Chapitre 11

   Des bulles remontent à la surface des horizons bleu azur, tels des souvenirs refoulés. L'eau est tiède, agréable, rafraîchissante sans être glaciale, pure. Le corps coule lentement vers les tréfonds du lac, sans bruit, sans mouvement. La faune nage autour, accueillant ce nouvel être en son sein. Ses yeux s'ouvrent, leur couleur se mélange à celle de l'espace l'entourant. Il remonte à la surface, gracieusement, sans effort. Il reprend son souffle à l'air libre, les bruits de la ville éclatent dans ses oreilles. Les cris de joie des enfants, les coups de tambours du festival. Cette atmosphère festive ravie l'homme blond qui sort de l'eau après plusieurs longues minutes d'apnée. Il s'avance sur la rive, acclamé par les habitants comme un dieu, le dieu de l'onde divine.

   - Papa !

   Un enfant se distingue des autres, son teint basané et ses cheveux blonds platines ne passent pas inaperçus. Il fonce dans les bras de son paternel, un sourire illuminant son visage. Ce dernier l'accueille en riant, un son qui sort rarement de ses lèvres. Il embrasse son fils, sa barbe épaisse et humide rafraîchissant son visage. La mère de l'enfant apparaît derrière la foule, embrasse affectueusement son mari puis sa progéniture. Ce lieu semble être un paradis, une oasis infiniment fertile au coeur du plus grand désert du monde, une ville où la joie et le bonheur coule à flot. Des années de travail pour arriver à un tel résultat, c'est le rêve de l'homme occidental qui s'est réalisé après des siècles d'existence. Seule sa famille connait sa vraie nature, le reste des humains vivant ici ne le considèrent que comme un envoyé de Dieu. Cette vie lui convient, oublier ses erreurs passés est plus facile que d'y faire face.

   La journée s'achève, le soleil, grande sphère rouge à l'horizon, disparaît derrière les dunes de sable. L'homme et sa famille retournent chez eux, une maison simple mais agréable, décorée par des tapis et des plantes grimpantes. Le couple s'installe paisiblement, leur enfant couché, ils profitent à deux du coucher de soleil. Leurs mains entrelacées, tout semble parfait, jusqu'à ce que l'homme lève les yeux au ciel, sentant une présence familière. Lui seul la vois, cette gigantesque machine volante qui passe au-dessus d'eux une fois tous les ans. A chaque passage, ses souvenirs douloureux resurgissent. Ses pupilles se contractent, ce qui n'échappe pas aux yeux de son épouse. Elle prend son visage entre ses mains et pose son front contre le sien.

   - Galaad, ne te torture plus l'esprit, dit-elle de sa voix angélique. Ils vont bien, même sans toi.
- Je ne peux m'empêcher de penser à Hiro. Il a dû me remplacer, il est encore trop jeune pour avoir de telles responsabilités.
- Il est fort et intelligent, tu me l'a dit toi-même, alors sois rassuré. Tu penses que tu verrais encore la Base s'il ne s'en sortait pas ?
- Non, tu as sûrement raison...

   Galaad fait toujours en sorte de recevoir ces mots doux, sa femme ignore qu'ils ne sont pas là pour le rassurer sur la sécurité de ses congénères mais sur ses erreurs. Trop honteux pour lui raconter la vérité sur la raison de sa fuite jusque dans ce désert, elle pense qu'il était en danger et qu'il l'a fait pour les protéger. La vérité est qu'il est incapable de regarder ses anciens camarades en face après avoir donné naissance à une sang-mêlée. Il pensait tomber amoureux d'une humaine sans savoir que c'était une Erevent transformée, se faire manipuler ainsi pendant près de dix mois est un traumatisme dont il ne peut se remettre. Penser au fait qu'il ai eu des rapport avec sa pire ennemie, une Chasseuse qui plus est, ne fait que lui donner une terrible nausée.

   Le Nafif part s'allonger dans le lit conjugal, transpirant en se remémorant son passé. Lorsqu'il a vu cette femme noire accoucher, la première fois qu'elle s'est montrée sous sa vraie forme, la rage s'est emparée de lui. Il a pris cette enfant, l'a enlevée à sa mère hurlant de douleur et de désespoir, et l'a tuée. Il est certain de l'avoir lapider jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un tas d'os et de chair qu'il a ensuite enterré. C'est ce que Adem aurait voulu, aucun dieu digne de ce nom n'aurait voulu d'une telle abomination en ce monde. Mais ces mains tremblent en repensant à cette pierre ensanglantée entre ses doigts. Il ne sait pas ce qu'il s'est passé avant ou après cette abominable scène, un trou noir ne fait qu'embrouiller son esprit et lui donner des maux de crâne lorsqu'il essaie de s'en rappeler. Un gémissement sourd s'échappe de ses lèvres.

   Des bras réconfortants viennent serrer sa poitrine, sa femme étant venue s'allonger contre lui pour le réconforter. Les battements de son cœur s'apaisent doucement, le sommeil vient à lui. Ses rêves sont hantés par des nourrissons couverts de liquide rouge rampants vers lui, il se réveille à chaque heure de la nuit mais à l'instant où il se rendort ces images lui reviennent. Il ne regrette pas, il ne le peut pas. C'était la seule solution, la bonne. C'est mieux pour tout le monde, sa fille n'aurait jamais dû voir le jour, elle est plus en sécurité là où elle est, aux côtés d'Adem.

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