𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐕𝐈
A R T D U
— C R I M E —
— TOUT VA BIEN ?
Me tournant vers la porte du salon, j’y découvre Sieg, un café fumant à la main. Adossé à l’encadrement, il me jauge depuis sa position. Ses yeux doux brillent derrière ses lunettes dorées. Armin l’a mis au courant des révélations qu’il nous a faites, ce matin. Et je crois qu’il a préféré me laisser seule, le temps que je digère tout cela.
Le père de mon enfant m’a retirée celle-ci à cause d’un pure malentendu. Ma gorge se serre.
Il est difficile de se tenir assise en haut d’un tabouret de bar, les coudes posés sur un comptoir et les yeux dans le vague à se dire combien tout aurait été différent, « si »… S’il m’avait téléphoné, à l’époque, pour avoir ma version des faits. Si j’avais eu le courage de lui dire le chantage auquel on me soumettait. Si je m’étais tenu face à Foucault et avait repris ma fille de force. Si Armin avait mis cartes sur tables dès qu’il a eu vent des rumeurs.
Un long soupir franchit mes lèvres.
— Je ne m’étais pas sentie aussi éreintée depuis longtemps, je soupire. Être le Corbeau Blanc, afficher un visage de marbre, prendre de cruelles décisions sans laisser place aux sentiments, c’est facile.
Je le sens marcher jusqu’à moi.
— Mais mon enfant est en vie et elle ne sait même pas qui je suis. Moi non plus, je ne sais pas qui je suis, je crois… Parce que je ne suis sûrement plus celle que j’étais avant cette amnésie.
— Vraiment ? commente Sieg en prenant place à côté de moi. Et qu’est-ce que tu en sais ?
Levant un regard en sa direction, je l’observe quelques instants. Il pose la tasse de café fumante juste devant moi.
— Comme tu l’as justement dit, tu es amnésique. Tu n’as pas de souvenir de celle que tu étais avant cette soirée. Peut-être que tu es différente. Peut-être que tu es la même. Peut-être que tu as légèrement évolué… Qui sait ?
Ses yeux se posent sur mon visage avant de descendre le long de mon corps. Le geste n’a rien de sexuel. Il m’observe juste avant de se concentrer à nouveau sur mon visage.
— Mais sérieusement, (T/P) ou Corbeau Blanc… Qu’est-ce que ça change ?
— Je suis devenue le Corbeau Blanc quand mon enfant est mort. J’ai laissé la part de noirceur en moi me submerger et, à présent, j’apprends que je peux redevenir une mère… Mais Lila doit-elle vraiment endurer cela ? Le poids d’avoir une telle mère ? Une criminelle ?
Il acquiesce légèrement.
— Nous avons tous commis des erreurs.
— Pas aussi graves que les miennes, je secoue la tête.
Là, un sourire déforme ses lèvres. Légèrement surprise, je fronce les sourcils. Mais il regarde aussitôt ma bouche d’un air distrait avant de se tourner vers le comptoir.
— Tu sais pourquoi je t’admire autant ? Pourquoi j’ai passé mes dernières années à enquêter sur toi ? Pourquoi, même si je ne t’apprécie pas et qu’il y a des moments, j’ai envie de t’étrangler, je ressens quand même de l’empathie pour toi et suis peiné de te voir dans cet état ?
Mon cœur rate un battement. Autant le fait qu’il ne m’apprécie pas ne me surprend pas. Après tout, je n’ai pas oublié la rage qui s’est emparé de lui quand il a cru avoir mis la main sur l’Annuaire Rouge.
Cependant le fait qu’il soit « peiné » de me voir « dans cet état » me prend de court.
— Je croyais que t’avais juste envie de t’envoyer en l’air avec une femme qui est devenue ton obsession à cause de tes enquêtes.
— Il y a de cela, admet-il. Je n’ai pas couché avec toi à cause d’un amour grandissant mais bien parce que j’admire ton génie.
— Que de compliments.
— J’admire la criminelle que tu es, pas la personne, cingle-t-il aussitôt pour me remettre les idées en place.
Je penche la tête sur le côté à ces mots, un sourire amusé aux lèvres.
— Quand mon père a quitté ma mère pour celle d’Eren, qu’il a fondé une famille et a tenu à m’embarquer avec lui, je l’ai vu dépérir lentement. Même si elle pouvait me voir de temps en temps, d’une certaine façon, Grisha lui avait volé son enfant, explique-t-il.
Ses yeux se posent à nouveau sur moi et, le temps d’un instant, toute sa peine refoulée m’apparait. L’éclat de tristesse est néanmoins fugace, immédiatement avalé par l’habituel austérité de ses traits.
— Ma mère a fait des erreurs dont certaines qui me seront difficiles à pardonner. Quand Grisha m’a emmené, j’ai été ravi de mettre des barrières entre moi et une alcoolique tyrannique, lâche-t-il. D’une certaine façon, je comprends mon père qui pensait m’aider.
S voix est ferme mais je devine l’émotion qui le submerge en resongeant à cette partie de son enfance.
— Mais de l’autre, je vois ce qu’elle est devenue, repense à sa façon particulière de me montrer son amour et me demande parfois… « Et si ce connard avait essayé de l’aider, au lieu de tout lui prendre et la laissée, livrée à elle-même ? » Peut-être qu’elle n’aurait pas vendu sa maison pour se payer à boire ? Peut-être qu’elle n’aurait pas développé une maladie du foie ? Peut-être qu’elle me reconnaitrait, quand je la croise dans la rue ?
Ma gorge se serre.
— Quand je te regarde, détruite par le fait qu’on t’ait retiré ton enfant, tentant de relativiser toutes ses années sans elle par le fait que tu as commis des erreurs, par le passé, expliquant que tu es devenue trop sombre pour reprendre ton rôle de mère… J’ai envie de t’aider parce que je donnerai n’importe quoi pour que Dina se lève un matin et se dise que malgré toutes ses erreurs, elle peut peut-être tenter de revenir dans ma vie, que je vais peut-être l’accueillir.
Je comprends mieux, à présent.
Lorsque j’ai couché avec Sieg, je n’étais pas bien surprise par la tournure qu’avait pris notre relation. Après tout, il n’a jamais caché son goût prononcé pour mon aspect physique et mon cerveau développé faisait de moi l’objet de ses fantasmes.
En revanche, la délicatesse avec laquelle il m’a réconfortée, hier, m’a laissée pantoise. J’ai même crains qu’il ait commencé à développer des sentiments pour moi. Mais il n’en est rien.
— Je suis rassurée, je pouffe.
— Vraiment ?
— J’aurais été très embarrassée que tu sois tombé amoureux de moi et ne me soutienne que dans « l’espoir de voir mes jolis yeux se plisser sincèrement », je chantonne d’un air niais.
Il rit.
— Très peu de chances, ma belle.
— Tu ne m’apprécies pas et as juste pitié de moi, si je résume bien, je lance en haussant un sourcil.
Il m’observe de brefs instants.
— Pitié ? Non. Je ressens plutôt une étrange compassion et une envie de ne pas laisser certaines choses se reproduire.
— Mais tu ne m’apprécie pas.
— En effet.
Un rictus étire le coin de ma lèvre et je plisse les yeux. Il m’observe adopter cette moue moqueuse, interrogatif.
— Je sens que tu brûles d’envie de me lancer une vacherie, soupire-t-il. Alors vas-y.
— Tu as une drôle de façon de ne pas m’apprécier, Sieg Jäger.
— Quoi ? Parce que je suis un peu gentil avec toi ?
Me levant du tabouret, je me place devant lui. Aussitôt, son regard passe de mon visage à mon buste puis descend le long de mes jambes. Cette fois-ci, il se fait particulièrement sensuel. Ses lèvres se gonflent tandis qu’il passe sa langue dessus.
Un soupir franchit les miennes.
— Non, parce que tu me déshabille du regard sans arrêt et que…
Posant une main sur sa joue, je fais glisser mon pouce sur ses lèvres avant de glisser mon visage dans le creux de son cou. Là, juste à son oreille, je murmure :
— …Et que je suis convaincue que si je t’ordonnais de me prendre, là, sur ce comptoir, alors qu’Armin est dans la pièce d’à côté en train de discuter avec Livai, tu ne pourrais pas résister et le ferais.
L’air se fait épais et je peine à respirer tant la chaleur m’enlise. Du coin de l’œil, je le vois déglutir avec difficulté. Il ne répond pas, tentant de se contenir. Mais je ne peux regarder sa barbe blonde taillant ce visage sérieux sans me demander à quel point il aurait l’air sublime, entre mes jambes.
Alors, attrapant son oreille entre mes dents, je murmure contre celle-ci :
— Déshabille-moi pour de vrai, pas seulement du regard, Sieg.
— Tu n’as aucune idée de ce que tu demandes, (T/P), souffle-t-il en attrapant brutalement mes fesses.
Malgré moi, je frémis.
— Parce que si je t’obéi, tu crieras tellement fort que tu n’oseras plus jamais regarder nos deux amis dans les yeux.
Sa main toujours sur mon postérieur, il l’a fait glisser de sorte à remonter ma jupe. Bientôt, mes fesses se retrouvent exposées, seulement habillée d’une culotte.
— Prenez des chambres comme les personnes normales.
Sans même sursauter, je lève les yeux au ciel. Livai. Ce connard gâchera toujours les bons moments.
— Qu’est-ce que tu veux ? je crache sans abandonner ma position.
— Parler. Mais rhabille-toi d’abord.
Face à son ton acerbe, j’hésite à me jeter sur Sieg en arrachant mes vêtements, simplement par plaisir de lui désobéir et lui clouer le bec.
Mais le blond lui-même redescend ma jupe doucement. Me reculant, je croise son regard. Celui-ci est bien plus éloquent que des mots. Il veut que j’accepte de discuter avec le noiraud. Que je tente de trouver un terrain d’entente.
Soupirant, je me tourne vers ce dernier qui ne me regarde pas. Debout face à moi, il tourne la tête sur le côté, les joues légèrement roses. Sa mâchoire est contractée au-dessus de son tee-shirt noir moulant les formes de son torse. Ses bras jaillissent de celui-ci, couverts de tatouages.
Levant les yeux au ciel, je marche jusqu’à la porte et le dépasse sans lui adresser un regard.
— Tu as intérêt à être aussi rapide qu’au lit, Dom Juan, je cingle.
Je n’ai pas besoin de les regarder pour deviner l’expression agacée qu’arbore maintenant Livai et le rire silencieux qui secoue Sieg. Je commence à bien les connaitre. Le noiraud me suit dans le couloir tout en fermant la porte derrière lui.
Il m’emboîte le pas et nous commençons à marcher dans cette vaste maison.
— Je suppose qu’il est inutile de te rappeler que tu n’as aucun souvenir de nos parties de jambes en l’air, cingle-t-il.
— Oui, c’est inutile. Sois bref.
—J’ai bien conscience que maintenant que Foucault est enfermé, la seule raison pour laquelle tu n’es pas déjà reparti est Lila.
— Perspicace, Holmes, je crache.
M’ignorant, il poursuit :
— Face aux révélations d’Armin et aux preuves qu’il m’a apporté, je consens à te laisser une partie de la garde de Lila.
Aussitôt, j’arrête de marcher. Mon cœur rate un battement. Il fait encore quelques pas avant de réaliser que j’ai arrêté d’avancer et se tourner vers moi.
Je comptais bien reprendre Lila. Je ne me serais, en revanche, jamais attendue à ce qu’il me la cède de lui-même.
Je crois que je suis sous le choc. Mais, très vite, je reprends contenance et secoue la tête.
— J’aurais la garde intégrale.
Sa mâchoire se contracte et il serre les poings.
— C’est ma fille que tu veux m’enlever ? tonne-t-il.
— Douloureuse sensation, n’est-ce pas ?
Ses épaules s’affaissent en voyant mon sourire moqueur. Il sait qu’il ne peut pas me reprocher ma demande. Pas après ce qu’il m’a fait.
Sans plus de cérémonie, je me remets à marcher et le dépasse.
— Je ne te laisserai pas la prendre ! retentit sa voix dans mon dos.
— Crois-moi, tu te résoudras à le faire.
— Et pourquoi je te laisserai faire une chose pareille ? gronde-t-il en atteignant ma hauteur.
— Parce que tu es un père horrible qui laisse sa fille se faire kidnapper.
Soudain, sa main attrape ma gorge et me pousse vers le mur. Mon dos percute celui-ci tandis qu’il se penche vers moi, nos nez se frôlant. Nous sommes si près que son souffle brûle mes lèvres quand il lance, ses yeux plantés dans les miens :
— Je ne te laisserai pas me la prendre.
— J’aurais dit la même chose si tu m’en avais laissé l’occasion, à l’époque, je souligne.
Il ne répond pas, se reculant doucement tout en laissant sa main sur ma gorge. Je sais qu’il a conscience du fait qu’il est allé trop loin. Et en voyant ses yeux fixer le vide, je réalise qu’il se sent coupable.
— Nous en rediscuterons, lance-t-il seulement.
Otant enfin sa main de ma gorge, il reste planté devant moi quelques instants. Puis, d’un air à nouveau désintéressé, il déclare :
— Oh, et pour ta gouverne, la dernière fois qu’on a fait l’amour, tu m’as supplié que je te prenne un lundi soir puis a pleuré parce que tu n’arrivais plus à endurer mon rythme le mardi matin.
Un rire moqueur franchit mes lèvres tandis qu’il s’en va.
— Si tu crois que je vais gober cela, je lance.
Sans même se tourner vers moi, il poursuit sa route en répondant :
— Continue à me taper sur le système et je te le prouverai.
2228 mots
merci d'avoir lu ce
nouveau chapitre !
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