Histoires de Scrabble 5

Chapitre 5

Le temps se couvre, l'orage gronde, les cieux se font moins cléments.

Je traverse le Petit Bosquet. Plutôt bien entretenu, je dois l'avouer. J'aperçois, furtivement, un écureuil qui disparaît aussitôt dans son arbre. Mon cheval est en forme, cela fait plaisir à voir. Je le pousse au galop et arrive bientôt en vue de mon lac. Au sommet d'une légère colline, de ma situation surélevée, je vois sa surface trouble se dérober. Elle me présente, inconsciente, le contenu de ses eaux claires, comme une révélation « pot de roseraire ». Mes yeux alors, le temps d'un éclair bien trop long, me font voir et observer, la carcasse décharnée d'une automobile, qui ne m'est point inconnue. Enfouie dans la vase, envahie par les poissons, baignant dans une eau qui, brusquement, se fait opaque.

Tout est camouflé, trop tard, tout est révélé.

Je pense plus, ne vois plus, n'entends plus, ne goûte plus, ne sens plus, ne ressent plus. Ma mémoire vacille, ou plutôt peine à remonter. Remonter une falaise que je me suis moi-même érigé. Un cri me fend, ma main dérape, je retombe dans le vide de l'oubli. J'efface toute trace de ce moment et émerge alors que les cris se prolongent :

- Baron ! Vous êtes arrivés ! Descendez de votre cheval !

- Oui, oui, pardonnez-moi Louise, je pensais à autre chose...

Je suis à l'écurie, mais comment ?

- Vous vous excusez ? Il ne faut pas, vous êtes sûr que tout va bien ?

Sans me laisser le temps de répondre, elle me met la main au front :

- Auriez-vous attrapez un quelconque virus ? Vous êtes chaud.

Je dégage sa main et m'écrie avec véhémence :

- Je vais très bien ! Et je m'occupe très bien de moi-même. Merci de votre sollicitude !

Un bruit de roue sur le gravier, la comtesse arrive !

- Elle est déjà là ?!

- Oui, baron, mais vous ne pouvez l'accueillir dans cette tenue.

Je porte ma tenue d'équitation, aurais-je fait une balade avec mon destrier ?

- Je vais me changer, faites-la patienter dans le petit salon.

- A vos ordres.

Je monte les escaliers quatre à quatre jusqu'à ma chambre, je change de vêtements et redescend. La belle Mme Descartes m'accueille avec un sourire dont elle seule a le secret. Je lui fais le baisemain et nous commençons à discuter :

- Comment allez-vous baron ? Cela fait bien longtemps.

- Trop longtemps, comtesse. Le voyage s'est bien déroulé ?

- Magnifiquement bien, les engins à coussins d'air sont d'un confortable.

- Pardon ?

Gaston tousse. Mme Descartes se reprend :

- Je disais que les coussins dans les voitures sont très confortables.

Elle se reprend ? Comment cela ? Je réponds à la va-vite :

- Ah ? Oui, ils s'améliorent de jour en jour.

- N'est-ce pas ? Mais, je m'inquiète, comment va Elisabeth ?

- De mieux en mieux, elle se remet peu à peu de...

- Son accident, me complète Gaston rapidement.

- Oh oui, c'était tellement inattendu et tragique, commente la comtesse. Heureusement que son état s'améliore.

Un accident ? Quel accident ? Pourquoi ma femme est-elle à l'hôpital déjà ? Qu'est-ce qui était inattendu ?

- Baron ? Vous semblez ailleurs.

Ah ! La harpie est là ! Quand est-elle arrivée ? Pourquoi ne suis-je plus sur mon cheval ? Mon corps réagit à la question par réflexe, très calmement, comme une leçon apprise par cœur :

- Je ne suis pas baron. Le baron, c'est mon père.

Elle me regarde, choquée. Elle semble chercher du secours en regardant Gaston. Qu'ai-je dit de mal ? Mon majordome m'adresse la parole :

- Monsieur, pardonnez Mme Descartes, sa langue a fourché. Vous ressemblez tellement à votre paternel. Je crois qu'elle est un peu fatiguée par le voyage. Elle va aller se reposer avant le déjeuner. Qu'en dites-vous comtesse ? Je vais vous guider à votre chambre.

- Merci, mon brave, fait-elle en reprenant de se contenance.

Qu'est-ce qui l'avait mis dans cet état ? Je ne comprends pas. 

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