Chapitre 39

    JUSTIN

    Hier soir, j'étais stupidement ému. Toutes mes questions à savoir si j'aurais des sujets de conversation suffisants pour meubler les silences disparurent quand Nico bougea sa chaise pour s'asseoir à mes côtés au lieu d'en face.

    Une simple attention comme celle-ci et le souvenir de rires partagés, de conversations à n'en plus finir, même si nous n'étions pas toujours d'accord, et de plaisanteries absurdes, suffirent à me faire flotter sur un nuage. Et nos regards aussi qui se parlaient parfois sans besoin de paroles.

    Les heures s'étaient écoulées sans que je ne regarde une seule fois le cadran de mon portable. Puis ce fut dans un petit bar gay tranquille à cette heure de la journée que je lui parlai de ma mère et de Greg. Il me confia sa culpabilité de laisser son grand-père en maison de retraite. Ce qui le minait le plus, c'était qu'il n'accepte jamais sa condition. Je le comprenais. Nous avions parlé comme de vieux amis qui s'étaient perdus de vue et se retrouvaient enfin. Et puis quelques couples d'hommes s'étaient mis à danser et, naturellement, nous les avions imités, sans trop nous coller, au cas où. Nous n'étions pas prêts pour ça. Mon dérapage de la dernière fois nous avait fait plus de mal que de bien. Quand il me déposa devant chez moi, il restait beaucoup de questions encore qui me brûlaient le bout des lèvres. À la façon qu'il avait de regarder ma bouche quand je parlais, il hésitait, je crois, à faire taire mes questions à coups de baisers. Malgré tout, nous ne nous autorisâmes qu'un sourire un peu crispé et timide, un « on se revoit dimanche ? » qui me retourna l'estomac d'anticipation.

    Et j'étais là, couché sur mon lit, mon téléphone à la main, ce que je ne faisais jamais, regardant si Nico m'avait envoyé un message ces dernières six heures. Le retour à l'adolescence pouvait être déconcertant, émouvant et un peu bête aussi. Même si je l'avais passée il n'y avait pas si longtemps une partie m'avait été volée en cours de route. J'avais adoré la revivre quelques heures avec un autre Nico. Un homme qui me plaisait encore plus que celui dont j'étais tombé amoureux en arrivant. Et ça me faisait autant peur que ça me donnait des ailes pour continuer à croire que son envie d'avancer était réelle. Qu'il avait choisi de le faire avec moi ! Je savais qu'aujourd'hui, il avait beaucoup de travail, que la terre devait être travaillée et que ça n'attendait pas, même si c'était samedi, et que je ne le verrais pas. Mais il m'avait promis de prendre plus de temps libre après la saison et de déléguer. Il m'en avait parlé pendant le dîner, c'est pour ça que je le savais. Il m'avait aussi parlé de cette fille avec laquelle il couchait quand il sortait. À un moment, je lui avais demandé s'il n'était pas bi. Mais d'après lui, non, c'était certain. Alors j'espérais qu'il s'était vraiment trouvé. Qu'il ait partagé tout ça avec moi m'avait rendu heureux, parce que je n'avais pas eu besoin de lui demander quoi que ce soit, il s'était confié de lui-même.

    Je sortis la tête en vrac emmener Tempête dans le pré. Je n'avais jamais reçu autant de visites que depuis que je m'occupais de l'étalon.

    Aujourd'hui c'était Greg qui profitait de sa pause de 30 minutes pour venir me voir.

— Je suis venu te donner le numéro de l'hippodrome d'Auch, un de mes amis y travaille et ils cherchent quelqu'un pour soigner les chevaux, tu peux dire que tu appelles de la part d'Alex si ça t'intéresse.

    Je pris la carte et la mis dans ma poche.

— Bien sûr que ça m'intéresse, merci Greg, je vais appeler lundi, mais si j'ai la chance d'être pris, je dois acheter une voiture.

— Oui, c'est indispensable par ici. On trouvera bien une petite citadine chez un particulier, c'est toujours moins cher que dans un garage, t'inquiète, au pire tu peux crécher chez moi en attendant.

    Je me jetai sur lui pour le serrer dans mes bras. Et merde, c'était mon frère et j'en avais le droit. Je l'embrassai plusieurs fois sur la joue, comme le faisaient les vieux parfois. Il recula un peu, mais je ne le lâchai pas.

— Mais lâche-moi, putain, si j'avais su que t'allais me remercier comme ça, je t'aurais pas filé la carte !

— J'ai pas pu m'en empêcher, tu es mon idéal masculin, tout d'un coup.

    Il rigola et me poussa pour repartir vers sa voiture chercher un thermos.

— Tu veux qu'on aille voir ton Crush main dans la main ? Moi qui croyais avoir fait une bourde de l'autre jour !

— Et une belle, oui !

— Jean-Pierre m'a fait comprendre que vous vous êtes...

    Il tapota ses deux index en haussant les sourcils plusieurs fois.

— Pas tant ! pas tant !

— Si ça a marché, c'était pas une bourde alors ! Je retire mes excuses !

— D'abord tu t'es pas excusé ! deuxio, t'avises plus de me refaire un coup pareil !

    Il éclata de rire

— OK, mais avoue que c'était une bonne idée. Ça se passe comment, alors ? Parce qu'il est plus guilleret ce matin, il siffle comme un tordu dans son tracteur, je l'ai vu en passant.

    Je pouffai.

— On verra, répondis-je en prenant le gobelet en plastique qu'il me tendit plein à ras bord en essayant de ne pas me tacher. Je t'avoue qu'il y a encore quelques jours, je n'avais pas envie de le revoir, même si ça me tuait.

— Mon cul, oui !

— Bon d'accord, c'est vrai que j'étais pas bien, mais ton idée était pourrie.

— Oui, oui, si tu le dis...

    Inutile de discuter. 

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