III - Jupiter - | V a i l l a n t |.pt.2


An 2997.ap.J-C, Moi Astral 3 - Therenxas.

Jupiter, Rinith, Centrum - Quartier Général du gouvernement de la Fédération Junite.
Domus Virtute, 15h12.

Discrètement, Vaillant consulta son holomontre. En plus de lui indiquer l'heure, l'appareil lui permettait de surveiller ses constantes physiologiques. L'holomontre lui retransmettait aussi quelques rapports statistiques des divisions scientifiques des bataillons fédéraux. D'après les fichiers qu'il venait de recevoir, l'amplificateur de signal ultrasonore était opérationnel et les ingénieurs n'attendaient plus que son approbation pour l'activer. Il ne suffisait que d'un vulgaire clic pour enclencher le lancement de la recherche dans un rayon de deux à trois espaces intersidéraux. Mais Vaillant se ravisa et reporta prudemment son attention sur ses compères. Morpheus semblait se liquéfier sur son siège à mesure que la vice-présidente s'enfonçait dans les documents confidentiels du ministère.

- Depuis près d'un siècle, l'agence fédérale d'investigation mène des enquêtes sur les activités internes du ministère de l'innovation. Au bout de plusieurs années de recherches, elle a finit par découvrir que son homologue de la défense utilise les sites déployés par les cellules de développement dudit ministère. Récemment, les agents de l'AFI on découvert une usine secrète du ministère en charge de la défense de notre fédération sur Plox, près du site de purification de Velenium. Ladite usine produirait des armes de niveau de dangerosité de type cinq...

- Cette information n'est un secret pour aucun des dirigeants assis autour de cette table ! s'insurgea le ministre de la défense, à l'autre bout de la table.

Ses pupilles bioniquement modifiées menaçaient de quitter leurs orbites, tellement ses yeux étaient écarquillés. Le  timbre de sa voix s'était aggravé et s'il le pouvait, à cet instant, il aurait flanqué une gifle à Desree. L'outrance de la femme le consternait, mais sa position administrative lui imposait le silence. Hiérarchiquement, elle était son supérieur direct et pouvait décider de l'expulser du conseil sur-le-champ. Il se ravisa aussitôt et inspira une bouffée d'oxygène puis reprit son calme. L'atmosphère autour de la table en plexiverre était densément électrique ; même Vaillant sentait le déluge approcher. Ainsi, il prit les devants et se résolut à taire les intentions controverses de la vice-présidente.

- Je pense que la vice-présidente s'obstine puérilement à retarder l'échéance pour une raison qui m'échappe. La coalition des Égalitaristes à dérobé quatre vingt-douze tonnes de Velenium purifié à la dix-septième base militaire implantée sur Plox.

La voix acerbe du général résonna dans la salle de conférence avec une uniformité inégalée. Tous les regards des fonctionnaires convergèrent vers le sien, celui de Desree y compris. Si elle aurait pu, la vice-présidente lui aurait asséné un coup de poing en pleine figure. Mais elle dû s'abstenir de se laisser aller à ses pulsions. Vaillant venait de lui couper les mots à la bouche et avait par la même occasion, accaparé l'attention de toutes les personnes présentes dans la salle. Morpheus détaillait le militaire avec une expression sceptique. L'intervention magistrale de Vaillant ne le perturbait pas. Au contraire, il félicita intérieurement le fils aîné de la famille présidentielle pour cette action.

- Général Copernick...

- Madame la vice-présidente. Avec tout le respect que je vous porte, je tiens à vous clarifier une ultime fois la confidentialité de ce dossier. Je vous remercie d'avoir informé les gouverneurs de l'incident survenu sur la base Ploxite. Par contre, je vous préconise d'éviter de calomnier les forces armées fédérales devant le ministre en charge de la défense et moi-même. Suivez mon regard.

La froideur du timbre de Vaillant correspondait parfaitement avec sa sinistre expression faciale. Desree déglutit avant de détourner son visage du sien, vexée par l'allocution intrusive du militaire. Les gouverneurs et les ministres sombraient dans la confusion tandis que Vaillant échangeait un regard entendu avec Morpheus. Le scepticisme d'Ashtark quant à lui était encore bien présent. Le cadet ignorait la raison pour laquelle son frère aîné avait préféré taire les propos de Desree, bien que conscient de son infériorité administrative face à elle. Son statut de fils du glorifié président Leeroye Copernick, ne lui autorisait pas cette catégorie d'audace et Ashtark le savait bien. Mais les derniers mots de Vaillant alertèrent encore plus son frère. Qu'entendait-il par « suivez mon regard » ? Le cadet s'aperçut une fois de plus de l'opaque océan qui le séparait de son frère. Des liens de fraternité avaient beau les unir, un cosmos de secrets les écartait l'un de l'autre. Ashtark était intimement convaincu qu'il ne parviendrait jamais à combler ce vide entre eux.

La vice-présidente bouillonnait de colère. Elle se sentait insultée par la réaction de Vaillant, mais demeurait impuissante face à lui. Le général avait hérité de l'aura oppressante de son père tout comme de son charisme inébranlable. Vaillant n'avait pas besoin de s'adonner à des attitudes ostentatoires pour marquer son autorité. Chacune des parcelles de son corps exsudait le pouvoir et la terreur, comme son père. Admettre intérieurement cette vérité déchirait Desree : elle était incapable d'exercer son autorité sur Vaillant. Elle disposait pourtant d'une influence sans précédent sur ses subordonnés hiérarchiques et pouvait se permettre d'user de leurs compétences à souhait. Cependant, Vaillant restait intouchable. Ses doigts se resserrèrent autour de son holotablette, et elle se contenta de dévisager le gouverneur de la région Dæcercale en silence.

- Mes propos ne visent pas à discréditer votre autorité, excellence. J'entends juste qu'il est préférable d'achever les opérations avant de procéder à l'étalage des bilans. Les armées fédérales sont directement assujetties au président de l'alliance et au ministère de la défense. Pour des motifs hautement sécuritaires, certaines informations doivent conserver leur privacité.

Les gouverneurs et ministres examinaient Vaillant, certains perplexes et d'autres, entendus avec son discours.

- Le conseil de sécurité doit être tenu au courant de toutes les informations ayant trait à la sécurité de la fédération, notifia le gouverneur de la région du Langover.

- Nous nous souvenons encore très clairement des répercussions des révélations faites autour de cette table il y a sept ans. À cause d'une « fuite », nous avons frôlé la déchéance du gouvernement central. Une vague de sang s'est levée sur Rinith et la fédération Junite a bien failli perdre tous ses repères. Le ministère de la défense ne nourrit aucune apathie contre les décentralisations. Mais il estime que progresser en toute discrétion favorise le maintien de la stabilité de l'alliance, argumenta Morpheus d'une voix perçante.

Le ministre échangea un regard entendu avec Vaillant, avant de retourner son attention sur la vice-présidente.

Desree sentait au plus profond d'elle même, qu'elle ne pourrait plus rien dire susceptible d'inverser la situation en sa faveur. Morpheus était certes à sa portée. Mais une fois rangé derrière le fils aîné du président, il devenait à son tour intangible. À cet instant elle comprit que si aucune pression ne pouvait détacher Morpheus de Vaillant, il ne lui restait plus qu'à les faire couler ensemble.

- Dans ce cas, quelle stratégie comptez-vous adopter pour riposter à cette attaque, excellence ? Nous sommes bien d'accord sur le fait qu'il est impensable de les laisser cavaler dans le cosmos de cette manière.

- Le département de conception militaire du ministère a déjà mis en place un dispositif de localisation ultrasonique longue portée. Le système devrait nous permettre de repérer les signaux ultrasonores émis par l'astronef Pandémonium, rétorque le ministre, fier de son intervention.

- Vraiment ? À partir de quoi vous permettez-vous d'affirmer des informations pareilles ? cracha Desree, pressée d'humilier Morpheus.

- Madame la vice-présidente, comme vous nous l'avez si bien rappelé, Pi était le chef de la section conception du ministère de la défense avant de rejoindre les rangs du camp ennemi. Vous l'ignorez peut-être mais, l'ingénieur avait entamé la construction de ce vaisseau spatial lorsqu'elle remplissait encore ses fonctions au sein du ministère. Mais pour une raison qui m'échappe, elle avait effectué une sauvegarde en parallèle dans le serveur de son département. Avant d'abandonner son poste, elle n'avait pas pris la peine de supprimer les données collectées tout le long de la construction du Pandémonium. Ainsi, une partie de ses travaux, même si elle est infime, résume quelques procédés d'assemblage et de programmation de certaines sections de l'astronef. Au terme de plusieurs heures d'épluchage, les ingénieurs du ministère ont fini par déterminer la portée d'émission ultrasonique de son appareil. De ce fait, ils ont conçu un système permettant de localiser le vaisseau dans un rayon de deux à trois espaces intersidéraux.

Vaillant était certain de la pertinence de ses révélations, et il savait que Desree ne disposerait plus de moyens d'intimidation après avoir entendu ses mots. Mais, la vice-présidente était une femme fourbe, prenant du plaisir à écraser ses subordonnés.

- Je trouve que vous allez vite en besogne, général. Qu'est-ce qui vous prouve qu'elle n'a pas perfectionné son système de camouflage spatial ? Nous ignorons tout de la véritable puissance de ses processeurs. Je tiens à vous rappeler qu'il s'agit d'une machine évolutive. Qu'est-ce qui vous garantit qu'elle n'a pas déjà trouvé un moyen de franchir les limites des trois galaxies environnantes ?

Vaillant était pris au dépourvu, mais pas totalement abattu. Desree avait frappé au bon endroit, la quinquagénaire à la chevelure génétiquement améliorée avait atteint la bonne cible. Elle avait précisément touché l'unique point sensible de l'assurance des forces armées. Le seul élément qui les faisait éternellement défaut. Le seul problème contre lequel ils ne parvenaient pas à riposter : l'évolutionnisme de Pi. Une fois de plus, il affrontait la vérité : le cyborg était une machine performante. La plus exacte jamais conçue par le genre humain. Suffisamment puissante pour développer une conscience, et entamer un cycle d'évolution cérébral cent fois plus rapide que celui de l'Homme. Elle avait conçu de nombreuses machines encore utilisées par les armées fédérales. Désormais, elle en fabriquait pour la coalition des Égalitaristes.

Il nourrissait une haine sans précédent pour cette machine. Depuis qu'elle s'était insurgée contre le ministère qui lui avait permis de mettre à profit ses connaissances, Vaillant n'avait pas cesser de la haïr. Mais cette aversion était insignifiante, face à celle qu'il avait ressenti lorsqu'il avait découvert l'identité de la personne vers qui elle s'était tournée plus tard. Il était parvenu à encaisser son départ, mais il savait qu'il n'accepterai jamais la tournure qu'avaient pris les événements. Le simple fait d'y repenser soulevait en lui une vague de colère noire, terrifiante, monstrueuse. Celle qui correspondait parfaitement à l'être qu'il est. Tout avait trop vite basculé dans son esprit. Tout était trop vite passé de l'amour à la haine.

- Alors ? Qu'avez-vous à répondre à cela ?

- Pi n'est pas la seule bénie par la science. Vous feriez mieux de ne pas mésestimer les avancées technologiques des divisions scientifiques.

Vaillant activa aussitôt le dispositif de localisation ultrasonique et une onde électromagnétique se propagea sur la totalité de la surface de Jupiter. L'onde se colporta de la même façon sur la totalité du système Ventura Amestesis pour enfin franchir les limites du premier espace intersidéral. Une deuxième onde naquit depuis les anneaux du stabilisateur gravitationnel entourant Jupiter. Cette fois, l'holomontre de Vaillant indiqua que l'onde avait franchi quelques millions de kilomètres du deuxième espace intersidéral. L'impulsion causée par l'onde, était perceptible par toutes les personnes situées à la surface de Jupiter. Mais elle percutait aussi les stations spatiales en gravitation dans l'ensemble du système Ventura Amestesis. Seules les installations situées à partir de la seconde moitié du deuxième espace interstellaire, ne sentaient pas la stimulation émise depuis le stabilisateur gravitationnel. Les dirigeants attablés s'observèrent, dubitatifs quand à l'origine de cette pulsion secouant légèrement la surface du sol. Bien que nichés à des centaines de mètres de la surface, ils arrivaient à sentir la secousse.

- Qu'est-ce ? interrogea Ashtark, les prunelles rivées vers celles de son frère.

Son extrême méfiance, héritée de son père l'avait poussé à questionner son frère en premier. Une grande part de lui était inextricablement convaincue de l'implication directe de son frère dans cette affaire. Mais Vaillant demeura silencieux et ignora solennellement son frère cadet. Il enclencha une troisième fois l'amplificateur, et une autre impulsion vint perturber la sérénité apparente de la galaxie. Subitement, la montre du général se mit à scintiller, illuminée par un grand point rouge en son centre. D'un geste précis, il fit coulisser le visuel de son holomontre sur la table en plexiverre. Une version moins pixelisée de la carte apparue sur l'holomontre, s'afficha en trois dimensions au-dessus de la table, sous les expressions interloquées des fonctionnaires.

Morpheus comprit aussitôt ce que représentait le point lumineux au centre de la projection cartographique. Un rictus triomphal vint deformer son visage aristocratique, et il se permit de toiser Desree sans la moindre appréhension. Les gouverneurs, ministres suivis du président du conseil constitutionnel observaient l'hologramme dressé sous leurs yeux. Mêmes les agents chargés d'assurer la sécurité des dirigeants, se perdaient dans la contemplation de ce grand point rouge culminant sur la carte.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Desree, d'une voix sceptique, encore surprise par l'apparition de cette carte.

- Il s'agit d'une carte indiquant la position du Pandémonium, répondît Morpheus, qui ne masquait plus sa jouissance.

Les yeux de la vice-présidente s'écarquillèrent, et son regard abasourdi tangua succinctement de Vaillant à Morpheus. Des chuchotements s'élevèrent dans la salle, tandis que les deux hommes conservaient un calme inquiétant. Plus que jamais, Vaillant apercevait le bout du tunnel. Il avait presque la sensation de palper du bout des doigts, les fruits de tous ses efforts. Sa poitrine se gonflait de liesse et d'excitation, à chaque fois que des images de débris d'astronefs s'immisçaient dans son esprit. Les extrémités de ses doigts semblaient parcourues par de légères décharges électriques, à chaque fois qu'il entrevoyait l'hécatombe qu'il causerait, une fois qu'il aurait retrouvé le quartier général du système L-87. Le simple fait de localiser le Pandémonium suffisait à le combler de joie. Ses pulsations cardiaques augmentaient à chaque fois qu'il imaginait le corps décapité de son petit frère gisant sous ses pieds après qu'il ait anéanti les forces adverses. Ce point rouge lumineux, était le point de départ de la traque plus meurtrière jamais menée dans la galaxie Khôl.

- L'annihilation de la Coalition des Égalitaristes est imminente.

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