https://youtu.be/9NzlDUeS1U4
Moyen-Orient, Désert d'Arabie — Année 2121
Elle avait toujours pensé que la Terre ne flancherait jamais, peu importe ce que l'Humanité lui ferait subir. Et pourtant... les cent dernières années ont fini par avoir raison de sa force. La Nature n'était plus qu'un lointain souvenir, ne restait plus que ruines et désolation...
Mes enfants... Pardonnez-moi...
Elle rejeta la tête en arrière dans une vaine tentative de refouler le profond chagrin qui lui ravageait le cœur, comme à chaque fois qu'elle repensait à tout cela.
Le Soleil vint aussitôt inonder son visage et ses longs cheveux blonds de ses rayons aveuglants. Haut dans le ciel, il semblait immense et terriblement proche. Autrefois source de bienfaits et de réconfort, sa chaleur était désormais écrasante et mortelle.
Ses grands yeux bleus s'emplirent de mélancolie en affrontant l'astre du regard sans ciller une seule fois. Ils s'en détournèrent ensuite pour se perdre dans l'océan de sable qui s'étendait à perte de vue. Les milliards de grains étaient de véritables brasiers, et pourtant, elle y enfonça davantage ses pieds nus en soupirant imperceptiblement. A travers sa peau nue, elle espérait désespérément ressentir les battements de cœur de la Terre mourante. Celle qui aurait dû être un Eden, un paradis, pour tous ses enfants.
Comment en sommes-nous arrivés là... ?
Ses larmes coulèrent silencieusement sur ses joues à cette pensée. Oui, comment ?!
— Mère.
Elle reprit aussitôt contenance avant de se retourner vers le nouveau venu et lui offrir un beau sourire. Assan ne fut bien évidemment pas dupe et lui tendit un mouchoir du même blanc immaculé que son costume. Sa tenue offrait un élégant contraste avec sa peau d'ébène. Tout comme elle, l'homme était l'un des rares à ne porter ni combinaison, ni lunettes de protection en plein cœur de ce désert aride et mortel.
— Mère... séchez vos larmes, je vous prie. L'heure n'est-elle pas aux réjouissances ? Nous l'avons enfin trouvé.
Oui. Après des années et des années de recherche et de sacrifice, ils avaient fini par le trouver. Le secret de la guérison et de l'immortalité.
— Oh Assan, pardonne-moi ce moment d'égarement. Tu as raison, c'est merveilleux ! Je n'arrive pas à y croire... c'est tellement... toutes ces années et... il est enfin là... !
Elle lui prit la main, souriant sincèrement à travers ses larmes. Assan la couva d'un regard tendre, presque adorateur, pour toute réponse.
Il l'entraîna ensuite vers le chantier archéologique autour duquel s'activaient fiévreusement les agents d'Immortalys. Telle une fourmilière, ils allaient et venaient aux abords d'une large cavité profondément creusée dans le sol, suivant les ordres et indications pour en extirper un imposant sarcophage en pierre.
Assan à ses côtés, elle se planta le plus près possible du précipice en se tordant les mains avec une certaine nervosité. Elle se sentait partagée entre l'appréhension et la joie face à leur trouvaille. Indifférente à la chaleur et à l'effervescence générale, elle n'avait d'yeux que pour le sarcophage, suivant son ascension d'un regard avide et fasciné.
Son cœur tambourinait presque furieusement dans sa poitrine à mesure que l'objet de sa convoitise était remonté hors de la fosse. Il était enfin là... elle pourrait bientôt le toucher, le serrer dans ses bras... l'embrasser... Mais le voulait-elle vraiment ?
Tout était de sa faute.
Non. Elle ne devait pas se laisser parasiter par les pensées négatives. Elle secoua la tête pour les chasser et se tourna vers Assan qu'elle prit à nouveau par la main.
— Je suis tellement heureuse, mon enfant, murmura-t-elle. Merci pour tout. Grâce à tes efforts et le dévouement d'Immortalys, je vais enfin pouvoir me racheter et préserver ma descendance... sauver tous mes enfants... Todah ravah lakhe (1) !
Elle reporta ensuite son attention sur le cercueil qu'un rover était en train de tracter sous un pavillon en toile blanche. Assan l'y entraîna aussitôt avec hâte, impatient d'examiner le trésor de plus près.
— Professeur Bakary, Mère ! les apostropha aussitôt un jeune chercheur en se précipitant à leur rencontre, l'air tout surexcité.
"Christophe" indiquait son badge. Son cœur se gonfla d'une fierté immense à la vue de cet enfant déjà si brillant à cet âge. Il était encore si jeune...
— Nous avons passé le cercueil aux rayons Oméga et n'avons détecté aucune trace de virus ou d'agents pathogènes. Par contre, la présence des symboles hébraïques sur toute la surface en pierre a fortement perturbé le spectromètre. J'ai même cru que l'appareil allait disjoncter ! Nous avons affaire à une magie de protection vraiment puissante.
Tout en parlant, il gardait les yeux rivés sur l'écran de sa tablette en verre. Sa combinaison de protection flottait sur ses épaules et ses lunettes glissaient constamment sur son nez. Ses cheveux noirs en bataille complétaient parfaitement son apparence négligée.
— Il fallait s'y attendre, grommela Assan en s'approchant de leur trouvaille, la mine soudain assombrie. Je suppose que c'est Lucifer qui est à l'origine du sort. Il ne veut surtout pas que le cercueil soit retrouvé et encore moins ouvert...
Son sang se glaça aussitôt dans ses veines à l'évocation de ce nom qu'elle haïssait tant.
— S'il vous plaît, ne mentionnez pas ce vil serpent devant moi ! s'écria-t-elle d'une voix pleine de ressentiment. C'est entièrement sa faute si nous en sommes là aujourd'hui !!
Elle fut coupée dans son élan par un bruit sourd, suivi d'une brutale secousse, qui ébranla tout le campement. Le choc faillit les envoyer au sol, mais elle tendit les deux paumes en avant, créant un halo doré tout autour d'eux, tel un cocon protecteur.
Une nouvelle secousse plus violente ébranla les lieux. Des bruits d'explosion, suivis de coups de feu et de clameurs leur parvinrent ensuite de l'extérieur.
— Quand on parle du loup... soupira Assan, la mine contrariée.
Ce... démon n'avait pas perdu de temps !
Ses poings se serrèrent malgré elle. Ses grands yeux bleus s'écarquillèrent à la fois d'effroi et de colère mêlées. Elle amorça un geste vers la sortie. Ces cris... il allait encore faire du mal à ses enfants ! Elle ne le laisserait plus faire !
Assan et Christophe la retinrent cependant chacun par le bras. Le premier affichait une expression ferme, tandis que le plus jeune, lui, semblait choqué par sa propre audace. Il s'empressa d'ailleurs de la relâcher en bafouillant des excuses, le regard baissé et les joues rouges d'embarras. Elle ne lui accorda cependant aucune attention.
— Laissez-moi ! cria-t-elle, perdant toute contenance et fusillant Assan du regard. Je dois tous vous protéger ! Je ne laisserais plus aucun de vous mourir et encore moins de la main de cet... de cet abominable...
Sa voix se perdit dans un sanglot, alors que des images de sa famille brisée... morte... lui revenaient brutalement en mémoire. Ses poings se serrèrent à nouveau, de minuscules éclairs se formèrent autour du halo doré qui les entourait, crépitant furieusement.
Serpent... je vais te faire payer ! Tu ne feras plus souffrir aucun de mes enfants !
— Mère, je vous en prie ! Vous ne pouvez plus rien pour eux ! plaida alors Assan d'un ton qui se voulait calme, mais sa voix transpirait l'inquiétude. Chacun d'entre nous est prêt à donner sa vie pour vous. Mais aussi pour ce sarcophage qui ne doit surtout pas tomber entre les mains de... de cette créature des enfers ! S'il vous plaît, vous devez respecter la volonté de tous ces agents dehors et retourner à Eden saine et sauve...
— Mais...
— Je prépare un portail Oméga ! annonça vivement Christophe en se détournant, ne pouvant supporter de voir ses yeux bleus se remplir de larmes.
Il se précipita vers le générateur, une imposante machine devant laquelle le sarcophage avait été placé de manière à ce que les deux soient parfaitement alignés. Ses doigts volèrent sur le clavier de l'appareil qui émit aussitôt d'étranges vibrations, tout en s'illuminant peu à peu d'une vive lumière blanche.
Pendant ce temps, les secousses et les explosions se rapprochaient inexorablement de leur tente. L'autre serpent allait leur tomber dessus d'une minute à l'autre.
Elle serra les dents, les lèvres tordues de haine et de colère. Pourquoi ne pouvait-il pas laisser sa famille tranquille ?! Même après 150 000 ans, ce démon continuait de s'en prendre à ses enfants et de les faire souffrir encore et encore !
Tout ça pour... pour lui. A cause de lui. Jamais elle ne pourrait lui pardonner ses actes égoïstes. Jamais. Et pourtant son cœur flanchait déjà à l'idée de le revoir...
— Portail Oméga ouvert dans trente secondes ! cria Christophe par-dessus le vacarme ambiant. Tenez-vous prêts à le traverser avec le cercueil !
La jeune femme resta cependant figée sur place. Elle se sentait déchirée entre l'envie de régler ses comptes avec son Némésis de toujours et celle de faire honneur au sacrifice de ses enfants. Rapporter le cercueil et son occupant à Eden, trouver enfin le remède aux maux de l'Humanité et la sauver de l'extinction... Étrangler ce vil serpent de ses propres mains... Non ! Rapporter le cercueil et sauver l'Humanité ! Tuer cet abominable démon...
— Vingt secondes !
— Je partage votre douleur, Mère. je la comprends tellement ! Vous savez qu'Immortalys est ma famille. La mort de chaque agent est une véritable torture pour mon coeur et mon âme.
La voix douce d'Assan mit fin au combat de volonté qui faisait rage dans son esprit. Ses paroles finirent par la décider et elle hocha la tête, des larmes de rage et de frustration dévalant ses joues. Elle serra les poings encore plus fort, mais consentit à s'avancer vers le sarcophage qu'elle effleura brièvement du bout des doigts. Elle sentit la pierre vibrer doucement à son contact. La sensation chamboula immédiatement son rythme cardiaque.
— Dix secondes ! Préparez-vous à traverser le portail !
La voix de Christophe fut engloutie dans un vacarme assourdissant lorsque leur tente fut balayée par une violente bourrasque. Au même moment, le portail se matérialisa devant eux sous la forme d'un long tunnel de lumière. Il se mit à aspirer le sarcophage dans un rayonnement aveuglant. Assan se précipita à son tour, l'entraînant à sa suite.
— Christophe ! Mon enfant, viens ! cria-t-elle, une main tendue vers le jeune scientifique qui fixait quelque chose derrière eux, d'un air à la fois terrifié et fasciné.
Lucifer... Elle sentait son regard lui brûler la nuque, le devinait hostile et plein de rancœur. La haine de cette abomination à son encontre n'avait d'égal que la sienne. Elle mourait d'envie de se retourner et lui faire face une bonne fois pour toute.
Il devait payer pour tout... mais plus tard. L'heure de la vengeance viendra. Pour l'instant, elle devait d'abord sauver ses enfants.
— Christophe ! répéta-t-elle, sortant finalement le jeune homme de sa torpeur.
Il s'empressa de les rejoindre au moment où la lumière du portail Oméga les engloutissait entièrement avec le sarcophage.
Elle entendit distinctement le Déchu hurler son nom, mais l'ignora. Elle préféra fermer les yeux et s'abandonna dans cet océan chaud et immaculé qui les ramenait à la maison.
Eden...
(1) : "merci infiniment" en hébreu
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