⇝ Chapitre 22
Je n'ai presque pas fermé l'œil de la nuit. L'excitation court dans mes veines comme si un lion était à mes trousses. J'ai tout laissé en France. Et c'est effrayant, la facilité avec laquelle je n'ai pas hésité à me jeter dans le vide. Sans prendre la peine de vérifier la solidité de mes ailes, ou ma capacité à m'en construire des nouvelles, si elles en venaient à se briser. On me les a déjà arrachées une fois. Pourquoi on ne recommencerait pas ?
Je passe ma robe de chambre sur mon pyjama et descends. Évidemment, Alice et Mike sont déjà dans la cuisine en train de préparer le petit déjeuner.
— Grand petit déjeuner pour un grand jour ! m'accueille Mike, en me serrant contre lui. Crêpes sucrées et œufs brouillés avec bacon !
— Rien que ça ? Vous êtes sûrs qu'on va manger autant ?!
— Évidemment, Emmy. On n'affronte pas la plus grande journée de sa vie le ventre vide ! répond ma meilleure amie.
Elle me tend une tasse de thé fumante.
— Tiens, dit-elle. Bien infusé comme tu l'aimes.
J'y ajoute un nuage de lait et m'installe sur la table de cuisine, où Mike a déjà déposé une assiette remplie de crêpes fumantes.
— Franchement, les crêpes sont clairement la meilleure chose que vous ayez amenée dans ma vie, commente-t-il en détaillant l'assiette d'un air gourmand.
— Seulement les crêpes ? s'offusque Alice. Je croyais que tu adorais la raclette !
Elle dispose sur la table cinq assiettes d'œufs brouillés et de bacon, ainsi que des toasts grillés dont l'odeur réveille instantanément mon estomac.
La chaise à ma droite racle et Caitlin s'y installe.
— La diva est réveillée ? demande Mike, après l'avoir aussi étreinte.
— Je ne sais pas. Mais l'odeur de la nourriture m'a convaincue de quitter mon lit, répond-elle en lorgnant la table d'un œil affamé. Donc si ça ne fonctionne pas pour lui...
— Ça nous en fera plus ! terminent Alice et Mike d'une même voix rêveuse.
Ils en salivent d'avance et je réprime un fou rire face à leur mine désabusée quand Luke apparaît, comme s'il avait attendu le bon moment pour descendre.
— Quoi ? les questionne-t-il. Je ne suis pas en retard !
— Malheureusement, soupire Alice en se servant un verre de jus d'orange.
— Ils voulaient te voler ta part, confie Caitlin après s'être servie une tasse de café.
Mais à la mine ensommeillée de Luke, je comprends qu'il n'a probablement pas entendu sa réponse.
Je dévore mon petit-déjeuner, consciente du fait que je n'ai absolument pas l'habitude de manger autant. Qu'importe, j'ai un appétit d'ogre en ce moment.
Puis, je remonte dans ma chambre me préparer. La maison dispose d'un salon et d'une cuisine au rez-de-chaussée, ainsi que de deux chambres et une salle de bains, que Mike et Alice ont réquisitionnées. Les quatre autres chambres ainsi qu'une salle de bains, sont à l'étage. La mienne donne sur le petit jardin de la maison, celles de Luke et Caitlin sur les rues londoniennes. La dernière, au fond du couloir, entre la mienne et celle de Luke, est inoccupée.
C'est aujourd'hui que nous signons le contrat. Il n'a pas quitté mes pensées depuis que Mathieu nous l'a annoncé. Le trajet jusqu'au label paraît irréel. (En réalité, il est surtout froid et atrocement long. Je déteste les transports en commun et si ça n'avait tenu qu'à moi, nous y serions allés à pieds. Même si ça fait une sacrée trotte d'aller de Notting Hill à La City.)
— Bon, lâche Mike en contemplant son téléphone sur lequel son GPS est activé, nous sommes à cinq minutes à pieds maintenant.
Je rentre mon nez dans mon écharpe et lui emboîte le pas. Il nous guide dans des rues que je n'ai vues que dans des films, nous fait passer devant la cathédrale Saint-Paul et la Tour de Londres, avant de s'arrête devant un bâtiment moderne, pas très loin d'une tour qui ressemble sérieusement à un talkie-walkie.
— Je crois que c'est là.
Mike a l'air nerveux, et vrai dire, je le comprends. Je le suis aussi. J'observe la devanture vitrée du building. Il semble rempli de bureaux. Comme aucun de nous cinq n'a le courage de bouger, Alice nous jette un coup d'œil et soupire, avant de pousser la porte. Nous la suivons et je remarque quatre personnes se faufiler derrière nous, un peu in extremis. J'espère que nous n'avons pas laissé entrer n'importe qui. L'une d'entre elle, une femme, peste contre les portes trop lourdes qui se referment trop vite.
— Dépêchez-vous, on n'est pas en avance, poursuit la femme d'un ton impérieux.
Elle passe devant nous d'un pas rapide tandis que les trois autres personnes retirent leurs bonnets et leurs lunettes de soleil en râlant contre le froid. Avec stupéfaction, je découvre les trois membres de Dark Fate. Qui ont les yeux rivés sur Luke.
— Les garçons ! s'impatiente-t-elle.
Elle frappe ses mains parfaitement manucurées pour les faire réagir.
— C'est bon, Gemma, on peut les accueillir maintenant puisqu'on les a trouvés, lâche le chanteur principal, d'une voix traînante.
Il s'avance vers Luke et ne me vois qu'au moment où il me bouscule. Je m'apprête à protester quand je croise son regard asymétrique.
— Pardon, mademoiselle, s'excuse-t-il d'un ton distant et poli, mais cet endroit n'est pas pour les fans.
Je croise les bras sur ma poitrine et lui jette un regard assassin. A côté de moi, Caitlin éclate de rire.
— Freddie ! proteste un jeune homme aux cheveux très longs (sûrement Jay Del Bosque). Espèce d'oiseau bête, tu parles à la chanteuse de Sad Joy !
Le jeune homme me contemple avec incrédulité.
— Toutes mes excuses, Miss...
— Dray. Émilie Dray.
— Ah oui, Émilie. Eh bien, je suis désolé. Freddie, enchanté.
Il me tend sa main glacée, que je serre d'un air perplexe, avant de se désintéresser de moi et d'aller voir Luke.
— Pardon, Freddie est parfois tête en l'air, s'avance la femme que j'ai vue entrer en premier. Gemma, la manageuse du groupe.
Elle ponctue sa phrase d'une poignée de main vigoureuse.
— C'est un plaisir de te rencontrer, conclut-elle avec un large sourire affable.
Elle me tapote l'épaule avant de s'avancer vers Caitlin. Le jeune homme qui a signalé à Freddie McSaturn sa bévue se présente à moi, un énorme sourire sur le visage.
— Jay, enchanté.
— Emilie, de même.
Je lui serre la main, perturbée par la vision réelle de Dark Fate. D'habitude, je les vois sur les posters d'Alice.
— Kit, se présente le dernier membre du groupe, un air de bienvenue sur le visage.
Contrairement à Freddie, sa poigne est chaleureuse. Sans nous laisser le temps d'en dire plus, la porte s'ouvre à nouveau sur un courant d'air glacé. Je me retourne pour apercevoir Mathieu.
— Tu es venu ! m'exclamé-je en accourant vers lui (avant de m'arrêter au milieu de ma course).
— Bien-sûr, rétorque-t-il en époussetant les gouttes de pluie de son manteau. Il me semble que vous avez besoin d'un manager, je me trompe ?
— Et ton poste ? interroge Alice, en s'approchant à son tour.
A la tête des gens autour de nous, je comprends qu'ils ne parlent pas un mot de français.
— Ils m'ont trouvé un remplaçant. Apparemment, ce lycée est très prisé, ironise notre ancien professeur en haussant les épaules.
Comme si il en doutait ! Dès l'instant où il avait été question du contrat, nous avons songé à prendre un manager. L'image de Mathieu s'est imprimée dans notre esprit, l'image de la personne qui nous a offert la chance dont nous avions besoin, qui a cru en nous. Mais il a refusé, prétextant que son poste ne pouvait pas rester vacant. Nous avions donc renoncé et pensé au père de Caitlin. Cependant, il a décliné en expliquant ne pas connaître assez le milieu.
Bref, il s'avance vers le petit groupe et se présente comme notre manager.
— Je suis tellement content que tu aies changé d'avis ! l'accueille Luke, tandis que nous suivons Dark Fate et leur manageuse dans les méandres du gratte-ciel.
Le bâtiment, très moderne, est la propriété de tout le label et compte des bureaux sur plusieurs étages. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a des vitres partout et très peu de murs. Chaque étage semble avoir sa fonctionnalité : un pour la communication, le marketing, le design, etc.
Quand Gemma frappe au seul bureau qui a des murs opaques, mes mains sont moites. Pourtant, je connais le contrat d'artiste que nous sommes sur le point de signer. Je l'ai lu et relu une bonne vingtaine de fois, et Caitlin l'a fait relire par des amis de son père qui travaillent dans le droit. Mathieu l'a aussi épluché et je sais qu'il est passé aussi entre les mains de M. Ginsique.
Mathieu entre avec Gemma et Dark Fate les suit. Il ne reste plus que nous cinq. Nous échangeons un regard humide d'émerveillement. Puis, Caitlin s'avance et disparaît dans le bureau.
Je m'assieds à côté d'elle, après avoir salué le directeur du label, Jeff. C'est un homme chauve d'une cinquantaine d'années, aux dents jaunes, qui a l'air bien rodé sur le domaine.
Au fond de la pièce, devant une baie vitrée, se trouve un opulent bureau affublé d'un ordinateur et de paperasse ordonnée dans des dossiers. Plusieurs cartons de vinyles et prix d'artistes sont affichés sur les murs, notamment ceux de Dark Fate. Les trois membres sont en retrait, près de la seconde fenêtre, à côté des fauteuils en face de nous.
Mike s'assoit à côté de moi, sur le canapé et Alice et Luke prennent les deux fauteuils. Mathieu et Gemma, eux, sont installés face au bureau où le directeur conclut un coup de fil d'un air agacé. Puis, il se reprend et nous sourit poliment.
Comme dans un rêve, il s'approche et nous tend à chacun le contrat que je connais par cœur, ainsi qu'un stylo, qu'il tend d'abord à Mike. A côté de moi, ce dernier s'est raidi. C'est à ce moment que je comprends que tout est réel et que je ne vais pas me réveiller avec la désagréable impression que ce rêve était trop réaliste à mon goût.
Mike accole sa signature et me tend le stylo, ses yeux verts brillants comme des soleils. Le temps se suspend quand je signe. Chaque courbe est exécutée lentement, comme si chaque seconde de ce moment était importante. Quelque part, c'est le cas. Je le donne à Caitlin, qui le remet à Luke puis à Alice. Il me semble que je suis étourdie, comme si une cloche avait sonné juste à côté de mes tympans.
Jeff reprend les contrats, et sourit, satisfait. Puis, des secrétaires débarquent dans son bureau, les mains pleines de gobelets, bouteilles, mignardises (dont des scones !) et pains surprises. A côté de moi, Mike s'est redressé de toute sa hauteur et échange un regard complice avec Alice. Si Dark Fate veut manger quelque chose, il faudra qu'ils passent avant eux !
Je me lève en même temps que Sad Joy et étreins chacun de mes quatre amis.
— On a réussi, chuchoté-je à Alice, en français.
— Ne te réjouis pas trop vite, murmure à son tour Mathieu. Il faut que vous travailliez sur un nouvel EP. Et rapidement.
— Laisse-les se réjouir, intervient Gemma. Cette journée est importante !
Mike et Alice sont déjà entrain d'ouvrir une bouteille. Luke, Caitlin et moi applaudissons quand ils font sauter le bouchon. Et je ne râle pas quand Mike me tend une coupe de champagne.
Nous levons tous les six nos verres (Sad Joy et Mathieu) et trinquons à notre groupe.
— A Sad Joy ! clamons-nous, des étoiles pleins les yeux.
— A Sad Joy, répète Jeff, un sourire courtois au visage.
— Et à Dark Fate pour nous avoir trouvés ! conclut Mike, en couvant son groupe préféré d'un regard admiratif.
J'hoche la tête et en guise de réponse, Freddie lève son verre à mon intention.
🎶🎶🎶
Hello ! Comment ça va ?
Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il vous a plu ! 🖤
On dirait que les choses sérieuses commencent pour notre groupe préféré... A votre avis comment tout cela va évoluer ?
A vendredi prochain pour le chapitre 23 !
D'ici là, prenez soin de vous !
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