Chapitre 1 : Là où tout commence

Je suis enfin arrivé à la maison, mais je n'ai vraiment pas hâte de me confronter à ma mère. Je vais encore lui mentir en lui disant que je suis tombé de mon skateboard, et elle avalera mon mensonge, comme d'habitude. Et j'avais raison de m'inquiéter : j'ai à peine passé la porte de la maison qu'elle débarque à toute vitesse.

Je ne suis jamais préparé à ça, pourtant il va bien falloir que je m'y fasse un jour !

— Noah, peux-tu m'expliquer pourquoi tu es si sale ?! Misère, regarde-moi tes beaux cheveux longs... et ta cicatrice, tu l'as encore ouverte ?! Crie ma mère, agacée par ce qu'elle constate.

— Tu t'inquiètes toujours pour rien ... Je suis simplement tombé de mon skateboard, ce n'est pas grave ! Clamais-je haut et fort.

— Suis-je censée te croire ?

Merde. Je crois que cette fois-ci, ça ne passera pas !

— Bon, monte prendre une douche et viens manger, j'ai préparé le repas, rétorque cette dernière. Nous discuterons de tout ça tout à l'heure et je te soignerais une nouvelle fois l'arcade... Finit-elle avec un long et profond soupir.

— J'y vais, désolé de t'avoir inquiété une nouvelle fois, m'excusais-je, embarrassé.

Après ça, je file à l'étage par les escaliers en bois, craquants, légèrement fissurés et ayant besoin d'ailleurs d'un bon rafraichissement. Une flambme extraordinairement puissante m'anime actuellement. Même pour un étage, ça ne m'aurait absolument pas dérangé d'avoir un ascenseur, tiens.

J'arrive enfin devant la salle de bain où je vais me pouvoir me prélasser et oublier quelques minutes la sale journée que je viens de passer. D'ailleurs, il va falloir que je vois avec la cheffe de la maison pour refaire les peintures de la pièce, parce qu'elle n'est clairement plus au goût du jour.

En regardant dans le miroir au-dessus du lavabo, je remarque également la saleté dans mes cheveux qui arrivent maintenant au niveau de mes épaules. Ça fait bientôt deux ans que je les laisse pousser ; le rendu me fait penser à Jason Momoa, j'apprécie particulièrement ! Peut-être est-ce trop prétentieux ?

Après m'être extasié sur ma longueur, je repense vivement à ma bagarre avec Jacob, tout à l'heure. 

Mon double dans le miroir m'hypnotise un moment, je reste plongé à l'intérieur du blanc de ses yeux noirs en me demandant pourquoi moi. Il y'a pleins d'autres personnes, mais non, ça tombe évidemment sur moi. Moi, moi, moi. Je déteste me sentir aussi faible que ça, je n'arrive pas à répliquer. Je suis comme tétanisé par la peur, je n'arrive jamais à bouger. Je suis paralysé devant lui. Il fait deux fois ma taille et mon poids, il m'intimide beaucoup, et ma fierté en prends un coup à chaque fois. J'ai vingt et un ans, certes, mais quand il m'en met une, je perds dix ans. A ce rythme-là, je vais bientôt retourner dans le ventre de ma mère ...

Je rumine fortement, certainement plus que la moyenne. Mais, je suis aussi de nature pensive et anxieuse, ce qui pourrait expliquer le comment du pourquoi. Mais, la vraie question est : Est-ce que je suis en train de me trouver des excuses ?

Pour être honnête, je m'en veux terriblement de ne pas avoir le courage de riposter contre lui. C'est une pression d'une lourdeur abominable don't j'aimerais bien me défaire un jour. C'est relou et ça m'énerve, j'ai envie de tout casser !

Mais, m'énerver ou pleurer n'arrangera en aucun cas la situation, de toute façon. Mieux vaut que je me calme et que je profite du moment présent, surtout quand on est au contact d'une eau aussi chaude. Cela me fait penser à la source thermale en Islande, dernier voyage que nous avons fait en famille.

C'est réellement apaisant. Une soudaine envie de fermer les yeux et de ne plus penser à rien m'envahit et en une fraction de seconde, l'immersion dans l'eau m'a calmé et m'a déconnecté de la réalité. Je suis seul dans ma bulle, sans aucun Jacob pour me mener la vie dure.

L'eau est l'élément dans lequel je me sens mieux. J'oublie tout dedans. Je suis également le meilleur nageur de l'université et je gagne toutes mes compétitions haut la main depuis de nombreuses années. Dans le passé, mon père a également été sacré multiple champion olympique de natation. Nous aurions pu partager tellement de choses lui et moi s'il ne nous avait pas abandonné aussi lâchement. Nager ensemble, faire des compétitions, aller en vacances, jouer ensemble ...

Je me rappelle cette soirée d'été avec mon père où, pris d'un fou rire, je m'étais violemment cogné la tête contre l'ancienne table basse de la maison, mais n'étant encore qu'un bébé, mon visage était si fragile qu'il fallut aller en urgence à l'hôpital. C'est de cette façon que je me suis fait cette fameuse cicatrice à l'arcade que je partage d'ailleurs avec mon père. Il se l'est faite en plongeant à la piscine avec Charlie il y'a longtemps.

Cependant, pour moi, c'est bien plus qu'une simple cicatrice. C'est le seul souvenir que j'ai de lui. C'est mauvais d'y repenser, je dois arrêter de me torturer l'esprit avec ça. Il n'est plus là, fin de l'histoire.

Soudain, un cri retentit dans toute la maison. Et pas des moindres...

— NOAH, L'EAU S'IL TE PLAÎT !

Je râle, souffle un peu et je crie tout aussi fort :

— JE L'ARRÊTE DE SUITE !

Ayant sursauté après avoir repris contact avec la réalité, j'arrête donc de faire couler l'eau, me sèche rapidement puis met une tenue décontractée pour aller manger.

Je descends les escaliers puis je croise mon petit frère, Wyatt, qui revient de chez le coiffeur. Je soupçonne ce dernier de l'avoir raté, d'ailleurs.

— Salut Wyatt. Tu vas bien ? Bah alors, pourquoi tu as l'air de bouder ?

—Je n'aime pas ma coupe, je crois que le coiffeur m'a raté ... Je n'irai plus là-bas !

C'est bien dommage, tiens.

Puis, celui-ci rétorque :

— Maman m'a dit que tu étais tombé de ton skateboard ?

— Rien de grave, ne t'en fait pas ! Mentais-je.

— Tu t'es battu ? Me demande ce dernier par surprise.

— Installe toi à table, on va bientôt manger.

Hors de question que mon petit frère sache que je me suis encore fait rétamer.

Je pars ensuite dans la cuisine. J'essaye tant bien que mal de rester fier et de ne rien dire à Wyatt, car je veux qu'il ait une image d'un grand frère fort, et qui ne se laisse pas faire. Mais, quand mon visage est aussi tuméfié, c'est compliqué de le cacher.

— Tiens Noah, dit ma mère, attrape-moi la trousse de secours au-dessus du meuble où se trouvent les assiettes, s'il te plaît. Ta grande taille devrait faire l'affaire.

— Tu surestimes un peu ma taille ...

— Allez mon grand, je sais que tu peux le faire ! Je crois en toi ! Ricane cette dernière, pour mon plus grand plaisir.

Je hais quand elle se comporte de la sorte ...

— Allez, assieds-toi ici maintenant, que je m'occupe de ça, s'exclame-t-elle.

Peut importe mon âge, je clamerai toujours haut et fort que ma mère est une femme extraordinairement belle. Est-ce objectif ? Pas le moins du monde, mais, je n'en ai rien à faire ! Je l'envie plus particulièrement pour ses beaux yeux bleu clair. Moi, je tiens des yeux noirs de mon père, d'après les dires de cette dernière. Dommage. En revanche, la chose qu'ils n'ont pas mais que moi j'ai, ce sont mes taches de rousseur qui font craquer un maximum de nanas et ça, c'est l'arme ultime. Enfin, je crois ?

Soudain, ma mère s'apprête à me mettre de l'alcool sur ma cicatrice, chose que je n'apprécie absolument pas.

— Attends, ne bouge pas, je te mets l'alcool dans 3, 2...

- Aie ! Mais tu n'avais pas fini de compter !!!!!

Elle me fait toujours le coup, c'est pénible !

- Mon pauvre calimero... Se moque-t-elle. J'espère que tu as au moins riposté ?

— De quoi veux-tu parler ?

Elle n'était vraiment pas obligée d'entamer le sujet ...

— Je sais reconnaitre les blessures d'une bagarre, j'ai eu ton âge aussi Noah ! Rétorque-t-elle en souriant.

— ... Je n'en ai pas eu le courage. J'ai été saisi par la peur, il m'a menacé quand je lui ai dit qu'il ne ferait rien, et c'est là qu'il s'est avancé vers moi.

— Et après, que s'est-il passé ?

Elle me met la pression, et têtue comme elle est, elle ne lâchera pas le morceau.

Je soupire un bon coup, j'hésite, puis je me ferme comme une huître. Parler de mon harcèlement scolaire n'est pas chose aisée. D'ailleurs, je n'en avais jamais parlé à personne ... Jusqu'à maintenant.

— Noah, dis-moi tout s'il te plait. Je ne te jugerai pas, je suis ta mère, tu peux tout me dire. Je te vois souvent rentrer de la fac avec ta cicatrice ouverte, un œil au beurre noir, des griffures ou bien même des bleus partout. Je m'inquiète simplement, et je sais que tu ne tombes pas de ton skateboard en rentrant. Alors, respire un bon coup, et explique-moi.

Je me mets à douter une fois de plus, et des gouttes de sueurs froides coulent le long de mon front, avant de descendre sur mes joues. Je ne sais pas quoi répondre. Devrais-je lui dire la vérité ? Que je me bagarre contre trois grands gaillards plus costauds que moi ou devrais-je esquiver la question ?

... Et puis fait chier. Tant pis.

— Je me bats fréquemment en dehors de la fac. Un groupe de jeunes s'amusent à faire des élèves leurs souffre-douleurs, leurs objets... dis-je, regardant le sol. J'en fais partie, et j'ai comme une impression qu'ils m'apprécient beaucoup ! Je n'ai pas d'amis, mis à part Jordan, mais comme tu le sais, il est assez peureux. Alors, je ne compte pas vraiment sur son aide. Ils me menacent parfois de brûler la maison, de venir la cambrioler, ou même de vous faire du mal...

Soudain, je m'arrête. Je me sens terriblement vulnérable, triste et surtout en colère. Pas contre eux, mais contre moi. Je me demande si toutes ces émotions sont naturelles par rapport à ma situation ou si c'est moi qui suis trop faible. Je n'en sais rien, mais quoi qu'il en soit, j'ai le cœur qui se serre fortement et ce dernier m'empêche même de continuer.

— Respire, et continue dès que tu le sens, ok ? Me dit ma mère avec bienveillance.

— Ce n'est pas facile de parler de ces choses-là, maman...

— Il va bien falloir un jour ou l'autre ! Alors s'il te plait, bouge-toi un peu le popotin et balance-moi tout !

Remotivé grâce à elle, je prends mon courage à deux mains et continue.

— J'ai beau leur répondre méchamment et agressivement, n'arrange jamais la situation. Elle s'aggrave même. Et puis, quand trois hommes viennent et s'attaquent à toi, tu as peu de chance de t'en sortir, même en te défendant. J'ai utilisé plusieurs chemins différents pour les éviter, mais ces routes me font perdre un temps précieux pour aller à la fac. Je suis désolé de t'avoir caché la vérité, mais c'était impossible pour moi de t'en parler. Je voulais juste que tu ne t'inquiètes pas pour moi...

— Je ne pensais pas que c'était si grave que ça, tu aurais dû m'en parler plus tôt ! Même si, bien sûr, je comprends pourquoi tu ne l'as pas fait. En tant que mère, c'est assez rageant et frustrant d'être impuissante et de n'avoir rien vu plus tôt ... Je compte sur toi pour en parler au Shérif Spencer, et j'y tiens. Je t'y accompagnerais le faut.

Sûrement pas le shérif ! Ils vont savoir que j'aurais tout balancé et c'est la dernière chose que je souhaite !

— Mais... et s'ils mettent en place leurs menaces ? Et si...

— Tu sais Noah, avec des si, nous avons toutes et tous le pouvoir de refaire le monde. Ne te pose plus de questions, tu iras demain au bureau du shérif !

Jamais de la vie j'irais là-bas !

—D'ailleurs, tu aimerais que je t'accompagne à la fac ? Me demande cette dernière.

Non mais j'ai quel âge ? Huit ans ?

—J'ai vingt et un ans maman, soit raisonnable ...

—Ça va, j'ai compris. J'ai fini de recoudre ton arcade, en espérant que ce soit la dernière fois.

— Je l'espère aussi. Encore désolé de ne pas t'en avoir parlé plus tôt, vraiment.

Quelques minutes passent après la discussion reluisante entre ma mère et moi, quand le four sonne. Vient alors dans mes narines une odeur familière : celle du cheddar gratiné qui finit par faire grogner mon estomac. L'odeur alléchante nous attire jusqu'à la salle à manger, où le plat est déjà posé sur une grande table en chêne.

— Mmh, que ça sent bon ! S'exclame Wyatt, qui s'installe rapidement à table.

— J'ai préparé un mac and cheese, l'un de tes repas préférés. Installe-toi au bout de la table Noah ! Répond ma mère.

— Il ne faut pas me le dire deux fois ! Encore merci maman, ça m'aide beaucoup de savoir que tu ne me juges pas et que tu me comprennes ... !

Heureusement qu'elle est là, vraiment.

— Je suis ta mère, c'est mon rôle, c'est tout naturel mon Nono ! Servez-vous vite, ça va refroidir.

— Je préfère manger un plat froid plutôt que de me faire appeler une fois de plus Nono ! Quelle plaie, ce surnom ! Il est d'une laideur !

— Quand tu râles, j'ai l'impression de voir ton père... Me dit ma mère, prenant un air nostalgique en fixant le plafond.

Personne ne parle et un moment de blanc s'installe. Cette phrase a un peu cassé l'ambiance. Je n'aime pas parler de lui, et ma mère non plus d'ailleurs, ce qui accentue mon sentiment d'incompréhension.
Un un long et interminable silence se fait ensuite ressentir tout au long du repas. Ma mère, prise de nostalgie, fût silencieuse, absorbée par ses pensées les plus profondes. Enfin, je brise ce silence gênant et atroce en demandant au bout d'une quinzaine de minutes si je peux sortir de table.

— À condition de m'aider à débarrasser, me répond cette dernière. D'ailleurs, ce matin, j'ai retrouvé le bracelet appartenant anciennement à ton père enfoui sous une pile de vêtements. S'il apprenait ça, il ne serait pas très content. N'oublie pas de le ramasser et de le ranger ! Me dit-elle.

—Je le cherchais depuis un moment justement, et ça me tient à cœur de l'avoir auprès de moi. Il a une vraie valeur sentimentale pour moi, merci maman, rétorquais-je d'un ton calme et posé.

Tout le monde se mit à débarrasser la table une fois de plus dans le calme, et chacun retourna à ses occupations. Ma mère part lire dans le salon, et s'endort seulement quelques minutes après, le livre dans les mains. Mais moi, j'avais une envie bien particulière et pour celle-ci, j'ai besoin de Wyatt.

— Wyatt, une partie de football, ça te tente ?

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