Interlude

Le soleil estival frappait le bois de la cabane, faisant ressortir ses moindres imperfections. Une légère brise flottait dans l'air, douce et agréable, et balayait avec douceur les boucles du petit garçon.

-Le mage noir sort de son refuge ! Il est invincible ! s'exclama une voix à l'imitation d'un homme puissant.

Sirius sortit de la construction en bois les bras levés vers les cieux, le regard théâtralement noir. Sa cape lui donnait chaud, mais elle était indispensable au costume d'Ivard le Noir.

-Croyez-vous, grand sorcier ? fit Régulus en s'avançant vers lui, une branche d'arbre en guise de baguette magique dans la main. Pensez-vous que la potion était la bonne ?

-Et comment ! Moi-même je l'ai faite.

-Vous croyez-vous vraiment invincible ?

-Fais pas traîner le truc Reg, chuchota doucement Sirius.

-Ok, ok. Mais vous vous trompez ! tonna-t-il soudainement. Voici votre potion d'invincibilité !

Il sortit un petit flacon vide de sa poche qui contenait leur liquide imaginaire.

-Menteur ! C'est une ruse ! Essayez donc, et vous verrez si je ne suis pas invincible !

Alors Sirius regarda le ciel en poussant un rire machiavélique et Régulus prononça le terrible sortilège de la mort :

-Avada Kedavra !

Et alors Ivard le Noir tomba tragiquement au sol, le regard figé d'une peur soudaine. Régulus resta immobile, n'osant respirer une seule gorgée d'air. Il rigolait, n'est-ce pas ? Il n'avait même pas de baguette dans la main, c'était une branche d'arbre, impossible !

-Sirius !

Il se jeta aux côtés de son frère qui ne bougeait toujours pas. Ses yeux fixaient le ciel, immobile. Non, c'était impossible, c'était une branche d'arbre ! Comment avait-elle pu faire ça ? Comment avait-il pu, lui, faire ça ? Il sentit les larmes monter et le secoua désespérément.

-Sirius, réveille-toi !

Soudain, ce dernier éclata de rire et une vague de soulagement parcourut le corps du cadet.

-C'est pas marrant ! bouda-t-il.

-Tu aurais vu ta tête !

-Arrête !

Voyant que son petit frère ne partageait pas sa joie, il s'arrêta tout de suite de rire. Régulus reniflait et essuyait les larmes qu'il avait fait couler.

-Eh, Reg, c'était une blague.

Il tenta de lui attraper la main mais son frère la retira vivement.

-Ne me touche pas.

-Je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur. Tu sais que je ne t'abandonnerais jamais, hein ?

-Et si tu étais réellement mort ? La Mort ne chercherait pas à savoir ce que tu veux ou non.

C'était les mots que Bellatrix avait dit l'autre soir à ses petites sœurs et Régulus les avaient bien mémorisées. Sirius fronça les sourcils devant de tels paroles.

-Je négocierai avec la Mort pour qu'elle vienne me chercher après toi. Comme ça, je serai toujours avec toi, et tu m'auras à tes côtés jusqu'à la fin.

-Même quand je serai tout vieux et tout flétris comme grand-père Pollux ?

-Ouais. Même là.

-Tu me le promets ?

Un sourire éclaira le visage de Sirius. Il introduit sa main dans celle de son frère et doucement dit :

-Promis.

Mais que de promesses vaines sortie de la bouche d'un garçon de onze ans. Depuis ce jour, Régulus s'était accroché à ces mots comme s'ils étaient les seuls à pouvoir donner un sens à son existence. Lorsqu'il l'avait vu partir pour Poudlard quelques mois plus tard, il y avait pensé fort fort fort. Il s'était dit que son frère penserait à lui tous les jours, qu'il aurait hâte de retourner au manoir pour le retrouver. Puis il apprit qu'il avait été admis à Gryffondor et non à Serpentard comme tous les membres de sa famille. Là, il avait commencé à penser que lui aussi irait à Gryffondor, parce qu'au fond il n'était pas bien différent de son frère. Il attendit ses lettres avec impatience, observant la fenêtre avec insistance comme si son regard pouvait à lui seul emmener son hibou jusqu'à lui. 
Mais rien.
Un silence déchirant. Un abandon douloureux.
Lui qui lui avait promis de ne jamais le laisser seul.
Quelques mois plus tard, il revint pour passer les vacances de Noël. Régulus sautillait d'excitation depuis déjà des semaines, au plus grand désespoir de ses parents et de Bellatrix qui leur rendait parfois visite en attendant son mariage. Le jour-même, dès le lever du jour, il se posta devant la porte et attendit patiemment qu'elle s'ouvre. Il comptait les secondes dans l'espoir qu'elle passeraient plus vite et s'imaginait déjà dans les bras de son frère, respirant son odeur qui lui manquait tant. Et, effectivement, quelques heures plus tard, la porte s'ouvrit. Régulus se jeta au cou de Sirius dès qu'il l'aperçut, ne pouvant retenir sa joie plus longtemps. Mais même si ce dernier lui répondit affectueusement, il finit par le repousser et prononça ces mots que Régulus n'oublierait jamais :

-Je dois écrire une lettre pour James.

Lui qui ne lui en avait pas écrit une seule depuis des mois.
Sirius monta les escaliers avec ses affaires et rentra dans sa chambre mais son petit frère le suivit, la joie de le revoir surpassant la déception.

-Qui est James ? Hein ? Et comment c'était à Poudlard ? Tu étais avec Cissy et Andry du coup !

-On est pas dans la même maison, Reg. Et puis Narcissa sort avec ce petit con de Malefoy, je ne le supporte pas. J'ai mes propres amis maintenant.

Régulus s'assit sur le lit de l'aîné, bien décidé à y rester.

-Comment ils sont ?

-Géniaux, déclara-t-il avec des yeux pétillants. Rémus est du genre timide et intello tu vois, mais il est vraiment gentil. Peter est un peu bête sur les bords, d'ailleurs c'est Rémus qui veut qu'on reste avec lui, mais bon, il nous fait rire. Et James, c'est le meilleur, c'est comme un frère maintenant !

La dernière phrase se planta dans le cœur du petit garçon comme une lame de couteau.

-Mais c'est moi ton frère.

-Oui, oui bien sûr. Lui c'est un genre de frère-ami tu voix, mais toi je t'aime parce que tu es mon vrai frère.

Mais cette excuse ne soigna pas la plaie.

-Tu m'as manqué.

-Toi aussi tu m'as manqué, Reg. Je sais que je devais t'écrire mais... on a eut des devoirs dès le premier jour tu sais.

-Ça a l'air dur Poudlard.

Un élan de culpabilité saisit Sirius. Il avait honte de ne pas avoir pensé à son frère dès le premier jour, de ne pas lui avoir envoyé des lettres comme il lui avait promis. Et surtout, lui mentir. Ça lui serrait le cœur au point que respirer lui faisait mal. Mais comment lui expliquer qu'à présent qu'il avait connu le Paradis, il ne voulait pas retourner en Enfer ? Que Poudlard était sa maison bien plus que ne le serait jamais ce manoir ? Que penser à lui reviendrait à penser à ce lieu, à sa mère et... non, il ne pouvait pas lui dire tout ça. Il comprendrait lorsqu'il irait là bas.

-Vous pouvez utiliser la magie là-bas ?

-Seulement quand les professeurs nous y autorisent.

-Et c'est lequel ton professeur préféré ? Narcissa dit toujours que c'est Slughorn le meilleur.

Sirius grimaça.

-C'est normal, il est directeur de sa maison.

-Et ce sera qui mon directeur à moi ?

-Ben lui.

-Non, moi je serai à Gryffondor comme toi ! Qui est le directeur de Gryffondor ?

Sirius ne sourit pas comme le faisait son petit frère. Une tristesse immense l'envahit, cette même tristesse que quand le Choixpeau avait fait son choix et clamé sa nouvelle maison. Celle qui lui faisait comprendre que Régulus ne serait peut-être pas dans la même que lui. Qu'il n'échapperait pas à la règle des Black. Que cette différence les séparerait. Peut-être pas définitivement, mais un peu tout de même.

-C'est MacGonagall mais... non rien, laisse tomber.

-Si, vas-y dit !

-Je ne suis pas sur que...

-Eh, les marmots, surgit une voix féminine derrière la porte.

Bellatrix entra, les cheveux habituellement en bataille sur sa tête. Son regard reflétait une folie qui donnait froid dans le dos, même si pour l'instant la jeune fille n'avait pas mis en application toutes ses idées meurtrières. Mais cela ne saurait tarder, songea amèrement Sirius.

-Voilà le petit Gryffondor de la famille, siffla-t-elle accompagné d'un sourire mauvais.

-Qu'est-ce que tu fais là ? attaqua-t-il sur la défensive.

-Petite réunion de famille, tu aurais oublié ?

-Super, marmonna-t-il, maintenant un regard noir sur sa cousine.

-On a fait ami ami avec Potter alors ? se moqua-t-elle. Les traîtres se retrouvent toujours quelque part de toute manière.

-Sirius n'est pas un traître ! s'exclama Régulus, sautant presque sur son lit.

-Crois-moi mon chéri, il ne tardera pas à l'être.

Elle le détailla une fois de plus avec un dégoût apparent puis lança :

-Ta mère veut te voir. Apparemment, elle n’apprécie pas beaucoup ta nouvelle maison.

Puis elle repartit, laissant Sirius réticent à l'idée de ce qu'il allait subir.

-Ne descends pas tout de suite, gémit son frère.

-Mère n'aime pas attendre, tu le sais. Je reviens vite.

Il s'apprêta à passer la porte de sa chambre quand soudain, la voix de Régulus le stoppa net dans son élan.

-Sirius ? Est-ce que tu es content d'être là ?

Le « avec moi » avait faillit lui échapper.
-Oui. Bien sûr.

Mais il sut alors que c'était faux. Parce que Sirius le regardait toujours dans les yeux quand il affirmait quelque chose.
Et là, Sirius ne l'avait pas fait.

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