ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟕
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EREN NE REVIENDRA plus à mes côtés. Je me doutais que ce jour arriverait à un moment. Cependant je crois que je n’y étais pas préparée. Je n’y suis toujours pas, d’ailleurs. Cela est étrange.
Une bulle gonfle dans ma poitrine, écrasante. Ma respiration se fait sifflante et je me vois forcée d’arrêter mes gestes afin de reprendre contenance. Mon regard se pose sur les fils cousues d’une tapisserie. Celle-ci s’étend, large, sur le mur du couloir que je traversais.
Seulement je n’arrive plus à avancer. Mes jambes se font flageolantes.
Eren est parti.
Cela n’était pas censé me faire mal. A vrai dire, la première fois que mes yeux se sont posés sur lui, j’ai réalisé qu’il me faudrait le tuer pour parvenir à mes fins. Et jamais le moindre sentiment de culpabilité ne m’avait effleuré. Aucun soupçon de tristesse.
Que s’est-il passé ?
Debout dans ce couloir, drapée d’une toilette onéreuse qui me donne l’air d’aller à un bal, j’ai refermé avec vigueur la main sur mon épée. Sa lame brille, sous les lustres de cristal. Intacte. Mais prête à laisser le sang l’habiller.
— Que suis-je en train de faire ? je chuchote.
Jamais je n’ai su quoi considérer comme une bonne action et quoi percevoir en mauvaise. La morale était un concept que je jugeais assez futile. Cependant, aujourd’hui, quelque chose ne va pas.
Je dois tuer Eren. Si je souhaite voler son trône, il me faut l’occire.
Mes sourcils se froncent en sentant quelque chose caresser ma joue. Surprise, je touche mon visage et y découvre une peau mouillée. J’observe mes doigts humides, surprise. Ils sont couverts de larmes.
Je suis en train de pleurer. Ma gorge est serrée.
— Reprends-toi, je chuchote.
Tout cela n’est que la faute d’Eren.
Nous aurions pu régner ensemble, détruire mon empereur ensemble. Mais il a fallu que cet abruti se découvre quelques ambitions patriotiques. Quoi qu’il en dise, ce qu’il a de plus précieux est Camelot et non moi. Sinon, il ne se mettrait pas dans mon chemin.
S’il m’aimait réellement, qu’il nourrissait une sincère affection à mon égard, jamais il ne m’aurait imposé tel ultimatum.
Pas quand il sait. Pas quand il a conscience de ce que j’ai enduré. Pas quand il connait la vérité sur l’origine de mon surnom. Pas quand il prétend comprendre la douleur que cette infâme créature m’a infligée. Pas quand il est censé vouloir mon bien.
Selon lui, vivre ainsi me détruirait. Est-il à ce point benêt qu’il n’a pas réalisé la vérité ? Je suis déjà détruite. Je l’étais lorsque je me suis réveillée, couverte de sang, sur les champs de bataille. Je l’étais lors j’ai fondu dans l’étreinte de mon empereur, quêtant un peu de réconfort. Je l’étais quand ses doigts se sont égarés en caresses sur mon visage. Je l’étais quand il m’a livrée en pâture à l’ennemi.
Oui. A chaque instant où je brandissais le poing victorieux de la cheffe d’armée que j’étais dans le ciel, le cœur d’une perdante battait dans ma poitrine.
— Il avait le choix : marcher à mes côtés ou périr. Il l’a fait.
— Et je ne saurais jamais si cela était une bonne décision, retentit une voix dans mon dos.
Me retournant, je découvre la silhouette du roi. Ses larges épaules sont enveloppées d’une tunique de lin blanche dont le col, normalement resserré par des cordages, laisse voir la naissance de pectoraux sculptés et hâlés. Ceux-là même sur lesquels, un soir, j’ai posé ma tête afin d’écouter son cœur.
Tout était plus facile, à l’époque. Douloureux. Mais facile.
— Je te laisse encore le choix, Eren. Laisse-moi panser mes plaies, me venger, m…
— Non. Je ne te laisserais pas détruire Camelot à cause de quelques ambitions personnelles, répond-t-il, sa tête bougeant de droite à gauche.
Mon cœur se serre en remarquant ses cheveux noués en un chignon. Il s’est dégagé le visage au cas où il devrait se battre avec moi. Il sait pertinemment que tout cela ne va pas bien se finir du tout.
Pourtant, il ne porte pas d’armure. Comme s’il avait encore un peu de foi en l’avenir. En nous.
— Alors à moi de réitérer ma proposition, déclare-t-il, ses yeux smaragdins s’ancrant dans les miens. Reste avec moi. Laisse-moi t’aimer, t’adorer, te chérir. Laisse-moi perdre jusqu’à mon dernier souffle pour t’aider à accomplir ta vengeance mais n’utilise pas Camelot pour le faire. N’implique pas mes civils dans un conflit qui les dépasse. N’extermine pas mes soldats pour un combat qui n’est pas le leur.
Mon cœur se serre en voyant la lueur d’espoir dans ses yeux. Je sais qu’au fond, une petite fille en moi empreinte d’innocence rêve d’accepter sa proposition. Celle que j’étais, avant l’horreur de la guerre, les hurlements et les cauchemars ne comprend sans doute pas mon obstination. Quelques années auparavant, je n’aurais sans doute pas hésité à oublier la haine pour me fondre dans cette vie si douce et lumineuse.
— Eren, il m’a tout pris.
Ses paupières se ferment lentement. Il a compris que rien ne pourrait me faire accepter sa proposition.
— Je ne veux pas qu’il te prenne, toi aussi. Or tout seul contre lui, c’est ce qu’il t’arrivera. Pour le mettre en échec, il me faut une armée. Et celle de Camelot est réputée. Alors, je t’en supplie, ne me pousse pas à t’écarter de mon chemin.
Une larme roule sur mes joues. Ses paupières s’ouvrent. A vrai dire, elles s’écarquillent, comme s’il était chamboulé par ce qu’il venait d’entendre.
— Tu me… supplie ?
Ma gorge se serre trop pour que je parvienne à rétorquer le moindre son. Je me contente donc d’acquiescer frénétiquement, le cœur gros et les yeux brillants. Me regardant faire, son regard s’efface quelques instants, comme s’il était en proie à de profondes pensées.
— Tu ne supplie personne…, chuchote-t-il en regardant le vide. Jamais.
— Je sais, je couine sans parvenir à cesser de pleurer.
Mon cœur se serre tant qu’une douleur aigue déchire ma poitrine. Je déteste me sentir ainsi, acculée par mes propres émotions. Ne pas savoir comment me contrôler, perdre la main sur moi-même est un sentiment obscure dont je garde de profondes séquelles. Je ne veux plus me sentir ainsi.
Et pourtant, là, je ne parviens vraiment pas à m’empêcher de pleurer.
Regardant le sol, je n’en distingue que des traits grossier. Les larmes floutent ma vision des objets, qu’importe combien j’essaye de les essuyer. Cependant, je parviens quand même à reconnaitre les souliers d’Eren lorsque ceux-là entrent dans mon champ de vision. Il s’approche de moi.
Deux mains saisissent mon visage en coupe, le relevant. Le visage du brun m’apparait tandis que ses deux pouces essuient mes joues. Mes paupières papillonnent, chassant les dernières larmes et je peux mieux détailler ses traits. Et, malgré notre situation, une chaleur réconfortante se répand dans mon cœur en voyant ces lèvres si pleine, ce regard brillant et ces joues rosées.
Inspirant une bouffée de son parfum, je laisse mes sanglots s’apaiser.
— Je n’aime pas l’idée que cela te fasse tant souffrir que tu te sentes forcée de me supplier. Supplier en abandonner tout contrôle sur soi-même pour se soumettre entièrement à son désespoir. Et je sais que là est précisément ce qui te coûte chaque jour, que la dernière fois que tu as agis de la sorte, tu n’es pas entièrement revenue.
Alors il comprend, finalement.
— Est-ce que…, j’hésite, …cela signifie que tu acceptes de me suivre ?
Il m’observe quelques instants.
— Moi vivant, Camelot ne t’appartiendra pas. C’est une promesse sur laquelle je ne peux revenir, (T/P).
Mon cœur se serre. Mes yeux se ferment et je soupire, lassée par tout cela.
— Cependant, je ne peux décidément pas me mettre en toi et ta vengeance. Pas après le mal que cette ordure t’a fait. Et si je ne suis pas assez, si m’aimer te laissera un vide, alors je peux le comprendre.
Mes sourcils se froncent et j’ouvre les paupières. Il recule de plusieurs pas, poussant un soupir. Sa main fouille dans sa poche et il en tire une fiole. Mes entrailles se retournent en la voyant. Son contenu écarlate comme du sang mêlés de perles violettes est reconnaissable. Il s’agit d’un poison.
Il la dévisse et je réagis aussitôt :
— NON !
Je m’élance vers lui mais il est trop tard. La tête basculée en arrière, il a ingurgité le contenu de la potion. Mon corps se fige tandis que je le fixe, les yeux écarquillés. Ses jambes se font flageolantes. Il me lance un dernier regard.
Mon cœur se brise en voyant la larme couler le long de sa joue.
— J’aurais aimé être assez, (T/P).
Puis, il s’effondre sur le sol.
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bon...
à la semaine
prochaine mdrr
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