Chapitre 43

— Pour cette toute nouvelle épreuve, nos jeunes demoiselles devront se battre pour garder leur place. En effet, nous approchons à grands pas de la fin de ce tournoi. Il ne reste plus que deux défis avant la finale ! Alors, mesdemoiselles, aujourd'hui est l'opportunité pour vous de briller puisque nous entamons l'épreuve de culture générale !

Sir Caster lance un sourire colgate aux spectateurs regroupés une nouvelle fois pour nous observer, nous, pauvres filles, se battre pour le cœur du cher et tendre Eros.

Je suis motivée à gagner. Pourquoi ? Celle remportant le défi aura l'opportunité de passer toute la soirée avec lui. Je veux avoir le plaisir de lui dire ses quatre vérités en face. Fini les pleurs et le cœur en miettes, le voir aussi indifférent maintenant suffit à me mettre en rogne.

Mais je resterai courtoise. Polie. Parfaitement respectueuse. Et je me battrai pour remporter cette épreuve. Que Kereya le menace est une possibilité, mais il n'a pas le droit de me jeter comme une sale chaussette. La communication est la clé, et je compte bien le lui rappeler.

Une silhouette s'avance au loin. Mamie, dans une robe jaune poussin, s'approche de moi, des lunettes de soleil au bout du nez. Sa peau noire est teintée d'un fard à joue rose pétant, et sa bouche sertie d'un gloss. Ses cheveux crépus ont été relevés en un grand chignon.

— Ma petite Arynn, que fais-tu là ? L'épreuve va bientôt commencer !

— Je réfléchis.

Et c'est vrai. Je ne cesse de me demander pourquoi il a agi comme ça. Quand je le regarde au loin, je me fige. Il est en pleine discussion avec Sorya et Willa. L'une lui tient le bras, l'autre le fixe avec de grands yeux admiratifs. Il leur offre un sourire charmeur et je manque de m'étouffer avec ma salive.

— Rewind m'a tout raconté. Je vais lui faire manger la poussière, ne t'inquiète pas pour ça.

— À votre petit-fils ?

Elle s'assoit à côté de moi et hausse les épaules.

— Je commençais sincèrement à l'apprécier. Je ne l'ai jamais vraiment connu, tu sais, Kereya s'est toujours comporté en mégère de première. Mais il y avait quelque chose d'agréable chez lui, de rafraîchissant. Et Rewind s'entendait si bien avec lui ! Mais les choses ont visiblement changé.

— Je ne pense pas qu'Eros soit ainsi de son plein gré... Je crois que Kereya l'a menacé.

— Tu crois ? Regarde-le, Arynn. Il ne quitte pas ces deux-là d'une semelle.

Je la vois qui réfléchit. Mes yeux dévisagent ses traits. Elle devait être une très jolie fille quand elle était plus jeune. Il y a quelque chose de vif chez Mamie, mais aussi de nostalgique. Je ne saurais expliquer ce que je vois chez elle, mais je sais qu'elle a dû vivre bien des choses.

— À moins que Kereya ne l'ait forcé à rester avec ces deux pestes. Je ferai mon enquête, j'irai lui tirer les vers du nez. Ce petit va en entendre parler !

Je souris malgré tout. Je suis persuadée que Mamie saura faire pression comme il faut.

Elle se tourne alors vers moi et me fait un signe de la main :

— L'épreuve va débuter, file !

Je m'empresse de me lever et de lui obéir. Mieux vaut obéir à Mamie. Toujours.

Je me dirige naturellement vers le cercle de l'épreuve. Nous ne sommes plus que sept. La finale se jouera donc entre trois filles.

Pour l'occasion, sept pupitres ont été placés en cercle avec une seule petite clochette posée sur chacun d'eux. Une épreuve de culture générale et de rapidité. Génial.

J'ai toujours été bonne à l'école. De bons résultats, ma tutrice était très fière de moi. Mais avoir des bonnes notes n'est pas forcément signe d'avoir une bonne culture.

Je saurais aujourd'hui si ma curiosité de tous les jours m'aura menée à bien.

Je m'installe derrière mon pupitre et deux mains se posent alors sur mes épaules. Mon cœur flanche, je pense une seconde qu'il s'agit d'Eros mais loin de là.

Je fais volte-face et tombe nez à nez avec Therys. Je grimace sans faire attention et son sourire s'efface.

— Tu n'es pas ravi de me voir, Arynn ?

Non, pas vraiment.

— Tu n'es pas celui que j'espérais, c'est tout.

— Ton petit amoureux t'a abandonnée ?

Il se remet à sourire. Bon Dieu que son sourire est détestable ! Je croise les bras sur ma poitrine, et réplique :

— Ce ne sont pas tes affaires.

— Officiellement, tes affaires me concernent. Écoute, Arynn. Je voulais m'excuser pour hier. Tu fais ce que tu veux, et je n'ai pas mon mot à dire dans tes agissements. J'ai mal réagi et j'en suis désolé. Je veux juste... Je ne veux pas te presser, loin de là. Nous étions amis avant, et... Je ne veux pas être ton ennemi.

Il fait une pause et faible que je suis, j'attends patiemment la suite, me laissant un petit peu attendrir par ses excuses.

— Laissons-nous un délai, d'accord ? Je ne te forcerai pas à quitter ce tournoi, et si tu le remportes, je ne m'opposerai pas à ton mariage avec Eros. Mais si tu le perds... Je serai là, je serai toujours là pour toi. On pourra se découvrir l'un l'autre, ça te convient ?

— Et qu'en est-il du « Tu quitteras bientôt Lucrenda pour partir avec moi à Socrenia. » ? Je ne compte pas quitter mon pays, Therys. Et me marier... n'est pas dans mes plans.

— Je sais bien tout ça. Je me suis mal exprimé la première fois. Ce sont des choses que nous verrons plus tard mais... Laisse-nous au moins une chance. S'il te plaît.

Je le dévisage. Pendant un court instant, je revois le Therys d'avant. Dans son regard, dans la façon dont il a l'air vraiment navré.

Je me retourne et mes yeux croisent ceux d'Eros. Les siens sont rivés sur moi. Transparents, sans aucune émotion. Il détourne vite le regard pour le poser sur Willa. Il rit à l'une de ses blagues et j'ai envie de m'enterrer.

— D'accord. Peut-être. On verra comment les choses évoluent. Mais laisse-moi... respirer. Et prendre mes propres décisions.

Il hoche vivement la tête et quand il fait un pas en avant pour me prendre dans ses bras, je me crispe.

— Bonne chance pour l'épreuve. Tu as toutes les qualités pour l'emporter.

Il a l'air sincère. Il s'en va alors et c'est quelqu'un d'autre qui le remplace. Ander me fait face, Rewind derrière lui.

— Je rêve ou tu parlais avec l'ennemi ? s'offusque mon frère.

— Tu ne rêves pas, roucoule Rewind. Elle était bien en train de parler à ce ver venimeux.

— Il s'est excusé pour son comportement d'hier, je réplique. Et ce ne sont pas vos affaires !

— Pas nos affaires ? C'est politique, là, Arynn. Son père a la rage et en veut encore à Bianca et Rewind pour la mort de son fils. Ecclosia, Lucrenda et Imir sont les pays ciblés. Ce type est capable de tout, et par aucun moyen tu ne dois l'épouser !

— Alors quoi ? je m'époumone. Vous aussi vous allez décider à ma place ? Merde, Ander ! Fichez-moi la paix ! Déjà avec Eros, maintenant avec Therys.

Je me retourne pour leur faire comprendre que la décision est close. J'entends Ander souffler comme un taureau dans mon dos et il tourne les talons.

Seul Rewind reste. D'un geste amical, il pose une main sur mon épaule.

— Eh... Je suis désolé, Arynn. J'ai conscience que j'ai en quelque sorte... influencé ton histoire avec Eros.

Je pivote vers lui et le foudroie du regard.

— Tu n'as rien influencé du tout. Je l'aimais bien dès le début. Je ne te reproche pas ton rôle de Cupidon, je... On en a bien ri avec Eros. Le problème, c'est que vous voulez tous les deux décider pour moi. Je ne sais même pas où en est mon histoire avec lui, et maintenant Therys qui s'excuse... Je suis perdue, d'accord ? Entre Kereya, le tournoi, Sorya et Willa... Je...

Je panique. Je cherche de l'air mais rien ne vient, une nouvelle fois. Les larmes roulent sur mes joues toutes seules et je me mets à pleurer comme un bébé. Je tente de prendre de grandes inspirations mais mon souffle se bloque.

Rewind ouvre la bouche, surpris, puis la referme aussitôt. Son regard devient noir.

— Je vais aller le frapper. Je reviens tout de suite.

Je veux lui dire non mais je suis en pleine crise. Les larmes floutent ma vision, tout ce que je vois, c'est la silhouette de Rewind. J'essuie mes larmes en reniflant et reprends peu à peu de l'air, en grande bouffée.

Il s'approche d'Eros et sans prévenir, le saisit par le bras. Surpris, Eros fronce les sourcils. Rewind lui crie dessus et son cousin cherche des yeux quelque chose.

Quand il me trouve, son visage se ferme. Il dit quelques mots à Rewind avant de le repousser.

Furibond, Rewind revient vers moi et s'exclame :

— Il m'énerve tellement que j'en perds ma répartie. Non, mais sérieux quoi !

— Ce n'est pas grave, je murmure.

— Si, c'est grave, Arynn.

— Mais non, ça ira mieux avec le temps, je...

— Arrête. Tu sais pourquoi c'est grave ? Parce qu'Eros t'aime mais il est incapable de te le dire. Et même s'il en était capable, il ne le ferait pas parce que cette peste de Kereya le menace.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top