Chapitre 1

La résidence des Hortensia était un petit immeuble de cinq étages situé dans une agglomération lyonnaise. On ne pouvait imaginer lieu plus paisible que cette petite résidence propre et nette, dans laquelle se côtoyaient jeunes et vieux, petits et grands. Tout le monde se connaissait et les habitants  avaient leur petite routine bien ancrée. Tout commençait avec la vieille Monique qui, chaque matin, descendait ses poubelles à sept heures. Elle habitait seule au cinquième et dernier étage et le moins qu'on puisse dire d'elle, c'est qu'elle n'était pas commode. Après elle, on pouvait voir le jeune gars du troisième, Richard, qui allait acheter son pain. Celui-là, tous ses voisins s'accordaient pour dire que c'était un brave type, toujours prêt à rendre service. Ensuite les entrées et sorties se succédaient : la jolie dame du quatrième partait amener sa petite Lucie à l'école, Hector Marchand, riche homme d'affaire du premier étage partait travailler en même temps que son voisin du quatrième, dont la femme restait dans l'immeuble et apparaissait vers dix heures du matin pour  traîner sur son balcon.

La seule personne qui n'apparaissait pas de la journée était l'ex-colonel Arthur William Merlot, troisième du nom. Bien qu'officier irréprochable durant sa jeunesse, il était devenu paranoïaque avec l'âge et, de peur de se faire assassiner dans la rue par des terroristes appartenant à une quelconque mafia étrangère (chose hautement improbable dans ce quartier qui respirait la tranquillité), il préférait s'enfermer à double tour toute la journée pour astiquer encore et toujours son incroyable collection de couteaux, fusils et autres armes. La police avait essayé de les lui retirer mais, les ayant acquises légalement alors qu'il était dans l'armée, le colonel avait réussi à faire valoir ses droits. Tant que les gendarmes n'auraient prouvés qu'il représentait un réel danger - ce qu'ils n'avaient pas encore réussi à faire - il pourrait les garder. 

La routine reprenait  aux alentours de quatre heures et demi lorsque la jeune maman, Malika, revenait de l'école avec sa fille, ce après quoi les résidents défilaient les uns après les autres, rentrant du travail alors que la doyenne de l'immeuble (Monique) promenait son caniche. A huit heures moins vingt et toujours à huit heures moins vingt, quand tout semblait s'être calmé, un petit bonhomme remontait la rue d'un pas guilleret. Il se nommait Charles O'Kolmes (il était d'ascendance irlandaise) et rentrait du bureau de police où il avait passé la journée. N'importe qui observant un tant soit peu cet énergumène pouvait remarquer son étrange exactitude : après être rentré dans son appartement du quatrième étage il attendait en lisant le journal dans son vieux fauteuil que l'église la plus proche sonne huit heures du soir pour s'installer à table et dîner (aussi lui arrivait-il d'être fort contrarié quand l'aiguille de sa montre se posait sur le chiffre "huit" mais qu'il n'avait pas encore entendu sonner les cloches. Heureusement, cela arrivait assez rarement).

Oui, la vie était belle aux Hortensia !

Mais cette naïve tranquillité ne pouvait pas durer... 


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