épilogue

C'est un beau jour d'été.

Le soleil étincelle au dessus de nos têtes. Tout est tranquille autour de nous.

Nous avons emménagé dans une maison au bord d'un petit village, perdu dans la campagne italienne. C'est, d'après Maman, d'ici que vient Papy, même s'il a toujours vécu en France...

Nous avons changé de vie. Nous sommes arrivés ici dans un hameau sans problèmes, sans histoires... Désormais, tout ira pour le mieux, je le sais. Je sens qu'un nouveau pan de notre existence va commencer ici. Je crois aussi que nous avons tous besoin de nous dire que le plus dur sera derrière nous. Oui, nous en avons tellement besoin.

Nous avons passé le premier jour à vider des cartons. Tous les trois, nous avons tout rangé, installé. Tu aurais vu tout ce qu'il y avait à sortir ! Et pourtant, si tu savais le nombre d'affaires que nous n'avons pas prises...

Il y a beaucoup de photos accrochées aux murs. Des photos de Lola et moi, de lorsque nous étions encore petits, des photos que je n'avais jusque là jamais vues... Et puis il y a des photos plus récentes : avec de la famille, ou avec toi, et Eleanor.

J'ai aligné les cadres, un par un, faisant bien attention à ce qu'ils soient le mieux rangés possible, faisant bien attention que chaque souvenir ait son importance dans ce méli-mélo de petites histoires au milieu de la grande.

Puis on a installé les différents meubles dans le séjour. Cela nous a pris toute la journée, et le midi, on a mangé quelques samoussas et autres amuses-bouche que ta maman nous a donnés avant que nous partions.

L'après-midi, nous avons continué de tout installer. Les cartons se sont vidés au fur et à mesure. J'ai l'impression qu'à chaque objet posé, je tourne un peu plus la page.

J'y ai réfléchi, toutes ces nuits que j'ai passées dans le silence sans réussir à dormir d'abord à l'hôpital puis chez moi, à me repasser encore et encore le fil de notre rencontre, de tout ce que nous avions vécu, mais je n'ai pas réussi. Je n'ai pas réussi à trouver à partir de quel moment tout avait basculé. Car finalement je me suis juste réveillé un matin, et tu n'étais plus là.

Tu nous avais quittés, sans même un au revoir...

Le soir, le premier soir que nous passons dans la nouvelle maison, nous ne savions pas quoi nous dire. Le silence a plané. C'est comme si son absence pesait tant sur nous trois qu'elle nous en privait de mots. Pourtant, ça faisait des années qu'il n'était plus là pour nous... Mais maintenant... Cette fin semble trop simple, trop définitive...

On a finalement passé le repas dans un silence gêné, et nous avons décidé de nous coucher tôt car il y avait encore beaucoup de choses à mettre en place lendemain.

J'étais dans ma chambre, allongé sur mon matelas posé à même le sol. Le temps s'écoulait lentement. Je n'arrivais pas à dormir, je pensais à Eleanor, et à toi, et c'est comme si mes yeux ne voulaient désormais plus se fermer, de peur que vos sourires disparaissent de mon esprit.

J'ai tellement peur d'oublier si tu savais. J'ai peur de me réveiller un matin et de ne plus me rappeler de rien, comme s'il ne s'était rien passé. J'ai peur de ne plus jamais revoir vos sourires, de ne plus jamais me souvenir de vos rires.

Alors que j'en ai désespérément besoin. Je ne peux pas accepter qu'elle soit loin, et que tu sois parti. C'est... c'est juste impossible.

Après plusieurs heures à essayer de comprendre, à essayer de dormir, je me suis résigné à occuper mon esprit fatigué, ayant l'espoir naïf que ça puisse m'aider à dormir. Et, comme tu me l'as appris, il y a maintenant un petit moment, je suis passé par l'encadrement de ma fenêtre. Faisant attention à bien me tenir, je me suis hissé ensuite sur le toit de ma maison.

La nuit était noire, il était probablement assez tard. Tout était silencieux autour de moi.

J'ai levé les yeux vers le ciel.

Les étoiles étaient là, elles m'observaient. Elles me regardaient de leur œil narquois et me riaient au nez. Je suis si petit, si faible comparé à elles.

Mais j'ai gardé les yeux fixés vers le ciel car j'en avais besoin. J'avais besoin de les voir telles qu'elles se reflétaient dans tes yeux les nuits de perséides. J'ai besoin de les voir telles que tu les voyais.

Je me suis reculé vers le toit, et ai appuyé mon dos contre les tuiles.

Ainsi allongé, la vue est idéale.

Je me suis senti happé par la voûte céleste comme si j'en faisais partie. Peut-être qu'en cherchant parmi les étoiles je te verrai ? Peut-être que tu reviendras, et peut-être que tout sera à nouveau comme avant. Peut-être que tout rentrera dans l'ordre. Tu me manques si tu savais...

J'ai pensé à Eleanor. Je lui ai dit, avant de partir, que je reviendrai, et que chaque nuit de perséides, chaque année, j'aurai la tête dans le ciel, les yeux rivés vers les mêmes étoiles qu'elle, avec l'espoir aussi infime soit-il, que peut-être nos vœux se réalisent...

Mais dans le fond, je sais que je passerai toutes mes nuits ici, à regarder le ciel, en l'attendant.

Je penserai à ses yeux, pétillants de joie et d'amour, je penserai à son sourire. J'oublierai jusqu'à mon propre nom à force de répéter le sien. Je me rappellerai la forme de ses courbes, et je me languirai de la revoir. Je repenserai à ses étreintes, au goût de ses lèvres contre les miennes. Je m'endormirai sous les étoiles, en écoutant les souvenirs de son rire, et je rouvrirai les yeux le matin, en me rappelant son souffle contre mon oreille lorsqu'elle me murmurait des mots doux.

J'espérerai la revoir, et probablement que je finirai par traverser le ciel afin de pouvoir, une fois au moins, la serrer à nouveau dans mes bras.

Je l'aimerai comme aucun homme n'a jamais aimé.

J'ai fini par m'endormir.

Le lendemain matin, nous nous sommes occupés de la chambre de Lola. Elle a accroché des posters de groupes des Beattles et des Rolling Stones aux murs, et elle a rangé sa bibliothèque des heures durant. Je crois que ça l'apaise, de ranger. Probablement que mettre de l'ordre dans ses livres lui permet de se rappeler de comment c'était chez nous, avant. Probablement que ça lui permet de se sentir un peu plus à la maison.

L'après-midi, j'ai rangé ma chambre. L'un des murs est bleu, j'ai poussé mon lit contre. J'ai ensuite installé mon bureau et les différents meubles que nous avons ramenés.

J'ai terminé le rangement en accrochant mes cadres au mur de couleur. Leur monochromie contraste avec le bleu saisissant et met les clichés en valeur. Je pourrai sûrement faire de belles photos ici aussi.

Même si ce ne sera jamais plus pareil.

Cet après-midi, alors que nous avions quasiment terminé de tout installer, je déballe le dernier carton.

Je commence par enlever la multitude de papier bulle que j'ai mis à l'intérieur. C'est l'objet le plus précieux de tous. Je ne pouvais pas permettre qu'il ait la moindre égratignure.

Je commence par sortir le trépied, qu'Eleanor m'a aidé à le détacher avant notre départ. Il va falloir que je le mette sur le toit, ainsi, une fois qu'il sera bien fixé, je pourrai, les nuits d'été, regarder les étoiles, me rapprocher des astres un peu plus que lorsque je suis seulement allongé sur le toit, et puis, peut-être que grâce au télescope, je pourrai t'apercevoir.

Je me rappelle alors que nous avons laissé l'échelle chez toi, car c'était tout simplement plus simple, et donc que, bien que je puisse monter sur le toit, je risque d'avoir du mal à fixer le trépied...

J'appelle Maman, pour lui demander si on peut aller voir chez les voisins. Ils nous en prêteront probablement une.

Lola nous accompagne, et alors, tous les trois, nous traversons la petite route qui nous sépare de la maison d'en face. Maman sonne, et échange quelques mots avec le jeune homme qui nous a ouvert. Il doit avoir environ seize ans. Ses cheveux noirs, en dreadlocks sont attachés en chignon au dessus de sa tête, et son regard semble détailler rapidement ma sœur, sondant son âme.

Il nous laisse alors devant la porte de chez lui. Ça me fait bizarre d'entendre parler italien, habituellement, seuls mes grands-parents me parlent en cette langue.

Je détaille sa maison, elle est identique à la nôtre. Même disposition des pièces... Tout est identique. Cela m'intrigue. Le garçon revient, il discute avec Maman, j'apprends qu'il s'appelle Matteo.

Maman lui dit de proposer à sa famille de venir prendre l'apéro à la maison, bientôt. Je crois qu'elle a peur que nous n'arrivions pas à nous intégrer.

Il dit qu'il en parlera à ses parents.

On rentre, Lola m'aide à porter l'échelle. Nous installons alors tous les deux le trépied du télescope.

Puis, on termine de ranger les cartons. Enfin, nous sommes installés, nous allons avancer, désormais...

Ce soir, je monterai sur le toit.

Je lèverai les yeux vers les cieux, et à travers la lunette, je scruterai le firmament.

J'espère que je te verrai, j'espère...

Tu me manques Angel,

Morgan

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