โง
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โง
MENELAS EST allongรฉ sur le dos, en plein milieu du lit que je suis censรฉe partager avec le duc. Ce dernier a eu la politesse dโoccuper le canapรฉ du salon, au cours des derniรจres nuits. Cependant, maintenant, je ne peux mรชme pas mโinstaller sur ce matelas.
Mes bras se croisent et mes dents se serrent.
โ Mรฉnรฉlas, fais moi de la place.
Citrouille, le chat que jโai secouru, est installรฉ sur lโun des oreillers, prenant aussi peu de place que possible. Seulement son cousin nโa absolument pas la mรชme vision du concept de dormir ร plusieurs dans le mรชme lit.
Tโavais quโร venir en premier.
โ Mรฉnรฉlas ! je fulmine.
Je suis bien, je ne compte pas bouger.
โ Espรจce deโฆ
Lร -dessus, le chat se lรจve. Un instant, jโesquisse un sourire, me croyant victorieuse. Seulement je dรฉchante rapidement en le voyant diriger son postรฉrieur sur le sol, ร quelques centimรจtres quand mรชme des couvertures.
Je connais cette position.
โ Mรฉnรฉlas ! Tu arrรชtes รงa immรฉdiatement !
Soit, je dors comme je veux sur ce lit, soit, personne nโy dort.
Tournant la tรชte pour mโobserver, il me fixe droit dans les yeux. Je soutiens son regard quelques instants, pensant pouvoir lutter. Mes bras se croisent sur ma poitrine et il couche les oreilles, intimidant.
Lร , je lรจve les mains en signe de capitulation.
โ Dโaccord ! Dโaccord ! Mais je tiens ร prรฉciser que tโes un gros dรฉgueulasse, Mรฉnรฉlas.
Tous les animaux marquent leur territoire en faisant pipi sur les objets, il nโy a rien de surprenant.
Lร -dessus, il sโallonge ร nouveau sur le dos. Je lโobserve quelques instants, espรฉrant quโil croise mon regard courroucรฉ et rรฉalise que je condamne fermement le chantage รฉcลurant quโil vient de faire.
Cependant, non seulement il garde les yeux fermรฉs, mais il se permet en plus dโajouter quelques paroles.
Tu seras gentille et รฉteindras la bougie, en partant.
Mes mains se serrent et je lutte contre lโenvie de me jeter sur le lit, secouant lโanimal dans tous les sens. Seulement, cela risquerait de rรฉveiller Citrouille qui dort comme un loir.
โ Bon, je suppose que je nโai plus quโร espรฉrer que le duc soit clรฉmentโฆ Saletรฉ de chat.
La saletรฉ de chat te zut.
Levant les yeux au ciel, je saisis une cloche de verre que je place par-dessus le feu de chaque flamme. Celui-ci sโรฉvanouit, privรฉ dโoxygรจne. Lโobscuritรฉ revient et je marche jusquโร la porte, me guidant grรขce aux rayons de la lune.
Plaรงant la main sur la poignรฉe, jโouvre la porte menant au salon. De la lumiรจre en provient, les chandeliers รฉtant encore allumรฉs.
Le visage du duc Fushiguro se dรฉtourne du livre quโil lit pour se poser sur moi. Il mโobserve, assis sur le canapรฉ en similicuir, dโun air visiblement surpris.
โ Je suis dรฉsolรฉe. Mรฉnรฉlas prend toute la place. Je vais essayer de trouver une chambโฆ
โ Ne dis pas de bรชtises, me coupe-t-il en se levant. Viens ici.
Lร -dessus, il se lรจve, mโinvitant ร prendre place sur le canapรฉ. Tournant la tรชte, je rรฉalise quโil nโy a aucune place pour dormir exceptรฉe celle-ci.
Mes sourcils se froncent.
โ Non, je vais bouger Mรฉnรฉlas. Il est hors de question que vous nโayez aucun endroit oรน dormir, dรฉjร que vous nโoccupez pas le lit.
Le duc secoue la tรชte, sโasseyant dans un fauteuil. Posant ses bras sur les accoudoirs, il patiente quelques instants avant dโesquisser un rictus satisfait.
โ Parfait. Je dormirais ici.
Soudainement embarrassรฉe, je secoue la tรชte. Il est formellement hors de question que je laisse une telle situation se produire. Cela fait dรฉjร plusieurs jours que, malgrรฉ son imposante carrure, il demeure ร lโรฉtroit sur ce canapรฉ. Je ne vais pas, en plus, le contraindre ร prรฉsent ร se forcer plusieurs heures dans une position assise.
Me voyant secouer la tรชte, il laisse le cรดtรฉ droit de ses lรจvres se hausser en un rictus. Puis, penchant la tรชte sur le cรดtรฉ, son regard erre quelques instants sur moi.
โ Ne me dis pas que tu souhaites dormir avec moiโฆ
Aussitรดt, mes yeux sโarrondissent et je hausse violemment les sourcils.
โ Nโฆ Non ! Non, ce nโest absolument pas ce que je voulais dโฆ
Il รฉclate de rire, me prenant de court. Jโรฉcarquille les yeux. Le son, grave et presque mรฉlodieux, me fait frissonner.
โ Ne tโen fais pas, ma chรจre. Dors, cela ne me dรฉrange pas.
Pinรงant les lรจvres, je regarde autour de moi, cherchant dรฉsespรฉrรฉment une solution. Seulement le canapรฉ est dรฉjร trop รฉtroit pour lโaccueillir correctement alors nous deuxโฆ
Je secoue la tรชte et mโassoit dessus.
โ Je nโai pas sommeil, je proteste.
โ Tu mens.
Je mโapprรชte ร mโagacer de son accusation mais la douceur de son regard mโen empรชche. Mes รฉpaules sโaffaissent et je pince les lรจvres.
โ Ecoutezโฆ Vous faites dรฉjร รฉnormรฉment pour moi depuis plusieurs jours. Alors je ne vais pas en plus vous chasser de votre propre lit.
โ Tu ne me chasses pas.
Sa voix est ferme, je comprends lร que je nโai pas matiรจre ร protester. Fermant la bouche et gonflant les joues, jโattends quelques instants avant dโacquiescer.
Il me regarde faire avec tendresse.
โ Puis-je te poser une question ? demande-t-il.
Me tournant vers lui, jโacquiesce.
โ Quโattends-tu ?
โ Pourquoi ?
โ Pour arrรชtez toutes ces conventions, commencer ร me tutoyer et accepter que nous nous sommes rapprochรฉs.
Mes sourcils se froncent et aussitรดt, je secoue la tรชte.
โ Nous ne sommes pas plus proches !
โ Si cโรฉtait vrai, jamais tu nโaurais acceptรฉ que je te tutoie.
โ Ce nโest quโune question de respect ! je proteste.
โ Me respecter ? Tu mโas crachรฉ dessus, ma chรจre.
Je pince les lรจvres, tournant la tรชte sur le cรดtรฉ et fuyant son regard. Quelques secondes sโรฉcoulent et il finit par briser le silence :
โ Je rรชve oรน tu te retiens de rire ?
Je secoue la tรชte de droite ร gauche, toujours sans le regarder. Mais son regard sur moi se fait trop insistant et je pose une main devant mes lรจvres afin de les garder closes.
Aussitรดt, je le vois se relever du coin de lโลil.
โ Mais oui ! Elle se retient ! sโexclame-t-il, outrรฉ.
Nโy tenant plus, jโรฉclate dโun rire sonore en basculant la tรชte en arriรจre. Mon regard croise le sien et, ร lโinstant oรน je remarquer lโรฉtincelle de provocation dans son regard, je comprends que je vais passer un sale quart dโheure.
Aussitรดt, je me lรจve en un bond. Il me suit avec entrain, prenant ma suite. Ses pieds cognent le sol tandis que jโouvre une porte ร la volรฉe.
Dรฉrapant dans le couloir, je jette un regard par-dessus mon รฉpaule et remarque quโil me suit. Malgrรฉ lโobscuritรฉ, je cours.
Gardant les mains levรฉes devant moi afin de parer le moindre obstacle, je dois avoir lโair particuliรจrement stupide. Mais il fait noir et je ne peux pas me repรฉrer.
Soudain, ma main rencontre un obstacle. Je hurle de surprise, sursautant.
โ Toujours dans lโexcรจs, celle-lร .
Reconnaissant la voix du duc, je recule de plusieurs pas, comprenant que mes mains ont touchรฉ son torse. Un soupir retentit alors dans la pรฉnombre et des doigts sโentrelacent au mien.
Soudain, je suis attirรฉe contre un torse. Ma tรชte se pose sur sa poitrine et son cลur rรฉsonne ร mon oreille. Le rythme est lent, semblable ร une mรฉlodie dโoutretombe. Ma respiration, affolรฉe par la course, sโapaise doucement.
Sa chaleur mโembrase et je souris.
Cette sensation est agrรฉable, apaisante. Dans les tรฉnรจbres, lร oรน nul ne peut me voir, coupรฉe du monde quelques instants, je ne pipe mot. Je demeure silencieuse, mโabandonnant ร cet รฉtat voisin de lโataraxie.
Il ne dit rien. Je lui en suis reconnaissante.
Aucun mot. Rien. Simplement le silence. Chaud. Rรฉconfortant. Apaisant. Doux.
Lโune de ses mains demeure entrelacรฉe ร la mienne. Lโautre se pose sur ma tรชte. Son cลur bat toujours contre moi. Sa musique est douce, mรฉlodieuse, apaisante.
Un sourire รฉtire mes lรจvres.
โ Tu as besoin de dormir, ma belle.
Je me fige en entendant ce surnom. Mais ses doigts caressant mon crรขne me font fondre davantage dans cette รฉtreinte.
โ Alors, prends le canapรฉ, je te jure que je peux attendre une nuit avant de me reposer.
Je secoue la tรชte contre lui de droite ร gauche.
โ Hรฉ.
Son index se glisse sous mon menton. Les tรฉnรจbres รฉtant toujours omniprรฉsents autour de moi, je ne peux voir son visage. Je ne sais sโil est รฉloignรฉ du mien.
Cependant son souffle brรปlant sโรฉcrase sur mes lรจvres.
โ Rรฉellement, tu mรฉrites de te reposer. Nโoublie pas que tu es convalescente.
โ Je me suis dรฉjร beaucoup reposรฉe, je chuchote, fermant les paupiรจres.
La faรงon dont ses doigts tiennent mon menton me fait frissonner.
โ Ditesโฆ Vous voyez quelque chose, mรชme dans lโobscuritรฉ, lร ?
โ En effet.
Je lรขche un faible rire.
โ Alors je suis dรฉfinitivement sรปre que vous nโรชtes pas humain.
โ Ai-je un jour prรฉtendu lโรชtre ?
Je me fige en haussant les sourcils. Il a passรฉ tant de conversations ร prouver quโil nโรฉtait pas lโAnge de la Mortโฆ Serait-ce possible quโil sโavรจre รชtre un Ange tout ร fait diffรฉrent de celui que je connais ?
Ouvrant les paupiรจres, je mโรฉcarte de lui malgrรฉ lโobscuritรฉ abyssale.
โ Jeโฆ Je nโy comprends plus rienโฆ Qui รชtes-vous ?
Je ne vois plus rien. Ses doigts ont quittรฉ les miens et je suis debout, seule.
Un instant, quand le silence sโรฉternise, je me demande sโil est parti. Cependant un soupir retentit dans la pรฉnombre.
โ Je suis sรปr que personne ne peut rรฉellement rรฉpondre ร une telle question, finit-t-il par dire.
โ Mais vous pouvez essayer. Comment avez-vous obtenu la faveur dโHadรจs ? Pourquoi รชtes-vous dans ses bonnes grรขces ?
Je devine quโil hรฉsite ร me rรฉpondre.
โ A la mort de mon รฉpouse, mon enfant รฉtait encore jeune. Il avait besoin dโun lien avec elle alors jโai fait construire un temple pour le Dieu des Morts.
Il marque un bref temps dโarrรชt.
โ Il sโagissait du premier des Terres Ancestrales. Il รฉtait superbe, magnifiqueโฆ
Je ne peux empรชcher le trรจs dรฉlicat, amer et dรฉplacรฉ sentiment qui sโinsinue soudain en moi. Et je sais que je ne devrais pas ressentir cela pour une femme qui nโest plus.
โ Alors Hadรจs a รฉtรฉ รฉmu ?
โ Il en faut plus pour รฉmouvoir le Seigneur des Enfers, rit-t-il doucement. Mais je crois que jโai รฉveillรฉ son intรฉrรชt. Il mโa gardรฉ ร lโลil jusquโau jour oรน, le chef de ma tribu รฉtant malade, jโai dรป me rendre ร sa place ร la cรฉrรฉmonie de lโAsh.
Je frissonne.
Chaque annรฉe, les personnes ayant atteint la majoritรฉ et nโayant pas montrรฉ de pouvoirs magiques sont menรฉs dans une arรจne. Dans les gradins, le peuple et de hauts dignitaires payent chers pour assister ร un tour de force durant lequel la personne sera dรฉpossรฉdรฉe de son identitรฉ.
Son nom. Son passรฉ. Son signe. Tout lui est retirรฉ.
Et elle devient un sephtis. Un รชtre creux. Sans individualitรฉ.
Une chose.
โ Je nโai pas besoin de te dire en quoi consiste cette cรฉrรฉmonie.
Une larme coule sur ma joue. Non, en effet.
Mes paupiรจres se ferment. Je dรฉglutis pรฉniblement.
Achille, cรฉlรจbre hรฉros de la guerre de Troie, tenait sa force lรฉgendaire dโune action de sa mรจre. Le plongeant dans le Styx, le fleuve sรฉparant notre monde des Enfers, elle lui a confรฉrรฉ ses pouvoirs. Cependant, comme elle le tenait par le talon, celui-ci nโa pas รฉtรฉ imbibรฉ de lโeau de flammes et est devenu sa faiblesse.
Certains se demandent pour quelle raison elle nโa pas immergรฉ entiรจrement son enfant.
Car la puissance de ce fleuve lโaurait tuรฉ.
Lui. Avec ses origines divines.
Il ne pouvait pas รชtre plongรฉ entiรจrement dans cette eau.
โ Lors de la cรฉrรฉmonie de lโAsh, les sephtis sont forcรฉs de boire cette eau, je chuchote. La plupart nโy survivre pas. Et les autres, ayant ingรฉrรฉ la source de la frontiรจre entre les vivants et les morts, ne sont plus tout ร fait vivantโฆ Alors ils perdent ce qui faisaient dโeux des personnes attachรฉes ร la terre.
Mes doigts tremblent.
โ Celle que jโรฉtais est morte. Celle qui avait un nom, une date de naissance, des souvenirsโฆ Elle est morte.
Mon menton tremble.
โ Mรชme si par un miracle, on me donnait mon ancien nom, on me montrait lโendroit oรน jโai grandiโฆ Tout cela ne serait pas moi.
Je hoquรจte.
โ Ils mโont tuรฉeโฆ Mais ils mโont en mรชme temps laissรฉ vivre.
Je me tais. Je suis consciente que, pour eux, cela me permettait de purger mon รขme. Mais cela รฉtait si douloureuxโฆ
Jamais, pas mรชme lorsque les morts sont sortis de terre pour nous attaquer, je nโavais ressenti telle terreur.
Ce que jโai vรฉcu รฉtait pire encore que la mort.
โ Hadรจs nโa jamais cautionnรฉ ces mรฉthodes. Alors, quand aprรจs avoir assistรฉ ร cette cรฉrรฉmonie, jโai brรปlรฉ lโarรจne, je suppose quโil a dรฉcidรฉ que je valais sa faveur.
Estomaquรฉe, je hausse les sourcils. Encore plongรฉe dans les tรฉnรจbres, je ne sais oรน regarder pour le fixer. Cependant, je ne peux mโempรชcher de le chercher des yeux.
Mon cลur bat ร tout rompre.
โ Cโรฉtait vous ?
โ Jโai grandis aux cรดtรฉs des Evilansโฆ Mais voir cette cรฉrรฉmonie, quโils autorisaientโฆ Non, je ne pouvais pas le cautionner.
Jโentends un lรฉger tremblement dans sa voix.
โ Ma niรจce, Maki, nโa jamais manifestรฉ le moindre pouvoir.
Je frissonne.
โ Lorsque je tโai vue, sur cette estrade, offerte en pรขture ร leur regard, enchainรฉe ร une enclumeโฆ Tu te dรฉbattais et ils te frappaient pour te maintenir en place. Et lorsque tu tโes mise ร hurlerโฆ Lorsque tu as bu cette eau et que tu as priรฉ les Dieuxโฆ Ils tโont applaudieโฆ Et jโai rรฉalisรฉ que cโest ce quโelle vivrait, elle aussi.
Mon sang se fige et mes yeux sโรฉcarquillent.
Lorsquโil mโa vue ?
โง
voici le trente-et-huitiรจme
chapitre de cette fanfiction !
j'ai pas pu publier hier
alors tout de suite,
double-update
j'espรจre que รงa vous aura
plu !
โง
Bแบกn ฤang ฤแปc truyแปn trรชn: AzTruyen.Top