Chapitre 82. « My poor heart aches with every step you take »

Je m'apprêtais dans la salle de bain de Deen, tentant de paraître plus féminine mais sans être provocante. Quel casse tête d'être une fille ! Si seulement je pouvais mettre un simple T-Shirt, un pantalon et ma fidèle veste kaki ! Mais non, comme j'étais une amie formidable, je fis un effort pour le Showcase de Ken et optai pour une combishort noire, un collant noir et un maquillage discret, et délaissai mes lunettes pour mes lentilles. Je laissai mes cheveux libres, sachant que cela plaisait à Deen.

– Et bé ! admira mon copain alors que je sortais de la salle d'eau.

Je ne pus retenir un sourire en voyant son air ébahis à la limite de l'admiratif, et me sentis quelque peu rougir. Pourtant je n'avais fait que le strict minimum.

Je n'avais jamais trop cherché à attirer le regard des hommes, ayant toujours été bien dans ma peau et me contentant de leur respect quant à mon caractère. Mais je devais avouer que l'admiration de Deen me faisait totalement fondre et me faisait me sentir comme une adolescente.

– Je vais devoir te surveiller ce soir, me dit-il en se rapprochant.

Je croisai mes bras derrière sa nuque et l'embrassai tendrement :

– Tu fais ça, tu te recevras mon poing dans la gueule et t'auras même pas le privilège de m'ôter mes vêtements, lui murmurai-je avant de l'embrasser de nouveau.

Deen grogna :

– Sorcière.

Je me détachai de lui pour me diriger vers l'entrée, où mes chaussures étaient étalées.

– Bon allez Princesse, on est déjà à la bourre, me pressa-t-il.

Qu'il m'appelle encore une fois comme ça et il le regretterait.

– Sorcière, Princesse, faut savoir.

– Au niveau du comportement je dirais Princesse, mais par contre t'as carrément de physique d'une sorcière.

– Va chier.

Il se contenta de se marrer tandis que j'enfilais mes chaussures.

– Jamais tu mets autre chose que des Docs et des baskets ? Genre t'as même pas une paire de talons qui traîne ?

Je relevai la tête en le fusillant du regard ; je savais qu'il n'allait pas apprécier ma prochaine phrase et en jubilai d'avance :

– Fais pas ton Morad et arrêtes de me critiquer.

Son visage se tendit subitement et je vis à ses yeux qu'il ne savait plus quoi penser. Je ne tardai pas à éclater de rire devant son air interdit et ses traits se détendirent.

– Putain t'es conne, tu m'as fait culpabiliser de ouf là !

Je ris de plus belle avant de me redresser et de prendre mon sac. Alors que je me dirigeais vers la porte, Deen m'attrapa par le poignet :

– Attends, en vrai tu trouves pas que je suis comme lui ? Parce que je te jure que je te juge pas, c'était pour déconner. T'es parfaite comme t'es.

Je ne pus m'empêcher d'être attendrie par cette soudaine déclaration et sentis mon ventre se contracter ; j'avais terriblement envie de lui sauter au cou et de finir la soirée dans la pièce d'à côté. Morad avait aussi tendance à dire que j'étais parfaite, mais l'honnêteté qui perçait dans la voix de Deen fit rater un battement à mon pauvre cœur.

– Pas du tout, je rigole, répliquai-je en levant les yeux au ciel. Si t'étais comme lui je me serais barrée depuis longtemps.

Il m'embrassa tendrement avant de me prendre dans ses bras :

– Ça me rend encore ouf quand je pense à ce qu'il t'a fait.

– Arrêtes d'y penser alors, il a eu ce qu'il méritait et maintenant on est ensemble. Que demande le peuple ?

Il ricana avant de m'embrasser le front, et un sourire se dessina naturellement sur mon visage :

– Bon et puis on avait dit plus de moment de fragile, alors en avant Guigan ! m'exclamai-je avant de sortir de l'appartement.

Deen rit derrière moi avant de me fiche un coup de pied dans le derrière.

[...]

Ken et le S-Crew venaient de finir de rapper et transpiraient de partout tandis que le reste de l'équipe était assis dans un carré soit bourré, soit défoncé, soit les deux. Certains étaient accompagnés de plusieurs sangsues, et moi je me faisais chier après avoir rappé en même temps que mes amis. Je m'étais résolue à ne pas boire ce soir, mais je commençais à avoir des envies de meurtres envers mes amis ivres, et me dis que la meilleure façon de les supporter était de boire à mon tour. Je me dirigeai donc vers le bar et commandai une bière, et me fis accoster par un jeune homme en chemise bleue.

Et voilà, encore un gros lourd, pestai-je intérieurement.

Ce que je ne pensais pas à ce moment-là, c'était que le gros lourd en question était en fait très intéressant et me tiendrait la patte pendant une vingtaine de minutes. Il n'était pas du tout entreprenant et n'avait pas insisté le moins du monde lorsque je lui avais dit que j'étais en couple. Nous nous faisions seulement la discussion.

– Attends mais ta tête me dit vraiment quelque chose, me lança-t-il au bout d'un petit moment.

– Toi aussi ? m'exclamai-je. Putain mais depuis toute à l'heure j'essaye de me rappeler où je t'ai déjà vu !

Nous nous regardâmes dans le blanc des yeux pendant quelques secondes et ce ne fut que lorsqu'un ami à lui le rejoignit que je compris :

– Putain vous jouez à Créteil !

Son ami, un rebeu au sourire joueur me dévisagea d'un air amusé :

– T'es fan de nous ?

– Ça y'est j'ai capté ! s'exclama le premier gars - Quentin, si ma mémoire des matchs que j'avais vu était exacte. Toi tu joues avec les filles d'Issy ? Arrière gauche c'est ça ?

Et bé, j'étais impressionnée qu'il ai retenu autant de détails sur moi.

– Ah mais oui putain, enchaîna celui que je devinais être Nedim. Clarkson ou un bail comme ça ?

J'acquiesçai et nous nous mîmes à rire, puis Nedim s'installa avec nous. Nous parlâmes handball pendant une bonne heure et échangeâmes nos numéros, puis ils quittèrent la boîte et je rejoignis mes amis. Les deux handballeurs m'avaient mis de très bonne humeur !

Je quittai finalement le bar pour chercher Deen du regard afin de lui raconter ma rencontre, mais ne trouvai pas celui-ci. Je décidai donc de déranger Ivan, occupé à peloter une nana, pour l'interroger sur la localisation de mon rappeur.

– Je sais ap. Tout ce que je sais c'est qu'il a pas kiffé te voir avec les deux gars et y'a moyen qu'il veuille se venger comme c'est un gros gamin.

Je restai bouche bée devant ces révélations.

– En vrai Elma je lui aurais bien mis une balayette pour le dissuader mais je suis trop rébou, ricana-t-il.

En effet, pas un de mes amis ne tenait la route. Je sentis mon sang commencer à bouillonner dans mes veines ; j'allais tuer ce crétin.

– Ça va Mel ? me demanda Raphaël avec inquiétude en se réinstallant à côté de moi.

Je lui répondis par un simple grognement tout en scrutant la foule pour repérer celui dont j'avais envie de casser la gueule, et mon frère n'insista pas, retournant à sa discussion avec Hakim.

Je repérai finalement Deen aux côtés d'une jolie brune pulpeuse non loin de moi, et m'y dirigeai d'un pas décidé.

Je lui agrippai l'épaule pour le tourner vers moi :

– T'es vraiment le roi des cons, tu le sais ça ? Je discute deux secondes avec des types et toi la minute d'après t'essayes de pécho ?

– Tu flirts, je fais pareil de mon côté, me répondit-il froidement.

Mon dieu, je n'étais pas croyante mais il allait me falloir une aide divine pour réussir à me contrôler et à ne pas lui casser le nez. La brune sembla percevoir ma colère puisqu'elle prit la poudre d'escampette.

– Putain mais t'es sérieux ? Tu me fais si peu confiance que ça ? Tu crois vraiment que je serais assez bête pour le faire sous tes yeux ?

Deen ne répondit rien mais je voyais qu'il savait qu'il avait tort. Ce genre de comportement ne lui ressemblait vraiment pas et je me demandais ce qui lui avait pris.

– Pour ton info c'était juste des handballeurs et on a parlé jeu pendant une heure. À la base, le premier flirtait avec moi mais je l'ai calmé en disant que j'étais déjà avec quelqu'un et que j'étais amoureuse de ce quelqu'un. J'aurais peut-être dû fermer ma gueule finalement !

Sur ce, je tournai les talons.

Mais Deen ne le vit pas de cet œil puisqu'il me retint par le poignet avant de me coller à lui et de poser sa paume sur ma joue. Je tentai de me détacher mais rien n'y faisait, mon corps ne bougea pas d'un seul millimètre. Il avait ce pouvoir d'apaisement sur moi qui dépassait toutes mes tentatives de casser ce qui se trouvait autour de moi.

Sois plus forte Maëlle, le laisse pas te marabouter.

La seule pensée qu'il ai un tant soit peu un effet sur moi décupla ma colère et je parvins enfin à me détacher de lui :

– Ce soir je dors chez moi, tu dors chez toi. Si tu me fais pas confiance je vois pas pourquoi on partage le même lit.

Le rappeur ferma les yeux et je tournai les talons, avec succès cette fois-ci.

– Qu'est-ce qui va pas Malou ?

Je poussai un soupir en m'asseyant à côté d'Alice :

– Mon mec est un con.

Ma petite sœur posa sa tête sur mon épaule en guise de réconfort et je basculai la mienne sur la sienne.

Deen me regardait de loin, gloussant avec Alpha et Raph, comme si notre échange n'avait pas eu lieu. Alice râla après que je lui eu raconté :

– Mais quel goujat !

– Je te le fais pas dire...

Je n'étais pas dans la merde en étant amoureuse d'un abruti pareil. Mais même si mes sentiments pour lui étaient forts, je ne décolérais pas ; ce genre de comportement était pour moi inadmissible, d'autant plus que j'avais été persuadée que nous nous faisions confiance.

Nous restâmes dans notre coin pendant quelques minutes, puis je réalisai qu'Alice n'avait pas eu l'air de s'amuser de la soirée :

– Et toi Lissou, qu'est-ce qui va pas ?

La petite somalienne soupira, puis me désigna Ken d'un geste du menton.

Cet abruti était en pleine discussion avec une jeune femme très peu habillée et aux mains assez baladeuses. Ok, lui aussi j'allais me le faire. Mais au lieu de bondir pour lui coller ma main sur la figure, je soupirai à mon tour et passai un bras autour des épaules de ma petite sœur pour la serrer contre moi :

– Viens on bouge, murmurai-je.

Nous nous levâmes en même temps et prîmes nos affaires avant de nous diriger dehors. Aucun de nos amis n'avaient remarqué notre trajet, et ce n'était pas plus mal ; je n'avais pas la force de me justifier avec diplomatie.

Une petite heure plus tard, Alice et moi étions allongées sur des bancs de pierre avec une bouteille d'alcool à la main chacune (bénis soient les épiciers de nuit). Nous étions totalement euphoriques.

– Nan mais après j'comprends tu vois, articula Alice, c'est le grand Nekfeu, tout le monde veut se taper le grand Nekfeu. C'était son showcase, fallait qu'il en profite ! Je suis sûre qu'il est déjà en train de tirer son coup.

– Ouais mais laisses tomber, on est attirées par les pires abrutis de Paris, complétai-je. Je vais lui péter sa gueule à Ken par contre. Moi j'pensais qu'on avait franchis des étapes avec Deen tu vois, genre on s'est dit qu'on s'aimait plusieurs fois, je lui fais confiance de ouf alors qu'il a pas la meilleure réputation en terme de fidélité et au final c'est lui qui me fait pas confiance. Et puis t'as vu le gamin que c'est ? Direct il va draguer pour se venger. Franchement on ferait mieux de se mettre ensemble Lissou, on est mieux sans eux !

– De ouf, viens on se trouve une chapelle et on se marie !

Je me marrai en imaginant une chapelle digne de celles Las Vegas au centre de Paris.

– Oh eh y'a Nek le Fenek qui m'appelle ! s'exclama soudainement Alice en rigolant. Allo Monsieur le renard des sables du Sahara ? dit-elle en décrochant.

Je lui indiquai de mettre son téléphone sur haut-parleur, ce qu'elle fit, non sans difficulté alors que nous étions mortes de rire :

– Putain Lissa t'es où ? s'exclama-t-il. Elma elle est avec toi ? continua-t-il en m'entendant rire.

– Bah ouais tu crois que je me bourrerais la gueule toute seule ?

– Vous êtes où ?

Je connaissais Ken par cœur et je savais qu'il parlait les mâchoires serrées et qu'il tentait de se contrôler ; mais il n'allait pas tarder à péter un câble.

– Alors là mon pote, aucune idée, répondis-je.

Mensonge. Je n'avais juste pas envie qu'il vienne nous chercher.

Le grec poussa un juron à au bout du fil.

– Bon allez, je vais raccrocher Nekflamme, dit Alice, je te souhaite une agréable nuit, fais de beaux rêves, bisous, bisous, fit-elle en accompagnant ses mots de vrais baisers.

J'étais tordue de rire. J'étais beaucoup moins bourrée qu'elle grâce à mon expérience de pochtronne, et Alice était encore plus hilarante que d'habitude quand elle avait bu.

– Alice tu raccroches, je débarque chez toi et je retourne tout tant que t'es pas rentrée, menaça le rappeur.

C'était extrême. Mais bon, je me doutais qu'il était mort d'inquiétude pour elle et que c'était sa façon d'extérioriser.

Alice se contenta de rire :

– Fais donc ! Mais je suis sûre que t'as pas le temps, t'es trop occupé à assouvir tes besoins naturels avec une Jennifer ou autre Kenza.

– Lissa !

– Bon allez, à plus, et n'oublies pas le préservatif Kenny s'il te plaît.

Son ton n'était même pas mesquin, il était juste adorablement bienveillant. Pourtant à sa place je lui en aurais foutu plein la gueule.

Ken poussa une multitude de jurons et quelque chose sembla se briser dans le combiné. Probablement un verre ou une vitre.

Alors qu'Alice allait raccrocher, une seconde voix se manifesta :

– Maëlle arrêtes tes conneries.

Je me figeais en entendant la voix à la fois froide, autoritaire et blasée de Deen, et j'eus une petite montée de colère :

– Vas te faire foutre.

Sur ce, je saisis le téléphone d'Alice et raccrochai. Ma petite sœur et moi nous rallongeâmes sur nos bancs respectifs en soupirant.

Les minutes qui suivirent furent moroses ; les deux rappeurs avaient réussi à nous saper le moral. Je ne tardai pas à entendre renifler à côté de moi, et me tournai pour trouver une Alice en pleurs. Je me précipitai pour la prendre dans mes bras.

– Je le déteste tellement, sanglota-t-elle contra ma poitrine. Pourquoi il a fallut que je tombe amoureuse du rappeur le plus courtisé de France ?

Je lui caressai tendrement les cheveux :

– Je devrais pas te dire ça, mais il tient vraiment à toi. C'est juste qu'il est mal dans sa peau et qu'il a peur de te faire du mal en étant avec toi.

– Mais il m'en fait quand même en étant loin de moi et en faisant comme s'il en avait rien à foutre. C'est pas comme s'il s'était rien passé en un an.

Ça je le savais. Je ne connaissais pas toute leur histoire mais je savais qu'ils s'étaient intensément rapproché en mon absence.

J'écartai lentement ma petite sœur de moi pour prendre son visage dans mes mains et la regarder dans les yeux :

– Lissou, être bourrée c'est vraiment pas cool pour réfléchir, toutes tes émotions sont accentuées. Alors ce que je te propose, c'est que je te ramènes chez toi, tu dors, et on en reparle à tête reposée. D'accord ?

La petite somalienne acquiesça et nous nous mîmes en marche.

Quelques heures plus tard, après avoir ramené et couché Alice, j'arrivai enfin chez moi, ma longue marche m'ayant rendu totalement sobre.

Je sursautai en ouvrant la porte ; mon abruti de mec était assis sur une chaise, son téléphone dans les mains, et son regard se leva aussitôt sur moi.

Comme les darons dans les films, sauf que le mien n'avait jamais fait ça avec moi.

Je tentai de tourner les talons pour partir mais Deen réduisit en un éclair la distance entre nous pour fermer la porte et se poster dos à celle-ci. Je l'ignorai et déposai chaussures et sac.

– C'est pas à cause de toi que je pars pas, c'est parce que j'ai mal aux pieds, lançai-je.

– Arrêtes tes gamineries, c'est bon, marmonna Deen.

Je fis volte-face :

– Mes gamineries ? T'es sérieux là ? Vraiment ? C'est toi qui va draguer des meufs pour te venger parce que tu penses, juste tu penses, que je flirt avec des gars, et c'est moi la gamine ?

Deen ferma les yeux en passant une main à l'arrière de sa tête, l'air à la fois agacé et pris au piège.

– Je suis désolé, ok ? Je suis vraiment trop con.

– Mika, si tu me fais pas confiance, on peut pas continuer. Parce qu'entre nous deux et avec nos antécédents, c'est quand même moi qui devrait pas avoir confiance. Et pourtant je doute pas une seule seconde de toi. Alors c'est vraiment dégueulasse que tu remette en question ma...

– Je te fais confiance, me coupa-t-il en se laissant tomber sur une chaise. Putain le pire c'est que je te fais confiance. Mais le truc c'est que...

Je le toisai, ne décolérant que très peu, et j'attendis la suite de sa phrase. Deen se frottait le visage fébrilement, fulminant lui aussi.

– C'est que quoi ?

Le rappeur ouvrit la bouche avant de se raviser, et je savais déjà rien qu'à la vu des expressions de son visage qu'il ne dirait rien de plus.

– Ok, bah ça marche. Bon, moi je vais me coucher. Tu peux rester ici si t'as la flemme de rentrer à Auber mais tu dors dans le salon, tu te démerdes. Allez, la bonne nuit !

Je fis volte face pour me diriger dans ma chambre avec entrain, bien décidée à le faire ramer.

– Putain de merde Maëlle...

Une pointe de colère perçait dans sa voix, mais je ne m'y attardai pas et refermai la porte derrière moi. Pourtant j'avais une envie folle de dormir à ses côtés, ces dernières semaines nous n'avions dormis que très peu de fois séparés. Mais pour que ça arrive de nouveau, il allait falloir qu'il apprenne à communiquer parce que j'avais vraiment été vexée par son manque de confiance, manque de confiance qu'il avait été incapable de justifier.

Un bruit de verre brisé retentit alors que je me déshabillai, puis ma porte d'entrée claqua.

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