Contre Céleste, Kris était en paix. Ou en tout cas, il s'en approchait fortement. Ses bras ne le gardaient pas avec force, ne l'empêchaient pas de partir aussi soudainement qu'il le désirait ; mais ils le gardaient suffisamment pour qu'il ne puisse tomber, pour qu'on le rattrape à la moindre chute.
C'était tendre. Le visage posé contre l'épaule de la noiraude, l'adolescent laissait ses cheveux chatouiller son nez, l'envahir d'une odeur de savon habituelle. Elle ne changeait jamais vraiment et pour lui, c'était tout sauf une tare.
Quoi qu'il arrive, Céleste demeurait toujours Céleste, avec ses manies, ses parfums, sa tendresse.
« Est-ce qu'on peut rester ici... ?
— Bien évidemment. »
Le cœur de l'instructrice battait bien trop vite pour son calme apparent. Quelle tourmente la prenait ? À quoi pensait-elle ? Cette question, elle tournait éternellement dans l'esprit du blond, ne trouvait jamais de réponse.
Et plus elle prenait de longues inspirations, plus il restait contre elle, essayait de l'apaiser en silence. Lorsqu'il sentit sa main glisser dans ses cheveux, ses lèvres embrasser le haut de son crâne, il se raidit.
« Je suis sincèrement navrée que les choses se passent ainsi avec tes parents. J'aurai aimé que tu aies une bonne relation avec eux, qu'ils soient aussi fiers de toi que moi je le suis aujourd'hui.
— Peut-être que ça arrivera, un jour. Mais ça sera trop tard.
— Kris, est-ce que tu es sûr que tu me dis tout ? Je ne dis pas que les raisons que tu m'as données ne sont pas « suffisantes » mais... Je ne sais pas... J'ai l'impression qu'il y a encore autre. Si c'est le cas, tu n'es pas obligé de m'en parler, bien évidemment... »
Sa voix résonnait dans sa tête. Autre chose ? Il y avait tant qu'il pouvait se noyer. Mots, gestes, cris, tout ce qui lui avait donné, depuis le début de son existence, à se séparer d'eux. Il avait essayé de pardonner, de tendre la main, de chercher sous la surface, n'avait trouvé rien d'autre que leurs réponses amères.
Kris n'était pas Zeyn. Il était lui, simplement lui, mauvais, idiot. Vivant.
Leur haine, ils pouvaient la garder pour eux, il n'en voulait plus. Pas quand ici, dans ces bras-là, il était auréolé de chaleur.
Et même s'il ne répondait pas à la noiraude, il savait qu'elle comprenait malgré tout ce qui le plombait. Elle n'était pas inconnue à tout cela, avait elle-même ses propres casseroles, peut-être même plus lourdes que les siennes.
Combien de temps resta-t-il sans bouger ? Parfois, il sentait dans son dos le passage d'une main affectueuse, un geste parfois plus mécanique qu'autre chose. D'autres, il entendait la noiraude fredonner un air qu'il reconnaissait bien ; Lahssen n'était jamais trop loin d'elle.
Lorsque les ventres grondèrent, crièrent qu'il était l'heure de les remplir et de les rassasier, ils restèrent malgré tout quelques minutes sans bouger. Céleste ne bougea qu'au moment où Kris se redressa, plissa les yeux face au soleil.
Sans un mot, pourquoi en formuler ?, ils s'en allèrent au réfectoire, virent que le monde s'y était installé pour manger aussi. Ils s'installèrent ainsi sur la table occupée par les camarades de promotion du blond et même si on fut surpris de voir l'instructrice, on continua d'agir comme si de rien n'était.
De toute manière, on avait fini par avoir l'habitude de voir la noiraude, était d'ailleurs bien trop concentré à regarder Eren et Jean se « disputer » avant d'être séparés par une Mikasa bien trop habituée.
Lorsqu'il fallut débarrasser, Céleste était restée aux côtés du blond, discutait avec lui. Même quand ils sortirent du réfectoire, ils étaient encore ensemble. Finalement, leur discussion s'arrêta quand la silhouette de Levi se fit voir au coin d'un couloir et que l'adolescent se crispa légèrement.
« Tu sais qu'il ne peut pas te manger, hein ?
— Ouais bah c'est pas toi qui as peur de te prendre un tacle au moindre instant.
— Trois ans sous la surveillance de Lahssen ne t'a pas assez endurci.
— Il n'y a que les idiots qui trouvent Lahssen plus effrayant que le caporal, vraiment. »
Le rire léger de la noiraude surprit Kris. Ce qu'il avait dit n'était pas si « drôle » que ça mais, pourtant, ça lui réchauffait encore plus le cœur.
Finalement, elle posa sa main sur son épaule, embrassa son front avec toute la douceur du monde.
« Tout va bien se passer, d'accord ? Je m'assurerai de tout, soit l'esprit tranquille. »
Du bout des doigts, elle caressa lentement ses cheveux, détailla du regard son visage. Et même si elle sentait les yeux inquisiteurs de Levi sur elle, elle s'en moquait. Tout ce qui comptait, à présent, c'était la confiance que lui avait donné Kris, la promesse qu'elle lui avait faite.
Finalement, ce fut lui qui s'en alla, détala plutôt comme un lapin pris en chasse quand il passa près du caporal, laissa désormais les deux adultes seuls dans le couloir. En le voyant faire, le noiraud leva ses yeux au ciel, laissa la femme arriver à sa hauteur.
Tout en attrapant sa main, elle le guida jusqu'à sa chambre, marcha avec lui en silence. Quand ils furent enfin réellement à « l'abri des regards », elle posa sa tête contre l'épaule du soldat, soupira un grand coup.
« Tout va bien ?
— On peut dire ça.
— C'est le morveux ? Il a fait quoi, encore ?
— Tout de suite... Ne t'en fais pas.
— La dernière fois que tu m'as dit ça... Enfin, est-ce qu'il faut quand même que je m'inquiète ?
— Non. Pour une fois, je suis certaine du bon déroulé des choses, je te l'assure. »
Sa voix était calme, certaine. Levi ne savait assurément pas de quoi tout cela en retournait mais la tranquillité de Céleste l'apaisait presque. Pour une fois, elle n'avait pas l'air d'agir dans l'inconnu et ça le rassurait presque.
Mais lorsqu'elle se mit soudainement à soupirer, un étau se referma autour de son cœur. Il y avait quelque chose. Il y avait toujours quelque chose.
« Tu sais que tu peux tout me dire ? »
Elle hocha sa tête. Oui, elle pouvait tout lui dire et c'était ça qui lui faisait bien peur. Céleste recula légèrement, forçant Levi à relever sa tête pour la regarder droit dans les yeux.
« Parle-moi, Céleste. On ne s'était pas promis d'arrêter de se cacher des choses ? Je vois bien que ça concerne aucunement le merdeux.
— Ah, c'est juste que je réalise dans quoi je me suis embarquée. Que ça soit le concernant lui mais aussi l'expédition... »
Il fallait le dire, elle approchait de plus en plus, apportait avec elle le souffle d'un massacre inévitable. Elle avait tous les droits d'être inquiète.
« Et j'avoue que je culpabilise un peu, je n'ai toujours pas pris le temps d'en parler avec Lahssen.
— Là, tu déconnes. Et si je prends sa défense...
— Je sais, je sais. Je vais aller le voir, demain, j'en profiterai pour le faire. De toute manière, je dois lui parler d'autre chose alors ça fera une pierre deux coups. »
Est-ce qu'elle devait lui parler du sujet « Kris » ? Que diable s'étaient-ils raconté ? La curiosité brûlait presque Levi mais il savait qu'il n'avait pas le droit de demander, pas ça ; quelque chose lui soufflait que c'était une affaire un petit peu trop personnelle pour qu'il ait le droit d'y mettre son nez...
Finalement, il tira la femme à lui, la guida jusqu'au lit où ils ne s'étaient pas assez reposés. Et s'il n'aimait pas flemmarder comme un enfant, il devait bien avouer qu'il appréciait terriblement cette proximité, sentir dans ses bras la noiraude et son odeur de savon. Leurs visages toujours à la même hauteur, iels continuaient à se regarder droit dans les yeux alors que leurs mains se liaient à nouveau.
« Dis, Levi.
— Oui ?
— Si tu pouvais, tu m'épouserais ? »
Le « quoi » qu'il murmura fut la seule réponse que la noiraude reçue. Bien sûr, elle ne s'en formula pas, consciente qu'elle venait de poser là une question à double tranchant. Ils venaient à peine de se retrouver et la voilà qui parlait de mariage ! Mais elle semblait si honnête, si sûre de sa question qu'il ne réfléchit même pas à sa propre réponse.
« Bien évidemment. »
Dans l'état actuel des choses, c'était impossible. Et trop tôt. Mais c'était une question hypothétique, sans but autre que se dire « je t'aime » sans le dire. Céleste soupira, comme de soulagement, alors que Levi réfléchissait encore à pourquoi elle lui avait posé cette question. Envisageait-elle déjà de se marier ? Peut-être qu'elle y pensait déjà, quand elle était encore une soldate. Après tout, cela ne faisait-il pas une dizaine d'années qu'elle l'aimait ? Et lui, dans tout ça. Il était terriblement lié à elle et elle était si importante à ses yeux que se dire qu'ils pouvaient s'unir de la sorte était un rêve idiot. Mais ce n'était pas le moment d'y penser, il y avait d'autres choses à faire.
« Je t'aime. »
À nouveau, c'était elle qui le murmurait en premier, le prenait de court. Cette fois, cependant, il se mit à sourire en l'entendant parler. Légèrement, certes, mais suffisamment pour qu'elle puisse le voir et se mette elle aussi à sourire. Et il n'y avait rien de plus beau, à ses yeux, que de la voir ainsi. Toute trace de doute ou de tristesse semblait avoir disparu de son regard et il se fit la réflexion qu'il aimait peut-être un peu trop la regarder.
La tendresse dont elle faisait preuve lui réchauffait le cœur et il s'en serait inquiété dans d'autres situations. Mais, en la voyant aussi rayonnante, il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir apaisé. Ses lèvres partirent à la rencontre des siennes et il l'embrassa presque trop simplement pour eux. Cependant, il ne voulait aucunement se précipiter, agir comme si c'était la dernière fois qu'il pourrait être proche d'elle.
« Je t'aime aussi. »
Il n'eut qu'un second baiser comme réponse mais s'en contenta avec bonheur. La bulle qui les avait enveloppés lui allait totalement et il savourait les secondes qui s'écoulaient en sa compagnie. Ils ne se quittèrent pas de la soirée, même s'il fallut se séparer quelques minutes pour se mettre en pyjama et se glisser dans la couette fraîche. Céleste avait trouvé sa place sur le torse de Levi et s'amusait à dessiner des spirales invisibles sur sa peau, tout en parlant de tout et de rien. Sa voix remplissait la pièce et il l'écoutait dans un silence presque religieux. Malgré ses paupières de plus en plus lourdes, il faisait tout pour faire durer ce moment.
« Je ne fais que parler, depuis tout à l'heure. Ça ne te dérange pas ?
— Non, ne t'en fais pas.
— Tu préfères que je te laisse dormir ?
— Continue de me parler, je veux savoir ce qui est arrivé au lapin en peluche. »
Il avait déjà entendu cette histoire, il y a très longtemps. L'anecdote du doudou envoyé dans un arbre par un Claude moqueur. Céleste parlait de lui avait un rire à peine dissimulé, se rappelant avec bonheur de cette histoire qui lui avait pourtant fait verser toutes les larmes de son corps. Peut-être parce qu'à l'époque, elle n'avait que cinq ans. Il n'avait pas osé lui dire qu'il savait déjà de quoi elle parlait, voyant l'air détendu qu'elle affichait alors qu'elle traitait son frère de « gougnafier qui ne sait même pas lancer correctement une peluche ».
Alors qu'elle finissait son récit, elle se mit à bâiller. Finalement, elle partait la première dans le sommeil.
« Viens. »
Levi attrapa son bras et la tira à sa hauteur tout en se mettant correctement dans le lit un peu trop petit pour eux. La noiraude avait d'ailleurs fait une réflexion à ce propos, signifiant qu'ils allaient devoir se coller s'il voulait qu'elle reste avec lui pour la nuit. Il avait rétorqué qu'il comptait bien la garder dans ses bras le temps de ses trois heures quotidiennes de sommeil. Elle avait d'ailleurs répliqué qu'elle était certaine qu'il pouvait en dormir quatre, ce soir. Ah, il était prêt à tenir le pari. Calée contre lui, Céleste dessinait désormais ses arabesques imaginaires sur son épaule tandis qu'il perdait sa main dans ses cheveux.
« Levi.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— S'il m'arrive quelque chose durant l'expédition.
— Il ne t'arrivera rien.
— Certes, mais imaginons que ça soit quand même le cas... S'il te plaît, prends soin de Kris. Juste le temps qu'il soit avec Lahssen, que les affaires soient réglées.
— Tu veux dire ?
— J'ai accepté de devenir... Sa tutrice ? Sa mère ? Comment dire... Ah. Dans tous les cas, les choses sont ainsi. Mais si je disparais, c'est Lahssen qui prendra ma place seulement, le temps que ça se mette en place...
— D'accord, j'ai compris. Ne t'inquiète pas, je ne le mangerai pas. »
Ce n'était peut-être pas la réponse qu'elle attendait parfaitement mais elle lui suffisait. Un rire léger se fit entendre alors qu'elle s'apaisait.
Même si elle espérait que rien ne lui arriverait, elle était malgré tout soulagée de savoir que Levi était prêt à aider, au cas où. Et ça, ça n'avait pas de prix.
j'ai eu grave du mal avec ce chapitre mais vas y je suis assez "satisfaite" de ce que ça a donné donc on va le prendre comme ça ;
de toute manière, comme d'habitude, la correction, je la laisse à la rey du futur et personne ne peut m'en empêcher <3
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