End Game (1)

Je suis à peine sortie de ma chambre qu'un parfum de cacao m'assaille les narines. Je souris, heureuse, Sànka a dû me préparer un gâteau au chocolat pour mon anniversaire, ce qui est non seulement trop gentil. Mais en plus, c'est une très bonne nouvelle, elle fait de superbes pâtisseries, même si c'est très rare qu'elle cuisine puisqu'elle n'en a pas le temps avec ses études de médecine. J'avance dans le couloir pour rejoindre mes amies qui sont dans le séjour et dès qu'Isabelle me voit, elle met la musique en route. Aucun doute, elles me surveillaient.

Je mets à peine un quart de seconde à reconnaître la chanson, c'est Happy Birthday To Us, de Her Majesty – qui, il faut tout de même l'avouer, est un simple remix à leur façon de Happy Birthday. En même temps que moi, mon couple de perruches, depuis ma chambre, reconnaissent la musique et se mettent à piailler en rythme, je ne suis pas la seule à adorer les sons de Her Majesty. Je ne peux pas m'empêcher de rigoler face à la situation tant ça me fait plaisir. Mes amies sont géniales, elles me connaissent par cœur, ou alors je suis simple à satisfaire, mais c'est un secret. Et je ris encore lorsqu'elles s'écrient toutes les trois : « Bon anniversaire ».

Je les rejoins en deux enjambées dans la salle à manger, étonnement lumineuse malgré le temps mauvais temps à l'extérieur. Et je leur fais à toutes un câlin, tout en les remerciant, contente qu'elles aient pris la peine de se lever plus tôt pour faire un gâteau et être prêtes avant moi alors qu'elles sont toutes en vacances, sans compter qu'il n'est que huit heures. Surtout qu'elles sont encore dans l'appartement uniquement en tant que soutien émotionnel. Enfin, peut-être pas Sànka, mais les autres si.

— Je t'ai fait des petits fondants au chocolat, annonce Sànka en réussissant à faire du mot « chocolat » un mot exotique grâce à son accent congolais. J'aurais aimé en faire plus, mais tu es trop souvent là pour que je puisse m'exprimer librement en cuisine.

— T'en fais pas, j'adore tes fondants au chocolat, tu n'avais pas besoin d'en faire plus.

Nous nous installons à table, sauf que Caroline ne s'assoit pas. Au contraire, elle part vers sa chambre, au fond du couloir. Je regarde quelques instants ses cheveux crépus rebondir sur ses épaules au rythme de ses pas. Tandis que je cherche à porter mon attention sur autre chose, mes yeux se posent sur la table, qui contrairement à d'habitude, où chacune y amène ce qu'elle veut, a déjà tous les verres et les jus de fruits posés dessus.

Quand je relève mes yeux, Caroline revient, les yeux pleins de fierté et trois paquets cadeaux dans les mains, les emballages ne ressemblent d'ailleurs pas à grand-chose, aucune des trois filles n'est forte pour en faire, mais peut-être qu'avec un peu d'espoir, quand j'aurai soixante-dix ans, elles sauront en faire. Elle les pose devant moi, après que Sànka, juste à côté de moi, a dégagé une petite place.

— Tada ! Plein de cadeaux, déclare Caroline, très fière d'elle, comme si elle venait de faire un tour de magie. Ouvre-les vite, je veux voir ta réaction quand tu ouvriras le mien.

Même sans regarder Sànka, je sens qu'elle est désespérée par le cas de Caroline. Et je comprends facilement qu'à la base, elle aurait dû attendre un peu avant d'amener les cadeaux. Mais aussi, à quoi est-ce que Sànka s'attendait sérieusement ? Caroline fait partie des personnes les moins patientes que je connaisse, il était évident qu'elle n'allait pas attendre longtemps avant de ramener les cadeaux. Honnêtement, je ne lui aurais même pas confié les paquets si je voulais qu'ils arrivent au bon moment.

J'ouvre le premier de la pile, plus parce que je suis impatiente de voir ce que c'est que pour faire plaisir à Caroline, il a vraiment la forme d'un livre, mais je n'ai vraiment aucune idée duquel il peut s'agir puisque je n'ai rien conseillé à mes amies. Mais elles me connaissent sûrement assez pour ne pas choisir un livre qui ne me plaira pas. Et quand je vois la couverture, je sais très bien qu'elles ont tapé juste, c'est Je voulais juste être libre de Claire Gratias, mon auteure favorite. Elles ont d'ailleurs beaucoup de chance que je ne l'ai pas déjà acheté, vu qu'en plus d'être de mon écrivaine préférée, c'est un thriller comme je les aime.

— Vous voulez sérieusement que je rate ma deuxième année ? Vous trouvez que je ne galère pas assez toute seule ? Sérieusement, si je le commence aujourd'hui, je ne réviserai pas de la journée ! Et je vais devoir attendre une semaine avant de le commencer ! rigolé-je lorsque je le reconnais.

Je dis cela en rigolant même si je le pense vraiment. Après tout, pour la troisième fois en quatre ans, je me retrouve au rattrapage, j'ai peut-être plus révisé la danse de salon avec mon frère Arthur pour l'Open de Paris que le droit pour mon quatrième semestre et une fois de plus, ça se voit très bien à mes notes. Maintenant, il faut sérieusement que je ne me plante pas de nouveau, j'ai déjà redoublé ma première année, hors de question que je recommence pour ma deuxième année, je veux être absolument sûre que je rentrerai en troisième année en septembre. Alors si, dans la dernière ligne droite, mes amies tentent de me corrompre à grands coups de livre, je ne suis pas sortie de l'affaire. Après tout, ce n'est pas pour rien que je n'avais toujours pas acheté ce livre-là.

— Ah... c'est bête, je me suis gourée de cadeau, du coup, réplique Caroline en soupirant en feignant d'être énervée ou déçue.

C'est difficile à dire, c'est très largement la pire comédienne que je connaisse.

Sànka rit, se moquant ouvertement de Caroline et avant que cette dernière ne réplique quoi que ce soit.

— Allez, ouvre le deuxième, c'est un cadeau de la part de nous toutes, mais c'est l'idée de Sànka, je suis certaine qu'il te plaira, s'exclame Isabelle.

Curieuse, je pose le livre en sécurité, loin de la table, et je commence à déballer le deuxième paquet du tas. À l'intérieur se trouve une boîte à chaussures, mais même avant de l'ouvrir, je sais qu'elle ne contient sans doute pas une paire de chaussures, vu que c'est le carton de mes bottines – je crois que c'est une preuve d'un cruel manque de budget. J'ouvre le coffret et découvre un blouson en cuir bleu marine. Avec un peu d'espoir, quasiment certaine que c'est une copie de la veste que porte Terrie Century lors de son tout dernier concert, je la sors de l'écrin et découvre avec joie que j'ai raison.

C'est une copie conforme, comme l'original, la veste a une coupe ressemblant un peu à celle d'un Perfecto, par contre elle ne ferme pas grâce à une fermeture éclair, mais plutôt à l'aide de deux rangées de boutons comme les vestes d'officiers. Et le plus classe et original de la veste, ce sont les manches lâches, même au niveau des poignets. Elle est sublime, bien plus belle que la plupart des copies disponibles sur le commerce, je ne suis même pas sûre d'en avoir déjà vu une aussi magnifique, hormis celle que portait Terrie bien évidemment, ce n'est pas faute d'avoir cherché pourtant.

— Ooooh, merci beaucoup, elle est magnifique, c'est beaucoup trop gentil ! m'exclamé-je ravie.

Je ne suis même pas étonnée que ce soit l'idée de Sànka, car c'est sans doute celle que connaît le mieux Her Majesty après moi. D'un autre côté, le groupe est encore suffisamment connu pour que la plupart des personnes aient déjà vu Terrie porter cette veste ou alors Warren, qui avait porté une version plus masculine, le même jour. Ça aurait donc pu être n'importe laquelle des trois filles qui aient eu l'idée.

— Merci beaucoup ! répété-je une énième fois, alors que j'ai l'impression d'avoir la voix d'une petite fille heureuse.

J'ai aussi l'impression d'être une petite fille qui découvre pour la première fois ses cadeaux sous le sapin, mais ça, c'est un autre problème. Ne sachant pas trop quoi faire de la veste pour ne pas l'abîmer, je la replie et la remets dans la boîte où elle sera en sécurité.

Puis je prends le dernier paquet et le débarrasse de son papier. Cette fois-ci, ce n'est pas une boîte à chaussure, je peux donc voir avant de l'ouvrir ce qu'il contient, ce n'est autre chose qu'un globe terrestre qui devient une sphère céleste la nuit. J'adore ce genre de globes, j'en ai d'ailleurs déjà eu un, mais il s'est malheureusement fait casser récemment.

— Oh, merci beaucoup, c'est parfait, j'avais vraiment envie d'en retrouver un ! m'écrié-je étonnée du cadeau.

— En même temps, tu as cassé celui que tu avais, j'étais obligée de t'en offrir un nouveau, remarque Isabelle.

— Moi, je n'ai rien fait, c'est ton chat qui l'a fait tomber ! me défends-je.

— Tu n'as absolument aucune preuve de ce que tu avances, mademoiselle la future avocate, je suis convaincue que vos accusations sont infondées.

— Il n'y a aucune preuve parce que tu refuses qu'il y en ait, mais tu sais aussi bien que moi que ton chat est coupable, sinon tu ne m'en rachèterais pas un globe.

— C'est une accusation tout simplement abjecte, conteste-t-elle sans se démonter.

J'arrête le débat là, le mal est fait et le remboursement a été accompli.

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