait toujours aimé, qu'il voulait qu'il revienne et l'emmène loin de toute cette merde qu'était sa vie. Il avait peur de se retrouver seul une fois encore, endurer les journées en le sachant loin de lui, heureux quelques part dans ce château sans pour autant faire partie de ce bonheur.



Mais encore une fois, Sirius partit.



Comme il était parti des centaines et des centaines de fois.



C'était comme si un couteau s'insinuait sous sa peau et s'enfonçait lentement dans son cœur. Ça faisait mal, l'abandon. Se sentir seul, misérable, vide. Savoir que la personne qui comptait le plus ne vous portait plus dans son cœur. Par sa faute, qui plus est. Bien sûr, parce que tout était sa faute.



La solitude était quelque chose de terrible. Un monstre s'amusant à briser son âme en deux, en trois, en milles morceaux, chuchotant dans son oreille des vérités effrayantes. C'était une chose invisible, mais terriblement puissante. Elle lui donnait l'impression d'impression d'être,


et l'impression de ne pas être,


de ne pas exister.


Et elle transformait ses jours en brouillard étouffant et ses nuits en un gouffre effrayant. Elle brisait tout espoir, un à un, jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucune étoile dans son ciel.


Pourquoi tu existes.


Pourquoi tu es là.


Pourquoi toi.


Et sa réponse était absente, inexistante. Alors, sans le vouloir, il commençait à y croire.


Pourquoi j'existe,


Pourquoi je suis là,


Pourquoi moi.


Ces questions se répétaient infiniment dans sa tête, inlassables. La solitude les soufflaient à son esprit. Cette bonne vieille amie. C'était elle qui lui poignardait l'âme, transformait son cœur en bouillie.


Jusqu'à faire de lui cette chose vide, inerte et tremblante qu'il était maintenant.


Jusqu'à faire de lui ce qu'il était.



Le garçon qu'on finissait toujours par abandonner.



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