Chapitre 3
D'un pas hésitant, il rejoint la grande place, son épée toujours serrée fermement contre son torse. Des chuchotements émanaient de la foule, mais Fálki ne les entendaient pas. Son regard alternait entre Heimdall et Erika, ne sachant s'il devait réellement concourir au titre de chevalier de la cour ou abandonner et devenir seulement forgeron. Mais lorsque la foule se referma derrière lui telle une marée humaine, il savait qu'il était trop tard. Erika avança vers lui, évitant soigneusement les flaques de boue pour ne pas salir son royal accoutrement.
- Fálki dernier des Egills, pourquoi penses-tu être digne de devenir un chevalier du Roi ?
- Je ne pense pas en être digne, mais je suis plus fort et plus rapide que tous ces seigneurs qui ont vécu dans la richesse depuis la naissance. J'ai connu la pauvreté, la guerre, et l'absence d'une famille.
- Tu as l'air d'avoir eu une vie bien triste pour un gamin de ton âge.
- Non, répondit le jeune Egill en sortant Angrbdoda de son fourreau. J'ai également connu la richesse de l'apprentissage, j'ai rencontré des personnes extraordinaires lors de mes journées de nomade et aujourd'hui je connais le plaisir d'imaginer une vengeance et de rêver la réaliser.
- Quel âge as-tu ? demanda Erika comme pour elle-même.
Mais Fálki avait entendu sa question. Il prit quelques minutes avant de répondre, prenant soin de placer sa jambe gauche derrière lui et de tendre l'avant-bras tenant son épée dans la direction de la chef de l'armée royale. Erika imita l'Egill un sourire en coin, n'hésitant pas cette fois à plonger ses bottes de cuir dans la boue, de la place du village.
Toute la ville d'Ýlir retenait son souffle. Fálki aperçu du coin de l'œil que tout le monde était présent, des vagabonds étaient posés sur les toits, les villageois se tenaient autour d'eux sans oser réagir. L'atmosphère se détendit enfin lorsque Fálki répondit à la question d'Erika :
- Aujourd'hui est un grand jour, je rentre dans ma seizième année, je deviens chevalier du Roi où je serais payé comme un prince, et l'année prochaine jour pour jour je serais sur le plus grand bateau que les contrées d'Idavoll n'aient jamais connu.
- De grands espoirs pour un si petit corps.
- Je n'espère jamais, j'agis seulement.
Fálki n'attendit pas que son adverse ne réponde pour lui attaquer le flanc gauche par surprise. Il savait déjà comment elle allait réagir et comment contrer son attaque. Erika qui était gauchère se contenta de faire dévier son poignet pour se défendre, un sourire aux lèvres.
L'adolescent profita de cet instant où elle se pensait victorieuse pour contourner la lame d'Erika et se loger juste en dessous. Un violent coup depuis sa position, directement dans l'épée de la chef de l'armée eut pour effet d'envoyer voler son arme, qui se planta quelques mètres plus loin. Erika fixa Fálki d'un air stupéfait, elle avait appris les rumeurs sur les techniques de combat des Egills, mais jamais elle n'en avait défié un. Lorsqu'elle reprit ses esprits, elle posa un genou au sol et baissa la tête. Elle fut rapidement suivi par le reste du village sous le regard étonné de l'adolescent.
- Cela signifie que je suis pris parmi les chevaliers ? tenta le jeune Egill pour briser le silence.
Mais le souffle du vent fut sa seule réponse. Soudain Erika se jeta pour récupérer l'épée que Fálki avait envoyé plus loin et se remit en position de combat. Les villageois autour d'eux étaient toujours à genoux, ne sachant comment réagir à ce retournement de situation.
En quelques secondes, Fálki était au sol l'épée d'Erika pointée sur sa gorge. Il avait le souffle court et n'entendait plus que son cœur qui battait à tout rompre, pourtant il essayait de paraître calme et détendu. La chef de l'armée royale avait un air sérieux tandis qu'elle dévisageait Fálki pour savoir ce qu'il allait devenir, devait-elle le prendre parmi ces soldats ?
L'adolescent roula pour se dégager de la menace de la lame et se remit debout en plaçant ses poings devant son visage. Angrboda gisait un mètre plus loin, mais il était trop fatigué pour la récupérer assez rapidement.
- Un chevalier ne se bat pas avec les mains, constata Erika.
- Alors un chevalier désarmé est un homme mort, j'ai appris à combattre quel que soit la situation, quel que soit le danger. Je n'ai pas peur de mourir, j'ai peur de voir mourir ceux à qui je tiens.
Erika sourit et rangea son épée dans son fourreau, puis elle s'avança vers l'adolescent et posa ses mains gantées sur celles abîmées du jeune forgeron.
- Et bien Fálki dernier des Egills, te voilà désormais Fálki écuyer du chef des armées. Tu n'as pas l'aptitude à être chevalier ou même à combattre pour le roi, mais je te l'apprendrais. Et dans un an jour pour jour, tu auras ton bateau et ta vengeance si tu me sers correctement. Maintenant ramasse ton arme et occupes-toi de mon cheval, j'ai d'autres hommes à recruter.
Fálki fou de joie, posa un genou au sol en signe de remerciement et courut ramasser Angrboda. Heimdal lui fit signe de le rejoindre derrière la foule qui s'était déjà attroupé vers un autre combat.
- Tu as été magnifique petit, est ce que tu reviendras me voir quand tu iras chercher ton bateau ? lui sourit le forgeron tristement.
- Je reviendrais Heimdal, je te le promets.
Le vieux forgeron serra Fálki dans ses bras, il le serra si fort que l'adolescent crut sentir ses côtes se briser sous la pression de ses bras. Lorsque Heimdall le relâcha enfin, un jeune homme qui devait être un écuyer attendait Fálki à la sorti de la forge. Il lui fit signe de le suivre par l'une des ruelles de la ville, jusqu'à atteindre un campement au-delà de la ville où s'étendaient des centaines de tentes, peut être plus. L'écuyer le fit entrer dans la plus grande et l'invita à s'asseoir.
- Je suis Dvalinn, le premier écuyer de dame Erika. Je ne pensais pas qu'elle recruterait quelqu'un comme toi, je ne pensais pas qu'elle recruterait quelqu'un tout court d'ailleurs.
Dvalinn s'était assis à côté de Fálki, qui ne se gena pas pour l'observer de la tête aux pieds. Les marques dans le cou de Dvalinn qui ressemblait à des griffures d'ours et qui devait s'étendre jusque sur son torse ne signifiaient qu'une chose. Dvalinn était un Yggdrasill.
Pour la première fois de sa vie, le jeune Egill eut réellement peur. Ce n'était pas la peur de perdre un combat ou d'aller parler à une dame. Non, Fálki eut peur que les légendes soient vraies.
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