Chapitre 1 / Le Refuge
Septembre 2113
Harry se réveilla en sursaut dans sa chambre. De la sueur coulait sur son visage et ses longs cheveux bruns collaient à son cou. Cela faisait maintenant plusieurs semaines que des cauchemars rythmaient ses nuits et le renvoyaient à son arrivée dans le Refuge numéro 1. Il se leva d'un bond quand son père Jack entra dans sa chambre, alerté par les cris de son fils. Harry se leva, esquissa un sourire à celui qui veillait sur lui depuis maintenant dix-huit ans. Dans ses cauchemars, Harry revivait la panique et le désespoir qui avaient accompagné la fin du monde, puis sa peur quand il découvrit pour la première fois, à seulement cinq ans, le Refuge numéro 1, construit cinq cents mètres sous terre pour échapper à l'apocalypse nucléaire.
Entièrement construit avec du béton armé, chaque Refuge pouvait accueillir environ 1500 personnes. Ils étaient situés non loin les uns des autres et avaient été disposés de la même manière que les cinq branches d'une étoile. Trois étages les composaient. Le premier était réservé au stockage de l'eau, des vivres et aux appartements des habitants. Le second était dédié aux différentes cultures agricoles et à l'élevage de plusieurs races d'animaux. Ils fournissaient la viande nécessaire à la survie des habitants du Refuge. Enfin, le dernier étage était réservé à la centrale électrique qui produisait l'énergie nécessaire au bon fonctionnement du Refuge et au système de filtration de l'air. Les Refuges pouvaient communiquer entre eux grâce à un réseau de radios, et la surveillance extérieure était assurée par la présence discrète de caméras.
Harry se réfugia dans la salle de bain. Il savait que son père ne le suivrait pas. Il y avait entre eux deux beaucoup de non-dits. Il attendit que son père quitte sa chambre pour y retourner et sortir d'une boîte cachée sous son lit des photos de sa mère Line. La revoir calmait son anxiété. Harry se rappela sa douceur, son rire, mais aussi son franc-parler qui lui joua parfois des tours. Line s'était sacrifiée pour sauver son fils. Elle l'avait protégée de tout son corps pour qu'il ne soit pas touché par les débris dus aux bombardements pendant l'apocalypse. Harry se rappela ses derniers mots : "Ne pleure pas Harry. Sois fort et Bats-toi ! Bats-toi de toutes tes forces. Le voyage de la vie ne fait que commencer pour toi".
A l'aide de scotch, il colla la photo de sa mère au-dessus de son lit, dans une chambre aux murs gris qui lui parurent immédiatement trop nus. Il n'avait jamais pris le temps de décorer sa chambre, sans doute par peur d'y voir un signe de sédentarité.
Cela faisait maintenant treize ans qu'Harry vivait sous terre, avec son père et les autres habitants qui composaient la population du Refuge numéro 1. La plupart d'entre eux avaient été choisis dans un but précis, en fonction de leurs aptitudes et de leurs compétences professionnelles. Mais pas son père et lui. Ils ne devaient leur survie qu'au hasard. Jack travaillait désormais au sein d'une équipe composée exclusivement de scientifiques chargés d'étudier les conséquences à moyen terme de l'hiver nucléaire qui s'abattit sur Terre, deux ans durant. Il n'avait donc pas de compétence particulière pour occuper ce poste, mais Jack avait voulu se rendre utile dans le domaine qui lui semblait le plus en demande de bonne volonté.
Harry reposa les photos de sa mère dans la boîte qu'il remit sous son lit. Même s'il ne l'avait pas beaucoup connue, elle lui manquait. À son père aussi. Souvent, Harry se demandait s'il ne lui en voulait pas d'avoir été sauvé à la place de la femme qu'il aimait plus que tout au monde.
Harry retourna dans sa salle de bain pour prendre une douche. Il s'habilla rapidement car il savait que Ryan, son meilleur ami, ne serait pas en retard - pour une fois - ce matin. Et pour cause. Aujourd'hui était un grand jour pour eux deux : il s'agissait de leur premier jour de travail en tant que technicien à la centrale électrique. Enfin, ils allaient pouvoir se sentir utile à la communauté, ce qui constituait une des trois lois fondamentales qui régissaient la vie des habitants au sein du Refuge.
Ryan avait le même âge qu'Harry, à quelques jours près. Il était sa version extravertie. Surtout avec les filles. Comme à son habitude, Ryan entra dans sa chambre sans frapper.
« - Bon alors ? Tu es prêt ? Je t'attends ! » dit Ryan, visiblement surexcité.
Harry finissait de lacer ses chaussures. Il sourit à son ami.
« - Du calme ! Du calme ! Tu es pressé à ce point d'aller travailler ?
- Oui et il est bientôt 9 heures... On va être en retard pour la récitation des trois lois. »
Ryan jeta un coup d'œil rapide à l'horloge située au-dessus de la porte d'entrée de sa chambre.
« - Tu as raison Ryan. On va faire donc la course jusqu'à la centrale ! »
À peine avait-il fini sa phrase qu'il se mit à courir dans l'appartement jusqu'à la porte d'entrée. Ryan, surpris par la rapidité de son ami, lui emboîta immédiatement le pas. Ils empruntèrent ensemble l'escalier principal du Refuge qui descendait jusqu'à la centrale électrique. Pas question pour eux de manquer la récitation des trois lois. Elle avait été instaurée par le créateur des cinq Refuges pour maintenir la cohésion dans les Refuges.
Jamais personne n'avait osé remettre en cause leur bien-fondé. Ainsi, chaque matin à neuf heures, tous les habitants du Refuge récitaient en chœur les trois lois :
Loi numéro 1 : je suis solidaire des décisions prises en mon nom, pour le bien de tous.
Loi numéro 2 : j'ai la possibilité et le devoir de me rendre utile, pour le bien de tous.
Loi numéro 3 : je dénonce toutes les actions qui sont contraires à la morale, pour le bien de tous.
La course-poursuite entre Harry et Ryan dans les couloirs du Refuge porta ses fruits. Ils arrivèrent juste à temps pour leur rendez-vous avec un certain Rick, leur nouveau chef d'équipe à la centrale. Ils étaient environ une dizaine à être réunis dans une petite pièce. Une porte vitrée située face à Harry lui permettait de voir ce qui les attendaient de l'autre côté. Il pouvait apercevoir la turbine imposante de la centrale et les nombreuses tuyauteries raccordées à celle-ci. À neuf heures, une musique diffusée dans un haut-parleur - la même depuis treize ans - retentit. C'était l'heure de la récitation. Plus personne ne bougea.
Harry fit un clin d'œil à Ryan qui lui sourit en retour. Une nouvelle vie commençait.
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