Chapitre 17



Deux mois plus tard :

Dans la petite foule qui se pressait dans le hall, Sienna noua ses mains moites devant elle, pressée d'en finir.

À ses côtés, Lucy la fille de Martha ne la quittait pas du regard et avait eu pour mission de l'accompagner.

Toutes les angoisses qu'elle avait mis au placard se réveillèrent soudain.

- Tu devrais partir Lucy je suis sérieuse, je vais bien.

- Non, déclara-t-elle en faisant mine de s'intéresser à la foule qui se mouvait avec énergie autour d'elles.

Sienna roula des yeux en inspirant profondément.

- Martha n'aurait jamais dû te demander de m'accompagner, insista-t-elle en se tournant vers elle. Je suis capable de me débrouiller seule.

- Et ma mère le sait, répondit-elle aussitôt et sur un ton sérieux. En revanche, elle se fait du souci pour toi ou plutôt pour ta santé. Je suppose que ton frère ne le sait toujours pas ?

Sienna déglutit difficilement en fuyant son regard et se concentra sur la foule.

Comment pouvait-elle expliquer ça à son frère ?

Un goût amer coula dans sa gorge et inévitablement, les souvenirs remontèrent à la surface.

" Fais-moi confiance "

À ce souvenir, elle étira une grimace douloureuse en se demandant encore comment elle avait fait pour être aussi stupide.

Elle lui avait fait confiance sauf qu'en retour il ne lui avait plus donné aucun signe de vie.

Sienna n'arrivait pas à oublier ce jour où il avait reçu ce coup de téléphone qui avait changé son visage pour le pire.

Tout comme elle ne parvenait pas à oublier cet hélicoptère qui était venu les chercher pour les emmener jusqu'à l'aéroport.

Ensuite ?

Il l'avait laissé à New York, devant la librairie en lui faisant promettre de l'attendre et c'est ce qu'elle avait fait.

Puis plus rien.

Sienna avait attendu un jour, une semaine et un mois avant de réaliser avec douleur qu'elle avait commis l'erreur de croire cet homme du désert.

Comme toutes les autres avant elle, Sienna était tombée dans le piège de ce milliardaire.

Ethan n'était pas au courant et elle refusait qu'il le soit.

Elle en avait parlé à Martha et sa fille afin de trouver un peu de réconfort en se disant qu'elle n'était pas la seule sur cette planète à s'être fait avoir par un homme.

Bien qu'elle ne regrettait en rien cette nuit qui avait bouleversé sa vie, Sienna se demandait encore si les choses auraient été différentes si elle ne s'était pas rendue jusqu'à cette piscine.

- Je ne peux pas lui en parler maintenant parce que je ne sais pas comment lui dire.

- Il faut que tu lui dises Sienna !

- Je vais lui dire quand je saurais par où commencer, conclut-elle sur un ton ferme. Pour l'instant il me faut ce travail.

En plus d'avoir été abandonnée par cet homme qui sans scrupule l'avait laissé devant la librairie, Sienna avait découvert que David Marshall avait mis ses menaces à exécution.

Il avait fait fermer la libraire sous prétexte de loyers impayés.

Dans l'impossibilité de la rouvrir, et bien que son frère avait tenté d'intervenir, Sienna ne pouvait plus rentrer à l'intérieur et encore moins convaincre David de revenir sur sa décision de lui pourrir la vie.

En clair, Sienna avait tout perdu avec ce voyage.

Il lui restait seulement la maison, mais sans travail elle ne pouvait pas payer les factures.

Refusant l'aide de son frère, voulant à tout prix reprendre sa vie là où elle l'avait laissé avant l'accident, elle comptait sur ce travail pour redevenir indépendante.

Elle n'avait pas le choix et la vie ne lui donnait pas le choix.

Tristement elle se recula contre le mur en ne supportant plus de porter ses chaussures à talons qui lui rappelaient cruellement cette soirée sur le yacht.

Une profonde tristesse l'envahit et sous le regard de Lucy.

- Comment ai-je pu être aussi stupide, murmura-t-elle en fermant les yeux.

- Rassure-toi, tu n'es pas la seule à te faire avoir par les hommes. Je suis passée par-là. Cet homme a vu une belle jeune femme et comme ce genre d'hommes puissants n'ont pas l'habitude d'entendre non, il a tout fait pour te séduire.

Lucy s'approcha et posa une main réconfortante sur son épaule.

- Cependant je dois être honnête avec toi, je trouve que ce sultan est allé trop loin dans ses techniques de séduction.

En effet, il avait été trop loin, pensa-t-elle une pointe dans le cœur.

- Et maintenant il y a des...

- Je t'en prie Lucy ! Pas maintenant, pas aujourd'hui.

Elle la supplia du regard et son amie céda. Sienna la remercia dans un simple murmure à peine audible et s'adossa au mur en se tenant la jambe.

- Ce que je veux c'est un travail et démarrer une nouvelle vie. Je veux saisir ce qui m'est offert et oublier tout le reste. Je ne veux plus souffrir et je veux avancer.

Lucy se retint de répliquer et s'adossa à son tour au mur.

- Je veux seulement que tu fasses attention à toi Sienna.

- Et c'est exactement ce que je fais.

Émue et reconnaissante du soutien inconditionnel que lui apportait Martha et sa fille, Sienna se retint de verser une larme et trompa son émotion en inspirant profondément.

- Si tu obtiens ce travail que feras-tu déjà ?

- Oh je ne sais pas, c'était vague, mais je sais qu'il s'agit de s'occuper d'une grande bibliothèque qui possède des ouvrages d'une grande valeur. Il cherche une personne digne de confiance pour les manipuler. J'espère obtenir ce travail, même si j'ai de redoutables concurrents.

- Tu es douée et puis tu sais comment t'occuper d'une bibliothèque.

- Je savais, mais ça, c'était avant que David Marshall prenne en otage la librairie de mes parents.

- Je pense qu'il a fait ça pour se venger, mais il finira par regretter ses actions, répondit Lucy. Il voulait sortir avec toi, et d'ailleurs il l'espère toujours.

Sienna émit un rire amer en secouant la tête.

- Dans ses rêves peut-être, dit-elle froidement en se redressant pour lisser sa robe serrée près du corps. Il s'est vengé pour une affaire d'argent. Il a fait fermer ma librairie avec des prétextes fallacieux. Je ne veux plus jamais le voir et je vais me battre pour récupérer la librairie.

Déterminée, elle déboutonna sa veste qui lui donnait chaud tout en se demandant quand ça serait son tour.

- Lucy tu devrais vraiment y aller. Ça va être encore long et tu ne vas pas m'attendre toute la journée. Je peux rentrer seule, je t'assure.

Elle hésita un long moment.

- Tu es sûre ?

- Je suis absolument certaine.

- Très bien, abdiqua Lucy avec un soupir. Passe-moi un coup de fil dès que ton entretien est terminé.

Sienna la regarda sortir de l'hôtel et attendit qu'elle passe la porte de l'entrée pour se tourner vers l'accueil. Elle s'approcha en essayant de dissimuler la douleur dans sa jambe qui irradiait dans sa hanche.

L'attente était interminable et elle ne supportait plus d'être debout.

Alors elle se laissa choir sur le canapé de l'accueil et commença à étirer sa jambe pour la détendre.

- Mademoiselle Kendrick ?

Sienna se leva brusquement pour se présenter à l'homme qui venait de l'appeler.

- C'est moi.

- Bonjour mademoiselle Kendrick, je me nomme Arif Bakir, je suis enchanté.

Sienna accepta sa poignée de main en lui adressant son plus beau sourire puis le suivit dans la salle réservée pour l'entretien.

Il la conduisit à une table ronde et l'angoisse monta en elle au moment de s'asseoir.

Quelle chance avait-elle de réussir cet entretien alors qu'elle ne l'avait pas préparé ?

- Il va vous recevoir.

Sienna inspira profondément pour juguler la panique qui s'emparait d'elle et se racla la gorge en avisant le verre d'eau qui venait d'être placé devant elle.

Avant qu'elle n'ait eu le temps de s'en emparer, la porte s'ouvrit et elle leva le regard sur la masse sombre qui se tenait dans l'encadrement.

Son cœur s'arrêta presque de battre et son sang se glaça dans ses veines. Tout son corps se mit à trembler et elle crut d'abord être victime d'une hallucination avant que l'inconnu se tourne dans sa direction.

Au bord du malaise alors qu'elle aurait reconnue cette balafre entre mille, Sienna vacilla sur la chaise et ses oreilles se mirent à bourdonner.

Impossible !

Celui qui lui avait brisé le cœur en moins d'une journée et qui avait disparu des radars depuis deux mois planta son regard dans le sien et commença à l'étudier avec minutie.

Les tempes bourdonnantes, les mains moites, elle sentit une nausée lui remonter dans la gorge alors qu'il continuait de la regarder comme si c'était la première fois qu'il la voyait.

Il fronça des sourcils, les traits ciselés de son visage durcis par la concentration glaçante avec laquelle il l'observait.

Sur toutes les questions qu'elle se posait dans ce moment figé, une seule lui glaçait le sang.

Pourquoi la regardait-il comme s'il ne l'avait jamais vu de sa vie ?

L'humiliation était si violente qu'elle avait l'impression de se tenir au bord d'une falaise et qu'il s'apprêtait à la pousser dans le vide.

En plus d'être horrifiée intérieurement, le flot de souvenirs qu'elle cherchait à oublier depuis deux mois remonta à la surface et brouilla son esprit.

- Mademoiselle Kendrick ?

Quand il prononça son nom comme s'il l'évoquait pour la première fois, la douleur de cette ignorance lui arracha une douleur qu'elle étouffa péniblement.

- Oui ? Parvint-elle à dire difficilement.

- Est-ce que vous allez bien ?

Arif Bakir poussa le verre d'eau dans sa direction.

- Je vais bien merci, mentit-elle dans l'incapacité de le regarder dans les yeux.

- Si vous allez bien, je pense que nous allons pouvoir commencer, décréta-t-il avec sa voix impérieuse qu'elle n'avait jamais pu oublier.

Pourquoi ?

Pourquoi faisait-il comme s'il ne l'avait jamais vu de sa vie ?

Où était Amar El-Hadid ?

- J'aimerais savoir ce qui vous a motivé à postuler pour ce travail qui nécessite une grande dextérité ? Est-ce que vous avez déjà une connaissance des livres ?

Quoi ?

Abasourdie, déroutée et au bord du malaise, elle trouva la force de lever son regard vers lui et ne s'attendait pas à découvrir qu'il la regardait avec cet air froid et impassible. Pourtant Sienna sentait sur elle la puissance de son regard sans jamais donner l'impression qu'il la connaissait.

- Vous avez entendu ma question ? Est-ce que vous avez une expérience quelconque en littérature ? Votre mission consistera à vider une salle entière de livres afin de les passer en revue avec délicatesse et de les transférer dans une nouvelle salle.

Sienna déglutit, la gorge sèche. La douleur de le revoir était si intense qu'elle voulait fuir.

" Fais-moi confiance " lui avait-il dit.

Et désormais il la regardait comme si c'était une inconnue.

Derrière le brouillard devant ses yeux, Sienna remarqua brièvement que sa barbe était plus longue et que ses traits étaient fatigués, mais il restait le même sultan qui l'avait emmené sur son yacht...

Elle ne pouvait pas rester plus longtemps parce qu'elle voulait fondre en larmes et s'éloigner de lui et de l'humiliation qu'elle était en train de subir.

- Je regrette, je n'y connais rien du tout, déclara-t-elle difficilement. Je me suis trompée en lisant l'offre. Je vous prie de m'excuser.

Sienna se leva sans attendre et quitta la salle sans se retourner.

Elle bouscula une femme qui attendait son tour et courut jusqu'au toilette pour s'enfermer dans la première cabine disponible afin de se débarrasser de cette horrible et douloureuse nausée...

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