– Et si nous reprenions Alexanne ? Si tu me racontais vraiment ce qui s'est passé ? Proposa Juliette Robert avec une voix douce.
Alexanne garda ses bras croisés autour d'elle. Elle se recula dans son fauteuil tout en maudissant sa mère qui avait demandé ce rendez-vous exceptionnel. Alexanne en est néanmoins sûre dorénavant : sa mère la croit folle.
– Alexanne ?
La jeune fille lève les yeux vers cette femme. Elle a coiffé ses cheveux avec une barrette. Cette coiffure la rend plus jeune et ne la met pas vraiment en valeur.
– Je sais pourquoi je suis là, docteur. Finit par répondre Alexanne. Ma mère pense que je suis folle avec cette histoire d'amis disparus.
Juliette note quelques mots sur son carnet tout en discutant :
– Tu es lucide sur ce point.
– C'est déjà ça... raille Alexanne.
– Ce n'est pas ce que je voulais dire, s'explique le docteur.
Alexanne ne rajoute rien. Elle desserre ses bras autour d'elle pour passer une main dans ses cheveux.
– Vous savez quoi ? Je vais tout vous dire. Vous n'allez sûrement pas me croire mais c'est pourtant la vérité, ma vérité.
Juliette Robert se redresse sur son siège surprise par ce retournement de situation.
– Oui, oui bien sûr. Je t'écoute.
Alors Alexanne se lance dans son récit. Elle raconte la fin des examens, ses amis et elle allant dans une fête foraine. Elle observe en même temps les réactions de ce médecin. Juliette Robert ne laisse transparaître aucune émotion, elle écoute silencieusement la jeune fille tout en notant de temps en temps des choses dans son carnet.
Alexanne parle de sa relation compliquée avec Oliver, des premières épreuves dans cette attraction horrifiante. Le forain et son piège. Le fantôme qui finit par les aider à la fin. Les choses horribles qu'elle et ses amis ont vécu. Puis la fin floue pour la jeune fille après sa blessure dans le bas du ventre. Un liquide dans sa bouche, des détonations et sa sortie de l'attraction, seule. Et enfin, la triste réalité : ses amis semblent ne jamais avoir existé ici.
Alexanne termine son récit en pleurant. C'est pour elle la première fois qu'elle raconte tout cela. Même aux policiers pour leur enquête elle n'a pas raconté autant.
Juliette Robert fixe la jeune fille sans rien dire. C'est la première fois pour elle qu'elle se retrouve devant ce type de patient : les patients ayant subis un lourd traumatisme qui entraîne chez eux le sentiment qu'ils vivent une autre vie. Ce type de patient a ainsi l'impression que la réalité dans laquelle il est n'est pas celle qu'il a connu. Cela se manifeste par l'oubli de certaine personne et la sensation que d'autres manquent dans leur monde.
Juliette note ce diagnostique dans son carnet, attrape un mouchoir puis se lève pour le tendre à la jeune fille. Alexanne le prend, bafouille un remerciement puis se mouche avec. Elle s'essuie ensuite les yeux avec un autre mouchoir que le docteur lui tend.
– Je sais que cela peut paraître dingue mais c'est la vérité... termine la jeune fille.
– Oui Alexanne, lui répond le docteur.
Juliette attend par la suite que la jeune fille se calme puis annonce avec une voix douce :
– Alexanne, tu vas aller un instant dans la salle d'attente, d'accord ? Je vais parler un peu avec ta maman.
La jeune fille se lève, accompagnée du docteur puis va s'asseoir dans la salle d'attente. Sophie Genêt regarde alors la psychologue qui lui indique de la suivre. La femme va s'asseoir sur une chaise face au bureau tandis que le médecin referme la porte derrière elles. La mère d'Alexanne est inquiète, elle se demande comment s'est passée la consultation.
– Madame Genêt, je ne vais pas tourner autour du pot.
– Oui ?
– Votre fille a vécu un lourd traumatisme qui a impacté sa réalité. Elle est certaine que ses amis existent et qu'ils ont disparu. Cela peut s'apparenter à de la schizophrénie.
Le visage de Sophie s'attriste soudainement, son anxiété augmente.
– Qu'est-ce que l'on peut faire pour lui faire comprendre que ces personnes n'existent pas ?
– Vous ne pouvez pas faire cela.
Madame Genêt se redresse face à la surprise.
– Comment ça ?
Juliette attrape une feuille de papier et un crayon avant de les approcher de son interlocutrice. Elle répond par la suite tout en griffonnant sur la feuille.
– Pour lutter contre la schizophrénie et soigner votre fille ou au moins la stabiliser, votre fille va avoir besoin de soins quotidiens. Pour cela, je suggère un traitement en établissement spécialisé.
– Vous voulez envoyer ma fille en psychiatrie ? Traduit Sophie en élevant la voix.
Madame Genêt vit mal cette annonce. Elle sait que sa fille a un problème mais elle ne s'attendait pas à ce que le médecin lui dise cela. Elle pensait à des médicaments, des thérapies douces mais pas un internement.
– Calmez-vous Madame. Je ne parle pas d'un internement à vie. Mais Alexanne aurait besoin de quelques semaines pour guérir.
Sophie Genêt ne dit rien. Elle est prise par surprise et a aucune idée de la démarche à suivre. Si encore son mari avait été là, il l'aurait aidé à choisir.
– Vous en avez parlé avec elle ? Demande Sophie.
– Votre fille est certaine qu'elle dit la vérité. Elle n'acceptera pas ce diagnostique. C'est risqué dans ce cas précis de lui demander. Cela pourrait déclencher une crise, il vaut mieux que vous fassiez la demande en tant que parent.
– Mais... mais... si je fais ça, elle ne me le pardonnera pas...
Juliette Robert reprend vers elle la feuille sur laquelle elle a noté les informations pour son interlocutrice.
– Écoutez Madame Genêt, votre fille souffre de schizophrénie. Ce qui veut dire qu'elle peut se mettre à tout moment en danger. Plus vous agirez rapidement, plus vite elle sera prise en charge et en sécurité.
– Ou-oui...
Le médecin laisse du temps à Sophie pour digérer la nouvelle. Cette dernière ne sait pas quoi faire ni quoi dire. Elle veut protéger sa fille à tout prix mais a peur des conséquences de cette décision.
– Laissez moi en parler avec mon mari ce soir... Je vous recontacte demain pour vous dire notre décision.
– Très bien, conclut le médecin.
Sur ce, elle raccompagne Madame Genêt jusqu'à la porte du cabinet. Sophie inspire un bon coup avant de rejoindre sa fille. Alexanne l'attend dans la salle d'attente, en train de se ronger l'ongle du pouce, les genoux secoués par des tremblements. Sophie se dirige vers sa fille en forçant le sourire sur son visage puis l'entraîne avec elle jusqu'à la voiture. En chemin, Alexanne questionne sa mère sur les raisons de cet entretien avec le médecin :
– Elle voulait juste me demander comment ça se passait à la maison, ment Sophie.
Alexanne ne détecte pas le mensonge et toutes deux, elles rentrent chez elles.
*
– Bon qu'est-ce qui se passe Sophie ? Demande André Genêt une fois que sa fille est montée dans sa chambre.
Sophie termine de débarrasser la vaisselle avec son mari puis vérifie qu'Alexanne ait bien fermé la porte de sa chambre.
– J'ai vu le docteur Robert aujourd'hui avec Alexanne. Elle m'a dit que notre fille est schizophrène... et qu'elle a besoin d'un internement de quelques semaines pour guérir.
André ouvre ses yeux en grand face à la nouvelle.
– Combien de temps ? Demande-t-il sous l'émotion.
Il ne s'attendait pas à une nouvelle comme ça. André comprend alors le comportement de sa femme depuis qu'il est rentré.
– Je ne sais pas... ça dépendra sûrement de l'efficacité du traitement sur elle.
– Je n'arrive pas à y croire... Notre fille n'est pas folle pourtant !
Sophie s'approche de son mari pour passer une main dans ses cheveux afin de le calmer.
– Il faut que je donne une réponse demain au docteur...
– Si cet internement est vraiment nécessaire, commence André.
– M'interner ?! Les coupe Alexanne en apparaissant dans la cuisine.
Ses deux parents ne l'ont pas entendue arriver. Ils se tournent vers elle et la regarde comme s'ils étaient coupables de quelque chose.
– C'est quoi cette histoire ? Demande Alexanne en haussant le ton.
Sophie regarde son mari. Elle ne se sent pas capable d'expliquer à sa fille. André prend donc une inspiration avant de dire avec une voix qu'il veut calme et rassurante.
– Le docteur pense que tu as vécu des choses traumatisantes qui font que tu as besoin de prendre du repos dans un hôpital spécialisé. Mais rassure-toi, c'est seulement une affaire de semaines.
– Elle ne me croit pas en fait... Conclut Alexanne en commençant à trembler. Vous ne me croyez pas ! Oliver, Lexy et Gabin ont disparu ! Il y a un kidnappeur et meurtrier en liberté et ça tout le monde s'en fout !
André s'approche de sa fille pour essayer de la calmer. Sophie est, quant à elle, appuyée contre un plan de travail, les mains sur la bouche et les larmes coulant sur ses joues.
– Laisse moi ! Crie la jeune fille en repoussant son père. Je vais vous prouver que j'ai raison ! Je vais...
Soudain Alexanne s'arrête. Un flash apparaît devant ses yeux et l'espace d'un instant, c'est le visage du forain que la jeune fille voit. Alors Alexanne se met à crier.
Ses parents accourent vers elle complètement perdu face à la réaction soudaine de la jeune fille. Ils tentent de la calmer mais la jeune fille est en train de vivre un crise de panique.
Sophie regarde son mari, complètement impuissante face à la situation.
– André, fais quelque chose !
L'homme les regarde elle et sa fille en ne sachant pas quoi faire. Il attrape alors Alexanne et la bloque contre lui pour la calmer. La jeune fille est comme une furie. Elle crie, frappe avec ses pieds, tente de griffer. Mais son père tient bon. De son côté, Sophie tente de raisonner sa fille en lui parlant.
Tous deux sont à des kilomètres de ce qui se passe en réalité.
Ce n'est pas une simple crise dont est victime leur fille.
Le forain vient d'apprendre que celle qu'il pensait avoir tuée dans l'autre réalité est vivante.
**
Et un nouveau chapitre ! ;)
Je poste tous les mercredis du coup :)
Bonne lecture et n'hésitez pas à commenter !
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