Chapitre Vingt-deux.

Précédemment dans Rosaceae :

"Alors... Eve l'enchanteresse avait aidée ma mère lors de ma naissance. Elle avait été là lorsque j'étais venue au monde, elle devait donc connaître ma mère !

- Elle doit donc savoir qui est ma mère ? demandais-je, dans un souci de confirmation.

Callum hocha la tête et referma l'épais ouvrage posé devant lui.

- Très certainement.

......

Eve ne mettra que très peu de temps à vous remarquer de par votre... Innocence et la présence bruyante d'Eden. affirma Callum, tentant de se rendre rassurant.

- Où et quand peut-on la rencontrer ? demandais-je, impatiente d'en finir avec tout ça.

- Ce soir ? Rendez-vous devant ma chambre, mes servantes s'occuperont de ta mise en beauté... Bien que tu n'aies besoin de rien pour être magnifique ! affirma Eden, m'offrant son plus beau clin d'œil. "

Chapitre Vingt-deux :

- Voici Anastasia et Helena, les deux meilleures gouvernantes du royaume, les miennes. présenta Eden.

Elles semblaient être jumelles, toutes deux à la chevelure châtaine, leurs franges en épis cachaient leurs beaux yeux bleus aux pupilles inquiétantes. En forme de croissant de lune, leurs regards étaient semblables à ceux des reptiles. Elles m'observaient avidement, les mains poliment croisées contre leurs ventres. Elles étaient bien plus grandes que moi, vêtues d'une simple robe en coton beige, se tenant droites devant nous.

- Nous sommes enchantées de faire votre connaissance Mademoiselle, et ravies de pouvoir nous occuper de vous pour cette soirée. affirma-t-elles, simultanément de leurs petites voix discrètes.

Je remarquai leurs canines plus longues que ce que ma peur pouvait supporter, lorsqu'elles me souriaient timidement en attendant ma réponse.

J'acquiesça et répondit poliment :

- Moi de même, mesdames.

Eden se tourna vers moi, elle était déjà apprêtée pour la soirée, vêtue d'un élégant costard noir aux rebords dorés. Sa veste de costume était le seul tissu cachant son buste, sa poitrine était subtilement mise en valeur, son tatouage greffé sur son torse l'habillait élégamment. Il était bien plus aisé d'observer les feuilles de pommier se mêler aux racines du végétal qui courraient en dessous de ses seins dans cette tenue.

Elle remarqua mes regards appuyés car elle émit un rire amusé :

- Il fallait bien que je me rende à la hauteur de ta beauté afin de prétendre à l'amour auquel tu aurais succombé pour mon âme.

Je secouai la tête, amusée à mon tour, elle avait le don de faire redescendre l'air angoissant qui s'insinuait en moi, au fur et à mesure que la soirée se rapprochait.

- Ne t'inquiète pas, Anastasia et Helena ont été briffées sur comment prendre soin de toi. Elles sont des anges...Enfin, seulement si les anges existaient à Rosaceae. dit-elle, en haussant les épaules.

- Je n'ai pas l'habitude de laisser quelconque intimité à mes invités, mais pour toi je fais une exception. Je serai dans le patio, prête à t'accompagner, rejoins-moi. continua-t-elle, un sourire encourageant aux lèvres.

Elle m'accorda un clin d'œil espiègle et disparue derrière la lourde porte en bois à l'extérieur de sa chambre.

Anastasia, la plus grande des deux gouvernantes, détacha un cintre pendu sur la porte de l'armoire en bois d'Eden.

Elle délaça la housse de protection du joyau sous lequel était abrité un tissu en satin vert émeraude. Lorsque la housse tomba aux pieds de la servante, je découvris la tenue que m'avait dénichée Eden. Il s'agissait d'une sublime robe cousue dans le tissu précieux qui se dévoila au gré du délaçage de sa cape de protection. La robe en encolure bateau se mariait avec perfection à la longue traine droite où le satin se reflétait dans les rayons de lumière. Je me surpris à penser que la couleur de la robe avait été inspirée des pupilles émeraude du Prince. Elles étaient parfaitement identiques au satin utilisé sur la tenue censé me mettre en valeur.

Callum...

Mais malgré la beauté sans faille de cette parure, quelque chose me chagrinait.

- Je ne peux pas porter ça. dis-je, face aux jumelles maudites.

Elles échangèrent un regard surpris, Anastasia, semblant la moins timide des deux,  m'interrogea :

- Pourquoi ça ?

Ses yeux bleus me transpercèrent de doutes et de questions. Elle doutait de moi, de mes capacités à effectuer la tâche que je me devais d'accomplir.

- Je ne pourrais pas avoir confiance en moi dans cette... Tenue. avouais-je.

Cette robe était cousue pour une femme, et je n'étais pas une femme. Je me voyais encore comme une enfant malgré mes moments de courage passager. Elle allait attirer bien trop de regards malsains sur moi. Et je n'étais pas en capacité de me battre avec une horde de jeunes filles mordues par une enchan... Par l'ex d'Eden.

- La confiance en soi n'est qu'une mascarade. On lace des robes ; Porte des couronnes ; Maquille nos yeux ; Pour faire croire à nos ennemis que nous sommes bien plus fort qu'on ne l'est réellement. affirma Anastasia dans une voix assurée, qui adoucissait ses traits.

Ne sachant quoi lui répondre je l'observai délacer soigneusement le bustier de la robe.

Helena s'approcha lentement de moi, m'attira délicatement par les épaules et m'incita à m'asseoir sur un des fauteuils près de la cheminée.

- Vous permettez que je m'occupe de vos cheveux ? demanda-t-elle, poliment.

Je soupirai, je n'avais pas d'autre choix, je n'avais pas entrepris tout ça pour rien. Je hochais timidement la tête et observais la flamme du photophore posée sur le rebord de la cheminée, danser au gré de l'air de la pièce.

Je sentais les mains d'Helena ôter la tresse que j'avais faite rapidement, avant de quitter la chaumière vide dans la chaleur de la fin de journée d'été.

Ses longs doigts fins réunissaient mes cheveux rebelles à l'arrière de mon crâne.

J'entendais Anastasia s'afférer dans mon dos, elle semblait manipuler du papier de soie ou quelque chose au bruit semblable.

- Détendez-vous, je peine à réunir vos cheveux, eux aussi veulent partir. affirma Helena d'un ton cinglant.

C'était plus simple à dire qu'à faire ! Ces sœurs maudites semblaient avoir autant de patience que leurs Majestés.

Mes mains étaient moites et mon souffle bien trop court. J'appréhendais plus que jamais cette soirée, ma plus grande angoisse était d'échouer le petit jeu qu'on entreprendrait avec Eden et que je finisse en chair pour Cerbères après avoir menti à cette enchanteresse.

- Auprès de Maitresse Eden, il ne peut rien vous arrivez, elle a perdue la plupart de ses pouvoirs démoniaques c'est vrai, mais il y a bien d'autres pouvoirs qui effrayeraient les démons qui séviront cette nuit. tenta de me rassurer Helena.

Maitresse Eden ? C'est quoi cette nouvelle dénomination bien trop sexuelle ?

Je n'osais pas lui demander ce qu'elle entendait par ce terme mais une autre question me brûla les lèvres :

- Quels genres de pouvoirs a-t-elle perdues ?

Elle serrait mes cheveux autour de quelque chose d'épais et doux.

- Pensez plutôt aux pouvoirs dont elle bénéfice encore et qui vous aideront. Sa notoriété en premier lieu vous sera de bon service. répondit Anastasia, dos à moi en train de manipuler ma tenue.

Helena enroula des mèches de cheveux autour d'un objet arrondi.

- Sa notoriété ? demandais-je.

- Si quelqu'un vous touche sans son consentement c'est presque tout Rosaceae qui sera aux trousses de votre agresseur. dit-elle calmement, bien trop calmement par rapport à la nature de ses dires.

Eden aurait autant de pouvoirs sur les autres ? Comment ne pas aimer et désirer sa compagnie ?

- Même s'il s'agissait de l'enchanteresse ? continuais-je.

- Surtout si c'était l'enchanteresse.

Helena resserra de nouveau la prise autour de mes cheveux, je sentis des pinces en fer soutenir ma coiffure.

- Elle doit sa notoriété à Callum ?

Je sentis Helena se crisper à l'évocation du prince.

- Hum.. Au prince je voulais dire. rectifiais-je allégrement.

Anastasia s'approcha de moi et déposa la robe sur le fauteuil d'en face tout en répondant :

- Sa majesté, a certes, beaucoup à dire des actes de sa sœur, mais elle n'a pas besoin de lui pour régler ses affaires. affirma-t-elle, fermement.

- Et si j'étais amie avec Sa majesté, est-ce que sa notoriété me sauverait également ?

Un rictus s'afficha sur son visage rond, faisant ressortir ses dents bien trop aiguisées.

- Si vous étiez l'amie du Prince, il se chargerait lui-même de vous venger.

Me venger ?

J'étais quasiment sûre qu'il m'avait uniquement vengé pour sauver les petits secrets qu'il cachait à son peuple. Alors pourquoi Eden et lui souhaitaient-t-ils autant me protéger ? J'avais cru Eden amourachée de moi mais depuis que je lui avais avoués que je n'étais pas disponible, elle n'avait pas cessé de m'aider. Elle était devenue une alliée, une amie sans faille. Excepté dans ses moments d'ivresses que j'avais cessé de juger, moi-même accro à de trop nombreux vices.

- C'est terminé pour vos cheveux. affirma Helena, en passant la main sur mon crâne peigné.

Je la remerciai sans savoir ce qui était advenu de mes cheveux. Mais je n'avais pas le temps de me scruter, Anastasia tenait ma tenue et patientait pour que je l'enfile.

- Maitresse Eden vous propose un paravent afin que vous puissiez vous déshabiller. pointa Anastasia du doigt.

Un petit paravent en bois vieilli avait été installé dans un coin sombre de la pièce.

Eden avait tout pensé et préparé, elle m'épatait, elle qui paraissait bien trop aimée se rincer l'œil quotidiennement. Une fois glissée derrière le meuble, j'ôtais la tunique unie que j'avais enfilée rapidement avant de rejoindre le château. Ma jupe en coton bien plus confortable que celle de la nuit dernière, glissa sur mes pieds.

- Vous verrez elle est bien plus agréable qu'elle puisse paraître. affirma Anastasia, le tissu à la main.

Elle me fit sursauter, je tentai de cacher ma poitrine vainement. A quoi servait ce paravent si elle venait m'observer pendant que je me déshabillais ? L'intimité n'avait vraiment pas sa place ici !

- Comment voulez-vous que je vous aide à la mettre si je ne peux pas vous voir ? Et puis, j'en ai vu d'autres ! se défendit-t-elle.

Je soupirai et m'appuyai contre son épaule quand elle passa la robe sur mes jambes pour remonter l'ajuster à ma poitrine. Les épaules nues du col bateau mettaient en avant ma poitrine et en dévoilait bien plus que ce qu'il ne fallait.

Elle laça fermement le bustier en V dans mon dos, je manquais d'air et elle m'assurait que c'était le prix à payer pour plaire à Eve. L'air passait en revanche facilement dans mes jambes, je n'avais pas remarqué la partie du tissu fendu sur ma jambe gauche qui laissait paraître toute la nudité de ma jambe ! Cette robe était un véritable couloir de courant d'air et de nudité facile !

Le satin semblait épouser mes formes à la perfection, mais j'avais l'impression d'être bien trop petite pour cette traine qui suivait chacun de mes pas. Le tissu caressait subtilement ma peau, Anastasia avait raison, elle était bien plus agréable à porter que ce que j'aurais parié.

Helena nous rejoignit derrière le paravent, avec un sac en soie dans les mains. Elle dénoua le nœud en satin et fit apparaître des souliers resplendissants. De beaux souliers dorés en cuir véritable, ornés de ficelles en tissu qui devaient sûrement remonter épouser la ligne de mes chevilles.

Je les prenais en main, je n'avais aucune idée de comment je devais marcher avec de si hauts talons, mais je m'apprêtais à les enfiler quand Anastasia m'arrêta :

- Minute papillon ! Avant d'enfiler ses chaussures, mettez plutôt ça. dit-elle, en me tendant un tissu blanc œuf.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? demandais-je, en tentant de démêler tous les fils et les nœuds du tissu en dentelle.

Anastasia et Helena se regardèrent curieusement et il me semblait percevoir de l'amusement dans leurs regards.

- Un porte-jarretelle et ses collants. lâcha la plus grandes des servantes.

Un porte jarretelle ? C'est une blague ? Même devant Aaron je ne porterai pas ce genre d'accoutrement !

- C'est hors de question ! dis-je sèchement, en leur tendant le tissu osé.

Anastasia croisa les bras contre sa poitrine en secouant la tête négativement.

- Je crains bien que vous n'ayez pas le choix si vous souhaitez qu'Eve vous remarque.

- Elle est attirée par des jeunes femmes innocentes ! Pas par des nymphes assoiffées de sensualité ! crachais-je, dépassée.

- Par des jeunes femmes innocentes de Rosaceae ! Et c'est ce que porte les jeunes femmes innocentes d'ici. Je vous laisse imaginez ce qu'elles portent lorsqu'elles ne le sont plus. répondit Anastasia, amusée.

Je soupirai d'agacement, cette robe en montrait déjà bien assez ! Il n'y avait nullement besoin de rajouter à cela de la lingerie sexy. Je comprenais mieux désormais l'utilité de la fente du tissu sur ma jambe.

- Je ne sais même pas comment enfiler ce truc ! aboyais-je, fatiguée par la situation.

Anastasia soupirait de lassitude à son tour, et se baissa à mes pieds.

- Levez votre jambe.

J'étais incroyablement gênée de la voir si près de mon corps, surtout avec une telle lingerie à la main. J'évitais son regard le plus possible et me tenais au paravent tandis qu'elle faisait glisser le doux tissu sur mes jambes.

Elle attachait les collants au porte jarretelle avec une rapidité si déconcertante que je me demandais si beaucoup de femmes à Rosaceae en portaient.

- Avez-vous pensé à prendre le couteau que l'on vous a offert ? demanda Helena, en passant la tête devant le paravent.

- Il doit être dans la poche de ma jupe. affirmais-je, les yeux rivés au plafond pour ne pas observer Anastasia s'afférer près de mes hanches.

Elle fouilla les poches de mon vêtement et tendit l'arme à sa sœur.

Je sentis la lame froide reposer contre ma peau fine, cette lingerie aussi sexy que dépravée était également un porte-arme. Le couteau était bien caché sur ma hanche droite, là où la peau de ma jambe n'était pas à la vue de tous. Une fois prête, mes souliers bien trop hauts aux pieds, je tentais de rejoindre une assise afin qu'Helena puisse terminer ma mise en beauté.

Elle ne mit que quelques minutes pour tracer un trait fin sur chacune de mes paupières. Les poils rugueux de son pinceau pour le fard à joue en Sève de Crève-cœur  me donnèrent des frissons lorsqu'ils rougissaient mes joues devenues trop maigres à cause de l'inquiétude.

- On en a terminé avec vous. affirma Anastasia, en ouvrant la porte de l'armoire d'Eden qui révélait un miroir.

Je m'approchai maladroitement, avec mes échasses aux pieds devant la glace, afin de voir combien elles m'avaient déguisées en ce que je n'étais pas.

 Pourtant, moi qui m'attendais à y voir une fausse nymphe dépravée à la peinture de mauvaise qualité, je fus surprise d'observer le visage parfaitement mis en valeur, d'une femme à l'allure sûre d'elle. 

Chacun des choix faits par les jumelles étaient de bon goût et me mettaient joliment en valeur. Le tissu de la robe épousait mes formes à la perfection.

 Helena avait relevé mes cheveux en une queue de cheval aux longueurs bouclés. Un petit nœud en satin de la même teinte que la robe, habillait ma longue chevelure claire. Elle avait tracé deux traits bleu nuit sur la ligne de mes cils, suivant la forme de mes yeux amande, ce qui avait le don de rendre mon regard plus lumineux. Les souliers dorés apportaient les dix centimètres que j'aurais rêvés avoir, les brides s'enroulant autour de mes chevilles, donnaient l'impression que mes jambes étaient plus grandes qu'en réalité. 

Tout était parfait, enfin, presque, s'était sans compter la touche de « trop », typique de Rosaceae.

 Ce porte jarretelle était bien trop vulgaire sur moi. Avec la fente de la robe, tout le monde pouvait observer le collant blanc délicat accroché par des nœuds dorés au début du porte jarretelle, visible sur le haut de mes hanches. Il desservait le travail des gouvernantes, sans lui je ressemblerai à une femme forte, sûre d'elle, prête à déplacer des montagnes de cadavres.

Ce n'était pas moi que j'observais dans le miroir, c'était celle que je rêvais de devenir.

Pourtant, une certaine malice dans mon regard se sentait prête. Et malgré l'anxiété qui tordait mon estomac, je me sentais plus forte, plus indestructible que jamais. Je m'étais méfié des côtés sombres qui pouvaient m'entacher en passant le plus clair de mon temps près d'Eden et de Callum, pourtant, j'étais désormais beaucoup plus assurée que je ne l'avais jamais été auparavant. Je détestai la façon dont la fratrie royale avait de passer au crime trop facilement, leurs statuts trop simples à excuser, mais il fallait l'avouer, ils m'avaient appris à relever la tête, carrer les épaules, toiser la foule et croire en moi.

Ma soudaine confiance en moi inhibait une partie de mon empathie envers autrui, mais il le fallait, cette bataille en valait la peine. 

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