Tome 1 - Chapitre 2
Petite note : mon mari m'a "kidnappée" depuis hier, pour un week-end anniversaire surprise, donc je répondrais à vos commentaires en rentrant ! Bonne lecture les loulous ;-)
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C'est quand le bon moment !
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Ce samedi matin devait être comme tous les autres, un de ces beaux samedis d'été où j'aurais été réveillée par les rayons du soleil filtrant à travers les persiennes de ma chambre, où je me serais étirée de tout mon long dans ce grand lit aux draps en lin blanc, sur lesquels sont brodées les armoiries de la famille. J'aurais bâillé pour me soustraire aux derniers effets du sommeil, je me serais prélassée. J'aurais pris mon temps avant d'aller à la salle de bain pour passer dans ma douche à l'italienne pour finir de me réveiller sous une eau à la bonne température, ni trop chaude, ni trop froide, juste comme je l'aime. J'y serais restée assez de temps pour me sentir bien, avant d'attaquer une nouvelle journée. J'aurais enfilé un peignoir bien moelleux pour me sécher tout en me brossant les dents, puis j'aurais tressé mes cheveux et j'aurais terminé en m'habillant.
Mais ce samedi deux juillet n'est pas comme les autres, il ne peut pas l'être. J'ai passé une mauvaise nuit, je me suis tournée et retournée dans mon lit sans cesse, ce qui n'est franchement pas dans mes habitudes. Je n'arrête pas de penser à cette journée si spéciale pour moi. À repenser à ce que je dois faire, dire et surtout comment.
Oui, comment est-ce que je vais m'y prendre pour le leur dire ? Quand est-ce le bon moment, mais y en a-t-il un justement ? Je ne le pense pas et j'ai beau tourner les choses dans tous les sens, je ne vois toujours pas de réponse à ces questions. Comment vont-ils réagir à mon annonce ?
Alors ce samedi matin là, même les rayons du soleil qui, d'habitude, enchantent mes réveils n'ont pas pu me détendre. J'espérais que la douche, elle, y arriverait, mais c'est, là aussi, un échec. Je suis tendue et c'est peu de le dire, je sens cette boule au fond de ma gorge qui m'empêche de déglutir facilement, cette sensation d'étouffer, d'avoir le ventre tellement noué que les spasmes me coupent la respiration. Décidément, ce samedi ne sera en rien un samedi comme les autres.
Une fois, prête, je descends l'escalier pour rejoindre la salle à manger où, comme tous les jours, un petit-déjeuner m'attend. Alors, comme d'habitude, je m'assieds à ma place, seule à cette grande table, devant mon jus de fruits frais et mes céréales qui n'attendent plus que je les noie sous le lait, puis que j'y ajoute quelques fruits déjà coupés. Mon choix se porte sur de belles fraises bien rouges et odorantes, ainsi que des pêches de vigne bien juteuses que j'adore.
Madeleine sait à quel point je les aime et je suis sûre qu'elle les a préparées spécialement pour me faire plaisir, pour me donner envie de manger un peu, car elle, elle est consciente que ce samedi va changer ma vie.
Elle seule est informée de mes intentions, elle est l'unique personne à qui je peux en parler, à qui je peux demander conseil, qui peut m'aider, me dire que j'ai pris la bonne décision, que le moment, ce moment, est enfin arrivé.
Une fois mon bol terminé, je remonte dans ma chambre pour terminer ma valise pour ce week-end à la maison de la plage et j'attends l'heure du départ en me perdant dans la contemplation du parc à travers ma fenêtre. Je suis du regard, le jardinier qui découpe les fleurs fanées des nombreux rosiers, quand j'entends frapper à la porte.
— Mademoiselle Orphélia, il est l'heure d'y aller, m'informe Oscar, le majordome.
— J'arrive tout de suite, assuré-je, en ouvrant la porte.
Oscar prend ma valise et me suit jusqu'à l'entrée où Madeleine m'attend déjà.
— Dépêche-toi Orphélia, ce n'est pas le jour pour faire attendre tes parents, voyons.
— Mais j'attendais juste que ça soit l'heure.
— Oui, sauf qu'Oscar a frappé à ta porte pas moins de trois fois avant que tu ne répondes. Que faisais-tu Orphélia ?
— Désolée, je regardais... dis-je confuse.
Sur ces mots, j'entends ma mère arriver. Enfin, j'entends surtout ses talons cliqueter sur le sol à une vitesse folle. Je ne comprendrai jamais comment elle fait pour se déplacer aussi vite malgré la hauteur de ses escarpins, vous savez les fameux escarpins à la semelle rouge. Les seuls qu'elle porte. Elle en possède des dizaines et des dizaines, de toutes couleurs et cuirs différents. C'est simple, à chaque tenue correspond une paire d'escarpins, elle dit toujours : il n'y a qu'eux qui savent épouser aussi bien la forme de mes pieds. Alors que mentalement, je fais encore l'inventaire des chaussures de Gaia, je l'entends m'appeler :
— Orphélia !
— Oui, mère ?
— Arrête de rêvasser ! m'assène-t-elle.
— Oui, mère.
Je baisse les yeux, prise en faute encore une fois.
— C'est déjà assez pénible de passer le week-end là-bas, alors n'en rajoute pas, veux-tu.
Je la suis sans même répondre, de toute façon, elle ne m'écoute même plus, elle donne déjà les ordres au personnel restant à la demeure avant de s'asseoir à l'arrière de la voiture. Je prends place sur l'autre banquette, faisant face à mon père qui nous y attend déjà. Alexandre, notre chauffeur referme la portière derrière moi, tandis que Madeleine s'assied à l'avant, à ses côtés.
— Bonjour, père, dis-je avec respect.
— Bonjour, Orphélia, répond-il sans même lever les yeux de son journal.
Ma mère, elle, est déjà en communication avec le fleuriste, qui a un souci avec certaines fleurs devant composer les bouquets de centre de table. Voyant qu'ils ne me portent aucun intérêt, je regarde le paysage défiler à travers la vitre. Les arbres et herbes vertes du bord de route laissent place aux vignes et nombreux vergers avant que l'on commence à apercevoir cette ligne bleue à l'horizon. Cette ligne qui me dit que d'ici dix minutes, nous serons arrivés. Je connais cette route par cœur, je l'ai prise maintes et maintes fois avec Alexandre et Madeleine, mais c'est la première fois que je fais le chemin avec mes parents et ce sera certainement la dernière.
J'entrouvre légèrement la vitre pour sentir l'air iodé me chatouiller les narines, sentir ce petit vent frôler mon visage, j'arrive... Je vais enfin pouvoir respirer, me retrouver, me perdre dans le bleu de la mer, je vais pouvoir y puiser la force qui me manque tant, je vais pouvoir...
— Orphélia ! Ferme cette vitre, s'exclame Gaia en colère, tu ne vois pas que cela me décoiffe ?
Je souffle discrètement et sans même lui répondre, j'appuie sur le bouton pour relever la vitre. Comme si elle ne pouvait pas le faire elle-même. Non, c'est trop lui demander, on ne sait jamais, elle pourrait se casser un ongle !
Nous traversons le petit village, passons devant la seule épicerie qui fait aussi office de boulangerie, de bureau de presse et de tabac, puis devant le bar où les tables et chaises en fer forgé sont disposées sur la terrasse. Les anciens jouent aux cartes alors que d'autres s'adonnent à la pétanque sur le terrain attenant au bar, à l'ombre des platanes. L'ambiance calme et sereine de ce village me rassure avec ces petites maisons mitoyennes à étages, dont les persiennes sont à demi-relevées pour que la chaleur ne rentre pas trop, ainsi que leurs façades en pierres ornées de bacs à fleurs, toutes plus chatoyantes les unes que les autres. Le village a plusieurs fois reçu le prix « du plus beau village fleuri de France ». Sans le savoir, il m'apporte toute la quiétude dont j'ai besoin et rien que de me savoir ici, je me sens déjà plus calme, plus forte, plus moi.
Enfin, je vois l'imposante bâtisse avec ses grands murs de pierre blanchis par les rayons du soleil. Alexandre ralentit, se positionne face au grand portail en fer forgé bleu, puis actionne l'ouverture de celui-ci en appuyant sur la télécommande. Il redémarre afin d'emprunter l'allée gravillonnée, bordée de chaque côté par des massifs de fleurs, puis s'arrête devant le perron de la maison. Plus que quelques marches à gravir et je serai enfin chez moi.
Cette maison est devenue la mienne à ma majorité comme l'avait précisé ma grand-mère paternelle dans son testament. Elle savait à quel point cette maison m'était chère et à quel point je l'aime. Elle avait voulu me faire ce dernier cadeau, car elle savait très bien qu'il n'y avait que moi dans la famille qui puisse apprécier à sa juste valeur ce joyau qu'est cette vieille bâtisse, qu'elle avait tant aimée, elle aussi. Elle me l'avait léguée aussi pour ennuyer ma mère, qui voulait la vendre pour s'en débarrasser. Car, pour elle, elle n'était pas assez belle, pas assez grande, pas assez moderne et luxueuse pour y recevoir ses connaissances.
C'est donc la première fois qu'ils reviennent depuis que j'ai fait quelques travaux. J'ai peint les énormes poutres de toutes les pièces en blanc pour apporter plus de lumière, j'ai réalisé la décoration selon mon goût, tout en gardant les meubles anciens qui se mélangent à merveille avec les pièces chinées dans les vide-greniers de la région. C'est une autre passion que nous avons en commun, avec Madeleine. Tous les dimanches matin, c'est devenu notre rituel, nous allons de village en village pour essayer de trouver le bibelot ou le vase qui fera notre bonheur et qui embellira cet intérieur auquel je ne veux pas trop toucher. J'ai gardé son sol en tomettes rouges, sa cuisine rustique avec son lavoir qui sert d'évier, la grande table en bois massif et brut, sur laquelle on prépare les repas et où l'on mange.
La seule modification que j'ai voulue dans cette bâtisse, c'est une grande ouverture dans le salon. Des baies vitrées ont été installées pour que je puisse profiter de cette vue magnifique sur la mer par toutes saisons.
Voilà, on y est. On est chez moi, sur le perron. Ils vont passer le pas de la porte et vont découvrir ce que j'ai fait de la maison de grand-mère. Ici, je trouverai le courage de leur parler, je suivrai le plan mis en place avec Madeleine. C'est forcément le bon endroit, c'est le bon moment !
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