ㅤ📃 CHAPITRE 54

Céleste était restée plusieurs minutes seule avec Cassandre dans le couloir. Toujours mains dans la mains, les adelphes n'avaient rien dit, s'étaient contentés de rester debout. Il n'y avait rien à ajouter, de toute manière, et l'aîné avait parfaitement conscience de l'état de sa sœur ; ajouter quoi que ce soit aurait tout anéanti.

Il sentait parfaitement ses doigts tremblants contre les siens, la voyait passer régulièrement sa langue sur ses lèvres, regarder tout autour d'elle en quête de... De quoi, d'ailleurs ? Elle semblait totalement perdue, ailleurs.

Et son air ne changea absolument pas quand Levi apparut arriva à leur niveau, les scruta à tour de rôle sans rien dire. Lorsque la noiraude se tourna vers le caporal, Cassandre ne put s'empêcher de soupirer.

« Je vais rentrer.

— Déjà ?

— Tu l'attendais, non ? De toute manière, je ne devrai pas trop traîner, Serena doit être inquiète. »

Là, elle revenait. L'aîné posa sa main sur la joue de sa sœur, colla leurs fronts, sourit tristement. Lentement, il murmura ; il ne voulait pas que le soldat à côté les entende, il ne voulait pas qu'il s'inquiète, il ne voulait pas qu'il se mêle de tout ça.

« C'est terminé.

— Tu sais tout aussi bien que moi que non...

— Si, Cæl. Ça, c'est terminé. Il y aura peut-être d'autres choses mais le reste... C'est fini. Et si ça ne l'est pas, ça le sera très vite.

— Comment tu peux en être aussi sûr... ? »

Comment faisait-il pour affirmer tout cela avec tant d'assurance ? Elle-même n'était certaine de rien... L'avait-elle déjà été ?

« Parce qu'on touche au but et que je sais qu'il nous reste plus qu'un « pas » pour mettre fin à tout ça. Et aussi parce que j'ai une raison de plus pour mener cet affaire jusqu'au bout. Allez, va le retrouver, je dois vraiment partir maintenant. Ne t'en fais pas, je vais mettre dans l'ordre dans tout et dès que ça sera fait, tu seras la première informée. »

Quelle était cette raison de plus ? Céleste cherchait en vain dans les yeux de son frère, ne trouvait qu'une sorte d'amusement léger. Avec toute la douceur du monde, il embrassa son front, commença à s'en aller.

Et voyant qu'il pouvait enfin venir, Levi s'avança pas à pas, s'arrêta face à Cassandre qui se retourna face à lui. Le soldat vit que l'aîné des Fosten cherchait ses mots mais ce dernier ne dit rien, se contenta de le saluer d'un hochement simple de tête avant de définitivement partir.

« Je n'ai pas été là.

— Tu n'étais pas assez réveillé pour te battre avec les Brigades Spéciales ?

— Peut-être. En réalité, j'étais dans la salle, on a été installé dans le fond.

— Alors tu étais là.

— Mais pas à tes côtés. »

L'instructrice se rapprocha sans rien ajouter de plus, attrapa la main du caporal.

« J'imagine que tu étais plus concentré sur moi que le procès. Peut-être que je n'ai pas ressenti ta présence, mais tu ne m'as pas laissée. Et ça, c'est le plus important. »

Elle avait envie qu'il la prenne dans ses bras. Qu'il la garde contre lui jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'eux, jusqu'à la fin de tout en réalité. Mais il fallait y aller avant que la foule ne s'amasse, avant qu'on ne les force à partir, avant que les choses s'enveniment.

D'ailleurs, Levi commençait déjà à la guider dans le couloir ; ils se lâchèrent la main quand ils furent à l'extérieur, rejoignirent Erwin qui attendait devant le carrosse qui les avait emmenés ici.

Les trois soldats attendirent d'être montés dans le véhicule avant de commencer à parler. Personne ici n'était dupe, les choses avec Charles-Henry n'étaient pas réellement finies. Céleste assurait cependant que s'il devait y avoir des retombées, elles ne toucheraient pas l'armée ou les ressources ; elles seraient directement dirigées sur la famille Fosten.

Le reste du trajet fut très silencieux. La noiraude avait prétexté un grand mal de tête et était restée le front collé sur la vitre, les yeux rivés sur la paysage qui défilait. Elle n'avait pas menti, en réalité, mais le meilleur terme était que tout bourdonnait autour d'elle.

La sensation sur son cœur ne disparaissait pas, tout comme la certitude qu'il manquait quelque chose, qu'elle s'était fait avoir, que tout allait bientôt dégénérer. Mais plus elle tentait de mettre des mots sur ce qu'elle ressentait, plus le tout s'intensifiait, lui coupait le souffle.

« Respire, mamie. Tu ne peux pas changer les choses. Il faut que tu laisses aller. »

Et comment ? Comment ? Elle ne pouvait pas perdre le contrôle de tout, pas encore, pas maintenant. Pas quand elle touchait enfin au but et que-

Est-ce qu'elle avait vraiment « touché au but » ? Ne serait-ce qu'une fois. Rien qu'une fois. Elle avait dû s'y approcher, de temps en temps, mais tout avait fini par se dérober sous ses pieds à chaque fois, à longueur de temps. Et aujourd'hui ? Qu'est-ce qu'elle désirait réellement ? Quel était son objectif ?

Si les choses étaient réellement finies, il fallait qu'elle se décide à quoi faire... Finalement, c'était plutôt bien qu'elle se soit engagée dans l'apprentissage de la lance foudroyante, ça allait occuper son esprit le temps de.

Et Zeyn pouvait lui hurler autant qu'il le voulait qu'elle devait se reposer, elle n'allait pas l'écouter. Ce n'était pas encore l'heure.

Céleste fit tout pour que sa journée se déroule comme si de rien n'était. Elle fut reconnaissante envers ses collègues des Brigades d'Entraînement qui n'avaient pas questionné son absence de la mâtinée et se chargea avec eux des premiers entraînements. Ce ne fut ni simple et rapide mais cela avait eu le mérite de la faire penser à autre chose.

Mais le poids sur son cœur ne disparaissait pas et lorsqu'il fut l'heure de se coucher après le dîner, elle ne vint pas voir Levi. Ses pas la portèrent plutôt jusqu'à une autre chambre, située un étage plus bas, encore plus éloigné dans le couloir. Un simple coup sur la porte suffit pour attirer l'attention de la personne qui y résidait et lorsque Becca apparut enfin, l'instructrice se laissa tomber dans ses bras.

« Je t'ai trop manqué aujourd'hui, c'est ça ?

— Ne fais pas ton Lahssen.

— Surtout quand on sait toutes les deux que je suis meilleure que lui. »

Le simple fait que son amie ne rigole pas inquiéta aussitôt la vétérane. Tout en la faisant entrer dans sa chambre, elle la garda près d'elle.

« C'est ce matin ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Personne ne m'a rien dit. Enfin, j'avoue que j'aurai servi à rien si j'y étais allée mais quand même, ça ne coûte rien de-

— Père a été arrêté. Cassandre a hérité.

— Vraiment ? C'est super ! Non ?

— Je ne sais pas. »

Céleste se posa sur le rebord du lit, fixa ses mains.

« Il était tellement... Serein.

— Tu penses qu'il a fait quelque chose ?

— J'en suis certaine. Je ne sais quoi encore mais il a fait quelque chose. Il ne perd jamais. Il n'aurait jamais accepté que les choses se passent ainsi, que...

— Céleste, eh, respire. Qu'est-ce tu peux faire, maintenant ? Factuellement.

— Rien... Sandre m'a dit qu'il allait s'en occuper mais-

— Alors tu prends ton mal en patience. Je sais, c'est pas facile, pourtant tu vas devoir y arriver. Si tu commences maintenant à penser à tout ce dont ton père est capable, tu ne vas pas dormir et ce n'est pas ça qu'on veut.

— Je ne veux pas rester là les bras croisés Becca. Je peux me rendre utile quelque part, j'en suis sûre.

— Tu le fais déjà. Sur le terrain d'entraînement, avec tous ces soldats qui apprennent à utiliser la lance foudroyante. C'est ça que tu fais, c'est comme ça que tu te rends utile. Tu n'as pas besoin de plus, pas en ce moment en tout cas. »

Tout en passant lentement sa main dans son dos, la vétérane finit par poser sa tête sur l'épaule de son amie.

« Qu'est-ce qui te tracasse réellement ? Si ce n'était « que ça », tu serais allée voir le format de poche, pas moi.

— Qu'est-ce que tu racontes...

— Je te connais mieux que tu ne le penses. Quand tu me parles à moi, ça concerne des choses, des gens, qui ne peuvent être mentionnés comme ça. Parce que je sais de quoi il en retourne réellement alors que lui, il n'a qu'une vision de loin. C'est la même chose avec Lahssen.

— Tu m'as percée à jour.

— Alors je vais aller droit au but. Qu'est-ce qui te fait croire que Connor est impliqué dans tout ça ? »

Céleste souffla du nez ; son amie avait raison, elle en savait plus sur elle qu'elle ne laissait voir.

« Il n'a rien fait avant. Alors qu'il était au courant pour le lien. Ça fait des semaines qu'il sait que je suis vivante, il m'a clairement dit que j'étais « sienne », mais il n'a rien fait. Pas un seul mouvement, contact ou demande.

— Ce n'est pas son genre, avec ton père aussi, de faire des choses en secret. Il doit y avoir un public. »

Un public ? C'est vrai. Un anniversaire, une réunion... Un bal. S'il devait y avoir quelque chose, ce serait à ce moment-là...

« S'il faut s'inquiéter de la prochaine soirée mondaine ou je ne sais quoi, tu peux être certaine que je lâche le chien Lahssen sur ce trou du cul.

— Becca...

— Quoi ? Il pourra pas faire de la merde s'il a nous trois sur le dos.

— Vous trois ?

— Tu crois sincèrement que je vais laisser le format de poche en dehors de tout ça alors qu'il te monopolise ? Il y a de fortes chances qu'il y aille de lui-même, de toute manière. Enfin... Ce n'est pas ça le plus important.

— Ah bon ?

— Non, le plus important, c'est toi. Ce que tu veux réellement. Pas faire avec les autres ou quoi mais ce que tu veux pour toi. »

La manière dont la vétérane appuyait ses mots plongeait Céleste dans un doute. Le tout n'allait-il pas ensemble, de base ? Elle posa sa tête sur celle de son amie, fronça ses sourcils un instant. Ce qu'elle voulait pour elle...

« J'ai, en soit, ce que je veux.

— Ah bon ? C'est tant mieux, alors. »

Le léger rire de Becca la détendit.

« Et qu'est-ce que c'est ?

— Vous. Ma famille tout entière. Je vous veux rien que pour moi, jusqu'à la fin.

— Le temps ne t'aura pas rendue partageuse, rat.

— L'inverse t'aurait étonné, non ?

— C'est pour ça que je t'aime. »

Elle avait beau l'avoir chuchoté, elle savait que son aîné l'avait entendu. Qu'elle souriait légèrement. Que son cœur s'était allégé.

« Moi aussi, je t'aime, Becca.

— Je sais.

— Je peux rester avec toi, ce soir ?

— Tu peux rester autant de temps que tu veux. Ma porte te sera toujours ouverte. »

ouin ;

becca my beloved, tu m'avais tant manqué <3

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