Février - 7 /TW
*Se cache dans un trou de souris* J'ai honte...Dix jours ! Pour ma défense, je suis en vacances, et je dessin beaucoup trop. Du coup, j'ai plein de trucs à vous montrer en bas !
TW : Mention de mutilation
Je reste prostré dans la chambre. Le soir est tombé, mais les volets n'ont pas été fermés, si bien que je vois de temps en temps les phares des voitures qui se reflètent sur les immeubles. Je suis contre le mur, juste à côté de mon lit posé au sol. Je suis recroquevillé sur moi-même, et je pleure toujours, en gardant mon téléphone dans ma main, que je serre de toutes mes forces. Comme si cette petite tentative de violence envers cet appareil électronique pouvait me redonner une situation familiale acceptable à mes yeux. Comme si cela allait régler tous mes problèmes.
Il vibre et je sursaute légèrement. Dans toute mon imagination, j'espère quelque chose de mon père, qui s'excuse, qui fait un pas vers moi, qui m'annonce que tout va s'arranger avec maman et qu'elle rentre dès ce soir au Royaume-Uni. Mais ce serait bien trop beau pour être vrai. Non, ce n'est que Valentin. Je ne peux pas retenir mon cœur d'être déçu et je me déteste pour ça.
Je fixe les quelques mots écrits sur mon écran comme s'il s'agissait d'une langue tout à fait étrangère, alors que tout est en anglais.
> Ça va ? Désolé si je te dérange pendant ton appel avec ton frère, mais comme ça fait un bon moment que tu es là-dedans, je me pose quelques questions. Surtout que ton bol est en train de refroidir et que ce serait bête, tout de même, que tu manges ça froid. Est-ce que tu veux que je vienne ?
Je tape la réponse sans réellement la penser. Mais la dernière fois que je suis resté ainsi, dans une telle position, j'ai fini par me mutiler. Je sais que ce n'est pas la solution et ce serait mettre en déroute le travail effectué avec la psychiatre. Une très mauvaise idée. Valentin met moins de deux minutes pour arriver. Il me retrouve dans le noir et immédiatement, j'entends de l'inquiétude dans sa voix, à la manière de m'appeler.
- Eliot ? Qu'est-ce que tu fais dans le noir ?
- Ce n'est pas le noir, c'est le vide, dis-je, avec une intonation d'outre-tombe.
Il se déplace rapidement vers le fond, se cogne contre le coin du lit et jure en français. Mais il l'ignore lorsqu'il me reconnaît dans mon coin. Il glisse sur ses genoux et vient me retrouver. Et la première chose qu'il fait, c'est de me prendre dans ses bras.
- Tu as bien fait de répondre à mon message si tu veux me parler, tu peux. Mais je ne te forcerais pas.
Je me laisse aller dans ses bras. Je regrette d'avoir été déçu qu'il m'envoie un message. Je suis déjà chanceux d'avoir quelqu'un pour moi, quelqu'un qui me réconforte sans vouloir tout savoir. Oui, lorsqu'il était à ma place, il n'avait personne pour jouer ce rôle.
- Mon père a parlé de divorce. J'ai l'impression qu'il ne veut rien faire pour arranger les choses avec ma mère. C'est le fautif, c'est lui qui a fait cette erreur il y a un peu plus de vingt ans. Pour moi, c'est comme s'il voulait se punir. Sauf que ce n'est pas la solution.
- Est-ce que tu as discuté avec lui ? Ou avec ta mère ?
- Non. Et avec maman, je n'ose pas aborder ce sujet. Prononcer le mot, faire que ce soit réel. Surtout qu'avec le décalage horaire, ce n'est pas facile de communiquer de manière continue.
- Je suis désolé. J'aimerais faire quelque chose. Je comprends tout à fait cette peur Eliot. J'avais la même, lorsque mes parents étaient encore en vie.
- Ne dis pas que tu ne fais rien. Tu es là, et c'est déjà quelque chose.
Je m'enfonce à nouveau dans ses bras et je pleure tout mon soûl. Son pull va être mouillé de larmes, de bave et de morve, mais il a l'air de complètement s'en moquer. Il me caresse le dos et les cheveux pour me rassurer, me murmure des mots doux qui me font du bien. Nous restons ainsi jusqu'à ce que la fatigue nous rattrape et que nous nous mettions au lit. Je me déshabille sommairement et je m'enfonce dans les couvertures. Il se place sur le lit au-dessus de moi et me présente sa main tendue.
- Si ça ne va pas, prends-la. J'aimerais continuer à te prendre dans mes bras, mais je pense que ça ne va pas être possible. On n'a pas assez de place pour tenir à deux dans un lit comme ça.
- Je ne t'ai même pas remercié, murmuré-je en fixant le plafond, la main dans la sienne. Pour m'avoir soutenu ce soir.
- Il n'y a pas besoin. Je sais que tu l'aurais fait si les places avaient été échangées. On se soutient l'un l'autre. On s'aime.
Je cherche ses yeux dans le noir et je trouve quelques éclats. Un ciel étoilé, même si cette appellation m'est habituellement réservée. Je me rends compte que je n'ai même pas tenté de trouver du réconfort dans le ciel, même si celui-ci était plus crépusculaire que bleu. Je perds mes bonnes habitudes et ce n'est pas une bonne chose, loin de là. La main dans la mienne est douce et je m'endors sur cette idée.
***
Pendant toute la semaine, Valentin a été d'un réconfort sans faille. Nous nous retrouvons dès que nous le pouvons aux récréations et aux pauses, à la cantine. Pedro a été mis au courant et j'ai raconté les grandes lignes à ses parents, afin qu'ils ne s'inquiètent pas de mon comportement quelque peu renfermé. Et bien entendu, Daisy connait aussi ce qui bouscule ma famille. Callahan lui a tout dit au téléphone et le mardi, elle est venue me trouver pour me prendre dans ses bras et m'offrir son soutien. Elle paraissait tout à fait chamboulée par ce qui nous arrive et m'avait promis de me faire le récit de la séparation de ses propres parents, autour d'un café ou quelque chose comme ça. Encore une fois, dans mon immense égoïsme, j'ai pensé que j'aurais préféré la présence de Lola, qui me comprend parfois mieux que moi-même. Mais je me suis rendu compte que Daisy était là et qu'il ne fallait pas que je la rejette sous prétexte qu'elle n'est pas ma meilleure amie. Elle m'offre son amitié avec bienveillance, et qui suis-je pour la lui refuser ?
C'est ainsi que le vendredi, nous nous sommes retrouvés tous les deux dans un café non loin de notre lycée. Elle m'attendait à la sortie, et elle avait déjà repéré l'endroit grâce à un ordinateur dans la bibliothèque de l'école. Elle avait photographié le tout avec son téléphone afin de ne pas avoir besoin d'internet, une denrée coûtant très cher sans forfait international. Le serveur nous prit sûrement pour un couple timide et pour l'une des premières fois, je n'en avais rien à faire. J'étais là pour parler. Maitrisant mieux le français que ma vis-à-vis, j'avais pris les commandes et nous avions commencé.
- Écoute Eliot, je sais ce qui t'arrive, parce qu'il y a trois ans, je suis passée par là. Tu pourras demander à Valentin, j'étais une véritable loque. Ses parents m'ont ramassée à la petite cuillère, et ils m'ont même hébergée pendant deux nuits.
Elle s'était fait couper par le serveur revenant avec un chocolat pour elle et un thé vert pour moi. Elle avait pris une gorgée et effacé en même temps une petite moustache qui s'était formée. Elle avait ensuite repris son récit.
- Lorsque je l'ai appris, je me suis enfuie de chez moi. C'était l'hiver et j'avais même pas pris la peine de prendre des chaussures avec moi. J'avais les pieds tout rouges. Les parents de Valentin, Salomé et Théodore, m'ont chouchoutée comme si j'étais leur propre fille. Le bain chaud, les vêtements confortables et le chocolat spécial de Salomé. Ensuite, ils avaient appelé chez moi, ils avaient essayé de comprendre et de m'expliquer calmement que ce n'était pas ma faute, loin de là.
Elle avait souri et reprit une gorgée. Je n'avais pas encore touché à mon thé.
- Ça, c'est quelque chose qu'il faut que tu te rentres dans la tête. Que ce n'est pas de ta faute. Ni celle de ton frère, et encore moins de celle de ta sœur. C'est la faute des secrets de famille, rien que cela. Tout le monde souffre parce que cette vérité a été gardée pendant longtemps. Mais aussi, il faut que tu penses que tu n'es pas seul à avoir le cœur brisé.
- Est-ce que mon frère est dans le même état que moi ?
- Oui. Et je me sens tellement impuissante. J'aimerais être là pour lui, pour le rassurer comme je le fais avec toi. Mais plus à la manière d'une petite-amie, enfin, tu vois. Parfois, ça m'embête un peu d'avoir gagné avec vous. Parce que je ne peux pas être là, et que je rate la Saint-Valentin.
J'avais écarquillé les yeux sous le coup. Cette fête quelque peu commerciale m'était sortie de la tête.
- Et du coup, je vais te jalouser, parce que toi, tu as ton cher et tendre avec toi, et que vous allez pouvoir vous retrouvez ensemble et tout. Alors que moi, ce sera par écrans interposés. Et... Eliot, tu m'expliques pourquoi tu me fixes comme ça depuis tout à l'heure ? Tu te lances dans l'imitation ?
- Non. J'avais complètement oublié ce jour rose.
- Quoi ?
Elle en avait appuyé son poing contre la soucoupe de la tasse, qui avait manqué de renverser son chocolat. Moi, pendant ce temps, j'avais enfin avalé une gorgée de thé, pour me cacher derrière la céramique. Un très léger sentiment de honte montait en moi.
- Tu as la chance d'être dans la ville de l'amour avec la personne que tu aimes, et toi, tu oublies ? Quoique, tu as des circonstances atténuantes. Désolée de te crier dessus.
- Je pense, en toute honnêteté, que même sans le chamboulement familial que je suis en train de vivre, la Saint-Valentin me serait sortie de la mémoire.
- Eliot, rassure-moi, tu sais que tu n'arranges pas ton cas, là ? Tu es même en train de l'enfoncer.
Et je ne sais pas ce qui m'avait pris, mais j'avais ri à cette remarque. Cela me faisait beaucoup de bien de penser à quelque chose d'aussi futile que cette fête. Cela me changeait l'esprit.
- Bon bon, je vais m'arranger. Et m'organiser aussi, pour que vous puissiez faire ça en toute discrétion. Tu penses que le weekend prochain, le douze, ça peut le faire ? Tu pourrais lui préparer un bœuf bourguignon. Je pourrais même t'aider, si tu veux. Je sais le faire, Salomé m'avait appris, à l'époque où elle croyait que je finirais par devenir sa belle-fille.
- Que veux-tu que je dise aux parents de Pedro ? Ils ne sont pas au courant pour nous. Ils vont trouver cela étrange que je cuisine pour mon meilleur ami à deux jours de la Saint-Valentin.
- Ah oui... au pire, je peux demander à Garance si elle peut nous accueillir chez elle. Ses parents sont tout le temps pas là, je ne les ai pas vus en une semaine entière.
Au prénom de la jeune femme, j'avais grimacé. Je n'arrivais toujours pas à m'entendre avec elle, malgré toute sa bonne volonté et ses révélations. Je ne pouvais pas m'empêcher de repenser à ses réflexions le premier jour. J'avais l'impression qu'elle me voyait encore comme un personnage de papier.
- Et comme elle est dans ta classe, ça te fait une excuse toute trouvée. Tu n'as qu'à prétexter un exposé en littérature, ou alors un besoin express de tes super compétences en manière de poésie, et le tour est joué. On va faire les courses, on prépare et tu ramènes tout dans une boite fraicheur. Faudra faire réchauffer, mais je pense que ça sera super. Et on achètera du chocolat chez un bon chocolatier.
- Quelle idée saugrenue, avais-je répondu avec véhémence.
- Le chocolat ? Je ne veux pas te faire l'affront de te parler de fleurs parce que je sais que toute ta famille est extrêmement douée et créative, et ça remuerait le couteau dans la plaie. Et, petit bonus, je sais que Valentin en raffole. Donc, c'est tout bénef' pour toi.
- Je n'aime pas le chocolat.
- Et alors ? C'est pas toi qui vas le manger, imbécile, c'est lui.
- Je sais. Mais cela pose un problème tout à fait buccal.
- Tout à fait buccal ? Qu'est-ce que... oh, je viens de comprendre. Pas la peine de m'expliquer d'où tu sors cette expression.
- De mon intellect, voyons.
Elle ne pouvait pas imaginer le bien que cela me faisait. Être sarcastique, retrouver une partie de moi-même. Je me doutais qu'elle le prendrait bien et que je n'aurais pas à m'excuser d'être un piètre ami.
- Bah l'intellect de Monsieur devient franchement enquiquinant. Valentin adore le chocolat. Surtout les roulés au chocolat, et j'ai déjà repéré une chocolaterie qui en fait...
Elle essayait de me faire culpabiliser. Et le pire dans cette histoire était que cela fonctionnait parfaitement bien. J'étais tombé dans le panneau avec les deux pieds joints.
- Bien. Nous irons lui acheter des roulés au chocolat. Si cela peut lui faire plaisir, je prends. Même si je déteste cordialement cette chose et que ses baisers vont avoir un gout tout à fait ignoble.
Et c'est ainsi que je me retrouve aujourd'hui chez Garance, devant une grande casserole en train de mijoter. La jeune femme est dans la pièce avec moi, et prépare un gâteau. Elle m'a certifié que ce n'était pas pour la Saint-Valentin, mais je sais qu'elle ment. Il suffit de voir tous les efforts qu'elle met dans la préparation pour deviner qu'elle pense à quelqu'un de très particulier en faisant fondre tout ce chocolat blanc. Daisy drive le tout depuis la table de la salle à manger, ouverte sur la cuisine.
- Je pense que je vous l'avais déjà dit individuellement, mais je suis jalouse. De vous deux, pour être plus précise. Vous pouvez vous donner à fond pour les personnes faisant battre votre cœur.
- Daisy, je t'ai donné une idée, mais tu l'as immédiatement rejetée, alors qu'est-ce que tu veux que je fasse ? argumente la rousse avec un accent britannique presque parfait.
La rose rougit telle une pomme trop mûre et évite mon regard avec un soin qui n'est pas le moins du monde naturel.
- C'est parce qu'il y a son petit frère ici que tu prends cette couleur-là ? Franchement, tu crois qu'ils vont faire quoi quand ils auront mangé le bœuf bourguignon et tout le chocolat ? Une partie de cartes ?
C'est à moi de chauffer, tout en manquant de lâcher ma cuillère de bois dans ma préparation. Je me retourne vivement vers la Française, tout en lui lançant mon œillade la plus noire.
- T'as beau vouloir me tuer, je sais que c'est vrai. Tu ne démentis même pas. Et je te promets, je suis passée au-dessus de toute cette histoire de Marato. Et je suis encore désolée. Et je suis tout aussi désolée si je me trompe et que vous n'allez pas faire de galipettes parce que l'un de vous est ace, ou tous les deux. Ce n'est pas du tout ce que je veux.
- Ne t'inquiète pas, nous ne le sommes pas. Ni l'un, ni l'autre, répliqué-je, adoucis. Et j'accepte tes excuses.
- Super ! Parce que j'ai besoin de toi. Daisy m'a filé une super recette de gâteau aux pralines roses, et toi, tu vas m'aider avec ma saleté de déclaration. Parce que je suis pourrie et que je veux vraiment dire à Ambre que je l'aime. Même si je me prends le râteau du siècle.
Elle me montre son œuvre, un cœur formé d'une coque de chocolat blanc, et rempli d'une préparation aux pralines et à la pâte à tartiner noisette. Cela doit être bourré de sucre, mais Ambre doit apprécier cet amoncellement, je lui fais confiance là-dessus.
- Pourquoi ne pas simplement lui dire que tu es amoureuse d'elle ? Que tu souhaites sortir avec elle ?
- C'est un peu banal pour une Saint-Valentin. N'est-ce pas, Daisy ?
- J'en sais rien, vous êtes retournés sur le mode français et vous parlez comme des mitraillettes, je ne comprends strictement rien.
Nous nous excusons avant de reprendre en anglais. La rose acquiesce aux dires de hôte et je me sens bien obligé de travailler sur quelque chose pour elle. Mais pour cela, j'ai besoin de plus d'informations.
- Quand t'es-tu rendu compte de tes sentiments pour elle ?
- Il y a quelques mois, quant on a été à Disney. J'ai le pass annuel et je lui ai payé sa place pour son anniversaire, parce qu'elle en rêvait depuis qu'elle était gosse. On était dans une attraction qui s'appelle It's a small world et elle chantait la chanson super redondante des petits pantins. Et je sais pas, la lumière, la bonne ambiance, ça m'a frappée.
- Aurais-tu un échantillon de cette mélodie, par tout hasard ?
- Ouais, on trouve ça facilement sur internet. Bouge pas, je te la sors.
Moins d'une minute plus tard, la ritournelle résonne dans la pièce. Il est vrai qu'elle est répétitive et qu'elle entre dans la tête, mais elle me donne une idée. Une idée qui peut certainement plaire à la concernée.
- Que dirais-tu de réécrire les paroles pour qu'elles sonnent comme une déclaration ? Tu chanterais au-dessus de la musique, tout en lui donnant ton fameux gâteau. Cela lui rappellerais de bons souvenirs, c'est certain.
- Putain, mais t'es un vrai génie !
Je grimace au juron, mais souris pour le compliment. J'aime lorsque l'on se rend compte de la véracité des choses.
- Je te l'avais dit, renchérit Daisy.
Ce sentiment quelque peu oublié de fierté remonte dans mon cœur et mes lèvres s'étirent plus encore. J'apprécie que l'on reconnaisse mon talent, et ce, doublement.
- Okay, on va faire ça. On va trouver des paroles. J'en ai déjà quelques-unes qui viennent, ça a remué quelque chose ton idée !
Elle me les chante doucement, j'acquiesce parfois en continuant à remuer ma sauce, et refuse quelques rimes étranges et peu poétiques. A la fin de l'heure, nous parvenons à quelque chose de tout à fait correct, et très original, ce que désirait Garance.
- Vous savez quoi ? Ça va être une super Saint-Valentin, c'est moi qui vous le dit !
Je ne peux que confirmer. Toute cette préparation a eu l'effet escompté, celui de me changer les idées. De plus, faire plaisir à Valentin me tient réellement à cœur, après tout ce qu'il fait pour moi. C'est ainsi que je réplique, en coupant le feu.
- Je suis tout à fait d'accord.


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