8- Aller de l'avant - Un choix


Partie 1 Un choix

Seattle – De nos jours

King of leon « When you see yourself »

J'ai décidé de profiter de cette soirée en amis. Je veux essayer d'oublier cette journée bizarre.

Le soleil d'automne est au rendez-vous. Un curieux été indien dont personne n'aurait songé à se plaindre.

Quand je lâche mes adorables fauves dans le jardin de Rosalie, ils partent en courant vers la cabane que Jason leur a construite tandis que je rejoins mon amie à la cuisine. Elle ne s'est pas changée, gardant son jean et sa tunique crème qui mettait en valeur son teint parfait. Rosalie aurait pu être top model mais j'ai depuis longtemps dépassé mon complexe de ne pas être physiquement à sa hauteur. Dans tous les sens du terme. Même pieds nus comme elle l'était actuellement dans sa cuisine, elle fait une tête de plus que moi. Rosalie ne m'a pas entendu arriver, plongée dans ces pensées, elle tourne machinalement la sauce tomate qui va accompagner une de ses entrées. Elle rêvasse une main posée sur son ventre. Je fronce les sourcils.

Qu'a ma Rosalie ? Ce n'est pas son style d'être songeuse ainsi. Depuis longtemps, les rôles sont distribués entre nous, je suis la rêveuse littéraire et elle, la fonceuse matheuse. Une belle caricature. Je glousse intérieurement à cette petite plaisanterie qui nous fait toujours rire. Les gens s'arrêtent souvent aux apparences. C'est plus facile. Alors que la réalité est plus subtile et complexe. La frontière entre nos possibilités, nos rêves et la réalité est tellement difficile à établir.

Soudain Rosalie me voit et brusquement ôte la main de son ventre en rosissant. Mince !

Mon esprit, malgré la fatigue entrevoit immédiatement la solution et je ne peux me retenir de crier

— C'est pas vrai !

Je me précipite vers elle

— Rosie ! Ma Rosalie ! Dis-moi que je ne me suis pas trompée ?

Le petit sourire à la fois, hésitant, triomphant et heureux qui éclaire son visage me renseigne plus aisément qu'un long discours et c'est le délire. Dans les bras l'une de l'autre nous riions et pleurons en même temps...

Elle est enceinte... Enfin. Jason et elle vont enfin avoir leur bébé ! Mon Dieu cela faisait tellement longtemps qu'ils le souhaitent tous les deux.

Ils sont dingues des enfants, tous les deux. Enfin Rosalie adore les enfants qui le lui rendent bien et Jason est ... un grand enfant. Sauf dans le cadre de son métier où il excelle avec un sérieux incroyable pour qui le connait un peu. Plus sérieusement, c'est un ange, je le vois interagir avec Tom et Lily toutes les semaines et même si je ne sais toujours pas si la cabane a été construite pour lui ou pour qu'en profitent tous les trois, les voir jouer ensemble est un vrai plaisir.

Dès que j'ai dépassé l'excitation de cette annonce, j'en demande plus à Rosalie.

— Tu le sais depuis combien de temps ? Tu n'es pas trop fatiguée ? Tu as choisi ton médecin ?

Les questions se bousculent dans ma tête. Je veux tellement que tout se passe mieux pour elle que pour moi. Elle éclate de rire à nouveau.

-Calme-toi Emma. C'est tout neuf... J'ai fait le test ce matin. Jason lui-même n'est pas encore sûr. Je n'ai pas réussi à le joindre et puis, je ne veux pas lui annoncer comme ça par téléphone. Tu es la première... donc tu seras obligée d'être la marraine. À ton tour ma belle d'assumer. Quant au médecin... je verrais plus tard je demanderai à Thomas de me recommander un de ses collègues.

— Oh !

J'en perds la voix. Je suis au courant avant même le papa ! Je suis tellement contente pour eux. Je tombe assise sur la chaise derrière moi avant de me relever très vite.

— Tu n'es pas fatiguée ? répété-je, tu devrais te reposer. Je vais prendre ta place.

— Arrête Emma. Je ne suis même pas encore malade le matin... C'est juste le tout début... Juste, je n'aime pas l'odeur de la viande crue. Tu te charges comme prévu du barbecue, n'est-ce pas ?

-Bien sur Rosalie

Tom entre alors dans la cuisine, interrompant notre conversation.

— Tatie Rosalie, je peux avoir un verre de lait ?

— Bien sûr, votre goûter est prêt sur la table de la terrasse, lui répond-elle en me faisant un clin d'œil.

Elle connait l'appétit des deux petits. Il file dans la direction suggérée en appelant sa sœur. On ne les reverra pas avant un petit moment. Je souris

— Tu seras une super maman, n'en doute jamais, déclaré-je soudain très sérieuse. Rosalie me regarde et me remercie d'un sourire

— Il le faudra bien... avec Jason. D'ailleurs si on ne se met pas sérieusement au travail pour mon homme et mon frère je ne réponds pas de notre espérance de vie.

Nous échangeons un regard complice : leurs appétits ne se sont pas améliorés avec l'âge. Le téléphone de Rosalie sonne alors et je reconnais la sonnerie dédiée à son mari. Elle prend immédiatement l'appel avec à nouveau ce même sourire rêveur au coin des lèvres. La grossesse change décidément ma Rosalie !

Elle écoute Jason un moment sans dire un mot, semblant assez surprise avant de lui répondre simplement

— Aucun problème, Jason. Tout sera prêt dans une heure comme d'habitude,

Elle s'interrompt pour l'écouter à nouveau. J'essaie de ne pas être indiscrète et commence à préparer des brochettes découpant la viande en petits cubes que je mets à mariner dans une préparation aux oignons et aux herbes. Je sais qu'elle n'annoncera rien à son mari par téléphone, mais je m'éloigne pour lui laisser un peu d'intimité en allant voir mes enfants qui jouent tranquillement sur la terrasse.

Rosalie nous rejoint quelques minutes plus tard.

— Ils arrivent bientôt. Il est temps de faire cuire les brochettes Emma tu t'en charges ?

— Comme d'habitude Rosalie.

J'observe son visage. Elle semble heureuse, mais je n'arrive pas à savoir ce que Jason lui a dit de particulier pourtant je sais qu'elle a été surprise, ou plutôt prise de court par cette conversation. C'est leur vie privée. Cela ne me regarde pas et si pendant ce temps elle oublie de me questionner sur la mienne, ça m'arrange plutôt.

Depuis trois jours, j'ai réussi à éviter les questions sur « Stephen le retour », comme elle et Thomas disent. Cela est surement dû à son début de grossesse et vraiment j'en suis heureuse, car même si j'ai pris une décision quelque part entre le sandwich de Matthew et mon arrivée chez elle, je ne suis pas prête à argumenter avec Rosalie.

Je retourne à la cuisine chercher ma préparation et commence à les faire cuire sur le barbecue installé par Thomas et Jason dans un coin de la terrasse. Il ne sert pas très souvent, car la météo de Seattle ne le permet pas, mais c'est ma spécialité et j'adore l'odeur parfumée de la viande grillée au feu de bois. Comme Sacha la petite chatte rousse de Jason qui s'approche de moi dans l'espoir, souvent récompensé, que je fasse tomber un morceau de viande, crue ou cuite.

Rosalie a allumé la chaîne et la voix rauque et puissante de Caleb Followill, le chanteur préféré de Rosalie retentit dans le jardin, le nôtre et celui des voisins, bien sûr.

Je rigole et me mets à fredonner discrètement pour ne pas trop tenter la météo. Je connais la limite de mes capacités vocales ...

Je me concentre sur la cuisson de mes brochettes en surveillant du coin de l'œil Tom et Lily qui ont entrepris de collectionner les insectes présents dans les arbustes et la pelouse. Il fait chaud, j'ai attaché mes cheveux en un chignon lâche pour éviter qu'ils ne me gênent tandis que je retourne d'un geste expert les dernières brochettes pour optimiser la cuisson. Cela fait du bien de tout oublier.

— Emma, ils arrivent ! C'est cuit ? Me demande Rosalie de la cuisine, parlant plus fort pour couvrir la voix de Caleb qui a encore pris de l'ampleur.

Je me retournai alors en essuyant mes mains sur le torchon le plus proche pour accueillir mes deux amis. Sauf qu'ils étaient quatre.

Lily se lève brusquement de l'herbe et part comme une flèche suivie de son frère pour aller rejoindre Garrett qui les accueille avec un grand sourire. Je reste figée. J'aurais dû m'en douter, anticiper. C'était logique. Stephen Mancini a retrouvé ses amis et Jason l'a invité.

Zut, et mes résolutions alors ?

Je finis d'essuyer nerveusement mes doigts, me laissant le temps de reprendre contenance. Cherchant vainement la ligne de conduite à adopter quand Jason s'avance vers moi et comme d'habitude me serre fort, trop fort dans ses bras avant de me plaquer deux baisers bruyants sur les joues.

— Arrête-tu m'étouffes : Tu n'entends pas mon cœur va s'arrêter là ! rouspété-je pour la forme. Je tente de le repousser. Sachant qu'il ne me lâchera que lorsqu'il en aura envie

— Lâche-la, dis calmement Thomas avant d'effleurer à son tour mon front de ses lèvres.

— Humm peut-être. Rigole, Jason, avant de poursuivre

— Pas besoin de te rappeler qui est ce type là-derrière moi ? Tu l'as revu avant moi et tu ne me l'as même pas dit ! Cachottière !

Il finit par me lâcher et Stephen qui n'a encore rien dit s'approche de moi, sans hésiter.

— Pourquoi elle te l'aurait dit ?

Il me prend la main et ce geste me surprend.

— Emma doit tout me dire. Contrat entre nous.

Mon cardiologue préféré tente d'argumenter en reprenant ma main à Stephen. Je grimace une seconde en ressentant un manque. Je sais que c'est l'aspect protecteur de mon grand « frère » et j'aurais dû le remercier mais mon corps est faible.

— Bonsoir Stephen, je ne m'attendais pas à te voir ce soir.

— Bonsoir Emma, je ne m'y attendais pas, moi non plus. Ces deux zigotos m'ont juste parlé d'une soirée entre amis chez Jason, mais pas de toi. Je crois en tout cas que Garrett est fou de joie, il n'arrête pas de me tanner pour revoir tes enfants.

Je soupire.

— Je compatis et je sais, il m'en a touché un mot aussi. Les miens n'ont pas arrêté depuis hier soir.

Il m'adresse son sourire en coin, celui qui il y a dix ans faisait résonner mon cœur et me faisait oublier la réalité. Je le regarde sans répondre.

Une odeur de brûlé et le juron de Jason me fait reprendre pied dans la réalité.

— Putain, Emma ! Fais attention ! Je les veux pas calcinées mes brochettes !

— Maman, Oncle Jason, il a dit un gros mot, m'informe Lily qui ne loupe rien

— Vois ça avec lui, ma puce. Je m'occupe du repas de ces messieurs,

Je reprends ma garde auprès des steacks en tournant le dos à tout le monde. J'ai besoin de réfléchir. Ça va être très compliqué d'éviter Stephen. Même si je le veux vraiment. Nos amis sont les mêmes, nos enfants s'adorent et j'étais l'enseignante de son fils. Je me remémore les mots qu'il a utilisés il y a dix ans pour m'éloigner de lui ou du moins modifier nos relations puisqu'il ne voulait soi-disant pas de relation sérieuse à l'époque. Comme moi maintenant. Il avait été franc. Sincère. Ce qui m'avait beaucoup touché. Ce peut être une ligne de conduite.

Rosalie a rassemblé tout le monde à table et je les rejoins apportant ma contribution au repas. Je m'assois tranquillement encadrée par Thomas et Tom, attendant que le repas se passe, participant un minimum au brouhaha joyeux dû à trois médecins et trois gosses. J'attends le moment propice pour résoudre mon problème.

********

Dans le crépuscule qui éclaire encore un peu cette fin de repas, je regarde Emma. Elle est en face de moi. Encore plus Belle que dans mes souvenirs. Plus attirante que dans mes rêves. Et assise à côté de Thomas. Je les regarde tous les deux et me sens ridiculement jaloux de la complicité qui existe entre eux. Ils se connaissent bien. C'est évident. Et les enfants adorent leur « onc' Thomas ».

J'ai été agréablement surpris de l'invitation de Jason. Cela m'a semblé une bonne façon de conclure nos retrouvailles. Rosalie dans la cuisine a semblé réservée alors que je me souviens que dans le passé elle m'accueillait toujours avec joie. Est–elle fâchée de la façon dont je les avais laissés tomber il y a dix ans ? Il faudra que je mette tout cela à plat avec eux. Mais ce soir, c'est impossible. Je repense au plaisir ressenti lorsque j'ai vu Emma dans le jardin de Jason. Je ne m'attendais pas à retrouver Emma chez eux. Elle fait pourtant partie de leur cercle, de leurs amis. C'est moi l'intrus maintenant. Malgré cette sensation assez désagréable, j'ai passé un bon moment. Je retrouve mes marques avec eux tous. Ils sont chaleureux et les anecdotes de jeunesse, écoutables par les jeunes oreilles présentes fusent. Garrett est ébahi d'apprendre certaines choses sur moi. Non pas que je lui ai caché mon passé. Mais j'aborde peu cette période de ma vie et sa fin amère. Ils m'ont manqué. Beaucoup. Je m'en aperçois maintenant.

Emma est presque silencieuse. Elle regarde et interagit avec tout le monde sauf avec moi. Elle m'évite. En tout cas, je le ressens comme cela. Alors que mon attirance pour elle grandit d'heure en heures. Elle est superbe. Elle a survécu à ce connard de Townsend et a construit sa vie, son métier. Elle a de fidèles amis et ses enfants ont une relation fusionnelle avec elle. Je l'ai ressenti dès le premier jour lorsque j'ai vu Tom en consultation.

Cette femme, dont le potentiel, déjà visible il y a dix ans, m'avait fait peur, est maintenant irrésistible. Je supporte mal la main de Thomas négligemment posée sur son épaule. Je serre les mâchoires et baisse la tête mastiquant une branche de céleri qui reste dans mon assiette. Je n'ai rien à dire. Il a été présent quand elle a eu besoin de lui. Pas moi. S'il y a quelque chose entre eux maintenant je n'aurais qu'à la boucler et ranger mes remords au fond de ma mémoire. Je relève la tête brusquement, sentant le regard inquisiteur puis moqueur de Thomas sur moi. Quelque chose le fait sourire. À mes dépens. Qu'il sourit !

Je grimace à mon tour avant de me lever pour aider Rosalie à débarrasser.

Les enfants ont quitté la table, il y a longtemps et sont perchés dans la cabane dans l'arbre au milieu du jardin. Cette cabane m'intrigue.

— Jason, vous n'avez pas d'enfants. Pourquoi ce truc au milieu de ton jardin ? C'était aux anciens propriétaires ?

Thomas s'esclaffe et Jason rigole à son tour. Je vois Rosalie lever les yeux au ciel. Je me sens un peu bête.

— Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ?

Je demande des explications à qui voudrait bien me les fournir.

Emma prend la parole.

— Non, ils ont acheté la maison sans la cabane. Jason l'a construit il y a deux ans pour Lily et Tom. Enfin, c'est ce qu'il a dit. Mais il l'utilise lui aussi. Souvent.

Tout le monde rit. À commencer par Jason. Il prend alors sa femme par la taille et la regarde amoureusement. Ils échangent un truc du regard. Sans parler. Je jette un œil sur Emma qui les observe aussi et dans la pénombre je vois ses yeux s'embuer d'émotion.

— Moquez-vous mais cette cabane, elle servira bientôt beaucoup plus, commence Jason, les yeux toujours rivés dans ceux de Rosalie.

Je penche la tête sur le côté tentant de comprendre. Mais Thomas est plus rapide que moi. Il se lève rapidement et va rejoindre sa sœur

— Rosalie ? TU es enceinte ? Non ? crie-t-il.

Voir le calme Thomas perdre son flegme est très intéressant. Je suis heureux pour Jason et sa femme. Avoir un enfant est une expérience passionnante. Surtout lorsqu'on est en couple. Je félicite les futurs parents.

Je me rapproche d'Emma dont les yeux brillent dans le noir.

— Tu n'as rien dit ? Tu le savais déjà, lui chuchoté-je lorsque je suis près d'elle. Très près.

— Rosalie me l'a appris ce soir. Avant votre arrivée. Cela fait si longtemps qu'ils souhaitent avoir un bébé.

— Je suis heureux pour eux. Avoir un enfant... en couple, c'est sûrement quelque chose de formidable, laissé-je échapper un peu trop amer.

Je vis qu'elle se retourne vers moi, étonnée et triste. Les trois adultes sont occupés un peu plus loin à parler du futur bébé et semblent nous avoir oubliés.

— Je connais ça. Mais dans tous les cas, l'expérience vaut le résultat. Non ?

Je suis son regard en direction de nos trois enfants qui sont assis sur le sol au pied de l'arbre et se racontent des histoires. Les cheveux blonds de Garrett brillent dans la semi-obscurité. Il semble prendre son rôle d'ainé très au sérieux et ne quitte pas les deux autres. J'esquisse un sourire, fier de mon fils.

— Bien sûr. Je ne regretterai jamais la naissance de Garrett. Il est ce que j'ai de plus important dans ma vie actuellement.

Ma réponse semble plaire à Emma. Je la dévisage attentivement. Nous étions très proches l'un de l'autre et cette attirance, qui avait toujours existé entre nous, renait de plus belle. Elle recule d'un pas.

— Tu te souviens de m'avoir dit un jour que tu ne voulais pas de relation sérieuse ? commence-t-elle

Désarçonné par le changement de sujet, je ne peux qu'acquiescer d'un mouvement de la tête. J'avais si peur à l'époque des sentiments qu'elle faisait naître en moi.

— C'est mon cas maintenant. J'ai juste de la place pour des amis autour de moi. Je ne veux pas compliquer ma vie.

Elle est hésitante en prononçant ces derniers mots. Comme si elle craint ma réaction.

J'essaye de comprendre à mon tour ce qu'elle a voulu dire. Elle veut que je sois son ami ? Et uniquement cela ? Elle me renvoie mes arguments. Je peux le comprendre. L'accepter.

Mais de la même façon qu'il y a dix ans, je sens que l'on passe à côté de quelque chose. Et il est hors de question que cette fois, je gâche ma chance.

— Je viens d'arriver ici, de revenir plutôt. Si tu acceptes de reprendre notre amitié là où je l'ai abandonnée, j'en serais enchanté.

Je vois le soulagement se répandre sur ses traits, tendus jusqu'ici. Aussi je lui cache délibérément la fin de mes pensées. Je suis enchanté de redevenir son ami, pour commencer. 

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