Hic - Partie 4

Marion s'assit sur un matelas grinçant, soutenue par Emilie. Celle-ci lui tendit un morceau de tissus, qui se recouvra bientôt de sang à mesure qu'elle toussait. Chaque seconde qui passait augmentait un peu plus la douleur qui lui dévorait les poumons.

« Est-ce que tu fumes ? Tu as une malade quelconque ?

— Non... Non, c'est la première fois qu'un truc comme ça m'arrive dans ma vie.

— Je vois. »

Elle regarda la soldate chercher un gant d'eau froide, qu'elle mit sur son front. La douleur s'apaisa légèrement. Elle but ensuite un peu d'eau, chassant la sécheresse qui envahissait sa bouche. Sa toux se calma, et elle se redressa.

« Tu dois être fatiguée, avec ton entraînement. » Elle hocha la tête. Son interlocutrice s'assit à côté d'elle ; ses longs cheveux glissèrent doucement sur l'épaule de la chercheuse. Elle frissonna.

Dans le silence qui suivit, elles restèrent simplement immobiles. Les yeux bleus de son amie étaient rivés vers la fenêtre ; la lune s'y reflétait comme sur deux lacs limpides. Ils se tournèrent alors vers elle, et plongèrent dans les siens. La jeune fille regarda immédiatement ses pieds, les joues rouges et le cœur battant.

« Dis, Marion. » Elle sursauta. « Oui ? » bafouilla-t-elle. L'autre laissa échapper un léger rire, puis reprit son sérieux. « Pour après-demain... » Elle la vit se tripoter les doigts. Ne me dis pas qu'elle est nerveuse ? Le visage de la combattante était pourtant aussi calme qu'à son habitude. Non... Non, il y a quelque chose de différent chez elle.

« Quoi qu'il advienne. » Elle se leva, s'accroupit en face de l'adolescente, hésita brièvement, prit enfin doucement ses mains dans les siennes. Là, elle plongea son regard dans le sien : la lycéenne resta bouche bée face aux sentiments inidentifiables qui y pointaient.

« Tu suis les ordres du caporal-chef, d'accord ?

— Bien sûr, répondit-elle d'un air surpris.

— Ce n'est pas facile, quand le danger nous tombe dessus. Mais le caporal est un soldat d'élite, qui sait ce qu'il fait. Tu dois lui faire confiance. Ses ordres vont peut-être te paraître aberrants, ou révoltants... Mais garde en tête que son but est de préserver le plus de vies possibles en achevant la mission qu'on lui confie. »

Elle hocha la tête, la gorge serrée. « Emilie... », commença-t-elle, peu rassurée. « Tu ne meurs pas, hein ? Tu n'as aucune raison, de toute façon. Il n'y a aucun titan dans Maria, là. » L'intéressée se tut un instant.

« Imbécile », finit-elle par lâcher en la prenant dans ses bras. Une délicate odeur envahit les narines de la jeune scientifique, qui se laissa faire, le souffle coupé. Elle finit par enfouir son visage dans le cou chaud de l'exploratrice ; celle-ci, au bout de quelques seconde, passa lentement sa nuque de sa paume. Bon sang. Elle serra les dents. Elle crut bien que sa poitrine était sur le point d'exploser.

« Tu promets que tu suivras les ordres du caporal, d'accord ? » souffla l'autre dans son oreille. Elle hocha la tête. Mais sa camarade ne la lâcha pas ; bientôt, Marion sentit son pouls au niveau de son artère. Ses pulsations sont plus élevées qu'une personne normale au repos, réalisa-t-elle, les yeux écarquillés. Beaucoup plus élevées. Pourquoi...

Emilie, au bout d'un laps de temps qui lui parut durer une fraction de seconde, s'écarta enfin. Elles se scrutèrent un long moment ; les prunelles vertes de Marion détaillèrent ses yeux en amande, son nez fin, ses joues élégantes. Ses lèvres roses aussi y passèrent. Une nouvelle fois, sa respiration se saccada. Elle avait terriblement envie de s'avancer encore. Sa propre bouche s'entrouvrait déjà. Devait-elle se jeter à l'eau ?

« Bon », dit subitement Emilie, le regard fuyant. « Il faut y retourner, non ? » Elle la prit par le poignet et la guida dehors. La plus petite ne vit rien de son expression.

Dès qu'elles entrèrent le réfectoire, Hansi se précipita vers elle.

« Quoi, Marion tu as vraiment dit un truc pareil ?

— Hein ? De quoi tu parles ?

— Que Livaï était petit et... »

L'intéressé lui tordit le bras, l'air effrayant.

« Il me semble, articula-t-il, que tu parles un peu trop fort, très certainement car tu es complètement torchée.

— Et tes deux litres de liqueur, hein ? protesta-t-elle.

— Je le vis mieux que toi.

— Pourtant, scientifiquement parlant et au vu de ta taille, tu ne devrais pas... »

Elle grimaça lorsqu'il resserra sa prise. Il tourna son regard vers Marion, qui se raidit. « Tu ne vaux pas mieux », lâcha-t-il. « Je me demande quelle mouche t'a piquée pour que tu sortes un truc pareil. » Il s'approcha d'elle, menaçant ; intimidée, elle recula et trébucha sur une chaise. « Tu as certainement une très bonne explication, n'est-ce pas ? »

Et merde. Quelques personnes s'agglutinaient, fébriles. Bande de cons, restez pas là. L'expression du caporal-chef s'aggravait un peu plus chaque seconde. Elle serra les dents ; l'agacement la piqua. Elle finit par serrer les poings.

« Bon sang, mais car vous êtes petit, à la fin !

— Oh ? »

Il la prit fermement par le col ; elle lui attrapa le poignet, à bout de patience. Les autres retinrent leur souffle. « Euh, Marion... », hésita Eren. Elle l'ignora.

« Je suis navrée de vous apprendre qu'un mètre soixante à trente ans et des poussières, c'est en-dessous de la moyenne, en effet ! » fulmina-t-elle. « Et alors ? C'est quoi, le problème ? Vous êtes petit, bravo, quelle aventure ! Ça vous empêche pas de charcuter des titans, à ce que je sache ! Enfin quoi, si ça vous peine tant, rappelez-vous que vous serez toujours plus grand que moi, qu'Historia, et que tous les chats et les chiens du monde ; la taille, c'est juste relatif ! »

Ses yeux clairs s'écarquillèrent légèrement. « Vous savez quoi ? » continua-t-elle, irritée. « Vous déshonorez tous les petits de cette salle, à refuser le fait que vous en faites partie. Vous y avez pensé, à ça ? Nous, on regardera toujours vers le haut ; nous, on connaîtra toujours le bonheur de pouvoir se cacher où on veut, quand on veut, comme on veut ; nous, vous voyez, on se prendra beaucoup moins de branches dans la face. Et toutes les grandes perches qui nous entourent, elles peuvent bien se foutre de notre gueule, la leur terminera toujours plus amochée ! »

Il y eut un grand silence ; elle soutint son regard, décidée. Il finit par la relâcher, et se tourna vers la chef d'escouade à terre. « T'as entendu, la binoclarde ? » lâcha-t-il. « Ta gueule terminera toujours plus amochée que la mienne. »

Il se dirigea vers sa bouteille d'alcool pour se servir un autre verre. Ymir s'approcha alors de la jeune fille et lui prit le poignet. « Dis-moi », articula-t-elle lentement. Historia arriva derrière, l'air affolée. « Qui est-ce que t'appelles Historia, là ? »

Elle fronça légèrement les sourcils. « Bah... C'est évident, non ? Historia, qui se trouve... » L'autre lui plaqua une main sur la bouche et ferma les yeux un instant.

« Non, en fait, boucle-la. On va avoir une petite discussion toutes les deux, hein ?

— Ymir... commença la blonde. Je comptais le dire, de toute façon, pourquoi est-ce que...

— Car elle le savait avant que tu l'annonces. Tu peux t'en charger pendant que je m'occupe de cette abrutie. »

L'abrutie en question lança un regard désespéré autour d'elle. Emilie était en pleine discussion avec Mike ; Livaï buvait un verre ; Hansi parlait activement avec Armin. Sasha et Conny se chamaillaient, tout comme Eren et Jean, et Mikasa surveillait son ami d'une expression impénétrable. Personne ne remarqua quoi que ce soit lorsqu'on la tira dans le couloir sans ménagement.

La guerrière la plaqua contre un mur, ses petits yeux menaçants plantés dans les siens. « Explique-moi », ordonna-t-elle. Elle déglutit. « Je... Euh... » Je ne peux pas lui dire que je viens d'une autre période. Mais jamais je n'aurais dû savoir ça en temps normal...

« Tu fais partie des gens qui la traquent ? » La soldate la prit à la gorge. « Tu comptais l'exécuter, hein ? » L'intéressée se débattit vainement. « J'ai... J'ai simplement... », tenta-t-elle de prononcer. « J'ai simplement surpris une conversation entre vous deux », mentit-elle, effrayée.

Elle resserra sa prise ; une douleur lui traversa la trachée. « Tu n'étais pas à Shiganshina, à ce que je sache. Tu t'es trahie, ma pauvre... Tu vas crever comme un rat. » Ses poumons commencèrent à la brûler ; des étoiles dansèrent devant ses yeux alors qu'elle s'étouffait, luttant vainement pour respirer.

Subitement, elle put avaler une goulée d'air. Ymir s'était raidie, les yeux écarquillés, alors qu'un petit couteau s'était posé sur sa gorge. « Relâche-la », ordonna Livaï. Elle obéit, et il lui immobilisa les bras.

« Je suppose que tu avais une très bonne raison de tenter de l'assassiner.

— Elle connaissait le vrai nom d'Historia, prononça-t-elle. Seuls les gens d'où je viens le savent. C'est une ennemie, lança-t-elle, dents serrées.

— Tu oublies une catégorie de personnes, dit-il sèchement. »

La stupeur se peignit sur le visage de la combattante.

« Marion, je te présente Ymir, qui vient de l'extérieur ; Ymir, je te présente Marion, qui vient du vingt-et-unième siècle.

— Tu... bafouilla cette dernière. Ymir... De l'extérieur... Comment ça, de l'extérieur ? Tu veux dire, du vingt-et-unième siècle aussi, ou... ?

— Non, coupa l'autre, irritée. Je n'ai absolument aucun souvenir de ce qui se trame là-bas, mais je viens d'en dehors des Murs. Et donc, tu viens de là-bas, toi... ricana-t-elle. Pas de chance d'être tombée là, hein ? Tu devais être...

— Maintenant, reprit le petit homme, tu vas gentiment jurer de ne rien dire à personne.

— Qui, moi ? s'exclamèrent les deux.

— Ymir.

— Comme si je ferais une chose pareille, jeta-t-elle. »

Il la relâcha et elle se frotta les poignets, de mauvais poil. « Tout ce qu'on sait sur Historia », expliqua-t-il à la chercheuse, « c'est qu'elle a été forcée de changer de nom et qu'elle risque d'être enlevée si elle révèle sa vraie identité. »

Il tourna les talons. « D'ailleurs, il faudra discuter de la tienne, de couverture. Comme tes parents ont envoyé une certaine Marion Rovoff dans les Bas-fonds, puis t'y ont envoyée, toi... Les gens commencent à être confus. »

Elle hocha la tête, perturbée, et les deux rejoignirent de nouveau le réfectoire. Elle les imita peu de temps après, et vit que les gens s'agglutinaient autour de la petite blonde, qui était debout sur une table, bière à la main et l'air décidé.

Après avoir appris que Reiner et Bertolt étaient des traîtres et qu'Ymir était aussi un titan... Le fait qu'elle a menti sur son identité ne risque pas de trop les bouleverser. Ça sera peut-être mon tour, la prochaine fois, songea-t-elle en finissant la bouteille de liqueur de litchi.

Lien vers l'image : https://www.deviantart.com/toadiko25/art/Ymir-and-Historia-442263261

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