Chapitre 37

J'ai réussis à éviter tous leurs messages, leurs appels, son regard que je croisais malencontreusement en traversant un couloir, sa présence derrière moi qui bien sûr était impossible à ignorer et sa voix qui m'appelait. J'ai tout fait pour les éviter et honnêtement je ne pensais pas que ce serait aussi difficile. Pendant un mois, je me suis cachée et ils ont à peu prêt tous finis par abandonner.

Après avoir tout raconté à Jessy, celle-ci m'a entièrement soutenue. Elle m'a dit que quoique je décide, elle sera toujours de mon côté. Elle ne refera pas la même erreur.

Aujourd'hui, il n'y a pas de bus de transport en raison d'une grande grève. J'ai eu la chance de pouvoir emprunter le vélo d'Aless. Ce dernier a d'ailleurs complètement abandonné la fac. Il passe ses journées entre les quatre murs de sa chambre. Il ne cesse de nous dire que tout va bien, qu'il est heureux mais je sais que c'est faux.

Je me dirige alors vers le local vélo en fin de journée, les clés de mon cadenas en main. D'ailleurs, j'ai pris la ferme décision de me concentrer davantage sur mes études et mes révisions pour les partiels qui approchent. Il n'y a en réalité que ça qui me confère une certaine stabilité. Ça et mes allers-retours chez Jessy.

Alors que je tente de démêler ce fichu cadenas, ce dernier se coince et la clé reste à l'intérieur.

- C'est pas possible ! M'énervais-je.

- Tu veux de l'aide ?

Je sursaute en entendant une voix raisonner derrière mon dos. Je me retourne brusquement et je mets très peu de temps avant de reconnaître la personne qui vient de me proposer son aide. Je dois avouer que c'est la dernière personne à qui je pensais devoir faire face. Je ne vois en fait pas comment il a pu me retrouver ici.

- Non. Dis-je sèchement.

Je décide de l'ignorer et me pencher de nouveau sur ma tâche et après plusieurs minutes de débat, mon cadenas se décoince enfin.

Je m'apprête à partir en vitesse du local pour abandonner l'inconnu ici mais il me retient. J'essaie de faire au mieux pour contrôler mes émotions, c'est difficile.

- Je ne vous connais pas, laissez-moi tranquille !

J'essaie de capter le regard de certains étudiants qui passent devant la grande baie vitrée du local mais ça ne fonctionne pas. Ils semblent tous préoccupés par leur petite vie. Après tout, moi-même si j'avais été à leur place je n'aurais pas fait attention à ma personne.

- Diviya, je crois que le moment est venu pour qu'on se parle.

Il s'approche de moi alors je décide de reculer jusqu'à percuter le mur avec mon dos. Le local est si étroit, je n'ai malheureusement aucun échappatoire et ça commence doucement à me faire paniquer.

Je me souviens du jour où cet homme m'a suivit dans ma rue. Ce jour là, j'avais eu la chance d'être tombée sur Denis qui l'avait gentiment conseiller de ne pas s'approcher, notez l'ironie. Gentiment et Denis ne font pas partis du même champs. Aujourd'hui, je suis seule et personne pourra me sauver.

- Vous êtes qui ? Demandais-je alors.

- Tu ne me reconnais pas ? Après toutes ces années ? Moi je te reconnais, tu as pas tellement changé.

Il lève une main vers moi et je m'attends à tout. Pourquoi voudrait-il m'approcher, me toucher ? Cet homme commence vraiment à me faire flipper

Je n'arrive même plus à me concentrer sur ce qu'il dit d'un accent anglais très mauvais.

Je finis par sentir sa main se déposer délicatement sur mon épaule gauche et je combats intérieurement pour ne pas fondre en larme. Il semble m'analyser tout en souriant. Je déteste qu'on s'approche autant de moi.

- S'il vous plaît, vous me faites peur. Dis-je.

Ces mots me ramènent droit au moment où j'étais enfermée dans cette pièce pendant des jours à la merci de ses hommes au Cambodge. Ces moments qui perçussent encore dans ma mémoire.

Puis d'un coup, la main se retire et je décide alors de reporter mon attention vers mon vélo. Il fait que je trouve un moyen de m'enfuir. Quand je croise de nouveau ses yeux, une lueur étrange semble y briller, un souvenir finit par venir brouiller mon esprit et en quelques secondes je crois deviner les traits d'un frère. Un frère aimant qui adorait sa petite sœur. Il s'amusait à me rapporter toutes les pièces d'argent qu'il trouvait par terre. Il faisait tout pour me faire sourire jusqu'au jour où son regard a disparu dans la foule. Il est partit sans plus se retourner et m'a abandonné.

- Je suis désolé Diviya. Je voulais venir te retrouver mais je n'ai pas réussis. Elle ne m'a pas laissé.

Alors c'est bien lui. Je reste sous le choc.

- On a essayé avec ton frère mais elle nous enfermait jours et nuits jusqu'au moment où on a finit par abandonner. Puis on a entendu parler de toi, la petite fille sauvée du canal.

Ma respiration devient irrégulière quand je comprends que c'est bien lui. Mon cœur se déchire quand je comprends que c'est Anil. Mes jambes ne sont plus que deux nuages bien moelleux que l'on retrouvaient dans les anciennes pub pour les Kinder maxi. Oui c'est ça, je n'arrive plus à tenir debout.

Je m'écroule au sol tout en restant consciente. Je le regarde s'approcher de moi alors que je veux hurler pour qu'il s'éloigne.

- C'est moi, Anil. Ton frère.

Non, non c'est pas possible. Mon frère c'est Aless. Je n'ai pas d'autre frère. Les deux personnes qui étaient censées être des frères au Cambodge m'ont complètement abandonné. Ils m'ont laissé entre les mains du monde cruelle qui nous entourait.

Je ne peux plus les contenir cette fois-ci, les larmes coulent et je pleure. J'entends des sons sourds sortir de ma bouche que je reconnais trop bien. Les cries de douleurs que j'ai pu émettre dans cette chambre. Ma voix rauque résonne dans toute la pièce à mesure que je me souviens.

Les images ne cessent de défiler sous mes yeux. Cette fois-ci c'est beaucoup plus claire que dans mes cauchemars. Ça a l'air beaucoup plus réelle et mille fois plus douloureux.

- Diviya ! Tu vas pas bien on va prendre l'air.

Je réussis, je ne sais pas comment à le supplier de ne pas me toucher. Il s'arrête brusquement en m'entendant hurler et pleureur mais il reste impuissant et m'observe. Je ne veux pas qu'il reste. Je ne peux pas rester dans cette pièce avec lui.

Avec une force surhumaine, je réussis à me relever non sans m'aider des barres en métal sur lesquels les vélos sont accrochés.

Je contourne Anil et sort du local. Je longe les murs jusqu'à atteindre le sol goudronné de la grande terrasse du campus et je m'effondre de nouveau. Cette fois-ci je ne pleure plus, enfin je crois.

Ma douleurs est remplacée par une respiration saccadée, j'ai du mal à respirer. Je me sens soudainement étouffer.

J'essaie de contrôler mes tremblements par la même occasion mais c'est impossible.

D'un coup, je ne contrôle plus rien et je sens ma tête balancer vers l'arrière et percuter lourdement le sol.

C'est le trou noir.

J'ai du mal à rouvrir les yeux. Mes paupières sont lourdes et mon envie de replonger dans mon sommeil est bien présente. Je commence à entendre des voix autour de moi, j'ignore complètement de qui il s'agit.

- Mademoiselle Taller ?

Puis tout à coup, je me souviens de tout : le local vélo, l'inconnue qui s'avère être Anil, ma tentative de m'échapper et puis ma chute.

Instinctivement j'essaie de passer ma main derrière ma tête et je suis surprise de découvrir un bandage tout autour de celle-ci. C'est à cet instant que mes yeux décident de s'ouvrir.

En jetant un coup d'œil autour de moi, je suis dans une chambre blanche et allongée dans un lit. Une femme en blouse m'observe et je comprends. Je suis à l'hôpital.

- Comment vous sentez-vous ? Demande-t-elle.

- Je vais bien, enfin je crois.

- Vous inquiétez pas, vous avez juste une petite ouverture à l'arrière de la tête. On vous a soigné puis mis un bandage, tout va bien.

Cette dame est plutôt rassurante mais les évènement qui ont précédé ma chute sont quant à eux vraiment très stressants.

- Vos parents sont à l'extérieur, ils viendront vous voir dans une petite heure, le temps que vous repreniez vos esprits, ça vous va ?

Je me contente de hocher la tête mais au fond de moi je redoute le moment où je les verrais. Bien sûr, je vais tout leur raconter. Cette histoire complètement folle avec Anil. Comment a-t-il fait pour me retrouver ? Je suis à l'autre bout du monde, comment c'est possible ?

Puis après toutes ces années, c'est maintenant qu'il décide de resurgir de nulle part. Il ne pouvait pas venir au moment où j'avais besoin de lui ? C'est trop tard. Aujourd'hui, j'ai une nouvelle famille et Anil n'en fait pas parti.

J'essaie de me relever doucement tout en évitant de trop bouger ma tête qui s'est mise à tourner dans tous les sens. Une grosse migraine est en cours. Je réussis à attraper mon téléphone portable qui est sur mon chevet à ma droite.

Ce dernier est éteint, je décide alors de l'allumer.
Les notifications se bousculent les unes, les autres. Des messages et des appels de Jessy, de Paloma et de Denis.

Mes parents j'imagine qu'ils sont directement venus à l'hôpital et qu'ils ont été prévenu.

Je décide de ne pas prêter attention aux messages et je repose mon téléphone portable.

Je ferme les yeux quelques instants pour m'imaginer dans une nouvelle vie. Sans problème de famille, une vie paisible où mon passé ne viendrait jamais me rattraper. J'envie toutes les personnes qui ont vécu une vie normale. Par une vie normale, je veux dire une vie sans traumas mais est-ce que dans ce monde il y a vraiment des gens qui ont vécu parfaitement ?

Je ne pense pas. La vie par définition nous surprend et nous blesse jusqu'au possible. Peu importe notre statut sociale, notre richesse, je pense que nous les humains avons tous quelque chose qui nous blesse au fond de nous. Je pense que nous sommes tous ne serait-ce qu'un peu abîmés par la vie. C'est ce qui fait notre identité et parfois notre unité.

La porte de la chambre finit par s'ouvrir pour laisser entrer ma mère, mon père, Aless puis Amber.

Ils s'approchent tous inquiets autour de mon lit.

- Diviya, comme ça va ? Me demande ma mère en me tenant par la main.

J'essaie de faire un effort considérable pour éviter de la repousser. Je n'aime pas le contact physique mais je sais que ça la rassure de me tenir la main alors je prends sur moi et ne dit rien.

- Ça va, le médecin a dit que c'était une petite blessure de rien du tout.

Je vous Aless et Amber qui finissent par sortir de la claire discrètement, ne laissant plus que mes parents dans la chambre.

A cet instant et de part les regards attristés de mes parents, je sais déjà ce qu'ils vont me dire. Ils vont me parler de Anil et ce moment je le redoute avec fureur.

- Diviya, tu sais qu'on sera toujours là pour toi. Peu importe ce qui se passe, on sera toujours ta famille. Déclare mon Père.

Je reste silencieuse en attendant qu'ils poursuivent.

- Le jeune homme qui t'a emmené à l'hôpital en réalité, il s'agit de Anil, ton frère biologique, tu te souviens ?

Bien sûr que je m'en souviens. La douleur n'a jamais quitté mon âme.

- Pourquoi c'est maintenant qu'il revient ? Demandai-je alors.

Peut être qu'ils ont la réponse eux.

- Il y'a quelques semaines, on a appris une nouvelle assez triste. Je sais que ça va sûrement te bouleverser mais c'est pour cette raison qu'Anil est venu.

Cette fois-ci, mes parents ont toute mon attention.

- Ta mère biologique, Rama est très malade. Anil et Jaï ont tenté de reprendre contact avec nous pour qu'elle vienne aux États-Unis. Ils veulent la soigner ici.

Cette femme, qui ose prendre contact avec ma nouvelle famille pour sauver sa peau, c'est vraiment la chose la plus horripilante que j'ai entendue. Elle ose m'utiliser après toutes ces années, après m'avoir abandonner...

Je comprends pas comment on peut être aussi égoïste. Comment on peut supporter faire autant de mal à son propre enfant sans éprouver aucun remord. Ça me déchire l'estomac.

- Je ne veux pas les voir. Dis-je alors. Il en est hors de question que ces personnes s'approchent de moi, c'est terminé !

Je vois mes parents se jeter des coups d'œils devant moi. Ils ont l'air d'avoir pitié et ça je déteste qu'on le ressente pour ma personne. J'ai besoin de la pitié de personne !

Quand je pensais que j'avais enfin échappée à mon passé, quand je pense que les cauchemars que je faisais seraient les seuls témoins de mes souffrances, je fais face à pire. Mille fois pire.

Hffmbx.

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