« - Alors Shershalla ? Demanda Manuel en entrant dans le poste de pilotage du navire volant.

- Depuis que nous avons changé de monde, le navire fonctionne parfaitement. Le niveau d'Erapha de votre monde est très bas, mais suffisant pour voler.

- Nous ne sommes plus sur le système d'urgence ?

- Non, il est inutile pour le moment, répondit Calianne des manettes entre les mains. Et toi ? Tes réparations avancent ?

- Trois jours de boulot... Je reste pour voir ce que Nemaya veut nous montrer, puis je décolle, répondit le jeune homme en voyant la Russe sur la proue du navire. La princesse se tenait juste derrière elle, bras croisée, le regard sur l'horizon.

- Et si tu perds de nouveau le contrôle là-bas ? Reprit la Dryade, inquiète.

- Une fois m'a suffit. Je devrais réussir à la contrôler ce coup-ci.

- Mais si...

- Ça suffit Calianne, coupa doucement la capitaine du navire. Elle nous fait signe de descendre, prépare l'atterrissage. »

Nemaya s'était retournée et avec de grands signes montrait le sol. Sous le regard surprit de Manuel, Shershalla et Calianne tirèrent une série de commandes et le navire s'inclina pour tourner et faire demi-tour.

« - La zone dégagée, au milieu des bâtiments, on se pose là ;

- Bien. »

Sous l'action des deux pilotes, le navire se cambra et se posa dans ce qui restait d'un parc au milieu des bâtiments. La ville se trouvait dans une vallée encaissée et, tout autour, des montages masquaient l'horizon. Après un rapide coup d'œil aux alentours, la ville avait été abandonnée depuis longtemps. Les carcasses de véhicules traînaient ça et là. Les murs défraîchis laissaient grimper des plantes sur leurs parois. Certain d'entre-eux étaient éventrés, souvenir d'un terrible combat. Le silence de l'endroit était oppressant.

Quelques machines descendirent du navire pour prévenir toute attaque possible : En dehors de Nemaya, tous à bord ignoraient les réactions des habitants de cet endroit. Pourtant, le contact fut rapide, car, l'arrivée du navire volant ne fut pas discrète. Rapidement, le bâtiment fut entouré de soldats et de de chimères prêtes à en découdre. Fusil à la main, l'un des soldats sorti de sa cachette et avança vers le Corbeau-Couronné. Il baissa son arme quand Nemaya vint à sa rencontre avant de lui parler. Mais la guerrière ne lui répondit pas. Salida la rejoignit et pu échanger quelques mot avec le garde.

« - Bonjour, commença-t-elle

- Bon Dieu,... qu'est-ce qui vous est arrivé ? Demanda le garde, en voyant la tigresse bipède avancer vers lui.

- C'est un petit peu compliqué...

- Ce n'est pas contagieux au moins ? Coupa l'homme.

- Non rassurez-vous. Je suis une chimère...

- Ha ouais ? Coupa une nouvelle fois le soldat. Et qu'est-ce que vous venez faire ici ? »

Salida croisa les bras avant de répondre de manière désobligeante : « Vais-je pouvoir finir mes phrases ou vous allez me couper à tout bout de champ sans que je puisse finir mes explications ?

- Allez-y !

- Cette jeune femme nous a guidé ici. Elle voulait nous montrer quelque chose, j'ignore vraiment quoi... Mais nous ne sommes pas venu nous battre.

- Vraiment ? Dans ce cas, pourquoi deux AMC sont sortis de ce navire ?

- Simple mesure de protection.

- Princesse ? Est-ce vous ? »

Sortant du décors comme un monstre sortirait de la toile d'un peintre, Magla, la responsable de la communauté chimère avança vers la princesse avec prudence. Salida comprit immédiatement que la vielle chimère utilisait les paroles des hommes et non la mémoire pour signaler au garde l'importance de celle qui se trouvait devant eux.

« - Qui es-tu ?

- Je suis Magla votre majesté, je suis responsable de cette petite communauté. Ici, nous vivons en paix avec les Humains, chacun de son côté, il est vrai, mais nous nous aidons mutuellement. Que venez vous donc faire en ces lieux ? Si votre cousin l'apprends vous aurez de gros problèmes.

- Il essayera de me tuer. Je sais... Alors, autant rester discrètes.

- Bien sûr.

- Magla ? Interrompit le garde, tu les connais ? »

D'un mouvement lent, l'énorme créature tourna la tête vers le combattant.

« - Oui Tabril, je les connais. Je te présente la seule dirigeante de droit du peuple Chimère : La reine Salida. Je te suggère également de t'adresser à elle avec le plus grand respect si tu ne veux pas avoir de futurs problèmes avec les chimères.

- A ce point ?

- C'est aussi sacré pour nous que le sont les églises orthodoxes pour toi. Je répond d'elle. »

Immédiatement, le soldat releva son fusil avec un visage à la fois surpris et gêné ; ce fut à peine s'il murmura un ''désolé votre seigneurie...''. Avec un mouvement de tête un peu brusque il se retira pour parler dans le talkie-walkie qu'il possédait.

Par l'intermédiaire de la mémoire, Salida intima l'ordre à Magla de tout faire pour que Manuel ignore qu'il était probablement Roi.

- Pourquoi donc ? C'est ce qu'il est, non ?

- C'est trop tôt. Je ne suis sûre de rien, techniquement oui, mais dans la réalité ? Il ne comprendrait pas forcément la situation et je ne veux pas l'embrouiller avec ça. Fait passer le mot dans ta communauté : pas de gaffes par pitié.

- Vous avez peur qu'il abuse de ce pouvoir ?

- Pas vraiment, plutôt l'inverse... C'est assez compliqué.

- Comme vous voudrez, mais il faudra bien lui dire un jour ou l'autre.

- Oui, mais plus tard.

« - Le chef Stein veut vous voir, c'est lui qui dirige la communauté humaine ici. On fait venir une voiture, coupa le garde en revenant. Il veut voir les responsables de votre groupe pour discuter de la suite. »

Avec un petit sourire à Nemaya, qui conservait son visage sans expressions, Salida se dit qu'elle ferait comme les Humains. A la grande surprise de Magla, elle se retourna, mit les mains en porte-voix et cria :

« - Manuel ! Descends ! On a besoin de toi !

- J'arrive ! » Répondit une voix lointaine.

*

* *

*

Dans son bureau, Myanate réfléchissait à la suite à donner aux opérations de recherche des Démons d'Alikaross. Les quelques survivants des navires abattus n'avaient pas pu donner de véritable raison quant à ce qui s'était réellement passé dans les montagnes. D'après eux, les quatre objets qu'elle avait sous les yeux pouvaient lui donner toutes les informations qu'elle voulait. Les humains les appelaient des enregistreurs de vol, ou encore ''boites noires''.

Quelle appellation débile ! Commenta-elle devant les boites tordues aux couleurs criardes. Ça n'a absolument pas la couleur noire... et comment extraire les informations sans les détruire ? Les Humains m'ont pourtant mis en garde : je dois sortir les informations sans les casser. Sinon, je perds tout... Décidément, ils font les choses de manière bien compliquée ceux-là. Où pourrais-je bien trouver un ''lecteur'' comme ils disent ?

Dans son coin, rattaché au poignets, le soldat ne bougeait plus. Elle jeta un regard satisfait à ce corps abîmé. Elle sourit quelques instant en le regardant : Incroyable comme ils sont fragiles, deux accouplement et c'est déjà fini... on ne tirera jamais rien ce ces esclaves je le crains. Ils n'ont aucune résistance, aucune force, pas d'Erapha, et encore moins la volonté de servir la Déesse-Impératrice... Une perte de temps et ils génèrent de nombreux problèmes.

D'un regard au ciel, juste derrière elle, le souvenir des Démons d'Alikaross, lui revint en mémoire.

Il y en a quand même trois qui sont dangereux... et, personne n'arrive à les attraper... Pourquoi ? Qu'est-ce qui peut bien motiver ce genre de soldat ? ... Comment les forcer à sortir en terrain découvert pour les vaincre ? Comment Arsear s'y est-il prit la première fois ?

Sans vraiment savoir ce qu'elle faisait, elle sortit un petit bloc de laiton du bureau et l'inséra dans son bureau. Rapidement, les images de la bataille de Gibraltar apparurent. Myanate vit la stratégie implacable que le Seigneur des terres de Kalam et de Youris avait mis en place.

Peu de navires... mais un plan très bien préparé et exécuté... Ingénieux... Mais un individu intelligent peut être dangereux pour la Déesse-Impératrice... En a-t-elle seulement conscience ? Il va falloir le surveiller...

*

* *

*

Les armures de l'escadron Papillon se posèrent longtemps après avoir quitté le corbeau-couronné. La nuit tombante, et jugeant que le navire était assez loin, Hécate prit sur elle de contacter le commandement. Pourtant, en dépit de toutes ses tentatives, les ondes restaient désespérément muettes.

« - Controle-commande ? Ici Hécate, escadron Papillon, répondez contrôle.

- Tu perds ton temps, commenta Oneshot.

- Et moi je ne veux pas retourner là-bas, ajouta Shojo.

- Je n'ai pas demandé votre avis. Aux dernière nouvelles je dirigeais cette escadron.

- Ici contrôle-commande, nous vous écoutons papillon, grésilla la radio.

- Contrôle-commande ? La mission n'a pas été accomplie, il y a eu une erreur avec les objectifs de mission. Je suppose que nos ordres ont été piratés.

- Répétez Papillon. La mission est un échec ?

- Négatif contrôle-commande. Il y a eu des erreurs dans les ordres de mission.

- Rentrez à la base de Bordeaux pour débriefing. Confirmez vos ordres.

- Ici Papillon, nous rentrons à Bordeaux pour débriefing. Bien reçu Contrôle-commande. Terminé. »

Devant elle, le reste de la petite troupe avait entendu l'échange radio et attendait ses ordres.

« - On se repose ici cette nuit, demain, on repart pour Bordeaux. Cyclope, organise un tour de garde. Il y a de forte chances que nous soyons interrogés. Pour ma part, j'ai bien réfléchi à ce qui s'est passé avec la Fantasy-Circus, contrairement à Doux-dingue, qui devient un peu plus paranoïaque chaque jour, je serai encline à penser que notre système a été piraté, et que nos ordres aient été contradictoires.

- Ouais... Bah moi, j'ai plutôt l'impression que cela a été fait sciemment, murmura quelqu'un.

- Si c'est le cas, on est dans la merde, ajouta un autre

- Pensez ce que vous voulez. Mais laissons les mecs du commandement déverminer cette affaire. Assez tergiversé, préparez le camp. »

*

* *

*

Après avoir traversé les routes du petit village avec trois chimères trottinant derrière, la voiture se stoppa devant une vielle boutique de récupération.

Du véhicule, Nemaya chercha Rald du regard, sans succès.

« - Voici donc nos visiteurs... Bonjour, Magla, comment vas-tu ?

- Bonjour Stein, tout va bien, et toi ?

- Comme d'habitude... mes vieux os me font mal. Tu as rencontré nos ''invités'' ? Qu'en as-tu pensé ?

- J'étais là quand tes hommes sont intervenus pour déterminer leurs intentions.

- Et ?

- Il n'y a pas de risque réel...

- Tiens donc ?

- Et tu vas avoir l'honneur de rencontrer le couple roy... la reine légitime et son mari, se reprit la chimère après un regard noir de Salida tandis qu'elle descendait du véhicule décapotable avec Manuel et Tégos.

- La reine des chimères et son mari ? Ils ont perdu en taille ironisa le vieil homme. Avant de se reprendre devant le désaccord de Magla. Mais c'est un honneur de les recevoir... Je ne vois que des femelles, répondit-il en constatant Salida et Tégos. Est-ce normal ?

- C'est la reine et sa garde du corps. Son mari... C'est l'Humain. »

Le chef Stein resta un quelques instants interdit devant une annonce aussi insolite. Il plongea son regard usé mais encore vif dans les yeux de la Magla cherchant désespérément la preuve d'une plaisanterie. Mais il n'y eut rien, simplement le fait qu'elle avait accepté l'existence d'une une telle union. L'un après l'autre, le vieil homme dévisagea les deux amoureux après s'être rapproché d'eux. Trop proche au goût de Manuel et Tégos. Le premier fit un pas pour s'interposer, la seconde grogna doucement pour signifier son désaccord.

Les lunettes de soleil, une moitié du visage tatoué comme celui d'un maori et les cheveux blanc comme la neige n'impressionnèrent en rien le vieil homme.

« - Je vois souhaite la bienvenu à tout les deux, mais, je dois m'assurer de la sécurité de tous ici alors je n'irais pas par quatre chemin... Qu'est-ce que vous êtes venus faire dans le coin ?

- Nous sommes venus chercher de l'équipement, répondit Salida.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que nous vous le donnerons ?

- Qu'est-ce qui vous fait croire que nous sommes venus prendre le vôtre ? »

La réponse du tac au tac de la créature lui fit comprendre que cette dernière n'avait pas peur non plus.

« - Doucement Stein, gronda Magla. Ils méritent ton respects, ils n'ont rien à voir avec l'actuel Roi des chimères.

- Vraiment ?

- De ce que je sais, que ce soit le gouvernement Humain ou le l'actuel Roi des Chimères, les deux veulent les voir morts. La désinformation a probablement déjà commencé.

- Que feront les chimères s'ils venaient à disparaître.

- Une bonne partie entrerait en guerre pour les venger. Le reste préférera se laisser mourir. Comprends-moi : c'est tout ce qu'il nous reste.

- On n'est pas là pour mettre le souk » Ajouta Manuel dans un russe parfait. Le berserker ayant depuis longtemps intégré les propriétés du collier Silridriss dans son esprit.

« - Alors vous venez pour l'Arche... murmura le vieil homme, pas de bol : on n'a toujours pas réussi à l'ouvrir.

- L'Arche ? Demanda Salida

- Ce sont des légendes, non ? Fit Manuel incrédule.

- Qu'est-ce là ? Interrogea Magla

- Voyons si tu sais vraiment de quoi tu parles jeune Homme : je te laisse répondre et je te corrige.

- Les Arches sont des dépôts de matériel et de munitions laissés par l'armée russe... Question armement, les russes n'ont jamais rien jeté, même les trucs les plus obsolètes. Généralement c'était stocké dans des chambre souterraines protégés comme des bunkers. D'après la légende, il y aurait de quoi équiper une armée entière.

- Bien...

- Mais ce n'est qu'une légende, objecta Manuel. Les russes auraient dû dépenser des milliards rien que pour la maintenance.

- Non, ce n'est pas une légende, et, d'après ce que nous savons, tout est probablement en parfait état : Les informations que nous avons retrouvés dans les ruines du Kremlin explique que la nation russe avaient trouvé un moyen de protéger son matériel de la corrosion par gaz neutre. Et... il y en a une ici

- Alors tout serait à l'état neuf ? Impossible, murmura le jeune homme.

- C'est pourtant vrai. Mais la base est protégée. Quiconque n'utilise pas le bon code d'entré est tué par le système d'autodéfense... »

Magla releva la tête et dévisagea Nemaya, se souvenant que la combattante Russe avait ouvert la falaise devant elle. Dans son esprit, la liaison supposée de la jeune femme avec la tragédie de ces lieux devint clair. Nemaya avait eut accès aux armes de l'Arche, et elle s'en était servie pour se défendre...

Pas étonnant qu'elle se soient enfermée dans le mutisme... un tel traumatisme. N'importe qui serait devenu fou.

Ignorant totalement être le sujet des attentions de la chimère, Nemaya continuait de chercher du regard le jeune homme.

« ... un type du carré d'argent a tenté de passer en forçant les accès. Continua le chef Stein. On l'a enterré peu après. Quand les anciens voulaient construire une merde, faut reconnaître qu'ils savaient bien s'y prendre.

- Et si nous avions les accès ? Demanda Magla. Que voulez-vous tirer de ce lieu de mort ? Tout en transmettant l'information à Salida dans la mémoire sur celle qu'était réellement Nemaya.

- Pardon ? Ce ne sont pas les armes que nous voulons extraire de cet endroit. Ce sont les données. Le reste n'a aucun intérêt : nous vivons en paix avec les chimères et cela doit rester ainsi. Tu cherches Rald n'est-ce pas ? »

A la prononciation du nom du jeune homme, la guerrière regarda le vieil homme. Elle ne comprit qu'après coup le sens de sa question, et hocha la tête pour signifier son assentiment. Salida la regardait également, mais différemment, elle ne comprenait pas qu'une personne ayant une telle haine des chimères ait pu assurer sa protection.

« - Il fait parti d'un groupe d'exploration aujourd'hui. Il reviendra dans la soirée, cesse donc de t'agiter. Et vous ? Pourquoi voulez-vous entrer dans l'Arche ?

- Nous avons besoin de tout ce qui peux servir, cela comprends notamment le matériel militaire. » Répondit Manuel en constatant que Salida était concentrée sur la guerrière aux cheveux roux.

« - Vous avez l'intention de déclencher une guerre ?

- Nous sommes déjà en guerre. Contre les Silridriss.

- Ils ne sont pas une menace ici : nous n'en avons vu aucun dans le coin.

- Cela ne veux pas dire qu'ils ne sont pas dangereux : Je veux mener ce matériel là où il sera correctement utilisé.

- Si vous arrivez à ouvrir l'arche, vous pourrez prendre tout ce que vous pouvez avoir besoin. Sauf les données. Cela vous va ?

- Pas complètement : nous aurons aussi besoin des informations. Nous en ferons des copies

- Cela ne devrait pas poser de problèmes. »