Mélody

- Non mais Tyler ! Qu'est-ce qu'il t'a pris ? Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ?!

Je crois que Kelly est au bord de la crise de nerfs. Mais il y a de quoi ! Cela fait plus d'une demi-heure qu'elle crie sur Tyler. Il faut dire que, cette fois-ci, il a fait fort !

- Réponds-moi bon sang !

Comme toujours, Tyler a ce petit sourire dont lui seul a le secret ; sourire dont on a envie de lui faire avaler ! Ce n'est pas drôle de voir cette blonde énervée contre son fils, mais bon ça me fait rire. Jason aussi d'ailleurs.

- Retiens - toi de rire !

- T'es marrante toi ! Ce n'est pas tous les jours que j'ai l'occasion de voir ta mégère gueuler sur le fils prodigue !

- Chut ! Je chuchote. Et ce n'est pas ma mégère Jason !

Mon meilleur ami me regarde à travers ses longs cils noirs, avant de soupirer.

Je suis plutôt contente que, pour une fois, ce soit lui qui se fasse remonter les bretelles et pas moi ! D'habitude, il fait des conneries, et c'est Zack qui prend.

- Enfin Tyler ! 22 ans ! 22 ! Tu aurais encore 10 ans, j'aurai compris ! Mais là !

- Ça va maman, c'est juste de la peinture. Ça partira ! Dit-il après avoir recouvrée la parole.

- Sur ses cheveux ! Tyler, tu as mis de la peinture verte sur les cheveux de cette pauvre fille !

- Si on ne peut plus rigoler !

Tyler... Nous étions la veille de Noël, mon premier chez les Joseph sans maman, qui était de garde à l'hôpital. Je crois que c'est ce soir là, que j'ai découvert Tyler sous un autre regard. Je le défendais tout le temps, peu importe ses bêtises, j'accusais les autres, ou parfois, il m'arrivait de me dénoncer.

A cet époque, je voyais en Tyler mon grand frère, celui que je n'aie jamais eu; je l'adorai, même si il n'était pas toujours sympa avec moi. Il nous arrivés de rire ensemble, d'aller se balader, ou simplement, il m'accompagnait à l'école.

C'était une période heureuse, mais genre, vraiment ! Avant que tout ne change.

Avant que je découvre le vrai visage de ce garçon, déjà homme.

Je répète à qui veut l'entendre, que j'aime cet homme depuis toujours. C'est vrai, mais mon amour a évolué pour lui, au fil du temps.

Je l'ai détesté aussi, bien avant de tomber raide dingue de lui. Et ça a commencé ce jour là.

Il avait recouvert de peinture la pauvre Cherry Quinn, une de mes camarades de classe. Je n'ai jamais su pourquoi d'ailleurs. Bref, sa mère était venue sonner, et encore heureux pour Tyler, c'est sa mère qui a ouvert, et pas son père. Je ne suis pas certaine que la punition aurait été la même.

Donc, la maman de Cherry n'avait même pas salué Kelly, et avait direct hurlé sur elle, tellement fort, que j'ai tout entendu depuis la cuisine où je beurrai des toasts avec Jason.

Cette femme, était en larmes. Sa fille subissait déjà du harcèlement en raison de son trouble du langage ; et Tyler en a rajouté une couche.

Durant des semaines, je lui ai fait la tête, ne lui adressé plus la parole. J'avais honte de son comportement. Ce qui m'avait le plus fait mal au cœur, c'est qu'il en avait rien à faire du mal qu'il avait fait à cette fille. Comportement puéril d'un attardé de 22 ans. Voilà comment je le voyais.

Et puis, durant les grandes vacances...

- Arrête de tirer sur mes tresses ! L'idiot de Tyler se met à sautiller sur place. Et enlève se sourire, je te déteste ! Et pourquoi t'es content tout à coup ?

- Tu m'as adressé la parole !

Son sale sourire s'étire encore. J'ai envie de le gifler.

- C'est la dernière fois Tyler !

- La dernière ?

- Oui ! Maintenant, laisse moi tranquille !

- D'accord. Mais je te suis. Une gamine de 13 ans toute seule dehors, c'est dangereux.

- Je ne suis pas une gamine !

- Je croyais que tu ne voulais plus me parler ?

Je roule des yeux en tapant du pied, puis reprend mon chemin, Tyler derrière moi évidemment. Je me mords sur la langue pour ne pas lui crier dessus et continue ma route.

- Fait chaud, tu trouves pas ? Hey, la naine, on va où comme ça ?

Je ne répond pas et m'arrête sur le petit sentier menant au lac. Je me laisse tomber sur l'herbe, regarde le ciel, puis m'allonge en fermant les yeux.

Le brun que je considérai comme ami, s'installe à côté de moi. Manquait plus que ça ! Je soupire, mais ne dit mot.

- Tu veux que je te dise secret ?

- Non.

- Je vais te le dire quand même. Tu me manques Mélo.

- Je m'en fous Tyler.

- Je ne te manque pas un peu ?

Je tourne la tête dans sa direction en ouvrant les yeux. J'ai l'impression de lire de la tristesse dans son regard, mais je connais Tyler...

- Non. Je dis avec aplomb.

Il me fixe de ses grands yeux avant de sourire gentiment.

- Tu ne sais pas mentir Mélody.

- Si tu le dis. Maintenant, je veux que tu me foutes la paix.

Bien-sûr, il reste à côté de moi, et se met à parler. J'ai pas envie de l'écouter, mais bon, je n'ai pas vraiment le choix.

- Je me suis excusé auprès de Cherry tu sais. Je n'ai pas fait exprès avec la peinture. Elle est passée au moment où je délirais avec Josh. Et elle s'est ramassée le pot de peinture sur la tête. C'est tout.

Il marque une pause dans son monologue, avant de soupirer et de tirer une nouvelle fois sur une de mes tresses.

- Arrête de faire ça !

- Non, c'est trop tentant. Il me fait un clin d'oeil. Donc, je n'ai pas volontairement balancé la peinture.

- Et pourquoi tu me dis ça ? Ça ne change rien, je te déteste quand même.

- Parce que ce que tu penses de moi, c'est important. C'est tout.

Important. Ce que je pense se lui ?

Je soupire en me mettant assise.

- Tu t'es excusé quand ? Je veux dire, auprès de Cherry ?

C'est à son tour de s'allonger sur l'herbe, en croisant les bras sous sa tête.

- Le soir même. J'ai pas eu le temps de lui dire sur le moment, qu'elle s'est sauvée en pleurs. Je l'ai suivie, mais elle a pris peur, alors je l'ai laissé tranquille.

Ah je vois... Mais, est-ce qu'il dit vrai ?

- Si c'est la vérité, pourquoi tu n'as rien dit à Kelly ?

Il m'observe.

- A vrai dire, je ne sais pas trop. J'ai pas d'explication à ça. Mais je lui ai avoué avant d'aller m'excuser.

Hum, Mouais.

- Pourquoi ce sourire en coin alors ? Quand ta mère t'a engueulé ?

- Avoue que c'est drôle de la voir en colère non ? Je me moquais d'elle, pas de Cherry. Je te le promets Mélody.

Est-ce que je dois le croire ? Je plante mon regard dans le sien, et décide de le croire.

- D'accord, je te crois.

Il m'offre un magnifique sourire avant de se relever.

- Tu me fais encore la tête ? J'aime pas quand tu m'ignore, Laura Ingalls !

- Laura Ingalls ? Non mais pourquoi tu m'appelles comme ça ?

Il se met à rire avant de reprendre son sérieux.

- Avec tes tâches de rousseurs et tes nattes...

- Idiot !

On rit tous les deux, avant qu'à mon tour, je me remette sur mes pieds.

- Tu veux qu'on se baigne ? Il fait assez chaud !

- Non merci Tyler. Je préfère observer l'eau. Et puis Jason va me rejoindre.

- Ah l'asticot... J'attends avec toi, et je rentre.

J'ai arrêté de détester Tyler ce jour là, et j'ai commencé à le regarder autrement. Je savais qu'il ne mentait pas. Il ne voulait pas faire de mal à Cherry.

Mais maintenant, quand je le regarde, je ne sais plus quoi penser. Il est là, devant moi, muet comme une carpe, m'observe attentivement, comme moi je le dévisage, l'amour en moins.

Je suis bien évidemment heureuse de le voir en cette veille de Noël. Un magnifique cadeau, mais, je ne sais pas. Je n'arrive pas lire en lui, je n'y arrive plus.

Ses yeux ne reflètent aucune émotion.

Une perte de mémoire, ne peut quand même pas effacer toutes traces d'émotions, non ?

Je le déteste. Je déteste ce qu'il est devenu.

Je te déteste. Je te déteste comme lorsque j'étais ado. Je te déteste comme je t'aime Tyler. Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu me fais ça ?

- Je suis désolé de ne pas pouvoir passer cette soirée avec toi. Je dois aller chez... Chez mes parents.

- Je sais, je souris tristement. Je suis contente de t'avoir vu.

Contente, mais en même temps, tellement triste de faire face à un... Étranger.

Étranger.

Son visage n'exprime rien, comme si il était incapable de laisser paraître ne serait-ce que son désarroi de me voir dans un état pareil.

C'est coup de poignard supplémentaire dans mon âme déjà bien amoché. Je retiens mes larmes, et la colère qui monte en moi.

Je jette un œil vers Adam, spectateur presque fantomatique de la scène qui se déroule sous ses yeux. Il est un étranger pour moi, et pourtant, je lis la tristesse dans son regard. Pas comme Tyler.

Pas comme toi.

Je croise les bras, un sourire forcé flottant sur mes lèvres. Que faire de plus ?

Une heure en sa présence, et on a même pas été foutus d'avoir une conversation.

Rien à se dire, hormis des banalités sans importance. Que c'est triste, mais surtout, pathétique.

- Et bien, je vais y aller, passe un bon réveillon Mélody.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il quitte l'appartement sans, sans un au-revoir, sans un mot pour Adam.

La porte claque, je suis toujours debout, les bras croisés, fixe cette porte sans la voir.

Je ne sais pas où je puise cette force, mais je ne pleure pas.

Je ne pleurerai pas.

**
Tyler

- Alors ? Tout s'est bien passé ?

Je claque la portière avant d'attacher ma ceinture. Est-ce que cela s'est bien passé ?

En fait, je ne sais pas vraiment, mais ce qui est sûre, c'est que c'était bizarre. Vraiment bizarre.

- Si on veut, dis-je en haussant les épaules.

- Ok, donc ça c'est mal passé, il affirme en soufflant. Je t'avais dit de ne pas y aller.

Je lui lance un regard en coin alors qu'il démarre. Pourquoi interpréter ce que je dis ? Qu'est ce que cela peut m'énerver !

- Ce n'est pas ce que j'ai dit Josh.

- T'as dit que c'était bizarre.

- Et ? J'ai peut-être perdu la tête, mais bizarre n'est pas synonyme de mal passé !

Mon ami se tait et se concentre sur la route. Quant à moi, je ferme les yeux et tente de me connecter à Mélody, en vain.

Je ne comprends pas. Vraiment je ne comprends pas.

J'avais un plan. Un plan simple !

"Salut Mel, tu vas bien ? Je me suis inquiété de ne pas te voir à la clinique. Est-ce que tu as passé une bonne nuit ?"

Non, au lieu de ça, je suis resté debout comme un débile, à observer cette femme devant moi, à tenter de me souvenir d'un détail, moindre soit-il, mais sans succès. J'avais tant de choses à lui demander, mais, tout est resté coincé dans ma gorge.

Mélody a engagé la discussion, me demandant si ça allait, si j'étais moins nerveux, et puis, j'ai perdu le fil. Je voyais ses lèvres bouger, mais je n'entendais rien. Strictement rien.

Elle a dû me prendre pour un fou, ou que sais-je !

- On va arriver chez tes parents.

- Je ne veux pas y aller.

- Quoi ? Tu plaisantes ? Tu me dis ça alors qu'on est à un kilomètre ?

- J'ai le droit de changer d'avis non ?

Josh s'arrête sur le bas côté, énervé. Il coupe le moteur, se tourne vers moi, son regard lançant des éclairs.

- Je suis très gentil Tyler, patient aussi, mais un moment donné, c'est stop ! Tu vas aller chez tes parents, que tu le veuilles ou pas !

Je me mords sur la langue pour ne pas le rembarrer. A croire que c'est lui qui doit décider pour moi !

- J'ai pas dit que je n'irai pas, dis-je calmement, juste que je ne veux pas y aller.

- Quoi ? Tu y vas ou pas ?

Je ne veux pas y aller, vraiment pas, mais est-ce que j'ai le choix ? Pour aller mieux, j'ai besoin de me plonger dans le passé, mon passé. Autant commencer par le début, pas vrai ?

Je ne sais rien de moi, hormis quelques bribes que l'on m'a appris ces derniers jours. J'ai envie de me souvenir, ou au moins tenter de me souvenir.

J'observe une dernière fois mon seul ami, perdant patience.

- Ok, on y va, je lâche dans un souffle.

Je vais le regretter, je le sens.

**
- Arrête de te ronger les ongles putain !

- Je suis nerveux Josh, c'est plus fort que moi.

- Tu as toujours eu cette sale habitude, à chaque période de stress. Et ça me stress, il me lance, visage sérieux, mais sourire aux lèvres.

Peut-être. En tout cas, c'est dégueulasse, mais c'est plus fort que moi.

- Ça va aller Tyler. Et puis, ton frère sera là.

- Tu vas rester aussi ?

Il passe une main nerveuse dans ses cheveux, avant de faire non de la tête.

- Comme je te l'ai expliqué avant de partir, je reste un peu, et je vais chez mes parents.

Ok, il me laisse tomber. Sympa. Je vais être perdu au milieu de parfaits inconnus, et je vais devoir sans doute répondre à des centaines de questions, sans personne à mes côtés pour m'aider.

- Ne fais pas la tête Tyler. Si ça va pas, tu m'appelles. Ok ?

Je hoche la tête, ne sachant pas quoi dire ou faire.

Il me sourit gentiment, avant de sonner.

J'ai peur.

**
Mélody

Quatrième clopes en moins d'une heure. Quelque chose ne va pas. Je le sens, j'angoisse. Et ce putain goût de sel qui revient en force.

Je tire une longue taffe en fixant la neige tomber. Noël blanc. Cœur noir. Drôle de réveillon.

- Tu vas vraiment tomber malade Mel, me dit Adam en posant sur moi un plaid.

- Merci. Je suis déjà malade Adam. Un peu plus ou un peu moins, ça ne fera aucune différence.

Je sens son regard sur moi, mais je reste la tête levé vers le ciel, tirant sur ma clope, mes pensées tournées vers l'homme que j'aime.

- Tu n'es pas malade Mélody, juste triste.

J'ai un rire amer. Triste.

- Après m'avoir rabâché les oreilles avec ma dépression, voilà que je ne suis plus malade. T'en as d'autres comme ça ?

Il ne relève pas, et change de sujet.

- Tu viens manger ?

- Franchement, ai-je l'air d'avoir faim ?

J'écrase ma clope dans le cendrier, et me laisse tomber sur le banc recouvert de neige.

- Mel, sérieusement, ne peux-tu pas faire un effort ? C'est la veille de Noël, et je n'ai pas envie de me disputer avec toi.

Je le foudroie en me levant d'un bond, en serrant les poings.

- Tu crois vraiment que j'aie envie de faire semblant d'aller bien, pour te faire plaisir parce que c'est Noël ?

- Ce n'est pas ce que j'ai dit, et tu le sais très bien.

Je ferme les yeux, en essayant de calmer la respiration.

Sors moi de là Mélody.

Tyler.

J'ai besoin de ta présence. Pitié Mélody, aide-moi.

Mon corps se met à trembler. Je n'ai pas froid, c'est l'angoisse. L'angoisse s'empare de moi. Ça se passe mal avec Tyler.

- Mel, tu trembles. Rentrons à l'intérieur.

Adam passe un bras autour de mes épaules, et je me laisse guider jusqu'à la table de la salle à manger. Des images tournent dans ma tête, et je n'aime pas ça.

Je sens mon téléphone vibrer dans ma poche.  Je l'avais complétement oublié.

Zack
Salut ma belle. Tyler est mal à l'aise, et maman... Bref, égale à elle même.

Je le savais ! Ça ne se passe pas bien là bas ! Putain ! Il aurait dû rester ici, avec moi !

Moi
Tu peux venir me chercher ? J'épaulerai Tyler.

Zack
Non Mel. Tu le verras demain. On va passer à table. Ça va aller. Je suis là.

Je relis plusieurs fois ce message. Il plaisante j'espère ? Tyler n'est pas à sa place là bas, je le savais ! C'est une très mauvaise idée.

Moi
Il a besoin de moi ! Tu le sais très bien.

Zack
Non Mélo. Il a besoin de sa famille. Bon réveillon à toi.

Mes yeux ne veulent pas se détacher de ce dernier message. Sa famille. Il a besoin de sa famille. Et moi ? Je ne suis pas sa famille ?

Sa famille. Il a besoin de...

- Mel ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

J'entends la voix inquiète d'Adam, mais je suis incapable de lui répondre.

Je suis qui ? Je suis quoi ?

- Mel ?

Je reste silencieuse et ne fais aucun geste alors que mon téléphone glisse de mes mains, pour atterrir dans celles de mon ami.

- Il est gonflé, je l'entends dire doucement. Mel, ne te rend pas malade pour ça, d'accord ?

Plus facile à dire qu'à faire. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer.

Pourquoi à la moindre contrariété, j'ai envie de chialer ? Il faut que je prenne sur moi.

Ce n'est pas tant sa phrase qui me fait mal, mais le gras de sa.

On n'exclut, tout simplement. Je sais bien que nous n'avons aucun lien de sang, que nous sommes juste fiancés, enfin, plus vraiment maintenant, mais n' étais-je pas son grand amour ? Celui qu'on ne connait qu'une seule fois dans sa vie ?

Je suis toujours son grand amour, et tôt ou tard, il s'en rappelera, n'est-ce pas ?

- Je...Adam, comment peut-on me mettre de côté ? M'effacer comme si je n'avais jamais existé ?

- On ne t'efface pas Mélody. Mets toi à la place de ses parents, ne voudrais-tu pas, toi aussi, en profiter ? Partager des moments forts, des retrouvailles que tu pensais ne jamais avoir ?

Si, bien sûr que je voudrai profiter de son retour, le serrer fort dans mes bras, lui répéter encore et encore combien j'ai eu mal sans lui à mes côtés !

- Tu penses que je suis égoïste ? Je lui dis d'une toute petite voix.

Il replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, un léger sourire aux lèvres.

- Toi ? Égoïste ? Ne dis pas de bêtises. Tu es tout le contraire ma belle. Tu es juste amoureuse et très inquiète. Qui pourrait t'en vouloir ?

Un peu rassurée par ces quelques mots, je soupir et entoure de mes bras mon ami.

- J'espère que ça va aller, je murmure contre son torse. J'ai pas envie qu'il se sente mal.

A son tour, Adam me serre dans ses bras.

- Fais lui confiance, ça va le faire.

Tyler

Je n'en peux plus de tous ces gens, qui ne font que parler, parler et raconter des souvenirs dont je ne me souviens aucunement. J'en ai plus que marre !

Tu te souviens de ça ? Et le jour où tu es tombé de vélo en essayant de... Blablabla.

J'en ai strictement rien à faire de ce qu'ils me racontent ! Tout ce que je veux, c'est que toutes ses bouches ouvertes, se ferment !

En plus, on ne me laisse pas en placer une, et Zack ne m'aide pas vraiment ! Cette, femme, ma mère, me tape sur les nerfs comme c'est pas possible. Elle ne fait que pleurer, pour un oui ou pour un non. Je suis en vie, elle devrait être heureuse, non ?

Et mon père... Il ne parle que de mes exploits au basket. Je croyais que j'étais musicien et interprète ?

J'ai perdu le fil de la conversation, je suis incapable de me rappeler ce qu'il se disait il y a deux minutes. Merde.

J'ai envie de rentrer.

- Tyler, tu n'as presque rien mangé, m'interpelle soudainement Zack. Ça va ?

Je l'observe quelques instants avant de hausser les épaules. Je crève la dalle, mais je ne peux rien avaler tellement ces personnes me gavent.

Mon frère soupir avant de replonger son nez dans son assiette.

Depuis quelques secondes, je sens un regard posé sur moi, me mettant encore plus mal à l'aise que je ne le suis déjà. Relevant la tête, mes yeux croisent ceux de Jay, mon petit frère. Ce dernier semble avoir l'immense envie de me tuer.

Je ne baisse pas le regard, lui non plus. Qu'est-ce que j'ai bien pu lui faire à cet idiot ?

- T'as l'intention d'humilier toute la famille, après avoir mis plus bas que terre Mélody ?

Un froid s'installe dans la salle à manger. On entend plus rien, pas même les couverts grincer contre les assiettes.

- Jay, ne commence pas, intervient mon père.

- Quoi ? J'ai aussi le droit de poser une question !

- Tu veux dire quoi par là Jay ? Humilier la famille ?

Le brun se cale contre le dossier de sa chaise, croise les bras, en ricanant.

- Tu peux faire croire à qui tu veux que t'as perdu la mémoire, mais pas à moi Tyler ! T'en as fait baver à la pauvre Mélo depuis le jour où tu as posé les yeux sur elle ! N'hésitant pas à la rabaisser avec ta connasse de Jenna !

- Jay, ça suffit ! Hurle mon père en tapant du poing sur la table.

Mais cela ne le fait pas taire pour autant.

- C'est pas toi qui l'a ramassé à la petite cuillère plus d'une fois, pas toi qui a dû la défendre quand tu l'as fait passer pour une fille facile ! Après ça, quand elle s'est barré d'ici, par ta faute, t'as décidé un matin d'aller la voir, tu as encore profité d'elle, jeté comme de la merde, pour la reprendre, la jeté encore et encore ! Jusqu'au coup de grâce, où t'as fait gober avec ton pote que vous vous êtes échoués sur une plage ! J'en reviens pas de ce que j'entends ! Je devrais le remettre à sa place, mais j ai le bec cloué. Tu reviens ici, en faisant croire que t'as tout oublié, t'es là, assis, et on voit bien que tu te fais chier, que t'en a rien à foutre de nous, que t'as envie de te barrer et de te foutre de notre gueule avec Josh !

- Jay putain ! Arrête de raconter des conneries ! Tu vois pas que tu fais du mal à tout le monde ?

- Je m'en tape Zack ! Faut bien que quelqu'un ici lui remette les idées en place ! Tyler est un imposteur, menteur et...

Il se tait en se ramassant une claque de notre mère.

- Je t'interdis de parler de cette façon sur ton frère ! Tu as été péché où toutes ses âneries ? Tu crois vraiment qu'il s'amuserait à nous faire ça ? Tu le connais si mal ?

Jay serre les poings alors qu'il vient de se mettre debout. Quant à moi, je ne sais ni quoi dire, ni quoi faire face à ses étrangers. Zack et mon père se lèvent à leur tour, Tatum reste tête baissée sur son assiette.

- Je le connais mieux que vous apparemment.

- Maintenant Jay tu la fermes ! Si ça te va pas d'être en famille, va dans ta porcherie qui te sert de piaule !

- C'est moi qui vais m'en aller, je fini par dire en me levant. Je n'aurai pas dû venir.

- Oh non mon fils, tu restes là ! Ton frère va se calmer et s'excuser, n'est-ce pas ?

Jay observe notre père d'un mauvais œil, avant de sortir en trombe du salon. Ma mère soupire de soulagement, Tatum se lève et quitte à son tour la salle à manger, tandis que Zack pose une main sur mon épaule.

- Je suis désolé, je ne sais pas ce qu'il lui a pris.

Mon père nous rejoins, en m'offrant un sourire peiné.

- Jay est un bon garçon, mais ces derniers temps, c'est compliqué pour lui.

- Ça n'excuse pas son comportement papa !

- Je ne l'excuse en rien Zack, tu le sais très bien !

Je ne sais pas où me mettre. J'aurais dû écouter cette petite voix dans ma tête, et ne pas mettre un pied ici. L'ambiance était déjà étrange à mon arrivée, mais là, elle est devenue trop pesante, trop lourde.

Il faut que je me casse d'ici.

Mélody, j'ai besoin de toi.

**
Je me réveille avec un mal de tête horrible. J'ai très mal dormi; ma nuit fût peuplé de mauvais rêves, comme lorsque j'étais malade sur l'île.

Je me lève du lit en vacillant ; de justesse, je me rattrape à la commode. Je sens que cette journée va mal se passer.

J'ouvre doucement la porte, en espérant que personne ne se trouve dans le couloir, puis le traverse pour rejoindre la salle de bain. Zack m'a montré où elle se trouvait hier soir; heureusement, je me voyais mal ouvrir toutes les portes !

Je prends une douche rapide, enfile les vêtements, me brosse les dents, file pisser et direction la cuisine.

Merde. Jay est déjà levé.

- Bonjour, dis-je en allant le servir un jus d'orange. Pas de réponse. Tu as bien dormi ?

Il se tourne vers moi, le regard toujours aussi mauvais, mais ne fait aucun commentaire.

Chaleureux l'accueil.

Je retiens une remarque cinglante, puis avec mon verre, je m'installe à table.

- J'ai réfléchis tu sais, je finis par lui dire au bout de quelques instants, et je crois que ton problème, ce n'est pas moi, mais toi.

Je vois son dos se crisper. Touché.

- Qu'est-ce que tu entends par là ? Me dit-il sans se retourner.

- T'es juste jaloux en fait. Parce que je suis devenu le centre d'attention, non ?

Il éclate de rire, avant de se tourner vers moi.

- Jaloux ? Non mais tu plaisantes ? Qui voudrait être jaloux de toi ? Peut être un mec qui n'arrive pas à percer dans la musique, mais certainement pas moi !

- Ah non ? J'attrape une clémentine dans le panier à fruits, et commence à l'éplucher. Pourtant, j'ai l'impression que tu tiens bien trop à Mélody. T'as pas le béguin pour elle, par hasard ?

Il ne rit plus. Son visage vire au rouge, mais je suis incapable de dire si c'est parce que j'ai raison, ou parce qu'il est en colère que je pense à cela.

- Et puis, j'enchaîne, voyant qu'il ne répond pas, tu es le dernier de la famille, donc le chouchou je présume, et maintenant que je suis de retour, tu es tombé dans les oubliettes.

Il serre les poings, ferme les yeux, et inspire un grand coup.

- J'ai promis à maman de ne pas faire de scandale aujourd'hui, Noël est important pour elle, mais me cherche pas Tyler.

- Je ne te cherche pas Jay.

- Non ? C'est ce que tu fais pourtant ! Maintenant ferme ta gueule.

Je lui offre mon plus beau sourire avant de mordre dans ma clémentine, toujours sous le regard noir de mon frère.

- Franchement, t'aurais mieux fait de crever sur cette île, si jamais cette histoire est vraie.

Je cesse de manger. Mon cœur se serre à ces mots. J'ai souvent répété que j'aurais dû crever, mais l'entendre resonner à mes oreille...

- Ouais, t'as raison, c'est tout ce que je trouve à dire. Joyeux Noël Jay.

Je laisse tout en plan sur la table, et quitte la cuisine, en larmes.