10 : Découvertes (3/3)
Myanate se prélassait sur le dos dans l'eau chaude. Son corps parfait bénit par la Déesse-Impératrice affleurait à sa surface. Le décor n'avait rien à envier au palais de la Déesse-Impératrice. Le sol, en pierre grise, poli après des années de travail, était devenu aussi doux que du satin et aussi réverbérant qu'un miroir. Le soleil couchant se reflétait d'ailleurs dessus à l'aide d'une lumière rasante et éclairait tout l'intérieur de la pièce d'une lumière jaune et chaude. Les colonnades savamment taillées qui cerclaient le bassin dressaient vers le ciel quelques statues de personnalités qui avaient émaillés l'Histoire Silridriss. Tout autour, un jardin luxuriant qui juraient fortement avec l'aridité du monde. Devant les yeux de la favorite, le ciel couleur mauve qui s'assombrissait de plus en plus, annonçant une nuit froide et sombre.
Malgré le temps passé dans le bassin, la Favorite avait du mal à se détendre. Estelarielle était en train de paniquer, alors que rien ne laissait présager la réalisation de la prophétie. Le Klastlabad était surpuissant, et rien n'arrivait à sa hauteur. Même les quelques nouvelles machines Humaines étaient en sévères difficultés lorsqu'il s'agissait d'affronter des Kalieks ou une Favorite. Renforcer les défenses du Klastlabad étaient une bonne idée vu que c'était là leur principal point faible. Le principal obstacle à la conquête était le fanatisme de certains Humain et le refus d'abandonner des autres.
« - Ô Favorite, nous avons un appel d'un seigneur des forges, fit un soldat après s'être mis en position de soumission.
- Je t'écoute.
- Il n'a pas reçu la cargaison d'esclaves qu'un négociant était passé prendre pour lui.
- Pourquoi ne l'appelle-t-il pas ? Le négociant à quitté la cité, ce n'est pas à moi qu'il doit s'adresser...
- C'est ce qui l'inquiète : il n'arrive pas à le joindre, et la cargaison aurait dû arriver il y a deux jours maintenant. »
Cette dernière nouvelle la fit mettre debout dans le bassin. Elle prit alors quelques instants de réflexions avant de demander :
« - Que savons-nous ?
- Rien. Les navires ont simplement disparus.
- Envoyez trois bâtiments sur leurs traces, et faites-moi un rapport immédiat si vous découvrez quoi que ce soit.
- Il sera fait selon vos désirs, Ô Favorite. »
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Mais où sont-ils ? Pourquoi n'y a-t-il aucune trace de leur présence ? Si ces traces dans le ciel sont bien celles faites par des Humains, il y a forcément une présence...
Devant un enregistrement effectué par l'une des sphères, Arsear s'interrogeait sur ce qui se passait et sur ce qu'il convenait de faire. Rig-rid, assise à califourchon sur sa cuisse droite regardait le paysage défiler sur l'écran sans pour autant remarquer quoi que ce soit d'inhabituel. La main droite du Seigneur Silridriss posée sur son ventre lui permettait de maintenir son équilibre. Le bureau était le seul endroit un peu intime où ils pouvaient aborder tout les sujets pour peu qu'il n'y ait pas de spectateurs. Arsear empêcha l'ingénieure de glisser sur la gauche avant d'engager la conversation :
« - Es-tu sûre de ne pas t'être trompé dans les coordonnées ?
- Certaine, répondit la gnome. C'est un simple calcul d'angle... Ils sont là.
- Mais il n'y a rien à cet endroit. Pas la plus petite trace d'Erapha, pas de mouvements, pas de matériel, pas de construction... »
Rig-rid se retourna et posa sa main là où le cœur du Silridriss devait se trouver avant de répondre :
« - Ici, non plus, il n'y a rien, je ne vois rien, je ne sens rien, dit-elle en frottant un peu. Pourtant... Le trésor qui y est caché n'a pas son pareil, s'il venait à être découvert, il serait détruit. Et avec lui, l'espoir de bien des gens... Alors il doit rester caché. »
Le saurien maintint la main de la gnome sur sa poitrine. Il ferma les yeux, appréciant le contact chaud sur la peau froide avant de rouvrir les yeux et les poser sur la petite créature posée sur ses genoux.
« - J'ai compris, lui murmura-t-il. Berik ! reprit-il de manière plus impulsive, ramène les sphères puis cap au nord. Il n'y a rien ici... Oui, le phénomène est peut-être naturel, nous le saurons plus tard. Je note ce qui s'est passé ici dans le livre de bord. Fin d'alerte pour tous les navires.
- Vous n'allez pas chercher à les contacter ?
- Si, mais pas avec autant de machines de guerre. S'ils sont vraiment ici, ils ne se montreront pas avec une flotte ennemie à côté d'eux. Je vais éloigner la flotte et utiliser la machine que tu m'as fabriquée. Je devrais être protégé d'à peu près tout ce qu'ils pourraient avoir contre moi.
- Faites tout de même attention aux Démons d'Alikaross s'ils sont là : ils ont tendance à contrecarrer à tout ce qui se présente face à eux.
- Hum... promis. » Répondit le Silridriss perdu dans ses réflexions.
Voyant que le Seigneur des terres de Kalam et de Youriss reprenait cette mine refermée de celui qui est seul dans l'univers, elle ne put s'empêcher de le serrer dans ses bras. Elle ne pouvait même pas faire le tour de la poitrine d'Arsear avec ses bras, pourtant, elle le serra autant qu'elle le pu. La réaction surpris le Silridriss, de même que la petite force qu'elle exerçait. En souriant, il l'enlaça doucement, prenant garde à ne pas la blesser.
Je dois trouver un moyen pour cesser de lui faire du mal... J'ai de plus en plus de mal à le supporter... A me supporter, s'empressa-t-il de préciser en savourant le contact de la peau gnome. Ce contact généra alors l'envie qui les blesserait tout les deux. Il réprima ce besoin avec force et rapidité. Tout observateur extérieur n'aurait rien remarqué. Mais la gnome partageait ses douloureux sentiments, et, tout contre lui, la réaction biologique ne passa pas inaperçue.
« - Vous devriez partir ce soir, murmura-t-elle. S'ils sont cachés, ils sortiront à ce moment-là. Et ça nous laisse un peu de temps pour tout les deux. »
Lentement, les mains chaudes de l'esclave glissèrent contre le corps du saurien. Elles passèrent, avec une douceur enivrante, sous les vêtements de ce dernier, créant des caresses qui lui firent perdre tout self contrôle.
*
* *
*
L'alarme hurla dans le corbeau-couronné en pleine nuit.
Sirène stridente et gyrophare rouge.
Manuel sortit en trombe de sa couchette et ouvrit la porte de sa cabine à la volée. De la chambre en face de la sienne, Fernand sortait lui aussi. Une jeune femme finissait de s'habiller derrière lui. Dans le couloir de nombreuses personnes sortaient pour réagir à l'alarme.
« - Qu'est-ce qui se passe ? Hurla-t-il par-dessus les sons stridents.
- J'en sais rien ! C'est l'alarme incendie ! »
Un incendie à bord d'un navire en bois n'était pas une bonne nouvelle. L'alarme se coupa aussi vite qu'elle s'était déclenchée et ce fut la voix de Shershalla qui parla :
« - Le système incendie a détecté un départ de feu sur bâbord avant au niveau du pont médian. Si y'a quelqu'un de disponible là-bas ! Qu'il aille voir immédiatement !
- Shershalla ! C'est Manuel ! expliqua le jeune homme en prenant l'interphone de bord tandis que Fernand arrachait un extincteur de son support. Y'a du monde au pont médian, on va voir ! »
Les deux jeunes allèrent jusqu'à la cabine incriminée, qui curieusement ne s'était pas ouverte. Tout le monde à bord connaissait l'occupant de cette pièce.
« - Merde... Kouiros est là-dedans ! Fit Fernand en jouant avec la poignée sans succès.
- Kouiros ! T'es là ?
- Oui. Ne vous inquiétez pas : tout va bien, fit une voix calme derrière la porte. »
Les deux jeunes se regardèrent interloqués.
« - Qu'est-ce que tu bricoles ? L'alarme incendie s'est déclenchée !
- Heu... Je suis occupé, fit la porte qui s'entrouvrit juste assez pour laisser voir le visage et l'épaule de la chimère.
- Tout va bien ? Demanda Manuel inquiet.
- Oui, ne t'inquiète... pas... fit lentement le bouquetin qui tentait difficilement de résister à quelque chose. Les deux pilotes s'inquiétèrent plus face à sa réaction combinée à la forte odeur de brûlé qui filtrait de l'embrasure. On... voit ça... tout à l'heure si... ça ne vous dérange pas. »
Soudain par-dessus l'épaule visible de la chimère glissa amoureusement une main noire-ébène avec des morceaux de cartilages. Elle descendit lentement vers les pectoraux avant de brusquement claquer la porte et fermer le verrou.
Manuel et Fernand se regardèrent de nouveau, mais choqués.
« - Manuel, rassure-moi, j'ai pas rêvé là. Il est avec...
- Je dois faire le même rêve... Putain, je le plains.
- Qu'est-ce qui se passe en bas ? Cracha Shershalla dans le haut-parleur. Est-ce que ça nécessite un atterrissage en urgence ?
- Y'a rien de grave..., répondit Fernand le sourire aux lèvres. Tégos découvre comment on fait les bébés. »
Une fois dans sa cabine, Manuel s'assit sur le lit. Sur le coup, la réflexion de Fernand l'avait fait sourire, mais là, il ne souriait plus. L'inquiétude le gagnait petit à petit. Je suis marié à Salida, la reine des Chimères. Je suis Humain, elle est Chimère, comment... Comment puis-je lui donner un héritier pour le trône ? Moi, je me fous un peu du trône, mais elle ?... Déjà, est-ce que c'est biologiquement possible ? Pourrais-je avoir un enfant avec elle ?
*
* *
*
Higas attendait avec impatience le rapport des commandos envoyés pour chercher des informations. En dehors de celui qui avait atteint l'ancienne cité, il n'y avait pas de retours. Des mini-drones avaient été envoyés pour chercher les corps. Mais il n'y avait rien : les escouades avaient tout simplement disparues. La seule information qu'il avait trouvé valable provenait des satellites qui transmettaient la position des chimères à heures fixes. Les images infrarouges détectaient sans problème les masses chaudes de leurs corps. Pourtant, lorsque les AMC s'étaient mise à porté de tir, les cibles avaient disparues. Pire encore, des barrages d'artillerie avait plus d'une fois manqué de détruire les unités.
Dix jours de passés, et je n'ai toujours pas avancé d'un pouce.
Il ressorti la lettre trouvée dans la ville de la zone dévasté près de l'Arche. Et la regarda avec insistance.
Bande d'imbéciles... Si vous aviez rejoins les forces du gouvernement central vous ne seriez pas dans une telle situation. Au lieu de cela, vous avez préféré rester dans votre coin et laisser les autres tenter de sauver le monde... Pire que tout, vous avez pactisé avec les Chimères !
« - Mon Commandant ? »
Le supérieur sortit de ses sombres pensées et posa les yeux sur son aide de camp qui était entré dans la tente qui servait de poste de commandement mobile.
« - Quoi ?
- On a un contact avec l'un des opérateurs radio des commandos. »
Le soldat n'avait pas fini sa phrase que le commandant Higas s'était précipité jusqu'à la tente qui contenait le matériel radio. L'opérateur lui tendit immédiatement un micro, qu'il attrapa au vol.
« - Qu'est-ce que vous foutez soldat ? Ça fait une semaine que l'on attend de vos nouvelles.
- Désolé mon commandant, je viens à peine de récupérer ma radio.
- Comment ça ''récupérer'' ?
- Les chimères me l'on rendue. »
Dans l'esprit du commandant, ce qui se passait était totalement incongru.
« - Comment ça elles vous l'on rendue ? Vous avez été capturé ?
- Oui, tous. J'ai vu les gars des groupes Charlie, Echo et Delta. On est tous là. On va bien mais on est prisonnier dans l'Arche. Je... J'ai la reine des chimères en face de moi. Elle n'a pas l'air très contente, et elle nous écoute.
- A quoi ressemble-t-elle ? Demanda Higas qui avait un doute.
- Visuellement... Plutôt jolie, on dirait un mélange entre une femme et un tigre blanc. Me demandez pas de faire quoi que ce soit mon commandant : Il y a quatre autres chimères autour de moi, et celles-là font pas la même taille.
- Qu'est-ce qu'elle veut ?
- Qu'on lui foute la paix mon commandant, répondit le soldat après quelques secondes.
- Pourquoi ce n'est pas elle qui parle ?
- Pour que vous compreniez que vos Hommes sont tous en vie, qu'ils vont bien et qu'ils sont bien traités, répondit une voix féminine qu'il connaissait.
- Et ?
- Ils seront libérés lorsque vous prendrez possession de l'Arche. Dans cinq jours. Évitez seulement d'attaquer l'installation : non seulement vous risqueriez de l'abîmer, mais également de blesser vos hommes.
- Qu'est-ce qui me dit que vous ne tenez pas cet homme avec l'un de vos pouvoirs ?
- On a autre chose à faire. »
La réponse, claire, sèche et immédiate fit comprendre que la petite et faible créature qu'il avait vue dans le centre de recherche avait bien changé. Elle s'était muée en une Reine qui savait exactement ce qu'elle faisait.
« - Écoutez Salida, nous pouvons encore vous rendre votre forme initiale ...
- Celle que j'ai me convient tout à fait, coupa-t-elle.
- Princesse...
- Reine, corrigea-t-elle cette fois.
- Reine Salida, se reprit le commandant en faisant de gros efforts sur lui-même. Le gouvernement est en relation constante avec Hillgearim, il est le lien entre notre espèce et la vôtre. On peut encore trouver une solution entre nous, non ? »
Le silence qui suivit sa déclaration mensongère lui fit croire un court instant qu'il avait réussi. La réponse de Salida fut cinglante :
« - Manuel, vous considère comme un imbécile borné et vindicatif. Je constate qu'il est bien en dessous de la réalité. Pourquoi croyez-vous que de nombreuses chimères me suivent ? Elles ne supportent plus Hillgearim et ses méthodes barbares. Il préférera les éliminer jusqu'à la dernière plutôt que d'accepter des critiques ou de lâcher le pouvoir. Alors elles fuient, et je suis leur porte de sortie. Hillgearim a trahi le peuple Chimère, de la même manière qu'il a trahi l'Humanité.
- Comment ça ''Hillgearim a trahi l'Humanité'' ? Demanda Higas.
- Voyons... croyez-vous vraiment que les attaques sur le centre de recherche de Clermont-Ferrand soient purement dues au hasard ? Il en faut de la chance, pour trouver une cité sous-marine dans l'immensité de l'océan... »
Higas sentit un frisson d'horreur lui parcourir le dos de haut en bas tandis que Salida continuait : « Il vous donne des informations de premier ordre, et fait de même avec les Silridriss. Selon vous, quel est son but ?
- Une destruction mutuelle...
- Oui, et les chimères seraient alors placés en position de force vis-à-vis des deux autres espèces. Quel dommage que vous ne l'ayez pas compris tout seul.
- Pourquoi me dire tout cela ? Vous êtes une chimère vous aussi ! S'énerva le commandant. Quelles raisons ai-je de vous croire ?
- J'aime mon mari plus que ma propre vie.
- Et alors ?
- Je vous rappelle que mon mari est Humain. »
Higas ouvrit la bouche pour parler, mais aucune parole ne sortit de sa bouche : Manuel l'avait prévenu. Il allait objecter quelque chose mais la Reine le prit de court :
« - Avant de dire une ânerie, je vous conseille de vous renseigner sur l'importance du mariage au sein de mon peuple.
- Bon, que voulez-vous ? Demanda Higas qui se calmait.
- Cesser cette boucherie. C'est le souhait de tous ceux qui me suivent. Chimères, Humains, Silridriss, Gnomes, Golems, Dryades ou Sylvains... Peu importe leurs origines s'ils veulent vivre ensemble et en paix.
- Super, c'est notre souhait à tous.
- Ils y a une différence majeure entre mon souhait et le votre Commandant : Je ne prône pas la suprématie d'une espèce sur les autres. Fut-elle la mienne, je la refuse. Maintenant, je vais vous laisser le temps de réfléchir à tout ce que je vous ai dit, mais je le répète : cesser de nous ennuyer. Vous récupérerez l'Arche et vos hommes dans cinq jours. Cela se fera sans effusion de sang. Sauf si vous persistez à attaquer aveuglément. Salida, Reine des Chimères, fin de communications »
Higas, surprit, n'eut pas le temps de répondre à la fin de communication. Il se retourna et demanda au technicien de rétablir le lien. Ce dernier se battit un peu avec le matériel avant de déclarer avec dépit : « ils l'ont éteinte.
- Faites-moi une communication sécurisée avec Bordeaux. Grouillez-vous ! »
*
Salida reposa le combiné sur la radio avec douceur.
Dans la pièce, quatre chimères dans leurs formes originales ne quittaient pas des yeux un Humain nerveux. La présence des quatre monstres le stressait, et deux gardes commençaient à montrer des dents.
« - Je vous ai dit de pas vous agiter : ça les énerve.
- Euh... Oui... Mais,... Vous allez vraiment nous libérer ?
- Nous n'avons rien à gagner à vous maintenir prisonnier.
- Est-ce que votre mari... est vraiment,... un Humain ? Un garde grogna plus fort, mais se calma avec un mouvement de la tigresse anthropomorphique.
- Oui. Pourquoi ?
- J'ai du mal à l'imaginer : un Humain et une chimère ensemble... »
Avec une grâce féline Salida, se colla contre le corps de l'Homme, qui recula, gêné. Salida le suivit, le tout sous les regards des gardes qui suivaient de près les mouvements du soldat. Une fois collé au mur, Salida l'y coinça avec son propre corps. L'homme tendit les bras en croix, collant ses mains contre le béton nu. Lentement, elle amena son museau au niveau de l'oreille droite de l'Homme terrifié par ce qui allait arriver.
« - C'est précisément pour cette raison que la haine perdure : vous ne pouvez l'imaginer. » Murmura-t-elle avec douceur avant de reculer pour planter ses yeux d'argent dans ceux du combattant.
Ces quelques mots ne furent pas immédiatement comprit mais Salida constata avec satisfaction qu'ils se frayaient un chemin dans l'esprit du prisonnier.
Ramenez-le dans sa cellule. Comme tout à l'heure : évitez la violence.
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