Chap X : Ce Qui Se Casse En Nous Et Qui Nous Rend Unique (1/2)

Ces faits m'ont été rapportés par Nsenga lors de notre rencontre. Je ne saurai comment vous expliquer ce qui s'est déroulé durant mon sommeil, sans oser narrer l'aventure du prêtre du temple de la kerha.

En ce moment-là, le survivant se trouvait sous une grosse palme. Il essayait tant bien que mal de se protéger contre l'averse s'étalant sur toute une partie du district de l'antre de la honte. C'est là que les gardiens l'avaient permis d'accéder à l'Eden.

L'homme, loin d'être faiblard, ne pouvait empêcher le froid et ses propres tremblements le briser intérieurement. Il n'avait pas eu le temps de se détendre depuis son arrivée sur ces terres. Il fut attaqué six fois. Et toutes ces tentatives furent un échec. Néanmoins, on ne pouvait nier qu'il perdait plus de force à chaque agression.

Il savait pertinemment que toutes les plantes, aussi bien les fruits et les fleurs étaient empoisonnés, de par son usage de la kerha. Celle-ci, lui permet, en effet, de déceler le néfaste et le funeste dans tout ce qui l'entoure. La faim le minait. Il se contentait de lever une large palme, pour récolter son eau salvatrice. La seule pouvant encore tromper son besoin.

Depuis trois jours, il était aux aguets. Au moindre craquement ou sifflement perceptible, il se redressait, les sens en alerte. Mais à cet instant, la douleur de ses membres malmenés par le froid le fait perdre le peu de contenance qu'il se donnait. Il éclate dans la seconde en sanglot, après avoir bu son eau, les bras croisés. Un rire pourtant se dessinait presque sur son visage. Il en avait vu de toutes les couleurs en ces quelques nuits.

Il y a peu, il fut attaqué par un dévoreur de la taille d'une maison. Le prêtre ne l'ayant pas vu tout de suite à cause des ténèbres et de sa sérieuse fatigue, s'est félicité d'avoir esquivé, à temps, une sévère baffe qu'il reconnut être le bras gauche de la bête.

Automatiquement, il en conclut qu'il ne fallait pas rester là. Il se mit à courir droit devant lui. C'était sans compter sur l'acharnement de son poursuivant qui se mit à battre le sol de ses énormes pieds. Nsenga s'était retourné plus d'une fois pour étudier son poursuivant. Il nota, grâce aux quelques lucioles sortant, à présent, de leur cachette, que le poursuivant avait le teint mat, fort pâle, un ventre proéminent, mais le plus étonnant était qu'il faisait penser à un rocher sans tête, bien évidemment.

Sa constatation fut vite étayée par l'importance des bruits de pas énormes produits par l'animal. Cela avait pour raison de détruire la confiance du prêtre, sachant qu'il risquait sa vie en s'arrêtant. Et le braver n'était point une option.

Finalement, il sut le semer en forçant sur ses jambes et en sautant subitement vers une bifurcation de plantes, disparaissant du coup du champ de vision de la bête, qui prit un temps avant de pouvoir continuer sa route. C'était sans compter sur une plante carnivore qui se trouvait juste à sa droite alors qu'il observait l'autre e-motio s'en aller.

Au moment où il tourna la tête pour récupérer de sa course haletante, il fut happé, au sens du terme, par la fleur sauvage. Nsenga se débattait comme un diable afin d'en réchapper. Donnant des coups par-ci par-là, essayant de brûler un peu plus son âme non ressourcée afin de générer de la kerha — impossible — Il n'arrivait à rien. Toutes ses forces avaient l'air de l'abandonner.

La lutte sauvage se solda néanmoins par la mort de la plante, transpercée par une lumière vive de la kerha. Et n'étant pas naïf au point de croire qu'il avait à présent le loisir de se reposer, sachant que les e-motios ayant remarqué cette lumière allaient rapidement débarqué, il entreprit de reprendre aussitôt la route en retrouvant sa respiration.

Sa course l'avait amené sous ce palmier, surpris par la pluie battante — Quel malheur — se disait-il, il avait décidé de braver ses principes pour découvrir ce petit caprice et voilà qu'il se retrouvait empli de douleurs et de remords dans un endroit plus hostile encore que ses cauchemars.

Il souffrait à s'arracher la mâchoire. Il m'avouera plus tard, qu'il n'avait jamais pleuré ainsi, même étant enfant. Les larmes étant un signe de faiblesse pour son père. Mais en ce moment, il n'en pouvait plus. Il ne savait quoi faire. Il n'avait rien demandé. Il ne cherchait qu'une réponse salutaire à ses tourments. Juste une innocente question à poser : que suis-je sincèrement ?

Les larmes manquèrent, les tremblements commencèrent à décliner progressivement. La tension fût relâchée. Il reprenait de la force, de cet instant, de relâchement non moins essentiel, il le concevait.

Alors que l'averse s'était arrêtée, il restait là, bien droit, le regard dans le vide. Quelque chose, me dira-t-il, venait de se casser en lui. Un poids qu'il ne pouvait expliquer avec des mots venaient de l'abandonner. Il voyait les choses plus distinctement.

Il se rendit compte qu'il n'avait que pour seule arme, ses deux membres. Ce qui n'était pas très malin dans sa situation. Il se retourna et considéra ce qui semblait être une branche — méfiance — se dit-il. Mais il n'avait plus envie de traîner le pas.

D'un bond, il agrippa la fameuse branche qui n'était, heureusement pas, un animal. Il l'examina minutieusement et en conclu qu'elle lui servirait, provisoirement, d'arme offensive. Il usa de sa kerha pour limer comme il se doit, l'une des extrémités du bois, visiblement bien droite. Cela prenait la forme d'une lance bien pointue. Il remarqua une sorte de plante telle une ficelle qui pendait juste devant lui.

De sa main gauche, il tira le fil jusqu'à lui. En un éclair, il vit deux pupilles se démarquer dans les ténèbres où, il y a encore quelques minutes, il s'était abrité pour échapper à la colère du ciel. Il ne prit pas deux minutes pour réfléchir. Les réflexes à leur paroxysme, il lui planta son bout de bois en plein dans le front. La bête eut tout de même le temps de pousser Nsenga au sol. Ce dernier maintenait sa branche sur le font de grosse bête tout en serrant le crâne bestial. Dès que sa fonction fut établie, la branche venait d'être mise à l'ouvrage. L'animal mort, Nsenga se dégagea avant de décider d'en faire son prochain repas, sans feu.

Quelques heures, bien repu, il jalonnait à nouveau les petits sentiers, non encore coupés, par un tronc d'arbre. Il finit par tomber sur des fleurs bleues violettes qui lui rappelèrent une de ses plantes essentielles à la fabrication de remèdes qu'il avait étudiés durant son enfance. Il s'en rapprocha. Tendis rapidement la main, en étudiant les alentours.

Alors qu'il se rassura et porta l'une de ses plantes au parfum saisissant à ses narines, il remarqua un nouveau danger à sa droite. C'est une sorte d'e-motio qui l'observe curieusement. Dans la seconde, mon compagnon de route mit son cerveau reptilien* en action : fallait-il abattre l'animal sur le champ ou s'en méfier totalement et s'enfuir ?

Il décida de tester l'animal. De sa poche, il sortit un morceau de chair du tvarak abattu et le lança à la bête qu'il distinguait à peine. À l'instant même où la bête croqua le morceau, il l'avala et bondit rapidement pour atteindre le prêtre.

Ce dernier leva immédiatement sa main et produisit une flèche avec sa kerha qui transperça le fauve. Il n'eut pas le temps de s'extasier là-dessus. Un hurlement au loin lui fit comprendre qu'une horde de ses semblables allait bientôt rappliquer.

Il se mit sur le champ au pas de course. Sans se retourner, il fonçait droit devant lui. Il n'avait pas droit à l'erreur. Ou il tombait sur une clairière et se mettait à régler le compte de ses poursuivants ou il devenait le prédateur et de ce fait, se trouvait une cachette, d'où il pourrait abattre ces cibles.

En pleine réflexion, il rate un pas et se retrouve, malgré lui, en chute libre, l'esprit complètement sous le choc. Il finit cependant, par atterrir sur une branche d'un arbre, avant d'achever son vol sur la terre ferme dont les herbes hautes viennent lui chatouiller le visage. Il ne peut ne pas s'empêcher de pousser un cri de douleur et tâter s'il n'a point une blessure à déclarer. Ce qu'il redoute, en ce territoire, ce sont les fractures. Être handicapé, en ces lieux, c'est l'enfer sur terre.

Malheureusement, il a mal. La jambe gauche semble répondre à ces craintes. Après quelques secondes, la frayeur baisse d'intensité. Il s'agit juste d'un déboitement. Après avoir rampé un temps, il se relève en prenant appui au tronc d'arbre responsable de sa survie. Et d'un geste accompagné d'un cri étouffé, il remit sa jambe, à l'endroit. Le problème est réglé. Reste plus qu'à reprendre ses esprits afin de continuer. Depuis son arrivée ici, il s'est fortement habitué à la vue du paysage. Il arrive à distinguer les quelques éléments autour de lui. Dès qu'une chose bouge ne serait-ce que de quelques centimètres, il est en alerte et prêt à réagir.

Soudain, le regard vers sa droite, il aperçoit un autre animal. Exaspéré, mais résigné à devoir en rencontrer un à chaque battement de cil, l'homme s'éloigna de l'arbre et se mit sur la de la bête.

Au premier coup d'œil, c'est une antilope. Mais à son approche, je remarque un pelage blanc avec une corne tout aussi blanche. Sa taille et ses quatre produisant des bruits de sabot, je reconnais avoir affaire à une licorne. Ce qui est des plus troublants, c'est qu'il stoppe sa marche vers moi comme ayant compris l'ordre que je venais de lui donner par ma pensée.

Tandis que je commence à comprendre sa nature, je me rends compte qu'il s'agit d'un e-motio d'élégance ayant la forme d'un cheval. Sa corne étant simplement la manifestation d'une trop forte concentration d'énergie en son sein. Je sais déjà qu'avec elle, ma kerha sera déstabilisée. Sans me le demander deux fois, je m'avance à mon tour. L'animal hennit avant de me laisser me rapprocher et placer ma main sous sa crinière grise.

* reptilien : il s'agit de la partie de notre cerveau comprenant le tube rachidien. C'est notre cerveau archaïque. Celui qui renferme nos réflexes les plus primaires.

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