Chapitre 17 - partie 1

Lyly observa les ailes de l'avion traverser les nuages blancs du petit hublot placé à sa droite. Le paysage semblait si lointain. Hormis les nuages, elle ne percevait parfois que de simples tâches de couleurs, lorsque l'avion redescendait légèrement vers la terre. La jeune fille savait désormais ce que ressentaient les oiseaux en volant : la liberté. La liberté de pouvoir aller où ils le souhaitaient quand ils le voulaient. Bordel, seul le temps pouvait les décourager et leur faire reporter leur destination au lendemain. Ils étaient si libres, contrairement à elle...

Parfois, les arbres ressemblaient également à de petits brocolis, à de petits brocolis qu'elle tentait d'attraper du bout des doigts, avant que ceux-ci ne se transforment de nouveau en tâches de couleurs, avant de disparaître et d'être remplacés par les nuages laiteux que l'avion traversait sans ménagement.

Tout s'était passé vite, bien plus vite que ce qu'elle aurait pu imaginer. Après avoir eu sa mère au téléphone et après avoir eu son accord, elle avait aussitôt acheté un billet d'avion pour la rejoindre. Ce n'est que lorsque tout fut bouclé que Lyly avait rejoint sa cousine dans le salon afin de la prévenir de son choix. Ashley était restée un instant aphone, ne comprenant pas pourquoi Lyly ne lui en avait pas parlé plus tôt, et avait finalement acquiescé la tête sans trop en rajouter. Ce n'est que lorsqu'elle avait demandé à sa cousine de ne pas en parler à Théo pour le moment qu'Ashley avait commencé à poser quelques questions. Sans trop en dire, elle avait seulement dit qu'elle ne voulait inquiéter personne, et elle était remontée dans sa chambre afin de rajouter quelques vêtements à sa valise, de peur de ne pas en avoir mis assez.

Théo allait sûrement se poser mille et une questions, il allait même sûrement lui en vouloir, mais que pouvait-elle faire à cela ? Il ne devait pas rester attaché à elle, c'était bien trop risqué pour lui ainsi que pour elle. Elle ne souhaitait pas souffrir, pas encore.

Fatiguée, Lyly laissa sa tête tomber sur la paroi fraîche de l'avion et ferma un instant ses paupières. Elle imaginait déjà la réaction de Théo. Bordel, pourquoi fallait-il toujours qu'elle gâche tout ? Il semblait attaché à elle, il semblait vraiment se préoccuper d'elle. Mais elle ne souhaitait pas avoir un père à ses côtés, elle ne souhaitait pas le voir sans cesse s'inquiéter pour elle, elle devait régler ses problèmes avant, elle devait panser ses plaies avant d'ouvrir son cœur, si ce n'était pas déjà fait...

Il hantait ses pensées, et cela depuis le premier jour. Était-ce une bonne chose de l'avoir rencontré ? Était-il prédestiné à l'aider ou bien à lui écorcher le cœur à vif ? Comment tout aurait évolué entre eux s'il n'était pas ami avec John et donc avec Ashley ? N'auraient-ils eu aucune attirance l'un envers l'autre étant donné qu'ils ne se seraient vu qu'en salle de cours ? Le destin, il n'y avait pas d'autres explications. Le destin les avait réuni.

Cela faisait bien des semaines qu'elle n'avait pas vu sa mère, elle avait tellement hâte de la revoir et de pouvoir l'enlacer dans ses bras. Même si rien ne s'était encore arrangé, être auprès de sa mère allait lui procurer une sorte de sentiment de sécurité, elle allait ressentir ce léger bien-être en la présence de sa mère, comme auparavant. Son principal objectif était de profiter de sa présence durant ces vacances, de profiter et de recharger ses batteries à bloc avant de repartir d'où elle venait.

Théo hurla à s'en déchirer les cordes vocales, la tête à l'extérieur, et repassa son visage à l'intérieur de l'appartement, le visage rouge de colère, avant de claquer la fenêtre.

— T'avais raison depuis tout ce temps ! Et je n'ai pas voulu t'écouter ! Putain, je n'aurais pas dû perdre autant de temps avec toi !

— Tu n'as pas le droit de dire ça, marmonna Lyly, les larmes aux yeux. Tu n'as pas le droit de me dire ça maintenant. Pas maintenant.

— Mais qu'est-ce que tu veux que je foute d'une femme comme toi ? D'une ancienne malade bouffée par son passé ? J'ai une vie à vivre, putain, je n'ai pas que ça à faire de te consoler, tu penses à moi ? Tu penses à ce que je veux ?

Lyly éclata en sanglots, sous les yeux réprobateurs de Théo, qui la fusillaient sur place.

— Et voilà, ça recommence, grogna-t-il. Putain, quand est-ce que tu vas arrêter de pleurer ? Quand est-ce que tu vas agir comme une femme ?

La jeune femme laissa ses larmes couler le long de ses joues, plus brisée que jamais.

— J'en ai ras le bol, termina-t-il. Je ne suis pas ton père, je n'ai plus la force de venir te consoler. C'est fini tout ça. Tu es tellement bouffée par ton passé que tu n'arrives même pas à avancer. Je ne peux plus supporter ça. Va-t-en.

Lyly se réveilla subitement et porta sa main sur son crâne, le cœur battant violemment contre sa cage thoracique. Bon sang, c'était quoi ça ? Tentant de reprendre sa respiration, Lyly referma ses paupières et inspira longuement. C'était quel genre de rêve ça ? Comment avait-il pu oser agir de la sorte ? Toute retournée, Lyly apporta sa bouteille d'eau jusqu'à ses lèvres et avala plusieurs gorgées à la va-vite avant de refermer le bouchon, les mains encore tremblantes. Même dans ses rêves les gens étaient cruels, comment cela pouvait-il être possible ?

Elle se laissa retomber contre le dossier de son siège et observa les passagers autour d'elle tout en expirant longuement. Personne ne la regardait, personne ne lui accordait la moindre importance. Cela voulait-il dire qu'elle n'avait pas crié ? Légèrement soulagée mais encore sous le choc des cruelles images qu'elle venait de voir dans son sommeil, elle reporta son regard sur le paysage que le hublot lui permettait de voir et tenta de focaliser son attention sur autre chose que Théo.

La jeune touriste récupéra sa valise dans l'aéroport et prit l'escalator afin de descendre à l'étage du dessous. Elle descendit des marches, tourna sur sa droite et prit de nouveau un second escalator avant de se retrouver à l'entrée de l'aéroport, bondée de monde. Où était sa mère ?

Le cœur battant à vive allure, toute excitée, elle passa la porte et arriva sur le trottoir. Après avoir jeté un coup d'œil dans les alentours et après ne pas avoir vu la moindre trace de sa mère, Lyly fronça légèrement les sourcils. Elle aurait aimé prendre un taxi, mais sa mère avait été catégorique au téléphone : tu ne rentres pas seule, tu m'attends, mais tu ne rentres à aucun moment seule, Lyly. C'était bien beau de donner des ordres, mais qu'en était-il de sa présence ? Elle ne la voyait nulle part.

La jeune fille prit place sur le rebord d'un petit muret à quelques mètres de l'aéroport et cala sa valise à ses côtés. Heureusement qu'elle avait pris un petit gilet avec elle, il faisait assez frais.

Le va et vient des touristes était incessant. Il n'y avait pas un seul moment où Lyly se retrouvait totalement seule sur son trottoir, il y avait toujours du passage, à chaque instant.

Lyly était connue pour sa patience, en réalité il n'y avait pas plus patiente qu'elle. Mais malgré elle, aujourd'hui, sa patience ne l'aidait pas, bien au contraire. Elle ne comprenait pas comment elle pouvait se retrouver ici, seule, sans la moindre trace de sa mère dans les alentours. Sa mère l'avait peut-être oublié, et elle n'avait aucun moyen de la contracter puisque son téléphone n'avait pas été retrouvé. Sentant le stress monter en elle, Lyly soupira lentement.

— Lyly !

La jeune fille sursauta et tourna le regard sur sa gauche. Un jeune homme accourut jusqu'à elle, le sourire aux lèvres, les cheveux noirs dans le vent, et s'arrêta en face d'elle, alors qu'elle s'était redressée sur ses jambes.

— Chris ! Mais qu'est-ce que tu fais là ?

Heureuse de voir une tête familière, la jeune femme l'enlaça, et lui refit face, éberluée.

— Ta mère m'a prévenu de ta venue, alors je suis passée te voir ! dit-il essoufflé. Je suis carrément heureux de te voir, ça me fait trop plaisir.

Lyly le laissa lui ébouriffer les cheveux, laissa échapper un petit rire avant de lui porter gentiment son poing dans l'épaule, toute souriante.

— Ça me fait plaisir aussi. Tu n'as pas changé.

— Pourquoi changer alors que je suis très bien comme je suis ?

Lyly ria et le jeune homme prit la poignée de la valise de son amie.

— Je t'amène chez ta mère. Je suis garé plus loin.

Elle acquiesça la tête et le suivit, le sourire aux lèvres. Comment sa mère avait-elle pu manigancer cela aussi rapidement ? Il n'habitait même pas la ville, cela avait dû lui faire une sacrée route !

Tous deux prirent place dans la voiture, la valise à l'arrière, et Chris mit le contact, le sourire jusqu'aux oreilles.

— Mais t'as dû faire beaucoup de route, tu n'es pas fatigué ?

— Non du tout. En fait d'ici à Moanfield il y a que trente minutes, donc ça va, s'est passé assez vite. Surtout que j'avais hyper hâte de te revoir, je pense que c'est passé plus vite grâce à ça.

— Ça me fait vraiment plaisir de te voir.

Chris lui adressa son plus beau sourire et s'engagea sur la route. Désormais soulagée, Lyly laissa tomber le stress et observa les alentours.

Sa mère avait emménagé ici depuis leur départ. C'était la toute première fois qu'elle mettait les pieds ici, et la ville semblait plutôt calme, hormis les passages quasi permanents à l'aéroport. Il lui semblait que sa mère avait loué une petite maisonnette dans un quartier récemment construit.

Elle connaissait Chris depuis son enfance. En réalité elle l'avait connu peu avant les aléas de la vie et avait perdu contact avec lui, volontairement. Même s'il avait souhaité à plusieurs reprises renouer contact, elle avait catégoriquement refusé, et ce n'est que quelques années après qu'elle avait finalement laissé le jeune homme entrer de nouveau dans sa vie. Ils étaient même sortis ensemble, une fois, mais cela n'avait pas marché, et elle avait coupé court à leur relation amoureuse. Heureusement, leur amitié avait survécu, et tous deux étaient restés en contact, malgré les péripéties survenues dans la vie de la jeune fille.

Ils ne  parlaient pas souvent par message, ne s'appelait que très rarement, mais tous deux savaient qu'ils pouvaient compter l'un sur l'autre en cas de problème. Et c'est ce qui comptait le plus pour Lyly.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top