Chapitre 59 Elena (Tome 2)

— Tu as tout ce dont tu as besoin ? me demanda ma mère depuis l'encadrement de la porte de ma chambre tandis que je bouclais ma seule et unique valise.

Le jour J était enfin arrivé et j'étais... nerveuse, vraiment nerveuse. Ces quatre jours que j'allais passer à seules avec Tyler pouvaient donner un vrai tournant à notre relation. S'il se passait ce que je souhaitais, alors nous atteindrions un tout autre niveau, beaucoup plus intime que celui que nous avions déjà. Rien ne changerait, mais évoluerait.

— Oui, maman, répondis-je en fermant la fermeture éclair.

J'avais à peine dormi la veille, excitée entre le fait que Reid allait donner l'argent dont Ty avait besoin pour quitter le gang et euphorique par ces petites vacances qu'on s'octroyait avant de reprendre les cours la semaine prochaine.

— Soyez prudents sur la route, tu me le promets, hein ? Rien de téméraire.

Si seulement elle connaissait Tony, elle saurait qu'il était du genre à ne pas se distraire en conduisant, tout comme Tyler.

— Ne t'inquiètes pas. On part à deux heures de route d'ici, pas à L.A, plaisantai-je, amusée par sa soudaine inquiétude.

Je n'étais jamais partie en vacances toute seule, c'était la première fois. Normalement, et depuis petite, nous faisions ça en famille. Je devais bien avouer que ce genre de vacances me manquaient, désormais, ce ne serait plus jamais pareil. Je me souvenais d'un voyage qu'on avait fait à Acapulco lorsque j'avais dix ans, les photos devaient trainer dans l'un des nombreux albums familiaux, mais je me rappelais d'un cliché en particulier où j'étais dans une piscine, accrochée au dos de mon père et nous sourions à la caméra. Repenser à ces moments me rendait nostalgique, mon cœur se serrait dans ma poitrine et l'air restait coincé à l'intérieur de mes poumons, me provoquant une sensation d'asphyxie.

Je quittai ma chambre avec ma mère sur mes talons. Une fois au rez-de-chaussée, Chris était vautré sur le canapé en train de se battre pour avoir le contrôle de la télécommande avec Teagan. Ils étaient toujours en train de se chamailler pour savoir qui aurait le pouvoir suprême sur la télévision, ils étaient vraiment désespérants.

— Bon, déclarai-je en posant mon bagage à mes pieds, je dois aller chercher Mayim, ensuite nous retrouverons les garçons chez Tony.

On avait dû procéder de cette manière afin que les oncles de mon amie ne se doutent de rien. Grey était dans la confidence et la couvrait, mais rien n'était garanti, surtout en sachant que sa mère était une véritable fouine.

Nous devions nous retrouver à quinze heures tapantes chez le petit-ami de Mayim. Apparemment, eux deux avaient fait des courses la veille et avaient tout gardé chez lui, ce qui était bien évidemment plus prudent.

Je regardai l'heure sur mon portable, il était quatorze heures quarante-cinq. Je devais y aller.

Ma mère me prit dans ses bras, déposa un baiser sur mon front et m'ordonna de m'amuser. Elle n'avait pas à s'inquiéter pour ça, il n'y avait aucune chance que je m'ennuie pendant ces petites vacances.

Teagan vint me donner une accolade et d'une voix amusée, me dit :

— Ne fait rien que je ne ferais pas.

Puis il se sépara de moi et me fit un clin d'œil. Nous n'en avions pas parlé, mais il n'y en avait pas besoin, il savait tout autant que moi ce que j'avais en tête. En même temps, comment rater une occasion pareille ?

Mes frères vinrent également me dire au revoir et je pris Blue dans mes bras avant de déposer un gros baiser sur sa joue, ce qui la fit rire.

Je ramassai mes affaires et sortis de la maison après avoir saisi mes clés de voiture, habillée d'un short en jean ainsi que d'un t-shirt long noir. Comme depuis le début des vacances de printemps, il faisait beaucoup trop chaud pour la saison, alors ces quelques petits jours en bord de mer ne seraient que d'autant plus parfaits. J'adorais me baigner dans l'océan et cela faisait vraiment très longtemps que je ne l'avais pas fait, alors j'avais hâte d'arriver à Holly Beach, d'enfiler un de mes maillots de bains et d'aller faire trempette, tout en espérant que l'eau ne soit pas trop froide.

Je rangeai ma valise dans le coffre de ma voiture et saluai une dernière fois ma mère, qui était sortie sur le perron. J'entrai dans ma Ford avant de mettre le contact et reculai dans l'allée du garage afin de prendre la route en direction de chez Mayim.

***

Tyler aidait Tony à tout bien ranger dans le coffre afin que toutes nos affaires occupent le moins de place possible. En plus de nos bagages, il y avait également les provisions, je voulus d'ailleurs payer ma partie des frais, mais Mayim refusa catégoriquement de prendre que ce soit mon argent ou celui de Tyler. Nous étions ses invités, ainsi, elle voulait absolument prendre tous les frais en charge. Selon elle, la seule chose que nous aurions impérativement à faire pendant ce voyage, ce serait de nous éclater. Lorsqu'elle m'avait dit ça, elle m'avait fait un clin d'œil entendu, tandis que Ty était en train de discuter avec Tony de quelque chose ayant un rapport avec le trajet.

Les garçons avaient vérifié la route à emprunter, ne voulant aucunement se servir d'un GPS, le contraire aurait été étonnant.

Puis après s'être mis d'accord, Tyler se dirigea vers sa bécane qui était garée à quelques mètres de nous. Il comptait donc y aller en moto ? L'idée ne me plut pas des masses, je voulais faire la route avec lui, pas tenir la chandelle à mes amis.

Bien que fidèle à lui-même, souriant et charmeur, je sentais qu'il y avait quelque chose qui clochait. Il m'avait à peine regardée lorsque j'étais arrivée quelques minutes auparavant et il avait à peine croisé deux mots avec moi. Si le voyage commençait comme ça, je ne voulais même pas imaginer les trois prochains jours.

Ainsi, je m'approchai de lui et en me sentant arriver, il se retourna pour me faire face, un main posée sur le sommet de son casque qui demeurait sur le siège de la moto.

— Ça va ? soupirai-je en croisant les bras sur ma poitrine tout en tentant de prendre un air décontracté.

J'avais peur qu'il soit mal à l'aise à cause de ce qui était arrivé la veille. Le fait qu'il ait accepté l'aide de Reid, peut-être que ça froissait son égo, je n'en savais rien, mais je n'aimais pas le savoir distant. Je détestais ça même.

Face à ma pose, Ty sourit narquoisement et tourna tout son corps avant de désigner son petit bijou, l'air drôlement fier. Oui, lui et sa moto, c'était une grande histoire d'amour. Devrais-je être jalouse ?

Mi angel, aujourd'hui tu as le choix du transport, dit-il en me contemplant avec intensité. Voiture ou moto ?

Il s'avança dangereusement de moi et approcha son visage du mien, avant de souffler légèrement près de mon oreille, me donnant ainsi la chair de poule.

— Chaleur intense ?

Il m'embrassa avant d'effleurer de sa langue ma lèvre supérieure, me coupant carrément le souffle. J'en oubliais même de respirer lorsqu'il intensifia le baiser et colla son corps au mien tandis que nos langues entraient en contact et se mêlaient.

Il se sépara de moi, non sans avant avoir mordu gentiment ma lèvre inférieure, me laissant complètement pantelante et ardente de désir.

Mon dieu, que j'avais hâte d'être ce soir !

— Ou cheveux au vent ? finit-il.

Après sa petite mise en bouche, comment aurais-je pu douter ne serait-ce qu'un instant ? C'était tout bonnement impossible. Et il m'avait bien eue, afin que je fasse ce qu'il voulait.

— C'est de la manipulation, ça, l'accusai-je en essayant de prendre un air outré.

— Je suis prêt à tout pour avoir ce que je veux, tu devrais le savoir désormais.

Son regard se planta dans le mien et je plongeai dans ses iris, sombres tels des mares profondes, m'y perdant complètement.

— Bon, les amoureux ! gueula Tony en klaxonnant afin de nous rappeler à l'ordre. On se met en route ou quoi ?

Je levai les yeux au ciel sans pouvoir m'empêcher d'être amusée. J'avais pensé que nous irions tous dans la mustang, mais je devais bien avouer que l'idée de faire une balade de plus de deux heures en moto serrée contre Tyler me plaisait beaucoup plus. Et beaucoup trop, également.

— Alors ? demanda Ty en me tendant son casque. Prête pour cette virée d'enfer ?

Je le lui pris des mains et le posai sur ma tête, avant d'enfourcher la moto et de m'asseoir sur le siège, pleine de confiance, même si je savais qu'une fois cette dernière démarrée, je m'accrocherai à Tyler comme si ma vie en dépendait.

— As-tu vraiment besoin de demander ?

Amusé, il m'imita et s'assit, mais face contre moi avant de poser ses mains sur le haut de mes jambes pour me ramener à lui en m'arrachant un petit cri de surprise par la même occasion. Ses caresses m'enflammaient de la tête au pied et je ne voulais surtout pas que ça cesse.

— Je n'en attendais pas moins de toi, minauda-t-il avant de prendre mon visage en coupe entre ses mains et de m'embrasser tendrement, contrairement à un peu plus tôt où j'avais vraiment cru perdre tous mes moyens.

***

La route jusqu'à Holly Beach me parut vraiment interminable, sans doute parce que j'étais trop impatiente de m'y retrouver et de profiter à fond de ce séjour. J'étais pourtant certaine qu'au retour, elle me semblerait extrêmement rapide. C'était prouvé, plus on voulait arriver à un endroit, plus le temps se faisait long et plus on voulait ne pas y partir, plus il devenait rapide. C'était mathématique et tellement frustrant.

Serrée contre Tyler pendant tout le trajet, j'en avais profité pour observer les divers paysages qui s'offraient à moi. Nous ne nous arrêtâmes à aucun moment pour faire une pause, même si cette position commençait un peu à me tuer le bas du dos, tout juste au niveau de mes reins. Toutefois, j'adorais sentir le vent sur mon visage, ça me donnait une sensation de bienêtre, de liberté, de béatitude totale, malgré le bruit du moteur.

Lorsque nous arrivâmes devant la maison sur pilotis, Tyler se gara tout juste devant et coupa le moteur avant de poser la béquille par terre. Une fois stabilisés, je me levai – les jambes tremblantes – et enlevai mon casque, imitée par Ty. Tony et Mayim arrivèrent quelques secondes plus tard pendant que nous observions l'extérieur avec attention.

Il fallait monter une quinzaine de marches pour pouvoir atteindre la porte principale de la maison. Cette dernière était construite tout en bois, en harmonie avec les autres petits chalets l'entourant, elle ne faisait pas tâche dans le décor. J'ignore à quoi est-ce que je m'étais attendue, mais pas à tellement d'austérité, je devais bien l'avouer. Vu l'opulence qu'ils s'efforçaient de montrer, cette petite maison au bord de la plage ne collait pas vraiment avec le style des Reid. La maison avait l'air grande cependant, comme mon amie l'avait décrite, mais je devais avouer que j'étais étrangement surprise. En bien toutefois, je préférais séjourner dans un endroit comme celui-ci plutôt que dans un palace, je m'y sentais beaucoup plus à l'aise.

— Bordel, murmura Ty tellement bas qu'il me fut même difficile de comprendre ce qu'il avait dit.

Son regard était fixé sur la maison, mais on avait l'impression qu'il regardait au-delà, ses yeux semblaient perdus dans le néant le plus total, tandis que sa respiration restait coincée en plein milieu de sa gorge. Je sentais parfaitement que quelque chose clochait.

— Cette maison appartient plus précisément à mon oncle, nous expliqua Mayim alors que nous montions tous les marches.

Je sentis Tyler se tendre de la tête aux pieds et automatiquement, je lui saisis la main afin de le cajoler. Il avait l'air nerveux et j'ignorais pourquoi. Serait-il possible... qu'il connaisse cet endroit ?

Une fois en haut, mon amie ouvrit la porte principale et nous entrâmes à l'intérieur pour nous retrouver directement dans un grand salon élégamment décoré. Trois canapés en cuir couleur crème, une télé écran plat et une table basse tout en cristal étaient les meubles que l'on pouvait retrouver dans cette pièce. Il y avait également un abat-jours entre chaque canapé qui formaient la moitié d'un carré, avec seulement deux angles. Et aux murs, diverses photos, mais qui depuis là où je me trouvais ne me semblèrent pas du tout personnelles. C'étaient simplement des clichés artistiques, tout de même, Ty ne décrochait pas son regard du mur à notre droite.

— Ma tante n'a jamais voulu mettre les pieds dans ce « boui-boui », pour répéter ses mots, continua Mayim en déposant les clés dans un petit bol se trouvant sur une étagère de l'entrée. Mais Oncle Greyson y tient vraiment, ainsi il la fait entretenir toutes les semaines, même si cela fait des années qu'il n'est pas venu y séjourner. Avant, il aimait venir ici tout seul, se détendre.

Je sentis mon petit-ami bouillonner de l'intérieur. J'ignorais de quoi il s'agissait, mais quelque chose n'allait définitivement pas. Il regardait l'endroit d'une manière... particulière. Il semblait éberlué par quelque chose que seulement lui semblait comprendre.

L'endroit avait l'air vraiment convivial, contrairement à leur manoir qui était plus froid que la glace niveau ambiance des lieux.

— C'est donc ton oncle qui t'a proposé la maison ? demanda-t-il d'un voix voilée.

Je resserrai d'autant plus mon emprise sur sa main, geste qu'il imita, c'était comme s'il s'accrochait à moi pour ne pas perdre pied. J'étais sa bouée de sauvetage, celle qui lui faisait maintenir le nord, celle qui l'apaisait, même si j'ignorais contre quoi je le faisais.

— Oui, je lui ai dit vouloir aller quelque part pendant ces vacances et il m'a gentiment proposé de me prêter cette maison. Plutôt cool, vous ne trouvez pas ? En vrai, mon oncle est vraiment sympa et pas casse-pieds, ce qui n'est pas le cas de ma tante, ricana-t-elle en regardant amoureusement son petit-ami.

Mais ça ne fit pas rire Tyler, qui se défit de mon emprise, se retourna et décampa en sortant de la maison avant de descendre les marches.

Seigneur, mais quelle mouche lui piquait ? J'étais complètement perdue face à ses réactions, tout comme nos amis. Quel problème y avait-il avec cet endroit ? Je ne comprenais absolument plus rien. Dès qu'il était descendu de la moto, j'avais eu l'impression qu'il avait vu un fantôme.

Alors que je m'apprêtais à le suivre, Tony m'attrapa gentiment du bras et me regarda droit dans les yeux pour me dissuader de le suivre.

— Laisse-le, il reviendra de lui-même.

Puis il me relâcha et se tourna vers Mayim, qui le regardait suspicieusement. Tout comme moi, elle était complètement perdue et sans doute, la réaction de Ty lui avait semblée déroutante. Elle ignorait que son oncle par alliance était le père de mon petit-ami, tout comme Tony... quoi que, je commençais à en avoir des doutes, ce dernier semblait toujours en savoir plus de ce qu'il prétendait. Ça ne m'étonnerait même pas qu'il soit au courant pour l'identité du père biologique de Tyler.

— Bon ! Je vais te montrer vos chambres, dit mon amie en s'adressant à moi. Tony, tu veux bien aller chercher nos affaires ?

Ce dernier leva les yeux au ciel et marmonna quelque chose dans sa barbe qui ressembla à « C'est toujours moi qui dois me coltiner le sale boulot ». Toutefois, il ne répliqua pas et s'exécuta.

***

Après avoir rangé mes affaires dans la chambre que j'occuperais pendant ces trois jours, je retournais en cuisine où Mayim et Tony avaient déjà commencé à préparer le dîner.

La maison était relativement grande, même si elle n'avait qu'un rez-de-chaussée. Les chambres étaient toutes séparées les unes des autres afin d'offrir une certaine intimité et elles avaient toutes une salle de bain complète à l'intérieur. Je trouvais que tout était super bien équipé, ce qui n'était en soit pas bien étonnant en sachant à qui appartenait la demeure.

Toutes les chambres avaient un lit double, ce qui me paraissait étrange étant donné que normalement, les seules pièces à détenir ce genre de lits étaient toujours celles des parents. Alors je trouvais cela bizarre, mais peut-être que Mr Reid aimait dormir à chacune de ses visites dans une chambre différente et donc cela expliquerait la présence de tous ces lits doubles...

Oui, je délirais totalement. À vrai dire, je m'efforçais de penser à tout et n'importe quoi hormis à Tyler qui avait désormais disparu depuis deux bonnes heures. Le soleil commençait à se coucher et je n'avais aucune idée d'où il était parti se planquer. Au moins, ce dont j'étais certaine, c'était qu'il n'était pas reparti à Dayton, sa moto se trouvait toujours dans l'allée devant la maison.

Une fois auprès de mes amis, je leur donnai un coup de main en coupant les légumes nécessaires pour la recette que Mayim voulait concocter. Elle se tourna à plusieurs reprises vers moi afin d'avoir mon avis, mais je m'en lavais toujours les mains en certifiant être une horrible cuisinière. La preuve : cramer des pattes. Tout était dit.

Mis à part la pâtisserie, pour le reste, j'étais une véritable catastrophe ambulante. À se demander comment mes frères étaient en vie après les repas que je leur concoctais. Ainsi, Chris se plaignait toujours que je ne faisais que de la salade. Mais au moins, c'était comestible et ils ne choppaient pas une intoxication alimentaire tous les quatre matins.

— Elie, dit mon amie en remuant la sauce dans la casserole afin qu'elle ne colle pas au fond pendant sa préparation.

— Oui ?

J'avais les larmes au bord des yeux. Maudis oignons ! J'avais même du mal à ouvrir les paupières et à voir devant moi désormais.

— Tu sais quelle mouche a piqué Tyler plus tôt ? Je sais qu'il ne peut pas piffrer mon cousin, mais de là à aussi avoir une dent contre mon oncle...

Je me raidis de la tête aux pieds. Désormais, les choses avaient radicalement changé. Lui et Grey n'étaient plus ennemis, mais alliés et tenteraient tant bien que mal de laisser leur désaccord de côté afin de pouvoir entretenir ce genre de relation cordiale. Ce ne serait pas parfait tous les jours, j'en étais plus que consciente, mais c'était un excellent début après tant d'années passées à se haïr mutuellement. Il fallait toujours un début à tout.

— Peut-être qu'il a juste eu besoin d'être seul pendant un moment, le défendit Tony en se pivotant vers moi mais en s'adressant à sa petite-amie. Pourquoi en voudrait-il à ton oncle ? Ça n'a pas de sens.

Il avait dit ces deux phrases sans me quitter des yeux un seul instant. Serait-il possible... qu'il soit au courant ?

Tony était une personne très éveillée et perspicace, en plus, il connaissait Tyler depuis toujours, tout comme Grey. Ils avaient sans aucun doute fréquenté les mêmes établissements scolaires depuis la maternelle. Alors de quoi était-il au courant ?

Ces questions ne cessèrent de me tarauder l'esprit pendant que je m'appliquais à la tâche afin de couper les oignons le plus fins possibles afin que la sauce soit comestible. J'ignorais cependant encore ce que Mayim essayait de concocter et franchement, je préférais ne pas demander.

— Tu me passes le poulet ? demanda-t-elle à Tony après que celui-ci ait terminé de ne couper en dés.

— J'avais plutôt envie de faire un barbeuc moi, se plaignit le jeune homme en faisant la moue tel un gosse de dix ans. T'es sûre de ce que tu fais en fait ?

Il se méfiait visiblement des talents de cuisinière de ma meilleure amie et vu la tête qu'il faisait en cet instant, il ne semblait pas du tout rassuré par ce qu'elle était en train de faire.

— Mais oui, mais oui, lui répondit-elle en le poussant pour qu'il s'écarte de son chemin et la laisse tranquille aux fourneaux.

Je me lavai les mains afin d'effacer le plus possible toute trace de particules d'oignons sur ma peau et finalement, mis un peu d'eau sur mon visage afin de soulager mes yeux qui me piquaient atrocement.

Trouvant qu'il faisait trop chaud dans la pièce, je décidai de sortir sur le porche de la maison afin de prendre un peu l'air marin, étant certaine qu'il me ferait beaucoup de bien et surtout... parce que j'espérais trouver au loin Tyler. S'il ne revenait pas dans les prochaines dix minutes, j'irais le chercher, même si je devais longer toute la plage et aller jusqu'à Cameron – la ville la plus proche – en marchant.

Il faisait un peu frisquet, je devais bien l'avouer, mais ça me faisait du bien. Je portais en plus un petit gilet que je rabattis sur ma poitrine lorsqu'un coup de vent un peu plus violent me frappa. Sur la plage, à environ une centaine de mètres d'où se trouvait la maison, il y avait une sorte de feu de camp. Sans doute des touristes qui faisaient la fête. Peut-être bien que Tyler s'y trouvait, je savais qu'il aimait sentir le sable sous ses pieds et le bruit des vagues frapper contre les rochers. Bon, ici il n'y avait pas de rochers, simplement plusieurs pontons qui s'introduisaient pendant pas mal de mètres dans la mer, sans aucun doute afin d'éviter l'eau boueuse, à cause du delta du Mississipi. Je l'avais lu un peu plus tôt sur internet, donc mes espoirs de baignades tombaient à l'eau... sans mauvais jeux de mots.

Le soleil se couchait à chaque fois plus à l'Ouest, teintant le ciel d'une couleur rosée tout simplement magnifique. Le bleu du ciel nocturne ainsi que l'éclat des étoiles commençaient à se mélanger à cet effet d'optique de l'astre solaire en plein déclin.

La porte derrière moi s'ouvrit, m'enlevant ainsi à ma contemplation de ce tableau exceptionnel et Tony vint prendre place à côté de moi, habillé de sa veste en cuir habituelle.

— Je crois qu'on va finir par manger des sandwichs au beurre de cacahuète, se renfrogna-t-il.

Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. Il n'avait vraiment aucune confiance en Mayim quant à ses talents culinaires, pourtant, j'avais l'impression qu'elle ne s'en sortait plutôt pas mal. Mais nous devions bien l'admettre, ici ceux qui s'y connaissaient en cuisine, c'étaient Tyler et Tony. J'allais finir par appeler leur duo les « Té au carré ».

— Tu ferais mieux d'aller chercher Ty maintenant, soupira-t-il en s'approchant de moi et en appuyant ses fesses contre la rambarde extérieure afin de me faire face.

— Qu'est-ce que tu sais ? murmurai-je, me doutant qu'il était au courant de quelque chose.

— Je ne suis pas débile, Elie, m'avertit-il en croisant les bras sur sa poitrine. Je connais Tyler depuis toujours, pareil pour Grey. J'ai toujours eu certains... doutes. Mais lorsque j'ai vu Mr Reid pour la première fois lors de la fête d'anniversaire de Mayim, ils se sont confirmés. J'ignore ce qui s'est passé en détail, mais lorsque Tyler dit ne pas avoir de père, il dit la vérité. Cet homme est peut-être son géniteur, mais ça s'arrête là.

— Je sais, Tony. Il m'en a parlé.

Sa mâchoire tressaillit, mais il ne sembla aucunement surpris, peut-être un peu déçu que son meilleur ami m'en ait parlé à moi au lieu de se confier à lui, qui le connaissait depuis toujours.

— Tu devrais aller le chercher maintenant, avant qu'il ne fasse une connerie. Le connaissant, il en est entièrement capable.

Oui, il n'avait pas vraiment tort. S'il était de mauvais poil et que quelqu'un venait le titiller, ça pouvait vraiment très mal tourner.

Après avoir pris une grande inspiration, je contournai Tony avant de descendre les marches de la maison. Je sautais les deux dernières et me mis à trottiner en direction de la plage, suivant la lumière du feu de camp. J'étais certaine que Ty serait là-bas, peut-être pas dans la foule, mais à l'écart.

Quelques minutes plus tard, j'arrivai et regardai un peu autour de moi, afin de repérer mon copain. Je m'approchai de la vingtaine de personnes qui faisaient la fête autour de ce feu, buvant et se déhanchant au son de la musique reggaeton qui fusait depuis une voiture garée tout juste à côté. C'était bien la première fois que je voyais une bagnole sur la plage, je me demandais comment est-ce qu'ils allaient faire pour la sortir de là ensuite. Ce serait sans aucun doute amusant à regarder.

— Salut ma jolie, dit un grand blond en s'approchant de moi.

J'eus un mouvement de recul, mais me repris assez vite. Il n'avait pas l'air saoul, mais il valait mieux prévenir que guérir.

— Tu veux une bière ?

Je réprimai un rire et refusai immédiatement. Je ne voulais surtout pas boire et encore moins quelque chose venant de la part de quelqu'un que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam.

— Je cherche un garçon, tu l'as peut-être vu. Brun, très grand...

— Mexicain beau comme un dieu ? dit une voix féminine derrière moi.

Je me retournai et me trouvai face à face avec une jolie rousse d'environ ma taille, mais qui semblait avoir cinq ans de plus que moi. Des tâches de rousseur parsemaient son visage aussi pâle que l'ivoire et ses lèvres étaient peintes en rouge écarlate. On pouvait dire qu'elle aimait mettre en avant la couleur de ses cheveux ainsi que celle de sa peau.

— C'est bon Reese, je m'en occupe, dit-elle au blond en passant une main par-dessus mon épaule pour m'entrainer avec elle.

Je fus surprise par ce contact, mais ne me dégageait cependant pas. Ce fut alors que ses propos me percutèrent. Mexicain beau comme un dieu ? Non mais elle était sérieuse ? Elle pensait que j'étais quoi ? Sa sœur ? Ça, ou alors elle n'en avait strictement rien à foutre.

— Tu as une bouille toute mignonne, ricana-t-elle en prenant mes joues pour me faire une bouche de poisson. Et une peau toute douce.

Je me dégageai. Visiblement, elle était bel et bien saoule.

Elle ricana face à ma réaction et saisit mon poignet afin de me traîner avec elle. Au bout de quelques mètres, elle s'arrêta et signala un point au loin, sur la jetée.

Je la remerciai rapidement et continuai la route toute seule. Au bout se trouvait un géant mexicain assis sur le rebord, en train de regarder l'étendu de l'océan devant lui. Je restai quelques instants derrière lui, à quelques mètres de distance, et observai le tableau. J'aurais aimé avoir mon portable sur moi afin de faire une photo, je trouvais le cadre tout simplement splendide. Tyler assit sur la rambarde, ses jambes pendant dans le vide et ce soleil couchant tout juste à sa droite, l'éclairant d'une lumière presque irréelle, tel un halo.

Poussant un soupir, je m'avançai et m'appuyai à côté de lui, contre le garde-corps. Tyler ne bougea pas d'un millimètre, pas même surpris de me voir. Il avait une bière entre les mains et elle était presque vide. Était-ce la seule qu'il avait bue ou s'en était-il enfilé d'autres ? Apparemment, il avait fait quelques rencontres. 

— Tu as conquis le cœur d'une belle rousse, il paraît, plaisantai-je, à moitié cependant.

Un sourire narquois étira le coin de ses lèvres et il tourna enfin son regard vers moi. La façon qu'il avait de me contempler en cet instant était presque animale, ce qui me provoqua un frisson qui me parcourut toute l'échine dorsale, et cela n'avait rien à voir avec le vent qui faisait voler mes cheveux dans tous les sens.

Il se retourna sur la rambarde et posa finalement ses pieds sur la structure, avant de s'avancer vers moi et de me coincer contre la balustrade, son corps frôlant presque le mien et faisant battre mon cœur de plus en plus vite. J'avais l'impression qu'il allait me dévorer toute crue.

— Et pas le tien ? murmura-t-il d'une voix rauque alors qu'une vague vint se briser en-dessous de nous.

Ses lèvres effleurèrent ma joue et ses mains se posèrent sur ses hanches afin de me coller contre lui. Tyler s'aventura en-dessous de mon t-shirt et je le laissai faire. Il effleura le creux de mes reins, puis mon ventre – qui se contracta sous ses caresses. Il remonta sur mon buste et frôla mes seins à travers la dentelle de mon soutien-gorge, me coupant le souffle. La respiration de Ty devint erratique, tout comme la mienne tandis que chaque muscle de mon corps se tendait à l'extrême et qu'une chaleur immense me submergeait de la tête aux pieds.

Bon sang, j'avais une envie folle de lui, de poser mes lèvres sur les siennes et de me perdre dans l'intensité sans fin de nos baisers langoureux. Je ne rêvais que de ça en cet instant, pendant que ses caresses et son odeur alléchante me grisaient complètement. Il sentait le boisé, mélangé à une fragrance mentholée qui me mettait l'eau à la bouche.

J'accrochai son t-shirt entre mes poings et ses mains parcoururent mon dos pour aller ensuite  chaque fois plus bas, jusqu'à agripper mes fesses en m'arrachant un petit cri de plaisir, que j'essayai de réprimer en serrant les lèvres.

Mon désir pour lui ne cessait d'augmenter à chaque seconde qui passait, à chaque caresse qu'il me procurait. Il me taquina en mordillant ma lèvre inférieure puis en la suçant, faisant mon cœur battre de plus en plus vite pendant que mon envie se faisait désormais ressentir au creux de mon bas-ventre. Ses caresses m'incendiaient, ses baisers me faisaient décoller, je voulais me perdre dans notre étreinte jusqu'à perdre toute notion de temps.

Il effleura tendrement ma langue de la sienne et finalement m'embrassa avec une passion ainsi qu'une avidité qui lui étaient rares, avec empressement et une pointe de désespoir. Il ne mesurait plus aucun de ses gestes, ces derniers étaient emprunts d'une frénésie sans précédents, d'une certaine brutalité qui me plaisait assez. Jamais il n'avait osé m'embrasser ou me toucher comme ça, hormis dans l'intimité d'une chambre. Mais nous voilà au bord de la jetée, là où tout le monde pouvait nous voir. Mais au fond de moi, même si cela me plaisait énormément et que je ne rêvais que d'une chose – lui céder –, je sentais qu'un truc clochait.

Alors, en enfouissant mon désir bien au fond de moi, je le poussai légèrement en arrière pour qu'il arrête. Ses pupilles étaient dilatées et il me contemplait comme s'il était prêt à me dévorer, sa respiration était encore plus agitée que la mienne et tous ses muscles bandés.

— Pardon, murmura-t-il après m'avoir lâchée et observée pendant quelques instants, l'air perdu.

Il dévia le regard et serra les mâchoires à s'en faire grincer les dents. Il semblait honteux de ce qu'il venait de faire. Mais avant que je ne puisse le rassurer, il mit une distance entre nous et me dit en partant à reculons :

— Je ne sais pas ce qui m'a pris.

Puis il fit demi-tour, me laissant sur la jetée, complètement pantelante et éberluée par son changement de comportement, tandis qu'il retournait sur la plage. 

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HEY ! I'M BACK ! 

Enfin de retour de vacances, après un séjour vraiment super, je reviens ! 

Je n'ai pas vraiment eu le temps d'écrire pendant cette vingtaine de jours, donc on va continuer avec le même rythme de publication, c'est-à-dire un chapitre par semaine pour chaque histoire. 

J'espère que vous allez tous bien et que vous avez envie de connaître la suite des aventures de Tyler et Elena. Désormais, après ces vacances, je vais vraiment pouvoir être en mesure de dépeindre au mieux ce qui va se passer dans la suite de l'histoire et que vous attendez depuis tellement longtemps ! 

Ainsi, on se retrouve MERCREDI PROCHAIN à 17H pour la publication du chapitre 60 (que je dois encore écrire). 

Je vous fais des bisous ! 

Bye ! 

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