4. Hantée


Angie


Les iris accrochés au portable, je ne parviens pas à comprendre. Les questions fusent dans mon crâne et aucune d'elles ne semble vouloir trouver de réponse. Mes doigts tiennent, fermes, cet objet qui contient l'inconnu et sa part de mystère. Je tremble, ces dernières heures défilent devant mes yeux comme des pièces de puzzle bien trop dures à assembler.

Olivia, mon agression à la sortie du campus, et maintenant lui.

Syke.

J'ignore qui il est, mais l'impression que cette histoire me donne n'est pas rassurante. Ce type connaît mon prénom, il a mon numéro, et son premier réflexe a été de me demander comment j'allais.

Comme si...

« Est-ce que tu m'as fait du mal ? »

J'expire longuement et appuie sur « envoyer ». Je ne sais pas ce que j'espère. Qu'il avoue ? Qu'il mente ? Qu'il disparaisse, sans m'octroyer de réponse ?

J'efface cette dernière option lorsque mon portable vibre à nouveau. Je ferme les paupières une seconde, puis m'arme d'un visage implacable pour lire :

« Non. »

L'air qui s'échappe de mes lèvres témoigne de la réponse que j'attendais en réalité. Je continue d'assembler les pièces manquantes en tentant de me rappeler.

Des bruits de pas, un coup sur la tête, et... deux silhouettes.

« Est-ce que tu m'as sauvé ? »

Et là, il admet :

« Oui. »

Je me relève pour arpenter ma chambre de long en large. Perdue entre raison et imagination, je ne sais plus que croire. L'ennui, c'est que sans faire face pour de vrai à celui qui se cache derrière un écran, je n'ai aucun moyen de délier la vérité.

S'il ment, je ne le découvrirai jamais.

Je finis alors par demander :

« Pourquoi ? »

Quand sa réponse me parvient, je la relis une seconde fois.

« As-tu l'intention de m'aider, Angie ? »

Olivia.

C'est donc elle, la clé. Il la connait, et d'évidence, il est prêt à tout pour la retrouver.

« La police dit qu'elle a peut-être fugué. »

« Ce n'est pas le cas. »

« Comment peux-tu en être si sûr ? »

« Parce que je la connais bien. Elle ne serait jamais partie de son plein gré. »

« Je ne peux rien pour toi. »

« Et moi, je crois que tu te trompes. »

Je stoppe ma démarche, fronce les sourcils, et cette fois, réplique avec hargne :

« Tu ne me connais pas, Syke. »

« C'est vrai. Mais Olivia, si. »

Je déglutis avec difficulté, quand les souvenirs m'assaillent. Un cours, et une photo. C'est pourtant tout ce qui nous lie, elle et moi.

Alors que la peur et l'anxiété commencent à me ronger, je prends ma décision. Je ne désire pas être mêlée à tout ça. Je ne veux pas intervenir, de quelque façon que ce soit, dans cette fugue, disparition, ou peu importe ce que ça peut être. C'est ce que je notifie quand je tape :

« Je suis désolée. Je ne peux pas t'aider. »

Je patiente quelques minutes, mais ne voyant pas de réponse arriver, je finis par poser mon téléphone sur le bureau. Je m'allonge, le regard dirigé vers le plafond, sans plus cesser de cogiter. Ce que ça m'évoque est loin de me faire du bien. J'ai besoin d'évacuer ce que je ressens. Mais dans ce monde où seul le malheur me frappe, je ne sais plus comment y parvenir.

Je tourne, encore et encore, puis finit par m'endormir, épuisée, les cauchemars qui continuent de hanter ma tête... et une bonne partie de ma nuit.



***



— Bonjour, Angie.

— Monsieur Resler.

— Tu es fâchée ?

Je relève la tête sur mon professeur de photographie, qui s'est invité dans l'endroit que j'aime le plus, à Trinity. Cette salle ne m'est pas réservée, mais je suis pourtant la seule étudiante à en avoir l'accès. Ainsi, je peux profiter du calme, de la lumière rouge et de tout ce qu'elle offre, sans avoir besoin de partager du temps et de la discussion avec d'autres personnes.

Rodolfo est celui qui m'a offert cette clé. C'est sans doute pourquoi il se permet de venir me trouver quelques fois, et la raison pour laquelle je le laisse faire, sans rien dire. J'aime sa compagnie, la majeure partie du temps. Ce prof n'est pas comme ses semblables. Il est jeune, moderne, drôle et un peu mignon, en plus.

Mais aujourd'hui, tout me paraît différent. Tout me semble suspect, en fait.

Je ne réponds pas à sa requête, la tête à ce que je fais, mais il referme derrière lui. Tandis qu'il approche, les mains dans les poches, son parfum poivré emplit la pièce.

— Qu'est-ce qui se passe, Angie ?

Je soupire, pose le matériel pour de bon. Je n'arrive pas à me concentrer, pas à oublier, je ne parviens même pas à penser.

Voilà ce qui se passe.

Néanmoins, je plante mes yeux dans le bleu des siens et mens de la façon la plus délicate que je connaisse :

— Rien. Tout va bien, merci.

— Tu m'as appelé monsieur Resler, insiste-t-il. Ce n'est pas dans tes habitudes, ça.

— Qu'est-ce que ça peut faire ? maugréé-je en sentant la patience m'échapper.

— Tu sais que si tu as besoin de parler, je suis là.

J'expire, nerveuse. Ce n'est pas le bon jour, encore moins le meilleur moment. Aujourd'hui, je n'ai pas envie. Pas le désir d'être cool. C'est pourquoi, je reprends les mots d'Ali et les utilise comme une arme pour couper court avec lui.

— Eh bien, tu es mon prof. Je n'ai ni à te trouver sympa, ni à l'être avec toi.

Rody fronce les sourcils, avant de secouer la tête.

— Très bien, souffle-t-il, vaincu.

Et il pivote afin de faire demi-tour pour me laisser seule. Le calme revenu, j'attrape mes affaires et ferme la porte derrière moi. Devant le stade, je retrouve ma copine, occupée à reluquer le sportif qui lui sert de mec.

— Salut Doherty ! Ravie de voir que tu as éteint le feu, s'exclame d'ailleurs celui-ci en poursuivant ses tours de terrain.

Je soupire tandis qu'Alison rit un peu.

— T'as un drôle d'air, concède-t-elle ensuite. Tu es blessée ?

— Non, ça va. Ce n'est pas grave.

— Angie, me reprend-elle. Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien, nié-je.

Mais sous son regard accusateur, je suis bien obligé d'admettre :

— C'est juste que toute cette histoire avec Olivia me prend la tête.

— Elle a fugué, chérie. Pas de quoi en faire tout un plat.

— Ouais, je suppose.

— Tu ne le penses pas, hein ? Tu ne crois pas qu'elle puisse être partie de son plein gré ?

Les mots de ce Syke me reviennent en mémoire. Lui, il n'avait pas l'air d'en douter une seconde. Je secoue le menton, puis hausse les épaules pour prouver que je n'en sais rien. Carter réapparaît avec un grand sourire et agresse mon ami d'un baiser dégoûtant. Il ruissèle de sueur, et à nouveau, je me questionne sur la vraie raison de l'attachement de celle-ci.

— On va boire un verre au BlueMoon, ce soir, lâche-t-il alors. Je passe te prendre à vingt heures.

Alison opine puis se tourne vers moi.

— Tu viens avec nous ?

Tandis que je compte me défiler, comme souvent face à eux, cette fois, je ne trouve ni le courage ni l'envie de répondre par la négative. J'acquiesce, donc, sous les yeux surpris de ma copine et ceux amusés de son mec. J'espère m'échapper un peu de cette réalité, mais je regrette déjà le moment où elle me rattrapera.

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