Chapitre 45 √

J'ai merdé. On ne va pas se le cacher, pas la peine de faire les hypocrites. On peut même rajouter que j'ai bien merdé. Mais je vais vous dire une chose, moi. Je ne vais pas rester collée à ce mur en pleurant comme une imbécile, non. Je vais me décoller de ce mur justement et je vais aller le suivre pour supplier son pardon, comme la lâche que je suis. Vous l'avez compris, je suis une lâche mais une lâche qui se respecte et qui compte bien ne plus merder comme elle vient de le faire.

Je me décolle donc du mur et rattrape le prince en courant. J'abandonne ma dignité au sol.

- Vous avez raison sur tout.

Il m'ignore et continue sa route. Mince, j'ai oublié de rajouter quelque chose.

- Mais pas sur un point.

Il ne parle pas, je l'attrape donc par le bras pour le retenir mais il se dégage.

- Vous êtes jaloux.

- C'est un peu logique, tu ne trouves pas ? Il a posé ses mains là où moi seul pensais pouvoir les poser !

- Mais je ne lui ai même pas demandé de me toucher... ou même de m'embrasser !

- Tu as répondu à son baiser !

- J'étais surprise. Vous auriez fait la même chose.

- Surprise ? Non mais je rêve !

- Mais... Vous devez comprendre qu'Aiden et moi, c'était du sérieux. Nous nous connaissons depuis longtemps, avant d'être mon amant, il était mon meilleur ami et...

- Et tu vas te marier avec lui ? J'avais compris.

- Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Je l'aimais beaucoup. C'est pour ça, qu'au début, j'étais assez réticente à venir ici. Me marier avec vous, ce n'était pas ma priorité absolue. Je voulais à tout prix rentrer chez moi. Et puis, j'ai fini par vous apprécier... vous aimer. Alors j'ai fini par vous repousser parce qu'Aiden devait rester le seul et unique amour de ma vie mais le revoir ici, aujourd'hui, ce n'est pas facile.

Il hausse un sourcil moqueur et rétorque :

- Ça on peut le dire. Tu l'as embrassé sous mon nez.

- Et vous alors ? Quand vous me rendiez jalouse en parlant avec ma sœur ? Quand vous l'avez embrassée ? Vous vous en rappelez ? C'était agréable, pas vrai ?

Il me fusille du regard.

- Nous n'étions rien et c'était avant.

- Et maintenant que sommes-nous ?

- Nous ne sommes toujours rien. Je ne suis rien pour toi, j'avais compris.

Je pose ma main sur sa joue et réponds :

- Mais vous n'êtes pas rien...

Il me repousse, toujours le regard noir et répond d'un ton sec :

- Arrête. Arrête et va-t-en. Je t'ai donné le droit de t'en aller, qu'est-ce que tu attends, bon sang !

Mais je ne veux pas partir.

- Je...

- Tais-toi et va-t-en, Sarah. Je ne plaisante pas. J'ai vu ton regard et tu es bel et bien amoureuse de lui alors va-t-en, pars avec lui pour notre bien commun.

Dis-lui ! Dis-lui, Sarah.

Il me tourne le dos et s'en va une énième fois et à présent, je ne le suis pas. J'ignore pourquoi. J'ordonne à mes jambes d'avancer pour ne pas laisser tomber et à ma bouche de crier son prénom mais rien ne se passe. Mes pieds semblent ancrés définitivement dans le sol et je ne peux rien faire.

Alors que les secondes s'écoulent, je dois me rendre à l'évidence : il me déteste à vie. Enfin, peut-être qu'il ne me déteste pas mais à priori, il n'est pas prêt de me pardonner. Et je crois bien que j'ai perdu. Que c'est la fin et que ce mois aux côtés de mes proches risque d'être bien long et ennuyant.

Je détestais perdre jusque-là et puis j'ai fini par me rendre compte que notre histoire n'était pas un jeu.

• • •

Alors que mes jambes descendent les escaliers dans un mouvement faible, mon regard cherche celui de ma mère et le trouve rapidement. Elle me fixe, en pleine discussion avec Solenn. Et à son regard, je crois qu'elle n'est pas très contente.

Je rejoins donc ma famille et fais comme si tout allait bien. Ma mère me prend par le bras et me fusille intensément du regard.

- On peut savoir ce que tu as fait à ta sœur ?

Je hausse les sourcils, surprise, et réponds :

- Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

- Regarde son bras !

Je dévie mon regard et aperçois quelques griffures dont la croûte vire au rouge vif.

- Des griffures. Et donc ?

- Tu lui as fait ces griffures ! s'exclame-t-elle, choquée. Elle m'a tout raconté, de la bagarre à tes insultes.

D'ordinaire, j'aurai protesté, j'aurai crié et j'aurai plaidé ma défense. D'ordinaire, j'aurai réagi au quart de tour. Mais là, je suis fatiguée, triste et je n'ai qu'une seule envie : prendre un bon bain chaud et pleurer toutes les larmes de mon corps.

Je sais qu'elle a encore inventé sa sois-disante griffure, qu'elle veut me monter contre ma mère et qu'elle a déjà réussi mais aujourd'hui, je ne me battrai pas. Aujourd'hui, je laisse tomber. Je reprendrai le combat une prochaine fois car c'est perdu d'avance, je le sais déjà.

- Tu me déçois énormément, Sarah. Tu es ma fille mais pourtant, je ne te reconnais plus. Tu l'as griffée, insultée et tu es détestable avec elle ! Et il paraîtrait que tu t'immisces dans sa relation amoureuse avec le prince ? Sarah, si le prince la préfère elle à toi c'est qu'il y a bien une raison ! Tu devrais penser à changer de comportement car quand je te vois à présent, un seul et unique sentiment me parvient : la déception.

J'ai envie de pleurer. De hurler. De lui expliquer que Solenn est une énorme menteuse. J'ai envie de prendre ma mère dans mes bras. Que Neyla intervienne. J'ai envie de dire à Aiden que c'est fini entre nous. Que je n'ai jamais ressenti rien de plus que du désir pour lui. Que je ressens actuellement un sentiment bien plus puissant pour un autre homme.

Mais pour le moment, c'est la détresse qui prend part. La détresse. Car je ne suis pas écoutée. Car on ne m'entend pas. On ne m'a jamais entendue.

Car pendant toutes ces années, j'ai été le vilain petit canard de ma propre vie.

Car tout va mal. Car ma vie est complètement merdique. Qu'hier, tout allait bien mais qu'aujourd'hui, tout va mal. C'est fou comme un rien peut se passer en à peine une journée.

Je garde la tête baissée. Ma mère croit peut-être que j'ai honte, mais non. Je n'ai juste pas envie de me relever aujourd'hui. J'ai juste envie actuellement de fondre en larmes.

Et puis je me remémore les bons moments. Les bons souvenirs.

J'aimerai te dire à quel point tu es importante pour moi, mais je crois que les mots ne seront jamais assez forts pour exprimer tout l'amour que j'ai pour toi, Sarah.

Je me repasse sa phrase dans ma tête, imaginant sa voix, ses baisers dans mon cou et les choses vont un peu mieux. Tout n'est pas réglé, mais le fait de me dire que dans ce monde, j'étais importante aux yeux d'une personne me réconforte dans l'idée que ça ira mieux.

Alors je soupire et réponds :

- Crois ce que tu veux, maman. Je ne me battrai pas aujourd'hui. Plus maintenant. J'ai assez donné.

Depuis le début, Neyla a observé la scène et foudroie du regard Solenn. Elle tient avec moi. Elle me comprend. Elle est de mon côté.

Aiden, lui, est en train de discuter avec Calista et ses parents. Bon, au moins, il me lâchera peut-être. Je me détourne de tous ces gens et fais-demi tour pour regagner ma chambre. J'entends des pas derrière moi.

- Oh ! Tu vas pas te laisser abattre comme ça, j'espère ? T'es une battante, Sarah ! s'exclame Neyla en marchant à mes côtés.

- Pas aujourd'hui. Plus aujourd'hui.

- Mais si, ça va aller. Relativise. Tu sais, vu ce que tu viens de te prendre, ça ne peut pas aller plus mal.

- Je sais que ça ira mieux, j'attends juste avec impatience ce moment. Le temps résout tout, comme on dit ?

- Depuis quand t'es optimiste, toi ?

Je hausse les épaules.

- Depuis que j'en ai marre de voir le mal partout. Il y a bien du soleil après un orage, non ?

- Bon... Il s'est passé quoi là ?

- Pas ici. Dans ma chambre, on parlera mais là, il y a trop de mauvaises langues.

Elle m'offre un sourire réconfortant avec un regard me disant « tout ira bien, Sarah ».

Oh, je l'espère, Neyla. Je l'espère tellement que j'en ai mal au cœur.

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