Chapitre 5




Les deux semaines suivantes passent à toute allure. Je travaille beaucoup, Fanny, une des vendeuses, a attrapé la grippe, et ne peut pas se lever. Je file au magasin pour des extras plusieurs fois par semaine dès mes cours terminés. Mais pas le lundi et le vendredi. Pas les jours de cours de psycho.

Avec Thomas, nous n'avons pas eu l'occasion de nous retrouver à nouveau en tête à tête, mais uniquement en compagnie de la bande.

En ce dernier vendredi de l'année, j'ai un peu le cafard car il part le lendemain pour les deux semaines de vacances avec ses parents, fêter Noël et le nouvel an dans la famille de sa mère à Liverpool.

— On y va tous les cinq ans et il fallait que ça tombe cette année, gémit-il en m'étreignant.

— Ça va passer vite, je réponds sans conviction.

En réalité, je suis vraiment malheureuse de le quitter. Quinze jours depuis notre premier baiser et je suis complètement accro.

— Tiens.

— Qu'est-ce que c'est ? On avait dit pas de cadeau ! dis-je en découvrant un petit coffre en bois, fermé avec un cadenas. Je n'ai rien pour toi moi...

— Ce n'est pas vraiment un cadeau, juste quelque chose pour que tu ne m'oublies pas pendant les vacances.

— Ça ne risque pas...

— J'ai confié la clef à Capucine, elle te la donnera le premier janvier à minuit.

— J'adore cette idée.

— Et moi, c'est toi que j'adore.

Il est parti prendre son train, me laissant seule avec mon blues et mon petit coffret.

— Ça va passer vite, me réconforte Caro. Dans quelques jours, c'est Noël. Ensuite, on va s'occuper d'organiser la fiesta du siècle ici et le temps de se remettre, ce sera la rentrée.

— Oui, je sais, mais il me manque déjà.

— T'es amoureuse Lou ?

— Non, pas déjà... ça ne fait que trois semaines. Mais tu sais, je n'ai jamais ressenti ça. Quand j'étais avec Baptiste au lycée, c'était chouette, j'étais toujours contente de le voir. J'étais bien avec lui, mais là... quand je suis avec Thomas, plus rien d'autre n'existe, tu comprends ? C'est comme si... j'étais chavirée.

— Tu le revois dans combien de temps ?

— Dix-sept jours pourquoi ?

— T'as compté les jours, t'es amoureuse.

✨✨✨✨✨

Nous avons poussé les meubles, prévenu les voisins, ouvert les sachets de chips, et prévu cents gobelets en plastique. C'est parti pour la première soirée dans notre appart tout neuf.

Il y a Charlotte et Capucine évidemment, avec Thibaut son chéri, Yann le petit frère de Caroline, et nos amis de lycée : Marion, Claire, Mehdi, Dimitri et Baptiste.

Baptiste a été mon premier amoureux. J'avais déjà eu des petites histoires de quelques semaines, mais il a été le premier avec qui ça a été sérieux. Nous nous sommes connus en première, et je suis tombée dans ses bras début juillet, alors que nous fêtions la fin de l'année scolaire. Il a aussi été le premier et le seul avec qui j'ai fait l'amour. Nous avons passé plusieurs mois heureux ensemble mais plus le bac approchait, plus ça a été compliqué entre nous. Sans être excellente, j'étais une élève sérieuse et appliquée, tandis qu'il ne pensait qu'à s'amuser. Mes parents ont commencé à voir notre relation d'un mauvais œil et nous nous disputions de plus en plus souvent à propos du temps que je passais à travailler et réviser, et de celui qu'il consacrait à faire la fête ou sécher les cours. Nous nous sommes séparés sans amertume onze mois après notre premier baiser, et onze jours avant le début des épreuves du bac. Je l'ai décroché à l'arraché avec treize de moyenne, malgré mes efforts, il s'en est sorti satisfait sans même passer par le rattrapage. La vie n'est pas toujours juste. Mais nous sommes restés amis.

La fête bat son plein, pourtant, je ne cesse de regarder l'heure. Thomas et moi n'avons pas pu beaucoup nous parler cette semaine, nous résignant à communiquer essentiellement par sms.

— Viens danser ! hurlent Charlotte et Marion qui se déhanchent sur la musique de Beyoncé au milieu du salon.

Je décline la proposition mais Dimitri vient m'attraper par les mains et ne me laisse pas le choix de les rejoindre. Je me laisse entraîner, un peu contrainte, bouge le temps de les voir satisfaits et m'éclipse à nouveau dès que je peux. C'est Baptiste qui me sauve.

— Hey Lou, tu m'accompagnes ? demande-t-il, une cigarette à la bouche.

— Tu fumes maintenant ?

Il hausse les épaules.

— Je n'étais pas à un défaut près...

J'enfile un manteau et le suis dans la rue devant l'immeuble.

— Ça va toi ? T'as pas l'air dans ton assiette, demande-t-il en allumant sa cigarette. T'es pas contente de voir tes vieux potos du lycée ?

— Si, je suis un peu fatiguée, c'est tout.

— Te fatigue pas. Charlie a craché le morceau. T'as rencontré le prince charmant il paraît ?

Je rougis.

— Le prince charmant je ne sais pas, mais quelqu'un, oui.

— Un gentil garçon j'espère ? s'enquiert-t-il en soufflant la fumée de sa cigarette.

— Oui. Oui, c'est le moins que l'on puisse dire. Et toi, les amours ?

— Les quoi ? Ah Loulou ! Ma chérie du lycée m'a brisé le cœur alors maintenant, c'est une nuit et basta !

— Moi je t'ai brisé le cœur ? T'abuses pas un peu là ?

— Ouais, t'as raison. Ma chérie du lycée était trop chiante, alors maintenant...

— Baptiste, tu fais ce que tu veux, t'as pas besoin d'excuses. Bon, on rentre ? Ça caille là quand même.

— C'est parti. Mais Lou... fais-moi plaisir, essaye de t'amuser un peu. Et si t'es en mal de câlins je suis là. En tout bien tout honneur hein !

5, 4, 3, 2, 1 BONNE ANNEE !

Je saute dans les bras de Caroline qui fête aussi ses dix-neuf ans aujourd'hui, le premier janvier.

— Joyeux anniversaire ma Caro chérie ! Et bonne année !

— Bonne année 2008 Loulou... Quelque chose me dit que celle-ci commence bien.

Je regarde avec envie Capucine et Thibaut, Claire et Mehdi s'embrasser. Thomas me manque. J'essaie de me souvenir de la chaleur de son corps quand il me prend dans ses bras. Du goût de ses lèvres. De l'odeur de son cou.

— Je me propose si t'as besoin d'un bisou.

— Même pas en rêve, Bat.

— Tu peux fermer les yeux et imaginer que c'est ton Apollon, je ne suis pas jaloux.

Je dépose un baiser sur sa joue, avant de me diriger vers Capucine qui a enfin lâché son homme.

— Naaan, mais je voulais dire sur la bouche !

A mon grand sourire, Capucine sait ce que je suis venue chercher. Elle fouille dans sa poche, et me tends la petite clef. Munie de mon précieux sésame, je cours m'enfermer dans ma chambre, et ouvre le coffre, le cœur battant.

A l'intérieur, il y a une petite boîte de thé. Ce thé noir que nous avions bu ensemble au café de la gare, le soir de notre premier baiser. Je respire l'odeur des feuilles séchées, et j'ai l'impression d'y être à nouveau.

Le sourire aux lèvres, je découvre aussi un disque gravé avec une compilation de ses chansons préférées, des groupes qu'il souhaite me faire découvrir, et un livre, « le parfum » de Patrick Süskind. Tout au fond, il y a une petite boîte à bijoux contenant un bracelet. C'est une simple chaîne en or blanc, très fine, au milieu de laquelle se trouve le signe infini. Enfin, je déniche une lettre. C'est tellement romantique. Je la déplie lentement pour découvrir son écriture fine et régulière.

Un jour, au début de l'année, allant vers la fac, je t'ai croisée sur le pont. J'ai bien essayé de faire se rencontrer nos regards, mais tu avais les yeux fixés sur je ne sais quel ombre derrière moi. C'est alors que me revint à l'esprit le poème de Baudelaire « A une passante ». Je l'avais recopié et comptais te le donner une fois en sortant de cours. J'ai manqué de courage, et avec tes bonbons, tu as été plus rapide que moi.

Tu le trouveras avec cette lettre, comme témoignage de ma bonne foi.

Je te souhaite une très belle nouvelle année, Louise. J'espère que tu t'amuses avec tes amis. Tu me manques terriblement. C'est-à-dire que quand j'écris ces mots nous sommes mercredi, nous ne nous sommes pas vus depuis deux jours, nous nous reverrons encore vendredi pour nous dire au revoir, mais c'est déjà vrai. Quand tu liras cette lettre, nous serons séparés depuis douze jours, je n'imagine pas dans quel état je serai.

J'ai hâte de te revoir, de te serrer dans mes bras, de retrouver ta bouche et tes yeux gris.

Je t'embrasse fort, très fort.

Tom

Je replie la lettre, émue, et la glisse contre ma poitrine, à défaut de poche. Je me garde le poème de Baudelaire pour plus tard. Assez d'émotions pour le moment

Les filles me guettent quand je sors de ma chambre.

— Alors ? s'enquiert Charlotte qui vient m'accueillir avec une coupe de champagne.

Je n'arrive à lui répondre que d'un sourire niais, mais cela lui suffit. Je parviens quand même à lui demander me m'aider à mettre mon bracelet, mais elle se bat avec le fermoir cinq minutes avant de déclarer forfait.

— Impossible avec autant d'alcool dans le sang ! déclare-t-elle en vidant sa coupe.

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