« Toutes les bonnes choses ont une fin »
🌊 Iliana 🌊
— Pourquoi il n'avance pas cet idiot ! On va finir par être en retard ! m'écrié-je rageusement en ouvrant précipitamment la fenêtre.
Je me mets à appuyer frénétiquement ma chaussure contre le plancher, comme si j'étais au volant et que j'avais moi-même la capacité d'accélérer.
C'est bon, le stress me fait débloquer complet !
— On a beaucoup d'avance Iliana, arrête de te prendre la tête, me rassure gentiment Aiden en tournant dans une rue adjacente plutôt que de s'engager dans le boulevard principal de la ville.
Je souffle une nouvelle fois, en verrouillant mes doigts ensanglantés sur l'ourlet de ma robe. Eux non plus ne supportent pas au mieux l'angoisse des derniers jours, mais ce n'était pas important. Il fallait qu'on arrive à l'heure.
— J'ai beaucoup trop travaillé Aiden, beaucoup trop, pour rater mon admission à cause d'un gars qui ne sait pas prendre un putain de carrefour ! m'énervé-je progressivement, en haussant la voix un peu plus qu'au mot précédent.
— Tu ne vas rien rater du tout enfin, me répond-il du tac au tac. Souffle un coup, on arrivera à l'heure petit oiseau.
Je me mords l'intérieur de la joue en essayant de l'écouter. Les quelques respirations prises me permettent certes d'avoir de l'oxygène, mais ne calment en rien la tempête qui s'anime en moi en ce moment-même. J'ai toujours trouvé les exercices de respiration ridicules, et inutiles, je me retiens toujours de rire lorsqu'on me propose ces solutions idiotes pour me calmer.
Ça ne fonctionne pas, alors laissez-moi suffoquer en paix.
Avez-vous déjà vu un ouragan disparaître parce qu'on « retenait son souffle » en le voyant grandir ? Non ? Et bien moi non plus. Tout ça n'est rien qu'une grosse blague de plus.
— Tourne à gauche, on va passer par la cinquième, murmuré-je les dents serrées.
Il obtempère, à mon plus grand soulagement. Je fais claquer chacun de mes doigts sur le tableau de bord, dans l'espoir que ce son arrivera à couvrir les bruits de mon propre cœur, qui bat actuellement dans mes tempes avec rage.
— Mets du David Bowie si tu veux, me propose-t-il en me tendant son téléphone.
Non, rien ni personne ne peut m'apaiser à cet instant. J'ai toujours fonctionné à la pression, il est temps que je me serve de cette peur qui court dans mes veines pour assurer à cet entretien.
— Putain, on va être en retard, gémis-je en me pinçant l'arête du nez.
L'embouteillage qui se dessine devant mes yeux me paraît insurmontable, heure de pointe, circulation dense, tout pour m'empêcher d'arriver dans les temps.
— Mais non, respire. On arrive dans quelques minutes seulement.
— L'oral commence dans quelques minutes, et je te rappelle qu'on a déjà joué sur les « quinze minutes de présence au préalable ».
Ma voix est plus que cinglante après lui, qui n'y est absolument pour rien, mais c'est comme ça. Dans mon esprit, les derniers mois tournaient en boucle en me rappelant toutes les heures sacrifiées à réviser plutôt qu'à passer du temps avec ma famille. Tout ça ne m'amenait à présent qu'à une seule et même conclusion : je ne peux pas rater maintenant bordel !
— Je vais y aller à pied, lâché-je en défaisant ma ceinture brutalement.
— Non, Iliana ! m'arrête mon copain d'un geste de la main. Hors de question, ça avance en plus, tu restes ici.
Je souffle une nouvelle fois, puis m'occupe pour la énième fois de relire mes fiches. Ça va le faire, il n'y a pas d'autre solution, n'est-ce pas ?
Pourquoi avais-je décidé de prendre une filière aussi exigeante...
— Tu as été brillante sur les écrits Iliana, tu vas tout déchirer c'est sûr, me calme-t-il avec des paroles rassurantes.
Je confirme d'un hochement de tête. Il a raison. J'avais tout donné lors des écrits, et j'ai reçu des notes élevées, me garantissant quelques points d'avance et surtout, une place confortable, contrairement à d'autres.
Aiden avait obtenu des résultats dans la norme, étant beaucoup moins à l'aise dans des dissertations que dans une présentation orale. La sienne s'était produite la semaine dernière, et avait été un franc succès selon lui. Or, ce ne serait peut-être pas mon cas. Malgré mon assurance, et ma motivation, ce genre d'épreuve demeurait ma bête noire depuis toujours. Je la redoutais constamment.
Il est clair que cet entretien serait un des plus importants de ma vie, impossible de laisser le stress me ronger comme il le fait actuellement.
— Oui, ça va le faire, accordé-je avec un sourire franc.
Quelques minutes plus tard, sa voiture s'arrête sur le parvis de la prestigieuse université. Je referme la portière après les dernières recommandations et derniers encouragements d'Aiden, avant de rejoindre au plus vite le secrétariat.
— Iliana Midden, passage de 10h10, m'essoufflé-je devant la secrétaire qui lève à peine les yeux vers moi.
— Vous êtes en retard, remarque-t-elle en rehaussant ses lunettes de vue.
Je le sais bien sorcière ! Maintenant donne-moi ma salle !
Celle-ci après un long regard empli de jugements, m'indique ma classe dans ce dédale de couloirs plus grands les uns que les autres.
Je me mets presque à courir, avec pour seul objectif : ne pas me casser la cheville dans les escaliers, et arriver à temps pour qu'on m'accepte.
J'insulte Mahé en silence pour sa brillante idée de tenue, à savoir une robe bleue toute légère qui vole plus haut à chacun de mes pas, et des talons qui me compliquent la tâche plus qu'ils ne me mettent en valeur. Devant l'immense porte en bois, je détache mes cheveux pour laisser mes mèches dériver à leurs grés. Je ne suis pas moi-même avec des coiffures d'adulte responsable.
Je ne perds pas plus de temps, et ouvre précipitamment la porte, sans souffle, et évidemment sans frapper. Une entrée en matière, à la Iliana Midden.
🌊🌊🌊
— Il faut que tu te redresses idiot ! Comment veux-tu tenir en équilibre si tu n'arrives même pas à te mettre à genoux ? expliqué-je en riant de bon cœur.
— Je fais ce que je peux Iliana, râle-t-il de nouveau. C'est parce que j'ai voulu faire quelque chose avec toi, alors me fais pas chier !
Je fais la moue, avant de m'assoir plus convenablement sur ma planche. J'observe mon frère en galère, sans rien dire, puisqu'il se sent si supérieur à cet instant. C'est vrai, après tout, pourquoi écouter les conseils de quelqu'un qui pratique depuis des années le sport qu'on essaye ? Inutile...
— C'est vraiment, mais alors vraiment un sport pourri ! s'écrie-t-il en envoyant son poing à la surface de l'eau. Et avec cette combi ridicule, je ne peux même pas bouger, j'étouffe ! Fais chier !
Il n'en faut pas plus, j'envoie un coup de pied dans sa planche pour le faire tomber. Étrangement, il débite moins de conneries lorsqu'il boit la tasse !
La planche bougeant brutalement vers l'avant, le déséquilibre, et le fait tomber dans un ralenti interminable, à la renverse dans les vagues. J'éclate une nouvelle fois de rire, en songeant également à la manière dont nous allons rentrer sur la côté, sachant qu'il est incapable de nager et tenir la planche en même temps...
— Et ça te fait rire en plus ?! Garce, tu n'es qu'une garce ! lance-t-il visiblement furieux.
Je hausse les épaules, avant de lui tendre ma main.
— Allez, viens. On ne va pas y passer la soirée !
Mon frère me fusille du regard en battant des bras, avant de souffler inutilement sur les mèches collées contre son front. Ses cheveux complètement trempés, sont indomptable, comme toujours. Il saisit ma poigne, mais au lieu de l'utiliser, me tire vers lui pour le faire basculer dans l'eau. Autant préciser que cette pitoyable stratégie ne fonctionne guère, mais j'imite une chute pour le satisfaire et pour ne pas vexer son ego et sa force de crevette.
— Je t'emmerde, Iliana, rétorque-t-il tout sourire une fois la tête hors de l'eau.
— Oh ! Qu'est-ce que ça faisait longtemps !
On passe l'heure suivante à tenter de rejoindre le rivage, cet idiot n'arrivant guère à avancer plus d'un mètre à la fois. Il met comme toujours ma patience à rude épreuve, mais je perdure, et on termine chez nous après ce qui me semble être une éternité.
— Qu'est-ce que tu veux manger ? demandé-je une fois dans le domicile.
Nos parents étant absents, ainsi que Célia ce soir, nous avions une soirée rien que pour nous. Probablement la dernière avant un bon bout de temps, je compte bien en savourer chaque minute.
— Tu me fais des macaronis ? demande-t-il avec toute l'innocence qu'il possède.
— Même pas en rêve ! Je parlais de commander quelque chose, tu ne penses quand même pas sérieusement que je vais cuisiner maintenant ?
— J'avais espoir que tu fasses un effort pour ton frère adoré, soupire-t-il.
— Le frère le plus casse-bonbon que je connaisse tu veux dire ! Je vais me doucher, ça sera toujours mieux que d'entendre toutes tes bêtises ! Réfléchis pendant ce temps, ordonné-je en lui donnant la boîte en osier, qui contient toutes les cartes de restaurant/livraison que nous connaissons.
Je l'entends encore râler, avant d'atteindre les premières marches pour gagner l'étage. Contre toute attente, il ne semble pas en avoir fini avec moi, car il m'arrête de nouveau.
— Iliana ? Est-ce que j'aurais au moins le droit d'avoir ta recette de macaronis ? Je vais en avoir besoin, ce n'est pas à quatre-mille kilomètres l'un de l'autre que je vais pouvoir en manger aussi souvent, rit-il.
Instantanément, ma respiration disparaît. Je me tourne vers lui, incapable de continuer. Ma lèvre se met à trembler, malgré la pression exercée sur celle-ci pour l'en empêcher. Mesure-t-il la violence de ses mots ? La bombe qu'il vient de mes céder « pour rigoler » ? Non, rien de tout cela ne semble l'affecter, car il ne m'offre pas le moindre regard, uniquement le bruit agaçant de pages qu'on consulte posément.
— Oui, je te la donnerai, scandé-je froidement. Mais tu n'arriveras jamais à la reproduire comme moi je le fais pour toi.
Des lourdes larmes s'abattent contre mes joues, alors que je gravis les escaliers le plus rapidement possible. Je claque la porte de la salle de bain dans mon dos, avant de me laisser tomber à genoux contre cette dernière. Je laisse ses pleurs que je retiens depuis trop longtemps m'envahir dans un silence interrompu par mes propres sanglots. J'explose en surface alors que mon cœur meurtri par l'abandon se remet à battre douloureusement.
Suis-je la seule à songer de cette manière ? Pourquoi les autres ne craquent-ils jamais contrairement à moi ? Ne pas maîtriser ses émotions de la sorte est un cadeau empoisonné qui circule de jour en jour dans mes veines, comme une éternelle faiblesse qui me caractérise si bien...
Je sais tout ça. Je suis parfaitement consciente que d'ici quelques semaines, plus rien ne sera pareil, et que leur absence à tous me pèsera un peu plus qu'au pas précédent. Le Connecticut, ce n'est pas la porte à côté. La Californie et cet État sont deux parfaits opposés, bordant chacun un rivage de notre Amérique. Quatre-mille cinquante-trois kilomètres. Quarante-trois heures de route, plus de huit heures d'avion, sans vols directs, trois heures de décalage horaire entre nos deux universités... Comment entretenir la moindre relation avec autant de distance entre nous ? Pourtant je ne lui souhaite que le meilleur, au plus profond de moi, je supplie pour qu'il soit admis à Yale. Mais comment ignorer cette petite voix ? Celle qui me chuchote que lorsqu'il sera parti pour de bon, on ne se verra plus ? Comment oublier nos habitudes, nos repas ensemble, nos nuits partagées, nos soirées télé ? Rien qu'un regard ou un mot le matin, rien qu'une présence gravée dans notre chair, supposée nous lier à jamais ?
Je serre les poings, tremblante, complètement paniquée à l'idée de me retrouver toute seule une fois de plus. Les personnes censées veiller sur moi ne sont plus là, comment faire lorsque celles qui nous ont épaulé à leur place nous quitte ?
L'abandon est définitivement ma plus grande peur...
La disparition de ma mère et de mon frère, le choix de mon père étant enfant fragilisent ma défense, transformant ces immenses murailles forgées au fil des années en un vulgaire château de cartes, balayé en une bourrasque par le vent...
L'oiseau doit quitter le nid. Je suis prête. Debout sur le bord, prête à prendre mon envol. Mais pourtant, le courage ne vient pas, je ne peux que regarder en bas et constater que la hauteur est bien trop grande pour me lancer vers l'inconnu.
Je reste ainsi, seule devant ce qui nous attend tous d'ici quelques semaines, avant de cesser tous pleurs. Demain soir se tiendra la remise des diplômes, scellant notre année scolaire à souhait. Le bal de promo suivra naturellement, les adieux aux amis lointains se réaliseront sans doute là-bas... Pour nos proches, quelques jours plus tard suffiront, avant de mettre sur pause nos relations.
Se jeter dans le vide sans aucune autre issue.
Je jette un coup d'œil à mon reflet, avant de laisser un sourire m'échapper. Je dois apprendre à sourire sans l'aide des autres, me rassurer moi-même sur l'avenir encore incertain pour mes amis.
Quant au mien, il semble scellé. Mes yeux glissent sur ce papier blanc soigneusement plié dans ma poche depuis tout ce temps, avant de relire pour une énième fois ces quelques mots, celui en caractère gras, suivit de son italique.
Comité d'admission Leland Stanford Junior University,
Iliana MIDDEN, admise.
🌊🌊🌊
— Iliana ?
Je quitte quelques secondes le plafond des yeux, suite à l'appel délivré par mon frère. Les cheveux encore humides, et les yeux légèrement dans le même état, je redresse le menton dans sa direction.
— Viens, chuchoté-je en tapotant mon drap pour qu'il vienne s'assoir à mes côtés.
En un instant, un joli sourire illumine son visage. Il me rejoint, avant de remuer les mèches brunes déposées sur son front.
— Tu as reçu le mail du lycée ? m'interroge-t-il.
— Non, il fallait recevoir quelque chose ?
Son visage laisse échapper une petite grimace qui n'augure rien de bon. Il me tend son propre téléphone, affichant la page en question. Les titres suffisent aisément à me faire comprendre l'objet de son agitation.
— Quel est le problème avec le bal ?
— La salle n'est plus disponible, l'administration en cherche une nouvelle, mais il va être décalé...
Pendant un instant, une vague euphorie m'envahie. Je cache ma joie, souriant de l'intérieur à l'idée que la fin n'est pas encore amorcée. Même si ce n'est que partie remise, c'est pour moi la garantie d'une respiration plus longue.
— Ah oui ? Quand ça alors ?
— Ils nous donnent approximativement après la fête nationale dans le mail. Honnêtement, je n'espère pas...
— Aussi longtemps après ? m'étonné-je.
Je ne pouvais rêver mieux !
— Oui... Déjà que notre établissement est l'un des dernières de Californie à fermer... Tu te rends compte ? Certains élèves ont terminé depuis mi-mai !
— C'est vrai que chaque année, on n'est pas épargnés, répliqué-je en riant. Mais je te rappelle qu'on est en bord de mer, on s'est pris bien plus d'intempéries que le reste de la Californie... C'est normal qu'on termine plus tard vu le nombre interminables d'heures qu'on a manqué !
— Toi et ton côté bonne petite élève commencent à me taper sur le système. Tu le sais au moins ?
— C'est voulu Austin, pouffé-je. Je suis née pour t'agacer !
— Et qu'est-ce que je m'ennuierai sans toi ! ironise-t-il en roulant des yeux. Mes journées seraient fades et sans saveurs...
Je lui souris. Mine de rien, même ce compliment masqué me fait chaud au cœur.
— N'empêche, poursuit-il, cette histoire de report de bal met bien tout le monde dans de beaux draps ! Comment on est supposé faire si on a un avion à prendre ? Une université à aller voir ? Je te jure, ça complique tout !
— Pour moi ça ne change rien, haussé-je les épaules avec indifférence.
— Mais pour moi, si. J'avais un vol le 27 juin... Je ne peux pas partir pour si peu de temps avec le décalage horaire et la distance qu'il y a...
Vol. Décalage horaire. Distance.
Yale.
— Tu... tu as été pris à Yale ? bredouillé-je.
— Oui, me chuchote-t-il les yeux brillants.
Sa main s'abat sur ma pommette pour lui délivrer une douce caresse, malgré la claque que m'inflige cette nouvelle. Pourtant, c'est trop tard. Mon cœur implose dans ma poitrine, et la détonation réduit mon souffle à néant. Je serre les paupières, priant de tout mon être pour que ce malaise cesse immédiatement.
Tout est terminé Iliana, m'empoisonne ma conscience une fois l'information assimilée.
— Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ? chuchoté-je sans vraiment savoir pourquoi.
— J'attendais que tu te décides à me dire que tu étais prise à Stanford.
Est-ce bien un deuxième round qui se présente ? Mon cœur vient-il vraiment d'exploser une seconde fois ? Comment puis-je me prétendre comme menteuse aguerrie si je ne suis même pas capable de maintenir ce genre de nouvelle au chaud ?
— Comment... comment es-tu au courant ?
— J'ai vu l'enveloppe dans la poubelle il y a trois jours. Si tu veux être discrète, évite de jeter ce genre de choses là où tout le monde peut le voir !
Je hoche doucement la tête, comme une idiote.
— Merde, ça m'est complètement sorti de la tête, juré-je en riant.
— Et ensuite, bah... j'ai un petit peu fouillé, je plaide coupable !
— Comment oses-tu ! le grondé-je en lui tapant l'épaule.
— Toi ! Comment oses-tu nous cacher ce genre de nouvelle ?! Ça m'a vraiment blessé tu sais !
— Tu t'es remettras, murmuré-je les yeux bas.
— Tout comme tu arriveras à surmonter la distance Iliana, m'apaise-t-il en se rapprochant de moi.
— Tu n'en sais rien...
Je plonge mon visage entre mes mains, d'un air penaud. Après quelques secondes de vide immense, il passe ses deux bras autour de mes épaules, avant de me câliner contre son cœur.
— Bien sûr que si, je sais tout mieux que tout le monde je te rappelle ! Et puis je ne te laisserai pas tomber pour autant honey... On a réussi à survivre à un an de vie commune, le plus dur est fait ! Ce ne sont pas quelques kilomètres qui vont nous empêcher de rester soudés et plus énervants que jamais !
Je souris malgré-moi, les joues complètement inondées cette fois. Je ne veux pas qu'il parte. Je ne veux qu'aucun d'eux ne parte. Les choses sont tellement bien comme elles sont, pourquoi changer cela ?
— On est frère et sœur, ça ne va pas s'envoler comme ça, sourit-il malgré une légère perte d'assurance. C'est dans la logique des choses, on va partir tous les deux faire de brillantes études, et avoir les métiers de nos rêves ! Même si c'est exagéré, j'aime bien penser et voir les choses de cette façon.
Il se laisse tomber sur le matelas, avant de passer ses bras derrière sa tête. Je le rejoins, et regard aussi le plafond comme on regarderait un ciel d'été en devinant la forme de ses nuages. Mes cheveux blonds forment une jolie couronne le long de mon visage, alors que je l'incite à poursuivre.
— Il ne faut pas voir ça comme une fin, mais plutôt comme une véritable renaissance ! s'exclame-t-il avec émerveillement. Tu vois, on quitte notre confort et nos acquis pour trouver un nouvel univers et découvrir ce dont on est capable par la suite. Malgré tout, on sera toujours là, on fait partie de toi à présent... Ce n'est pas parce que ce chapitre-là est terminé que l'histoire prend forcément fin honey...
Je lui offre un léger hochement de tête, ainsi qu'un sourire rempli de larmes. Touchée en plein cœur par ses paroles, je ne peux que le croire à cet instant. D'un geste fin et délicat, il me prend dans ses bras une nouvelle fois, avant de me bercer comme une enfant. Les yeux clos, et le visage déposé contre son torse, je me laisse aller contre lui et libère mes larmes de nouveau. Peut-être que les siennes, qui dégringolent le long de ma nuque et qui m'apporte la preuve que je compte à ses yeux me soulagent, m'enveloppent, et me permettent de mes sentir bien contre lui ? Peut-être que cette sensibilité que j'entrevois rarement chez lui me donne force et confiance en nos futures relations ? Une chose est sûre, je n'ai jamais été aussi bien et heureuse d'avoir mis les choses à plat.
— Tu vas terriblement me manquer, me murmure-t-il proche de l'oreille. Tous les jours, tu peux en être certaine.
— Toi aussi, sangloté-je, blottie tout contre lui.
On demeure ainsi pendant un long moment, à se révéler promesses, mots d'amour ainsi que nos au revoir. Une manière intime de le faire, même si la fin ne sonne pas encore, nous en avions terriblement besoin pour mieux avancer.
— Allez, garde tes plus belles larmes pour quand on sera vraiment séparés, rit-il en essuyant ses joues. Lorsqu'on sera vieux et fatigués, pas avant !
Mes lèvres esquissent un doux sourire, avant de précipiter mes mains contre mes paupières pour cesser de pleurer comme une madeleine alors que la fin n'a même pas encore pointé le bout de son nez.
— C'est horrible ce que tu dis ! le réprimandé-je. En plus d'avoir des têtes de déterrés tu me racontes ce genre de conneries ? Je me demande ce que va penser le livreur !
— Oh, crois-moi, demain on aura encore plus des têtes de cons avec nos capes d'Harry Potter et nos chapeaux « tête plate » !
J'éclate de rire face à tant d'imagination. Aucun doute là-dessus, sa connerie va me manquer...
— Bon, on ferait bien de descendre ! Les sushis ne vont pas tarder, et on doit s'y mettre si on veut commencer Hunger Games et les finir avant demain matin ! Par contre, je te préviens, si tu t'avises de dormir loin de moi, tu vas sévèrement le regretter ! nargue-t-il en me montrant du doigt.
— Si tu crois que tu me fais peur avec ce genre de menaces ! Tu te trompes ! rétorqué-je en bondissant sur mes jambes pour le suivre.
Il ne perd pas une seconde, et m'envoie un cousin en pleine tête, ce qui a pour effet de me balayer en arrière brutalement. Un fois le sol de nouveau stabilisé, je me relève et commence à lui courir après, en brandissant chaque babiole qui me passe sous la main dans sa direction, avant de le viser et d'en faire pleuvoir une dizaine sur sa silhouette.
🌊🌊🌊
Le ciel s'assombrit brutalement. Tel un million d'oiseaux prenant leur envol en un même instant, des ombres bleutées venant tâcher l'immense étendue bleue au-dessus de nos têtes, les centaines de chapeaux de diplômés s'élèvent vers les nuages. Sous les cris et rires de leurs titulaires, les heureux propriétaires s'embrassent et s'enlacent malgré les longues robes, avant d'hurler leur réussite à l'unisson.
Les câlins et compliments fusent de tous les côtés, sous les applaudissements réjouis des parents. Comme tous enfermés dans une bulle euphorique, surexcités et nos diplômes bien en mains, on ne peut retenir autant de joie.
Oubliant l'ensemble de mes principes musicaux dans ce méli-mélo d'émotions, je me surprends moi-même à me déhancher sur Kings & Queens d'Ava Max, première chanson délivrée par les enceintes encerclant cette nuée d'adolescents heureux. Malgré ma haine envers cette chanson, j'en oublie presque l'air pour simplement fêter ma réussite avec la première chose qui se présente. Mahé, elle, ne semble pas en perdre une miette et bouge sur l'introduction comme si elle était déjà sur la piste d'un immense dancefloor New yorkais. La fraîche reçue de Julliard ne peut s'empêcher de libérer la danseuse qui sommeille en elle, même si pour le moment, ses mouvements désordonnés n'esquissent en rien une réussite ! Mon euphorie frôlant son paroxysme, je me laisse moi aussi emporter dans cette étrange chorégraphie orchestrée par ma meilleure amie. Malgré le soleil de plomb californien et l'épaisseur de ces vêtements officiels, je bouge de plus en plus rapidement.
Les bousculades sont inévitables, et pourtant, nous semblons tous d'accord. Chacun fête sa réussite ainsi que celle de ces proches, oubliant les regards suspicieux et les jugements de ceux qui nous entourent. Le rythme saccadé de ce début de hit nous donne des ailes faisant augmenter au maximum notre énergie en un seul souffle. Je me laisse submerger, entraînée par ma meilleure amie. Nous dansons toutes les deux, suivies par tous les étudiants au milieu de ce même lieu qui nous a bercés pendant tant d'années. Comme une délivrance sonnant la fin d'une époque, j'éclate de rire en voyant Austin bouger en rythme, et Aiden l'accompagner férocement. D'une complicité remarquable j'offre mes plus beaux mouvements à Mahé et ses yeux brillants, avant de la serrer fort contre moi. Un câlin qui se transforme vite en un saut collectif pour terminer nos festivités dans un même mouvement.
🌊🌊🌊
— Je ne comprends pas pourquoi tu veux t'imposer de travailler un 4 juillet Iliana, râle mon copain depuis le lit.
— C'est important pour moi, c'est tout. Si je te dis « tradition familiale », ça te va ? argumenté-je les mains sur les hanches.
Il soupire, avant de s'avancer sur le bord du matelas et de me saisit les hanches. Avec brutalité, il m'emporte avec lui jusqu'à mon immobilisation, à quelques centimètres de ses lèvres.
— Mais moi j'aurais préféré qu'on reste tous les deux toute la journée au lit, couine-t-il.
— Moi aussi, je t'aime, chuchoté-je en l'embrassant chastement. Mais la fête nationale ne se rate pas ! J'ai réussi à tous vous garder près de moi en attendant le bal de promo, ce n'est pas pour passer la journée enfermés ! Allez, debout.
— Mais je...
Je fais la moue, juste sous son regard. Mes lèvres se positionnent comme il se doit pour le faire craquer, et j'attends patiemment que mon stratagème fonctionne.
— Tricheuse, rétorque-t-il en me repoussant.
Je lui tire la langue, avant de sauter pour m'habiller en paix. Une fois short et croc-top enfilés, je dresse une haute queue de cheval sur ma tête, et cale une paire de lunette de soleil sur le sommet de mon crâne.
— Tu viens ? lancé-je, enfin prête.
— Oui, grogne-t-il en enfilant un tee-shirt.
— Ne fais pas la tête, soupiré-je à nouveau. On aura tout le temps pour ce genre de choses d'ici demain soir. Et tu le sais très bien, alors ne fais pas ton frustré.
— Moi qui pensais que tu t'y rendais uniquement pour écouter tes idoles chanter... Je me suis bien trompé.
— Tu plaisantes ? Red Hot Chili Peppers et tous les autres jouent un rôle très important, mais ce n'est rien comparé à la nuit d'hôtel que nous ont offert nos amis.
Joignant le geste à la parole, je parcours doucement ses cheveux à l'aide de ma main libre. Mon copain réagit immédiatement, est à la limite de sortir les crocs lorsqu'il bloque avec force mon poignet. Effectivement, il a envie de me manger toute crue. Je ne pensais pas que c'était à ce point.
— D'ailleurs, en parlant de ça, tu iras acheter toi, de quoi te protéger. J'en ai assez de dépenser des fortunes là-dedans alors que je fais déjà ma part du job en prenant la pilule, affirmé-je en saisissant mes clés.
— Mais merci Iliana, très classe !
— Je t'en prie, rétorqué-je en lui délivrant un beau clin d'œil.
— Je vais te mettre enceinte, tu ne vas pas comprendre ce qui t'arrives, grogne-t-il en passant ses mains sur ses paupières.
Je reviens immédiatement sur mes pas, et me poste devant lui. J'en profite pour lui frapper la tête avec la pile de magasin que je tiens, ce qui le faire gémir de plus belle.
— On ne rigole pas avec ça, jamais de paroles en l'air à ce sujet ! C'est ça, ou l'abstinence, c'est toi qui vois.
— Plus jamais ! s'écrie-t-il en bondissant hors du lit.
En un éclair, on se retrouve finalement en bas, dans le petit café de mes parents. Ouvrir le matin du 4 juillet à toujours été une tradition, hors de question de la rompre cette année ! Le flot de mauvais évènements et d'horreurs de cette année ne doivent en aucun cas effacer nos habitudes, au contraire, elles ont le devoir de les perpétuer. Je noue rapidement un tablier autour de ma taille, sous les éclats de rire incessants de mon copain, jaloux de mon look.
A mon plus grand étonnement, les clients affluent les uns après les autres et les commandes ne finissent plus. Je sers avec un sourire béat, toujours prête à répondre à une question ou deux concernant ma situation et celle de ce restaurant. Même si la restauration en soirée est toujours maintenue, il est vrai que notre café est laissé à l'abandon... s'il ne tenait qu'à moi de prendre une décision, je m'en occuperais moi-même. Mais qui peut bien souhaiter à une jeune fille de dix-huit ans de tenir un café familial alors qu'elle vient d'être acceptée à Stanford pour ses études ?
— Bon 4 juillet à vous aussi, répliqué-je en tendant le petit sac à emporter.
Après plus de trois heures de service, éprouvantes pour moi et mes deux mains, je souffle en m'affalant sur le bar. Je suis tellement soulagée de voir l'avenir de ce lieu entre de bonnes mains ! Oui, mon beau-père, Raphaël, reviendra d'ici un petit mois pour reprendre sa vie là où elle s'est arrêtée. Un soulagement, croyez-moi.
— Et moi ? Je peux avoir un chocolat viennois ? m'interroge Aiden en me suppliant du regard.
— Tu as de quoi payer gros malin ?
Il me vide ses poches sur la table, avant de hausser les épaules devant cette absence de money.
— Bon, cadeau de la maison ! Mais c'est bien parce que tu m'as été d'un immense soutien moral pendant ces heures de travail !
Oui, même si monsieur n'avait pas levé le petit doigt pour me porter secours, il m'avait poliment gratifiée de sourires plus amoureux les uns que les autres. Des gestes bien plus énergisants qu'une poignée de vitamines ! Il m'accompagne jusqu'au bar, ou je m'affaire pour préparer sa boisson, lorsque la cloche sonne de nouveau. Je retiens mon soupir, avant de lever les yeux vers nos nouveaux clients, quelques peu en retard sur l'heure.
Mes yeux se déposent sur une silhouette plus que parfaite, bien que très fine dans ces vêtements trop larges. La jeune fille arbore une posture droite, et d'une légèreté déconcertante lorsqu'elle passe la porte. En riant doucement, elle tient cette derrière en arrière, afin de laisser passer un garçon blond, la dépassant d'une tête au moins. Elle me sourit immédiatement, après avoir délivré un « bonjour » plein de joie, et de poser un regard pétillant sur tout ce qui l'entoure. Ses cheveux bruns cadrant à la perfection un visage bien dessiné, ainsi que ce regard vert d'eau qui transperce quiconque ose s'y poser me reviennent instantanément en mémoire.
— Ai... Aiden. Je crois que ta danseuse se tient derrière toi, bégayé-je.
Il se retourne, étonné. L'instant suivant, il confirme mes dires. La jolie brune lie en quelques secondes ses doigts à ceux du blond, avant de nous demander la carte des prestations. Je reste sans voix face à cet étrange coup du destin, probablement orchestré par je ne sais quelle force supérieure. Elle touche ses mèches légèrement bouclées à plusieurs reprises, laissant apparaître deux hiboux d'argent pendre le long de ses lobes.
Des hiboux ? Qui donc met de hiboux en boucles d'oreilles ?
Comme lors de notre « première rencontre », je reste figée. Cette fille dégage une aura déconcertante, qui me perturbe autant qu'elle m'obnubile. Ses gestes sont tous parfaitement doux et maîtrisés, ce qui a le don de m'énerver très sévèrement car je représente comme tout le monde le sait, la grâce et la délicatesse incarnée.
— Qu'est-ce qu'on vous sert ? interroge gentiment Aiden avec un beau sourire.
Dites-moi que je rêve ? Voilà qu'il s'intéresse aux clients maintenant ? Lui fait-il du rentre dedans ? Ce regard était-il poli ou bien aguicheur ?
Je secoue la tête pour réfuter toutes ces idées, néfastes.
— Je veux bien en milkshake à la framboise, lui sourit-elle avec délicatesse. Et toi Hugo ? Tu as choisi ? demande-t-elle en s'adressant au blondinet.
— Heu... juste un café fera l'affaire.
Mes sourcils se froncent immédiatement, la sonorité de sa voix me surprenant. Cet accent exotique qui roule légèrement les « r » est tout sauf habituel.
Je confirme d'un signe de tête, avant de me pencher vers la machine pour enclencher la préparation. Mes deux dérivent distraitement sur ces deux adolescents, qui s'installent au bar aux côtés d'Aiden. Celui-ci, avec l'aisance qui le caractérise, entame une plaisante discussion. Je ne suis pas du genre à m'affaisser face à de parfaits inconnus, pourtant cette fois-ci, je reste en retrait, écrasée par leur intrusion. Je les observe grâce à l'immense miroir qui domine la pièce, alors que les yeux pâles du jeune homme croisent les miens. Je vire au rouge, en marmonnant que c'est bientôt prêt. Mon copain s'adresse uniquement au prodige, qui ne cesse de remuer ses boucles d'avant en arrière. Elle tangue plus qu'un bateau ne le ferait lors d'une nuit de tempête, m'attachant un énorme nœud au sein de l'estomac. Je souffle pour l'évacuer, mais celui-ci semble se resserrer davantage.
— Et voilà.
Ils payent dans la seconde, avant de reprendre de plus belle la discussion. Aiden sourit comme un idiot, et voici qu'une grosse pointe de jalousie vient piquer ma chair. Je déteste quand il est comme ça, tout comme je me hais d'avoir de telles réactions.
— D'où est-ce que vous venez ? demande Aiden en buvant une rincée.
— D'une petite ville pas loin de Los Angeles. On y passe la majeure partie de notre temps, notre commune est un vrai trou à rats, rit-elle.
— Et vous êtes déjà en vacances ? s'enquiert le curieux.
— Pas vraiment, réplique le dénommé Hugo en haussant les épaules. C'est plus une pause imprévue dans notre programme, ajoute-t-il en faisant un clin d'œil à celle qui semble être sa copine.
Celle-ci pouffe, avant d'ajouter avec ce même sourire agaçant :
— On va dire qu'on a eu des hauts et des bas. Maintenant, on est dans la partie haute, alors tout va bien !
Aiden confirme en riant, alors qu'il n'y a rien de drôle. Mes mains se resserrent sur le plan de travail, et j'avale ma salive rageusement. Rongée par la jalousie, je lance d'une voix cinglante :
— Et on peut savoir ce que vous faites dans le coin un jour de fête nationale ? Vous n'avez pas de famille ou d'amis avec qui la passer ?
Aiden me fusille du regard, alors que je roule des yeux sous ce rappel à l'ordre.
— Oh si, on est servis dans les deux catégories ! On voulait justement prendre un peu l'air, hein Madeleine ? ajoute le blond en lui donnant un coup de coude.
— Tout à fait.
Soudain, la danseuse semble perturbée par la situation. Les yeux baissés et la petite voix de souris qui l'anime le prouvent. La voilà qui fait moins la fière, on dirait. Aiden m'interroge du regard, cherchant décidément à capter mon attention. Je le repousse, en commençant à ranger tables et chaises.
— A quoi tu joues ? me chuchote-t-il une fois à ma hauteur.
— Et toi ? scandé-je en le poussant pour attraper un chiffon.
Je nettoie le bar avec force, appuyant au maximum pour venir à bout des traces. Ou de ces vagues remplies de jalousie qui pulsent dans mes veines. Nos deux clients semblent enfin oublier notre présence, discutant tous les deux.
— Tu ne vas tout de même pas me faire le coup de la copine jalouse ? m'interrompt Aiden en saisissant mon bras. Pas maintenant ?
— Tu as l'air de bien t'amuser pourtant, et tu sais combien j'aime jouer également, réponds-je avec insolence.
Au lieu de s'énerver, ou de me repousser comme tout individu normal le ferait, celui-ci saisit ma hanche en enroulant son bras autour de ma taille. Il me colle contre lui, malgré mes plaintes, et appuie le bord de ses lèvres contre mon oreille.
— La différence, vois-tu, c'est que je fais ça pour t'embêter. Or, tu tombes dans le panneau la tête la première. C'est adorable, et tu n'imagines pas ce qui me passe par la tête en ce moment même...
Il termine son petit discours par un baiser sur la joue, avant de fuir vers nos invités. Je reste fixe, laissant cette ardeur redescendre calmement. S'il croit réellement que je vais me laisser faire, il se trompe.
— On fait une petite fête avec quelques amis, commence Aiden en s'appuyant sur mon bar tout propre. Vous pouvez nous accompagner si ça vous dit !
Ma bouche s'entrouvre sous le choc. Dites-moi que je rêve ? Vient-il vraiment de proposer à deux parfaits inconnus de venir avec nous fêter le 4 juillet ?!
Le garçon à l'accent latino, semble réfléchir un instant, alors que sa copine hausse les épaules, visiblement conquise par cette proposition.
— C'est que... on doit d'abord aller à la plage. Je voudrais louer une planche de surf. On ne peut pas passer par ici sans dévaler les vagues, plaisante-t-il.
Je hausse les sourcils, soudainement intéressée. Alors comme ça le mexicain fait du surf ? Celle-là, je ne m'y attendais pas.
— Tu surfes ? l'interrompt notre dragueur national.
— Surfer est un bien grand mot... Je me débrouille on va dire, ajoute-t-il en se grattant la nuque, et en nous privant d'une grande majorité de « r » dans sa phrase, ils roulent par-ci par-là sans jamais atteindre leur cible.
Un petit sourire s'esquisse sur mes lèvres. Je le regarde, conquise. La voici l'échappatoire. S'il y a bien quelqu'un d'encore plus jaloux que moi, c'est bien lui. Aiden me dévore des yeux, avant de murmurer doucement un « Iliana » supposé m'empêcher de faire une bêtise.
— Je peux te trouver une planche, et te montrer deux-trois endroits si tu veux. De toutes façons notre fête se déroule sur la plage, alors tout est parfait, expliqué-je avec un beau sourire.
— Iliana en fait je ne suis pas sûr que...
— Aiden, arrête de faire comme si j'allais le noyer s'il te plaît, grondé-je.
Après tout, un débutant dans les courants de Santa Marina, qu'est-ce qui peut mal tourner ?
— Oui, volontiers, me répond le blond en me gratifiant d'un sourire.
— Alors c'est réglé ! dis-je légèrement aguicheuse en défaisant mon tablier, avant de le plaquer en boule contre le torse d'Aiden. Tu as une combi ?
🌊🌊🌊
— Tu crois qu'on verra la même chose qu'ici depuis New York ? Je veux dire, si je regarde les étoiles et que toi aussi tu le fais depuis ici, on verra la même chose ?
Elle tend sa main vers le ciel, comme pour attraper l'un de ces soleils nocturnes qui nous fascinent tant depuis toujours. Je tourne la tête vers elle, alors qu'elle en fait de même.
— Honnêtement, je n'en suis pas sûre, répliqué-je d'une petite voix. Et puis, avec le décalage horaire, tout est vite plus compliqué...
— Je n'avais pas pensé au décalage, c'est vrai, murmure Mahé en regardant de nouveau le ciel.
— Mais on se téléphonera hein ? Et à chaque fois que nos chansons passeront à la radio on pourra penser l'une à l'autre, chuchoté-je en tortillant une mèche de ses cheveux entre mes doigts.
— Promis ! Dès que David Bowie passe, je ferai une minute de silence en ta mémoire et je l'écouterai jusqu'au bout ! me nargue-t-elle.
Je me mets à rire devant cette stupide idée, venant d'elle, c'est un énorme compliment.
— Tequila ! s'écrie Aiden depuis l'autre bout de la crique. Décidément, on a bien fait de vous inviter !
Charlie se met à applaudir, suivie par son frère jumeau. La danseuse brandit la bouteille de liqueur transparente en l'air, avant d'ouvrir le paquet de shots en plastique. Mon partenaire de surf, qui ne se débrouille pas si mal que ça, coupe un citron plus vert que nécessaire, avant de verser du sel sur le haut de la main de Lindsay, déjà bien amochée. Je dévore des yeux Aiden, qui m'ignore en beauté depuis le début de soirée.
Il faut dire qu'avec mon nouvel ami latino, je l'ai rendu complètement dingue. Ce dernier surfait plutôt bien, excepté les virages qu'il ne maîtrise pas totalement d'un côté. Classique, pour un débutant. J'ai pris un plaisir royal à lui montrer expressément comme faire, sous le regard brûlant de mon copain. Depuis, celui-ci prend un malin plaisir à me rendre la pareille en jouant avec sa petite danseuse pas si prude que ça. Pourtant un détail me rassure. Je porte un bikini, alors que cette fille semble décidée à rester cachée sous cette tonne de tissus, pour mon plus grand bonheur.
— Vous ne vous arrêtez donc jamais ? me lance Mahé en s'asseyant elle aussi.
— Quoi donc ?
— De jouer constamment au chat et à la souris... Rien qu'à vous regarder, c'est fatiguant à la longue.
Je pouffe, en lui lançant simple « je ne vois pas de quoi tu parles ». Ma meilleure amie pose son menton sur mon épaule, comme je déteste toujours autant, mais je la laisse faire. Pour une fois. Nos acolytes commencent tous en même temps leur tequila Paf en enchaînant tous les mouvements comme il se doit. Les grimaces et cris fusent, terminant engloutis dans la nuit comme si de rien n'était.
— J'aime bien le rendre jaloux. Et puis tu sais, notre relation a commencé par un jeu... On ne fait que perpétuer la partie, ajouté-je en haussant les épaules. C'est notre manière de dire « je t'aime toujours ».
— Vous êtes franchement bizarres, conclut Mahé en avalant une gorgée de bière.
— On joue simplement, ça met un peu de piquant entre nous voilà tout...
— ... avant d'être séparés, termine-t-elle ce que je n'avais pas la force d'achever.
— Il ne m'a toujours pas parlé de Stanford. Je t'avoue que ça commence vraiment à m'inquiéter...
— Il finira par le faire, j'en suis sûre.
Elle frotte doucement mon bras, comme pour m'affirmer que tout ira bien de mon côté, exactement comme tout s'est parfaitement déroulé du sien.
— Et qui gagne la partie pour l'instant, chuchote-t-elle à mon oreille.
— Moi. Je ne suis pas jalouse de cette fille, grogné-je en me mordant la lèvre parce qu'elle pose une main sur l'épaule de mon copain.
— Mais oui, et moi je suis la reine des licornes au pays des grosses quiches.
Je fronce les sourcils, mais Austin apparaît, coupant notre conversation.
— Iliana, je t'empreinte ma magnifique copine d'accord ? propose-t-il en la prenant déjà dans ses bras.
— Bien sûr Austin, ce n'est pas comme si j'étais justement en train de parler avec elle, roulé-je des yeux.
Ils s'embrassent devant moi, avant d'éclater de rire. Je rougis comme une vraie tomate, sans savoir où me mettre.
— Apprends à partager honey, ça te fera le plus grand bien, ordonne mon frère en s'éloignant bras-dessus, bras-dessous avec ma meilleure amie.
Je soupire, terminant mon gobelet rempli de thé glacé. L'espagnol semble sentir ma solitude ainsi que mon malaise, car il vient aussitôt me tenir compagnie.
— Alors, vous êtes ensemble depuis combien de temps, demandé-je pour lancer la conversation.
— On n'est pas vraiment ensemble, enfin, c'est compliqué.
— Je vois ça. On dirait que vous l'êtes, constaté-je.
— On l'a été, mais... les choses sont définitivement trop compliquées avec elle.
Mais pourquoi donc, elle a l'air tellement adorable cette garce aussi mince qu'Emma Watson ! Vraiment, je ne vois pas le problème...
— Hugo ! Iliana ! nous interpelle justement celle-ci. Venez, on va faire le jeu de la bouteille !
Son « ami » se lève à l'entente de son nom, avant de me tendre la main pour me redresser également. Décidément, trop charmant ce garçon.
— On a quel âge déjà ? soufflé-je en remontant le bas de mon maillot de bain.
Ils ont déjà installé la bouteille, ainsi que les cartes pour pouvoir obtenir les gages adéquates. Le jeu de la bouteille, qui n'en est en réalité pas vraiment un, désigne simplement une roue de la malchance, orchestrée par des cartes plus diaboliques les unes que les autres. La Madeleine saisit la bouteille de tequila des mains de mon copain et boit juste derrière lui, ce qui a déjà pour effet d'échauffer ma colère. Pas bon.
— Viens par ici toi, interpelé-je Aiden en l'asseyant à côté de moi, et non en face de cette fille, pour éviter tous les gages louches à réaliser avec la personne opposée.
— Encore jalouse petit oiseau, me nargue-t-il avec un clin d'œil arrogant.
Ma seule réponse, est mon doigt sur ses lèvres pour le faire taire. Le cercle se forme et la partie commence. Nos rires se mélangent, aussi bien que les gages mignons défilent. Petit à petit, le cran monte lorsque les premiers vêtements tombent, ou que le premier strip-tease sort. Ma patience atteint ses limites lorsqu'Aiden, dans toute son innocence, se retrouve à retirer le tee-shirt de sa partenaire de droite, la brunette. Il transpire la sensualité, et ce n'est pas moi qui lui fais cet effet. Ses yeux se permettent même de faire un joli voyage entre les seins de la prude, qui semble ravie, et bourrée.
— A mon tour, grogné-je à bout.
La carte idéale me tombe entre les mains, et ma vengeance sonne comme une évidence. Je la lis à voix haute, partageant le poison de ma future action. Mon opposé de bouteille, me sourit timidement, alors que je jette un regard vers Aiden, un moyen de lui dédier ma connerie.
Je bloque la nuque du petit Hugo, avant de poser mes lèvres contre les siennes. Elles ont le goût de tequila et de sel, curieux mélange pour quelqu'un qui n'en boit pas. Il répond à mon baiser facilement, mais je me surprends à détester ça. J'écourte le moment, parce que ce garçon embrasse divinement bien, et je refuse que la situation dégénère. Pourtant, Aiden est déjà debout.
Jaloux et susceptible, idiote !
— Lève-toi, m'ordonne-t-il calmement.
Je glisse doucement le regard vers lui, comme une petite fille qui s'apprête à recevoir une sévère correction pour la bêtise qu'elle a exécutée.
— Non, en fait tu sais quoi, je m'en fiche. Tu fais vraiment chier Iliana Midden.
Merde, il est vraiment vexé ! Alerte rouge Iliana !
Je me redresse immédiatement, et commence à le suivre. Il part furieusement vers l'eau, à grande enjambées que j'ai du mal à suivre. Comment on appelle ça déjà ? Jouer avec le feu. On dirait que je viens de me brûler les ailes en beauté...
— Aiden, attends ! Reviens, ce n'était qu'un jeu ! m'époumoné-je.
Il s'arrête seulement une fois que ses pieds sont dans l'eau. Je le rejoins doucement, tête baisser vers les flots. On reste ainsi dans l'océan, à regarder la nuit et les étoiles qui nous enveloppent. Même si souvent, la communication n'est pas notre point fort et les gestes suffisent, notre situation manque cruellement de mots. Je relève enfin les yeux vers lui. Les siens brillent, comme sur le point d'exploser et de m'offrir ses diamants qu'il retient.
Ma bêtise l'a-t-elle tant blessé que ça ?
Il se met à éclater de rire, alors que l'angoisse me nouait la gorge depuis plus de dix bonnes minutes. Il se paye ma tête ?
— T'es tellement naïve, me rit-il au nez.
— Hein ?! Non mais est-ce que tu te fiches de moi Aiden ?! Tu...
Il saisit ma taille avant de me laisser terminer ma phrase, et me bascule la tête la première dans l'eau. Je pousse un cri, surprise par la température de la mer. La guerre est déclarée, je l'ai bien compris ! Je l'asperge de mes deux mains, avant de me jeter sur lui et de le faire chuter à la renverse dans les flots. Les rires de nos amis retentissent depuis la berge, certainement spectateurs de cette nouvelle attaque qui nous anime. Je ne peux que sourire face à mon frère, qui me sonde avec fierté, à Mahé, qui est nichée dans ses bras en riant aux éclats, à toutes ces personnes qui m'ont accompagnée tout au long de cette année et qui me suivront encore, peu importe la distance qui nous séparera. Ils seront toujours là.
En ce qui concerne celui qui détient mon cœur, on se bat gentiment pendant quelques minutes, avant de s'embrasser de plus belle pour signer une trêve bien méritée, sous le reflet de la lune, soigneusement dessinée à nos côtés pour nous accompagner jusqu'au bout de cette aventure...
🌊
________________________
Hey ! Bonjour à tous ! Me revoici enfin, après des semaines d'absence.
Voilà, le tout dernier chapitre de ce roman, qui s'est plus que fait désiré, je vous l'accorde.
Dans celui-ci, on dit au revoir à notre Austin, ainsi qu'à Mahé, qui nous ont bercés tout au long de ce roman... J'espère que vous être bien accrochés pour l'épilogue, laisser Aiden et Iliana relève du miracle, vous pouvez me croire...
Pour revenir sur ce chapitre, j'espère tout d'abord qu'il vous a plu !
Ensuite, on commence avec l'épreuve orale d'Iliana pour son entrée à l'université ! On ne l'avait jamais vue aussi stressée et si peu confiante n'est-ce pas !
Qu'en avez-vous pensé ? Elle nous offre un petit moment avec Aiden que j'ai adoré écrire !
On est ensuite emportés au bord de la mer, avec Austin et Iliana qui font du surf ! C'était bel et bien dans ce moment, ainsi que dans celui qui suit, qu'ils se sont dit au revoir à leur manière...
Comment les avez-vous trouvés ? Austin a-t-il une dernière fois été à la hauteur de vos attentes ?
Ce passage est très important pour moi, qui lui ai aussi fait mes adieux. A travers la peur d'Iliana concernant son avenir et sa scolarité, j'exprime la mienne, en quittant ce roman et mon univers... Les mots d'Austin sont ceux de mes amies proches, qui ont si bien su m'accompagner pour cette douloureuse transition.
Vous ont-ils ému ? Notre petite surfeuse aussi ?
On rencontre ensuite notre fameuse danseuse avec le dénommé Hugo, qui sont quelque peu venus embêter notre petit couple...
Qu'avez-vous pensé de ces deux personnages ? Avez-vous une idée de ce qu'ils font là tous les deux ?
Encore une fois, Aiden et Iliana n'ont pas pu s'empêcher de jouer l'un avec l'autre... La jalousie est définitivement leur point faible !
Comment avez-vous trouvé ces moments sur la plage ? Leur petite manière de se dire "je t'aime" sans jamais utiliser de mots ?
Les adieux avec Mahé vous ont-ils également touchés ? Ce petit lien qu'il y a entre notre surfeuse et sa petite amie ?
J'espère que tout l'ensemble vous aura plu ! Merci à tous d'avoir lu ce chapitre avec autant de temps d'attente, ainsi que d'avoir suivi leurs aventures pendant 80 chapitres !
La fin et les derniers mots arrivent très vite (vendredi ou samedi) avant de se dire au revoir pour de bon...
Des choses à ajouter ?
On se retrouve vite pour la suite ! Gros bisous, Lina 😘
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