Chapitre 3 √
Une semaine s'est écoulée depuis les événements de la semaine dernière. Une semaine que je n'ai pas revu Aiden et il me manque terriblement. Pendant ces quelques jours, ma mère et Solenn ne font que me bourrer le crâne d'idées toutes plus insupportables les une que les autres.
« Mais tu le verrais à la télé, il est sublime le prince ! Je suis sûre que tu tomberais sous son charme. »
Beau ou pas, je n'en ai rien à faire. Il peut ressembler à un dieu vivant, jamais ô grand jamais je ne me laisserais faire face à ses manières. Je refuse catégoriquement chaque soir d'aller regarder ses stupides interviews, aux titres accrocheurs sur le journal télévisé : mais qui est donc le prince Kaled ? On s'en fiche que monsieur repasse lui-même ses chemises ou bien qu'il soit très cultivé. Il peut posséder une grande culture et être bête comme ses pieds, l'un n'empêche pas l'autre.
— Je suis contente que tu aies changé d'avis, lance ma mère.
Je relève les yeux, n'esquissant même pas un sourire. Je peux avoir une tête de déterrée, je m'en moque. Entre-temps, j'ai longuement réfléchi. J'ai décidé de passer le test, pour faire plaisir à ma mère et surtout afin de récupérer Aiden. Il est vrai que, c'est pratiquement sûr que je ne sois pas qualifiée.
Nous sommes des milliers à participer. Une chance minime que je réussisse.
Cela doit bientôt faire deux heures que nous faisons la queue, ma sœur, ma mère et moi. Solenn s'est apprêtée pour être la plus belle possible et j'avoue que c'est réussi : sa crinière brune a été ramenée en un chignon lâche qui dégage les traits de son doux visage.
J'ai toujours admiré et été fascinée par ma sœur. Élancée, mince, de beaux yeux bleus, elle a tout pour elle. La moindre partie de son visage est en harmonie avec sa beauté. D'apparence, elle a l'air plutôt joviale mais dans le fond, je lui connais un côté peste et ce, depuis toute petite.
Moi, j'ai hérité de mon père comme dit ma mère. Des longs cheveux noirs formant des boucles soyeuses, des yeux noisette, des lèvres charnues et malheureusement, la taille petite de ma mère. Et comme j'ai toujours détesté mes cheveux bouclés, je les ai longtemps laissés poussés pour les ramener chaque jour en une longue tresse. Au moins, avec cette coiffure, on ne devine pas ma crinière étouffante.
À Aragona, sur les publicités et les journaux sont souvent représentés des femmes blanches, aux cheveux blonds et à la peau lisse. Or, je n'entre dans aucune de ses catégories. J'ai parfois l'impression de faire tâche.
Me redressant, j'observe les autres filles qui ont l'air toutes impatientes de passer le test. Nous faisons la queue dehors, debout devant les larges portes d'un centre. Ici seront prises nos photos et nos dossiers seront remplies grâce à divers informations, que ce soit physiques comme intellectuelles.
Ma mère m'a expliqué qu'après le test, on prendrait une photo de nous. Les sélectionnées verraient leur portrait affiché à la télévision lors des résultats.
— Solenn Crawford, annonce une voix féminine.
Nous cherchons tous du regard celle qui vient de parler. Une femme blonde se dessine devant les portes, un carnet de notes dans les mains. Un grand sourire anime le visage de ma sœur qui avance vers la femme.
L'excitée se peint dans ses yeux. Cela fait des semaines que ma sœur stresse pour son test. Elle tient absolument à être qualifiée pour avoir une chance de se marier avec le prince Kaled. De toute manière, cela ne me surprend même pas. Elle a toujours rêvé et espéré grand.
Pendant une dizaine de minutes, j'attends avec ma mère, les bras croisés sur ma poitrine. Cela va bientôt être mon tour si j'en suis la logique de leur liste. Honnêtement, plus vite ce sera fait et mieux je me porterai.
— Sarah Crawford.
Je me tourne vers ma mère qui fait de grands gestes pour me dire d'aller suivre la femme. Mon cœur s'accélère subitement, pas à l'idée de répondre à leurs questions débiles, juste par crainte de l'inconnu.
— Installe-toi, me lance la femme.
Sa voix aigue raisonne dans mes tympans alors que je m'allonge sur le fauteuil, peu sereine. Mon regard balaie quelques secondes la pièce blanche du sol au plafond. Cela m'en donnerait presque la nausée.
La femme ne perd pas de temps et me demande de poser ma main sur un écran digitale, ce que je fais. Le temps s'écoule et je l'observe qui tape sur son clavier, un sourire aux lèvres. Je comprends en quelques secondes qu'elle récupère des informations me concernant. La technologique me dépasse.
— Alors, Sarah, ta vie se passe bien ?
Mon copain vient de rompre, sous prétexte que je suis trop mince et que j'ai des lunes violacées sous les yeux.
Ma vie est un désastre.
— Oui.
Elle essaie de me faire la discussion le temps que la machine pompe toute ma vie. Et je la regarde faire, l'air perplexe. Pendant une dizaine de minutes, elle répertorie différentes informations sur son carnet. À un moment, elle me fait signe de me lever, mesure ma tension, ma taille et mon poids.
— Et que penses-tu de la famille royale ?
À vrai dire, je ne me suis jamais vraiment souciée de cette famille royale qui est composée simplement d'une reine, d'un roi et d'un prince. Pour moi, ils ne signifient rien, mais je me retiens d'en dire trop.
— Je ne les connais pas trop et ma mère me dit de ne jamais me faire d'opinion hâtive sur les gens, alors bon...
Laissant ma phrase en suspens, elle répond avec un sourire bienveillant :
— Ta mère a l'air d'être une personne bien.
— Elle l'est.
Elle me pose ensuite quelques questions, concernant ma vie, mon travail, ma perspective d'avenir. Puis elle se lève et déclare en tapant des mains :
— Ton test est fini. Je n'ai plus qu'à prendre une photo et tu pourras sortir.
Déjà ? J'ai l'impression que cela fait à peine cinq minutes que je suis ici. Elle me fait signe de m'assoir sur une chaise devant un objectif, corrigeant ma posture.
— Allez, souris !
Un sourire timide apparait sur mes lèvres. J'ai toujours détesté être prise en photo, et ce d'aussi loin que je m'en souvienne. Je me trouve bien trop laide.
— Je suis sûre que tu peux mieux faire, Sarah.
Elle me fait un clin d'œil, ce qui me fait sourire tout naturellement.
Clic.
Elle repose son appareil et se redresse.
— Bien, tout est en ordre. Tu sauras les résultats vendredi soir à vingt heures comme des millions de spectateurs.
Elle se dirige vers la porte et avant de me libérer, ses yeux se posent sur moi et elle déclare :
— J'aurais une dernière question, ne faisant pas partie du test. Pourquoi as-tu décidé de t'inscrire ? Tu peux répondre honnêtement.
Je réfléchis quelques secondes et me décide à jouer la carte de la sincérité. Je lance alors, de but en blanc, sans me soucier de quoique ce soit :
— Je n'ai jamais voulu m'inscrire.
Et c'est comme ça que je sors. Me retournant une dernière fois avant de rejoindre ma mère, je regarde la femme blond saisir son carnet et noter d'autres mots. Je crois bien que la question faisait partie du test.
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